Tout d'abord, l'histoire n'est pas de moi. Le véritable auteur s'appelle
Badcoin et le véritable titre est :
Digimon Adventure 6.
Pour ceux qui ont suivi le lien, vous remarquerez que l'histoire est en anglais et pour ceux qui lisent l'anglais, que son premier chapitre fait difficilement plus de vingt lignes, dialogues compris, quand le mien tient en huit pages.
J'ai en fait demandé - et obtenu - son autorisation pour réécrire et traduire intégralement son texte en français.
Vous allez donc découvrir l'histoire de Badcoin, un "crossover" de Sonic et Digimon avec en vedette Tails, parce qu'il aime beaucoup Tails et, allez savoir pourquoi, moi aussi.
Si donc vous avez quoi que ce soit à redire sur le contenu même, ma réponse sera invariablement "ce n'est pas ma faute". Sur la forme par contre, ah ah ah, je vous attends de pied ferme.
Je vais commencer en douceur, en découpant le premier chapitre en trois parties, soit au moins trois semaines tranquille pour peaufiner le second chapitre.
Point important, même en cas de réponse, je ne ferai qu'un message par chapitre, donc édition de celui-ci. Après deux semaines, ne vous demandez pas pourquoi ça n'a pas bougé : j'aurai édité.
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Face
Digimon Adventure 6
Chapitre 1 - La bataille perdue
Dans la nuit les nuages noirs pesants formaient une frontière vide et froide, séparant le ciel de la terre. Depuis l’horizon courait une vague foule de feuillages indistincts, ainsi que des lueurs crues telles des astres vaincus qui allaient s’éteindre, les lumières du village. Assis sur une souche d’arbre, le jeune renard cherchait du regard une étoile, ou quelqu’un, au travers du barrage sombre infranchissable. Près de lui les branches pendaient, l’écorce des troncs se chargeait de plaques de mousse incolores et leurs ombres entremêlées, déchirées, rampaient jusqu’à ses pieds. Parfois une goutte d’eau en suspens à la pointe d’une feuille finissait par tomber, avec une brève note douce que provoquait la séparation. Parfois aussi un soudain éclair à l’horizon dévoilait une distante tour de métal, et sa vue faisait frissonner la fourrure orangée du renard. Il s’appelait Tails et, surpris par un cauchemar, arraché à la quiétude du sommeil, il contemplait l’amalgame lourd du ciel, sans savoir comment l’atteindre.
Peut-être ne le voulait-il plus. La quiétude et l’insouciance de ces derniers temps avaient ouvert une brèche dans ses rêves comme dans ses convictions. Lui n’attendait plus rien ni personne, personne dans ce ciel fermé ne semblait l’attendre. S’envoler dans les airs, toujours plus haut, toujours plus loin, avait perdu de son sens. Voilà peut-être, plus qu’une étoile, ce que cherchait dans la nuit le jeune renard. Ses deux queues touffues reposaient sur le côté, à peine de temps en temps remuées mollement. La nuit ne lui offrait pas de réponses, sans doute parce qu’il n’avait plus de questions, parce que, par ignorance ou par indifférence, il était simplement heureux.
Un bruit étrange, vite étouffé, sorte de tintement de cloche, surprit son ouïe, mais très vite ce silence d’encre retomba. Comme le bonheur n’était pas un crime, le renardeau finit par se lever, un dernier regard dirigé vers la masse céleste, avant de regagner le village.
Des coups portés à la porte de sa chambre firent se lever en sursaut le renard. Sonic se tenait dans l’encadrement, un large sourire accueillant à son visage.
- On se lève, Tails ! Il est déjà dix heures !
Le renardeau passa longuement la main sur ses yeux, trop vite arraché à son rêve qui demeurait quelque part au fond de son inconscient. Par la fenêtre fermée rentrait une lumière chaleureuse, avec les rumeurs lointaines de la rue où défilait déjà l’activité du village. Parce qu’il avait son lit près de la vitre, le jeune renard n’eut qu’à tourner la tête pour regarder au travers, puis quitter son lit dans un bâillement. Sonic parlait d’une rencontre faite dans la rue, et de l’odeur des cuisines.
- Eh, tu m’écoutes ?
- Bien sûr.
Peut-être le renard n’était-il que mal éveillé, et Sonic choisit cette option pour lui répondre, occupé cependant à ranger une série d’anneaux dorés, pendant que son ami enfilait ses chaussures et ses gants. Un seau d’eau reposait dans un coin de la pièce, rempli d’eau dont la surface refléta les traits du jeune compagnon. Lui aussi se trouvait moins souriant que d’habitude. Il plongea ses mains, effaçant l’image, pour se rafraîchir le museau, ensuite s’essuya avec une serviette fine et un peu rêche. Le hérisson bleu attendait devant la porte, tapotant du pied dans son empressement, et bras croisés. Leur ventre grondait du jeun de la nuit, impatience creusée encore par leur longue course de la veille, qui les avait empêché d’arriver à temps chez leur ami.
Plusieurs connaissances avaient motivé leur arrêt dans ce petit village retiré en bordure de la Grande Forêt. Parmi celles-ci se trouvait un restaurateur, hibou de bel âge et doté d’un fort caractère dont ils avaient sauvé le commerce par le passé. L’envie de le revoir se mêlait à leur appétit, joignant ainsi l’utile à l’agréable. Aucun autre mode de vie n’aurait convenu aux deux amis. Cependant le couloir de l’étage, tout de bois comme la chambre, puis l’escalier assez étroit de la petite auberge leur parurent vides, presque tristes, depuis leur dernière visite. La nuit avait voilé leur aspect vétuste et usé, « fatigué » d’après Sonic. Il manquait l’activité de la rue, et quelqu’un à saluer au passage, au moins d’un geste de la main.
Arrivés dans la rue, les deux mobiens se joignirent à la foule indistincte, au final assez rare, qui se retournait parfois à leur passage, de même que des têtes passées par la fenêtre. Les habitants les connaissaient bien, mais chacune de leurs venues était un événement pour cette petite communauté. Aussi, plusieurs leur souhaitaient une bonne journée, un sourire aux lèvres, avant de s’éloigner lentement de l’autre côté de la ruelle. Le restaurant, avec son affiche autrefois illuminée, reposait au bout de la rue principale, là d’où venaient les voyageurs. Ses murs blancs lisses attiraient l’œil, ainsi que son petit escalier de trois marches qu’on pouvait plus facilement enjamber.
- Sonic ! Tails ! Cette surprise !
Leur ami les saluait de son aile, une louche dans l’autre, son tablier lui recouvrant la poitrine jusqu’aux pattes. Un plumage noir défiait les rayons du soleil et faisait ressortir son petit bec. Derrière lui sa fille, en robe de serveuse, fit un petit salut timide. Cependant ils se tendaient la main et, après quelques échanges de joie, tous allèrent à l’intérieur du restaurant, à une table vide. Les clients avaient eu aussi salué, contents de voir le héros de Mobius ici, pour ensuite retourner à leur repas. Le café fumait, pas seulement du café, et une grosse marmite bouillait au fond, derrière le comptoir, de matière plastique celui-là, qui séparait la cuisine des tables. Sonic eut le temps de lever un doigt, sans plus, car déjà deux assiettes emplies de hot-dogs surgissaient devant lui.
- Alors, qu’est-ce qui t’amènes ici ?
- Un bon vent, répondit le hérisson, et l’envie de te revoir.
Il avait déjà fini son plat, tandis que Tails entamait sa seconde saucisse. La sauce lui piquait le palais, mais il ne disait rien. Autour d’eux les clients étaient occupés à manger, à discuter entre eux, pour la plupart des voyageurs, d’autres plongés dans leur journal, si bien que seule la fille du hibou s’intéressait encore à eux, jetant quelques regards discrets à leur table, son plateau en main pour la cacher. Son père la tenait sous son aile, dirigeant tout de sa volonté ferme, et cette attitude parfois admirable dérangeait à d’autres moments le renard.
Sa seconde assiette finie, Sonic glissa contre son siège, les deux mains derrière la tête. Son compagnon entamait la dernière saucisse, plein d’appétit, et déjà ils parlaient de s’en aller. Alors la serveuse, passant vers eux pour les débarrasser, glissa timidement : « est-ce que… » Elle n’osait pas terminer sa phrase, mais le regard surpris, amical du hérisson la convainquit de continuer. « Vous allez détruire la tour ? » A cet instant son père l’appela et elle, se retournant soudain, lui répondit pour se précipiter à ses côtés, sans attendre de réponse. Tails avait entendu aussi la question, sans la comprendre vraiment.
Quand leur ami revint, le renard le premier demanda ce qu’il savait au sujet de la haute construction de métal.
- La tour ? Elle est là depuis un bout de temps, et entre nous, je n’ai pas la moindre idée de son emploi. C’est à croire que le docteur a oublié son existence.
- Alors ce sera vite fait, répondit Sonic dans un sourire.
- Vous allez la détruire, hein ? Nous, on ne demande pas mieux, mais ce serait fanfaronner, parce qu’à tout le village on n’y arriverait pas. Alors, depuis le temps, on a fait avec.
Ces derniers mots avaient dérangé les deux compagnons qui se regardèrent, sans pour autant manquer de politesse. Le repas payé, Sonic demanda encore des provisions pour le voyage, ce que le hibou se fit un plaisir d’accepter. Pendant qu’il retournait à sa marmite, Tails quitta sa chaise, plus sensible que son ami aux paroles du hibou. Il avait envie de sortir, sans savoir ce qui occupait son esprit. Ses yeux, se promenant dans la rue par la fenêtre, tombèrent alors sur un jeune écureuil à moitié caché par les ombres de deux bâtiments. Aussitôt le renard le reconnut et le désigna à son ami. Le hérisson haussa les épaules, puis :
- Va le rejoindre. Je te retrouve dès que les provisions sont prêtes.
- Ca ne prendra pas long ! ajouta le hibou avec fierté.
Dehors, Tails se sentit presque rassuré. Maintenant il comprenait ce qui les avait dérangé : de la peur dans ces derniers mots, et quelque chose de défaitiste qui ne ressemblait par à leur ami. Cependant l’air chaud du dehors caressa sa fourrure et le calme de la rue lui rendit son insouciance. Il courut là où avait disparu l’écureuil, pour le rencontrer au bout de la ruelle, près de trois poubelles fermées, de vieux métal gris. « Tails ? » Le renard lui apportait un hot-dog. « Tu es sûr ? » Il acquiesça, content de retrouver ce camarade, même si au fond ils se connaissaient mal.
Tandis que l’écureuil mangeait, il lui demandait de raconter ses aventures, et puis ce qu’avait fait Sonic, avec des yeux brillant d’admiration. L’odeur des poubelles ne les gênait pas, de même que s’asseoir dans la terre sale. Cependant le jeune habitant s’inquiétait du confort de son ami, sans y parvenir vraiment, au point d’en rire. A peine eut-il fini son dernier morceau qu’il prit le renard par la main et le pressa de le suivre. Tous deux coururent au travers du village, sans s’inquiéter pour le hérisson, jusqu’à la cachette en soupirail où la queue de l’écureuil disparut un temps.
- Regarde, dit-il en reparaissant, j’ai trouvé ça récemment.
Il tendait au renard un petit boîtier aux formes bombées, muni d’un minuscule écran cassé, couvert de crasse. L’appareil, hors d’état de fonctionner, attisait cependant l’intérêt de Tails. Il comprenait sans peine qu’il s’agissait d’un cadeau, et cette idée, plus que sa passion pour l’électronique, lui faisait trouver de la valeur dans l’objet. Son ami le lui tendit, son visage éclairé par la joie, rayonnant quand il le lui prit. Toutefois aucun des deux ne pouvait dire à quoi il servait, et Tails, à court d’idées, demanda à son ami où il l’avait trouvé.
- Dans la forêt, après la bataille.
- La bataille ?
- Oh non ! lança l’écureuil en se couvrant la bouche. Viens, vite !
Tous deux disparurent par le soupirail, comme un jeu de cache-cache qui aurait commencé, un jeu qui inquiétait le renard.
A l’intérieur, tout était sombre. Ce n’était même pas une cave, mais plus petit, avec du charbon en tas qui s’appuyait contre un bord et s’étendait par terre, puis une pelle, puis quelques boites empilées, de vieilles bouteilles et un tapis camouflé dans l’ombre, sur le côté du soupirail. A l’odeur de renfermé s’ajoutait celle étouffante de cendre. Cependant l’écureuil le tirait vers le fond, vers le tapis, comme s’il avait peur même de la lumière du soleil. Quand ils furent tous deux bien cachés :
- Je suis désolé, on a encore tous un peu peur.
- Peur de quoi ? Je ne comprends pas, qu’est-ce qui se passe ?
L’écureuil avait des yeux sombres qui s’éteignaient dans les ténèbres.
- Au début, dans la tour, il y avait un monstre, et puis le ciel qui s’ouvre, comme ça ! Il ouvrit largement les bras. Alors Eggman a promis de ne pas toucher au village, mais il fallait qu’on ne dise rien, sinon il nous détruisait.
L’enfant reprit son souffle. Il essayait de sourire, de paraître courageux, sans y parvenir vraiment. Près d’eux une petite conduite laissait goutter un liquide lourd qui emportait la rouille. L’odeur se faisait plus forte, presque agressive.
- Ensuite, on a tous cru que c’était fini, et tant qu’on ne s’occupait pas de la tour, tout allait bien. Alors on s’est tous mis à faire semblant que rien ne s’était passé. Et puis le monstre s’est échappé.
Il se recroquevilla, le regard fixé au sol.
- Parce qu’on ne veut pas mourir, tu comprends ? Si la tour est détruite, si le monstre est tué, Eggman détruira le village. Alors on fait semblant, tu comprends ?
- Non, je ne comprends pas !
Tails avait lancé ces mots d’un trait, comme poussé par une force intérieure. Pour lui, il ne fallait plus craindre Eggman, et puis il y avait les Combattants de la Liberté, et puis Sonic, et ça ne servait à rien de se cacher la vérité. Toutes les raisons défilaient dans sa tête, comme un vaste brasier.
- Tu as raison, répondit avec honte l’écureuil. C’est juste que, voilà, on n’est pas des héros. Et puis je pensais que c’était fini, parce qu’après la bataille, il n’y a plus rien eu, alors ça importe peu, hein ? Quand je suis allé voir, il y avait plein de robots détruits, alors c’est une bonne chose, non ? C’est lâche, mais je ne veux pas que le village soit détruit.
Un instant de silence les sépara, brisé soudain par une goutte chargée qui s’écrasa sur le charbon.
- Je suis content d’avoir pu te le dire. Depuis le début, je voulais, mais à chaque fois mon ventre se nouait, comme si le ciel allait s’ouvrir. Alors j’espérais que ça reviendrait, juste pour que je puisse te le dire.
Tails lui dit quelques mots de réconfort, parce qu’au fond, lui aussi avait eu peur, cette nuit, rien qu’en voyant la tour, et sans Sonic… Il quitta l’écureuil, non sans lui promettre de détruire la tour et de sauver le village. Les paroles du hibou lui revenaient à l’esprit, comme une mauvaise mélodie. Devant le restaurant, personne n’attendait. Le renard entra en courant, de la sueur sur son visage, qui coulait le long du poil. « Ah, Tails, Sonic est déjà parti. » Il n’entendait plus vraiment, incapable de réaliser ce qui se passait. Tout allait trop vite, bien trop vite, comme un cauchemar. « Il faut que je te dise, au sujet de la tour… »
- Je sais, il faut que j’y aille !
Le hibou resta là, deux pas devant son comptoir, l’aile levée, sans parvenir à dire un mot.
Passé les quelques champs, une petite route de terre s’enfonçait dans un vaste bois qui courait le long des collines et s’étendait en bras jusque sur le côté du village. La tour, encore lointaine et perdue comme un long trait fin effacé dans le ciel, paraissait à présent une lame dressée prête à s’abattre, étincelante aux rayons du soleil. Les branchages chargés de feuilles recouvraient souvent cette construction, et Tails reportait alors son attention sur le terrain couvert d’herbes et de buissons, de larges fleurs colorées et éblouissantes. L’air sifflait à ses oreilles et lui battait le visage, comme des lames surgies du vide, et son cœur bondissait à l’appel secret de l’amitié.
Il ne comprenait pas pourquoi Sonic était parti sans l’attendre, sans vouloir comprendre vraiment. Plus rien d’autre ne comptait que de le rejoindre, et tout lui disait que son ami l’attendait là-bas, devant la tour, se battant peut-être déjà. Sans son avion, Tails se sentit soudain démuni, mais il ne comptait pas reculer devant l’adversité, et savoir Sonic là-bas lui donnait tout le courage nécessaire pour avancer. De toute manière, il avait promis. La première colline passée, le renard s’arrêta un court instant. Entre les arbres venaient de passer des buzzbombers, jaunes et noirs, bourdonnants, qui l’attaqueraient sans hésiter. Sonic les aurait détruits, mais son ami préféra les contourner.
Plus loin passait une route étroite de terre et de cailloux, chargée de marques de roues et de chenilles, de traces de pas. Il allait la traverser quand un grondement lointain surgit, le faisant sursauter, au point qu’il préféra se cacher dans un buisson. Le son s’amplifiait à mesure que les secondes passaient, et bientôt il distingua le roulement des chenilles au ronronnement des moteurs, et la foulée des cerbères. Un éclaireur passa devant lui, sifflant dans l’air, son habitacle de métal lisse glissant sans peine, puis l’engin disparut au détour de la route. Alors le convoi apparut, lourdement gardé, cerné par une colonne de robots sur chaque côté, qui marchaient d’un pas égal et saccadé.
Au centre roulait lourdement un énorme transporteur chargé de conteneurs en métal dont plusieurs étaient grillagés. Comme aucune voix n’en sortait, le renard préféra croire que c’était du fret, transporté dans ces anciennes cages par défaut. Soudain une explosion retentit plus loin, faisant surgir une colonne de fumée noire. Sonic ? Il devait en tout cas s’agir du véhicule éclaireur, et cela avait immobilisé le convoi. Les robots, au lieu de se tourner vers la forêt, braquèrent leurs armes sur le transporteur, pour attendre ensuite, silencieux. Un ordre robotique éclata alors, et les deux colonnes de cerbères partirent en courant vers la colonne de fumée, ne laissant que les blindés et des buzzbombers pour garder le convoi. Pour les avoir vu de près, Tails remarqua que les robots avaient été pour beaucoup endommagés.
Il profita cependant de l’occasion, poussé par la curiosité et comptant peut-être s’introduire dans la tour en se cachant dans un conteneur. Les insectes de métal passèrent devant lui, lui opposant leur dos, ce qui décida le renard à agir. Il se précipita à découvert, aussi vite qu’il put, pour se jeter derrière une des motrices qui le cachait des blindés. Sa respiration l’effrayait et pourtant il ne se sentait pas repéré. Le jeune renard attendit un nouveau passage des robots dans le ciel pour ensuite escalader le flanc du transporteur et se glisser rapidement entre les caisses. Sa petite taille, l’agitation et le soleil avaient dû jouer en sa faveur, mais il craignait aussi un nouveau piège du savant fou.
- Toi…
Tails s’arrêta net, adossé à une paroi de conteneur, le poil hérissé.
- Toi…
La voix grave avait quelque chose de cruel, d’enragé et en même temps de plaintif. Elle roulait avec lenteur, faisant frissonner le renard comme un souffle tremblant sur sa nuque.
- Libère-moi…
Il s’approcha des barreaux, incapable de reprendre sa respiration, pour voir surgir un bras sombre et métallique qui chercha à l’agripper.
- Libère-moi !
L’aboiement attira les buzzbombers : Tails, apeuré, s’enfuit aussitôt, sautant à terre pour s’enfuir dans la forêt, sous les tirs de laser des robots.
Personne ne l’avait poursuivi, et arrivé devant la tour, personne ne l’attendait. Le jeune renard regarda encore autour de lui, désorienté, puis reporta son attention sur la haute et large tour, comme un vaste empilement de disques argentés, qui le surplombait et l’écrasait. Une enceinte l’entourait, d’un métal sombre, et deux ou trois hangars dépassaient aussi, formant un petit complexe tout autour. Aucune trace de Sonic. Aucune défense aérienne non plus, ni aucun garde visible. Le piège semblait se refermer, et Tails était tenté de fuir, avec l’idée de rejoindre Sonic, ou de l’attendre, n’importe quoi qui lui permettrait de partir. « Il est toujours facile d’entrer, jamais de ressortir. »
Mais le souvenir du village lui revint, la peur et aussi sa promesse. Aussi, il y avait ce rêve, comme une obligation de continuer. « Si je recule maintenant, je ne pourrai plus jamais avancer. » Il regarda le mur, mesura ses chances, puis jeta un œil derrière lui. S’il y avait le moindre problème, Sonic viendrait le sauver : cette ultime pensée le fit sortir de sa cachette et, au mouvement ascendant de ses queues, passer au-dessus du mur.
Une pluie de lasers l’accueillit, crépitant dans le ciel, qui l’obligea à piquer rapidement pour ne pas être touché. Des dizaines de cerbères, le bras dressé, ouvraient un feu infernal pour l’atteindre, plus pour le capturer, et cela faisait toute la différence. Heureusement la tour proche offrit un écran à la majeure partie des tirs. Tails se posa sur l’un des disques composant la structure, à la recherche d’un moyen d’entrer. Déjà les blindés prenaient de l’altitude et leur sifflement se rapprochait, menaçant. Le renard courut sur la surface en pente, près de glisser à tout instant. Dans son dos apparurent les appareils, leur canon pointé sur lui, et les tirs fusèrent.
Le renard fit tourner ses deux queues et, dans un bond vers le vide, s’envola loin des décharges fracassantes. A nouveau les tirs l’entourèrent, si proches qu’il croyait en sentir les brûlures. Son mouvement l’emmena au milieu des blindés où il passa en flèche pour, un étage plus bas, sa cacher de l’autre côté de la tour. Un déchirement lui fit tourner la tête, à temps pour voir la traînée ardente de missiles. Il se jeta en avant et dans son dos détona la première ogive, si violemment qu’il faillit être jeté dans le vide. Les éclats de métal balayés soufflèrent au-dessus de lui en même temps que les flammes, mais déjà d’autres projectiles s’approchaient, l’obligeant à courir. Explosion après explosion, toute la face de cet étage s’embrasa pour ensuite dégager un vaste champ de fumée.
Tails se releva avec peine, pour sentir une affreuse douleur à la jambe. Une pièce tranchante s’y était enfoncée, dépassant encore sur le côté, assez pour la retirer d’un coup sec. Il n’en eut pas le courage. Heureusement ses yeux tombèrent sur une plaque d’aération en partie défoncée par les déflagrations. Tandis que la fumée se dispersait, le renard tira et frappa la grille pour l’arracher, la faisant à peine bouger. Les blindés apparurent, avec leurs longs canons pointés tels des doigts blancs décharnés. Ils tirèrent sans ajuster, touchant la paroi de métal avec violence. Le renard, effrayé, tenta alors de s’introduire par le petit espace laissé par la grille, sans y parvenir. Le métal rendu tranchant et le passage étroit firent saigner son pelage.
Soudain les blindés décrochèrent, et dans la cour de l’installation retentirent plusieurs explosions. Tails ne s’en préoccupait plus, trop pressé de se mettre à l’abri dans la tour. Il passa finalement, pour se retrouver dans un conduit étroit et blanc, éclairé malgré l’absence de lampes, presque irréel. Une de ses oreilles sifflait, probablement entaillée, mais surtout ses épaules et sa jambe le faisaient souffrir. Cependant il rampait dans le conduit, jusqu’à une cheminée verticale trop étroit pour lui permettre de voler. « C’est peut-être aussi loin que je peux aller », se dit le petit renard. Malgré cette pensée, le renard accroupi bondit pour se rattraper de l’autre côté, à l’entrée d’un autre conduit qu’il emprunta.
Sa progression l’amena enfin dans un couloir de la tour, assez large pour lui permettre d’employer ses queues. Le passage était en pente, montant en cercle sans doute jusqu’au sommet de l’installation. Des portes grises assorties d’énormes numéros se succédaient sur un côté, l’autre faisant face à l’extérieur et couvert d’appareils divers. Aucun robot ne passait mais parfois des cerbères gardaient l’une ou l’autre des portes, et des sas de sécurité le long du couloir. Le renard les contournait alors par les diverses salles qui, reliées par les conduits de ventilation, lui permettaient de progresser à bonne allure. Plus que tout il craignait les caméras, mais celles-ci, immobiles, semblaient presque éteintes. L’installation toute entière paraissait plongée dans un profond sommeil.
Enfin le renard atteignit le dernier étage, dont la porte était gardée par deux robots de série E, rouges à tête jaune et plate, armés trop lourdement pour être défiés. Le renard traversa alors plusieurs salles de stockage avant d’atteindre, par le biais d’un nouveau conduit, ce qui semblait être un vaste puits fermé à son sommet par un sas sphérique à roue. Il devait s’agir du seul accès possible pour le sommet de la tour, mais le puits était empli de courants électriques qui le rendaient impraticable. Le renard s’approcha des consoles d’ordinateur disponibles, sans trouver rien d’intéressant. Une porte s’ouvrit dans son dos ; un série E venait d’entrer ; Tails se jeta à terre, à temps pour éviter le tir de mitrailleuse.
La machine passa entre les consoles, ses pieds métalliques tombant lourdement sur le plancher. Il passa près du puits, à la recherche de son adversaire : Tails quitta sa cachette, repéré aussitôt. Une grêle de balles traversa les ordinateurs, brisant les écrans, mettant feu aux composants. Cependant Tails s’était envolé et, dans un mouvement circulaire, au lieu de fuir, il chargeait le robot. Un coup de pied atteignit la tête, sans parvenir à déstabiliser la machine qui riposta, tirant plusieurs missiles dans la pièce qui s’embrasa toute entière. Cependant Tails revenait à la charge, frôlé de près par quelques tirs désordonnés de l’unité qui, reculant pour maintenir son adversaire à distance, reçut les deux queues du renard au visage, avec tant de violence qu’elle risqua tomber.
Une dernière fois, Tails se lança contre la machine, la frappant tandis qu’elle se redressait, pour la faire vaciller et reculer encore, jusqu’au bord du puits. Autour d’eux les câbles du plafond se détachaient et pendaient en brûlant, en même temps que les écrans explosaient dans de violentes détonations. Le robot tira encore, ses capteurs endommagés, pour faucher les murs de ses munitions. Un dernier coup de poing du renard lui fit perdre l’équilibre et briser la vitre renforcée du puits. Aussitôt une tempête de décharges enragées surgit, faisant griller la machine et envahissant la salle, au point de jeter le renard à terre. Le robot de série E, tel une torche de feu, sombra et disparut dans le puits pour exploser dans son fond. Les décharges cessèrent alors, ne laissant que les flammes.
En passant le sas, Tails se demandait ce qu’il allait trouver. Impossible de savoir si, dehors, le combat continuait. Sans doute Eggman l’attendait-il, mais le jeune renard ne doutait plus de pouvoir le battre : il croyait en lui-même.
- Bienvenue, très cher !
La voix du savant le fit sursauter. Il se trouvait alors au milieu d’une vaste pièce vide dont le plafond semblait un ciel immense et rempli d’étoiles. Au-dessus de lui brillait une sphère jaune et sur le côté, assis dans son véhicule personnel, le regardait le docteur, avec son abondante moustache et ses habits de toujours.
- Eggman !
- Avec tout le déplaisir de te revoir, mais je m’attendais plutôt à Sonic. J’avoue être extrêmement déçu.
- Tu le seras encore plus quand je t’aurai vaincu !
- Ne me fais pas rire ! Le docteur eut un ricanement sinistre. Tu ne sais même pas ce qui t’attend.
Il appuya sur un bouton et, aussitôt, la sphère jaune envahit toute la pièce. Alors le plafond sembla s’ouvrir, non pas sur le ciel mais sur une immense fissure béante dont l’intérieur était hachuré de longs traits verts et rigides qui défilaient comme des grillages interminables. Tails s’avança, prêt au combat malgré sa jambe blessée. Cela ne fit que rire encore plus le professeur qui pressa un second bouton. Aussitôt les pieds du renard quittèrent le plancher et, sa fourrure comme aimantée, il se retrouva emporté dans la fissure en même temps que le professeur.
L’instant d’après, ils étaient dans l’espace.
- Tu te demandes certainement ce qui se passe. C’est simple : tu es à la frontière de l’arme la plus destructrice de l’univers ! Des milliers d’esprits géniaux n’ont pas réussi à comprendre son potentiel, mais moi, Ivo « Eggman » Robotnik, je m’en suis emparé ! Et maintenant, mon cher Tails, tu vas en être la première victime.
- Pas si je gagne ! lança le renard en s’élançant, grâce à ses queues, jusqu’à son ennemi.
Le combat s’engagea mais, protégé par un champ de force, le savant n’eut pas un geste à faire pour repousser son ennemi. Il dressa ensuite le doigt et une décharge électrique s’empara du corps du petit renard, lui arrachant ses forces et paralysant ses muscles. Tails n’arrivait plus à hurler. Il était vaincu, brisé et sans défense, à la merci de son adversaire.
- Allons, Tails, qu’est-ce qui ne va pas ? Eggman est trop fort pour toi ? Le docteur ricana encore, avec lenteur. Je ferais mieux de t’envoyer ailleurs, dans un lieu où tu souffriras beaucoup.
L’espace disparut et la gravité rejeta le renard contre le sol de la tour. Il respirait difficilement, les yeux mi-clos, cherchant un repère pour ne pas sombrer, incapable de bouger même un muscle. Eggman se saisit de sa jambe blessée pour le traîner jusqu’à la sphère jaune. Celle-ci devint une colonne lumineuse dans laquelle le docteur lança sa victime avant de claquer des doigts : la colonne s’éteignit soudain et tout le reste ne fut plus que ténèbres.