« C’est encore looooiiiiiinnnnnn ? brailla Charmy au bout de quelques minutes.
- Nan, c’est juste dans ce couloir là, répondit le crocodile. »
Ils changèrent une dernière fois de corridor et arrivèrent bientôt à côté d’une porte tout à fait comme les autres. A l’exception près que l’habituelle plaque en fer était ici en plastique blanc, et beaucoup plus grande que les autres. L’inscription : « Cabinet d’avocat Wright & Co. » était gravée dessus en lettres noires. Vector se remit à trembler comme au téléphone. Il leva nerveusement son poing, comme pour toquer à la porte, mais resta figé sur place à trembloter inutilement.
« Ben alors, vas-y ! s’impatienta Espio. Frappe à la porte !
- … Je stresse …
- Tu stresses de quoi ?
- C’est la première fois que je vais pouvoir lui parler … J’ai le trac.
- Raah mais c’est pas comme ça qu’on va sortir Tails de prison ! s’énerva le caméléon. Si t’es pas capable de taper à une porte, je m’en vais l’ouvrir moi-même !
- Nan mais t’es pas bien !? fit le détective en cessant de trembler et se retournant vers son collègue. Ca ne se fait pas d’entrer sans frapper !
- Alors vas-y, frappe ! Qu’est-ce que t’attends ?
- Depuis quand tu te permets de me donner des ordres !?
- Ouvre cette fichue porte, bon sang !
- Vous avez fini, oui ? intervint l’abeille. J’en ai marre de vous voir vous crier dessus pour des broutilles !
- La ferme, je fais c’que j’veux ! répondit le crocodile sans prêter attention à Charmy.
- Je te rappelle que c’est TOI qui as tant insisté pour qu’on vienne fourrer notre nez dans cette satanée ville ! Et maintenant qu’on touche au but, c’est une stupide porte qui t’empêche de continuer ? »
Pendant leur dispute puérile, Amy et Cream les regardaient en silence, non sans se retenir de sourire. Luke, quant à lui, avait besoin de quelques explications.
« Vous connaissiez cette paire de guignols ? demanda-t-il avec le ton le plus neutre imaginable.
- Oui, bien sûr, répondit la lapine en riant. Depuis longtemps, en fait.
- Ils ont toujours été comme ça ?
- Pas toujours, mais … on va dire souvent.
- Je commence à me demander si j’ai choisi le meilleur endroit pour apparaître dans ce monde. »
Les deux fâchés, eux, ne s’étaient toujours pas calmés.
« Bon, ça y est, j’en ai marre ! déclara le caméléon. Je vais l’ouvrir à ta place, si tu n’en es pas capable ! »
Il posa sa main sur la poignée.
« Hé ! Retire tout de suite tes sales pattes de là ! »
Le détective flanqua sa main sur celle du ninja. S’ensuivit un véritable duel de force où l’un voulait ouvrir et l’autre l’en empêcher.
« Lâche ça ! ordonna le croco.
- Laisse-moi tranquille, espèce de fêlé des oreilles ! pesta le caméléon.
- T’as dit quelque chose, corne nasale ? »
Tout d’un coup, la porte se déroba juste devant eux et ils tombèrent bêtement à l’intérieur de la pièce, sur le seuil, dans un « Whaaaa ! » d’étonnement. Ils se rendirent rapidement compte qu’à cause de leur remue-ménage, la poignée avait fini par s’abaisser et les emporter tous deux dans le mouvement d’ouverture. Ils étaient là, affalés ventre à terre, sous les rires de leurs compagnons hilares et le regard interrogateur d’un hérisson au fond de la salle.
« Je te déteste, Vector.
- C’est réciproque, Espio. »
( ♫ ) Cream et Amy entrèrent dans la petite salle et aidèrent les deux Chaotix à se relever. Charmy riait encore de leur gaffe et virevoltait autour d’eux en s’esclaffant et les pointant du doigt. Luke entra à son tour, les yeux fermés et les bras croisés, préférant faire comme s’il n’avait rien vu. Il s’agissait bien de l’endroit où le crocodile avait appelé plus tôt dans la matinée, mais là, les stores étaient ouverts et la lumière avait inondé la pièce. L’hybride de tout à l’heure était assis à son bureau avec un cahier devant lui, dévisageant le groupe avec de grands yeux et un sourire discret.
« Euh … bonjour ? salua-t-il avec une voix claire.
- Bonjour monsieur Wright ! répondit Vector en se redressant d’un seul coup. C’est … c’est un immense honneur de vous rencontrer !
- Alors c’est ça, un avocat …? songea le porc-épic à haute voix, ayant rouvert ses yeux. »
Phoenix Wright était un hérisson de couleur bleu marine, mais beaucoup plus foncée que Sonic. Ses quelques épines étaient assez courtes mais épaisses, orientées droit vers l’arrière et disposées de manière à créer une continuité pointue derrière sa tête. L’expression de son visage donnait une étrange impression de fatigue, avec un sourire absent et des yeux lassés, surplombés de singuliers sourcils en forme d’éclair. Ses oreilles, semblables à celles de tout hérisson, se dressaient au-dessus de son front. Une caractéristique notable de son apparence était qu’il portait des vêtements. Le plus en évidence était un costard bleu ciel, avec un petit bout de métal jaune accroché sur le col. En dessous, il était vêtu d’un longues-manches blanc à col replié, avec une cravate rouge bordeaux. Ses jambes étaient couvertes par un pantalon de même couleur que son costume, et ses pieds par des souliers de cuir marron. Concernant ses gants, ils étaient tout à fait classiques. Etant adulte, il était légèrement plus petit que Vector, mais plus grand que Knuckles.
« Hum, c’est vous qui m’avez téléphoné ce matin ! comprit-il en se levant. Vous êtes bien … les membres de Chaotix ?
- Non, en fait, il n’y a que moi, Espio et Charmy qui en faisons partie, expliqua le détective. Les autres, ce sont juste des amis.
- Laissez-moi donc me présenter. Je m’appelle …
- Phoenix Wright, on sait ! coupa le caméléon. Ce moulin à paroles nous a déjà fait une biographie complète de votre personne ! ajouta-t-il en désignant le crocodile.
- C’est quand même bizarre, fit pensivement l’épineux. Avec un nom pareil, je me serais plutôt imaginé une espèce d’oiseau, mais … »
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase, Vector lui avait discrètement - mais durement - écrasé le pied.
« Alors, qui sont ces jeunes gens ? demanda l’avocat.
- Je m’appelle Amy, répondit la hérissonne. Voici Cream, et lui c’est Luke. Nous sommes venus vous voir parce que … un de nos amis a été accusé de … meurtre.
- J’en étais sûr … soupira le hérisson. De toute ma carrière, je ne suis tombé que sur ça. J’ai encore bouclé une de ces affaires, ce matin. Il n’y a rien de mieux pour donner des sueurs froides.
- C’est si difficile que ça, un procès ? demanda la lapine de sa voix innocente.
- Plus que tu ne peux te l’imaginer …
- Au fait, je me demandais, dit le porc-épic. Pourquoi les avocats vivent-ils si haut-perchés ?
- Pour éviter qu’on ne vienne les cueillir trop vite, rigola le ninja. Aïe !
- Imbécile ! maugréa Vector qui venait de lui donner un coup sur la tête.
- Ah ah … En fait, si je me suis installé ici, c’est parce que je n’avais pas trop le choix. Mais oublions ça, d’accord ? Parlons plutôt du meurtre. Pour commencer, qui a été tué ? »
Tout d’un coup, tout le monde devint silencieux. Le détective détourna le regard avec un sourire gêné sur les lèvres. Espio le foudroya du regard, et Charmy se mit à siffloter un air faussement innocent.
« C’est pas vrai … marmonna Wright. Vous ne connaissez pas le nom de la victime ?
- Eh bien … héhéhé … rit nerveusement Vector. Je savais bien que j’avais oublié quelque chose …
- Attendez, vous venez ici sans même en savoir un minimum sur le meurtre ? Bon sang, mais à qui ai-je donc affaire ?
- Nous sommes désolés, monsieur Wright, s’excusa Cream. Mais on ne nous en a pas dit plus là-dessus …
- Euh, vous connaissez au moins le nom de l’accusé ? Votre ami, j’entends …
- Miles « Tails » Prower, répondit Luke en essayant de masquer son désarroi.
- Ouf … Ca devrait suffire. Bon, dans ce cas, ne perdons pas de temps : je vais faire un tour à la division des affaires criminelles pour en savoir un peu plus, pendant ce temps là, rendez-vous au centre de détention et discutez-en avec votre ami. On se rejoint là-bas. C’est d’accord ?
- Bien compris ! acquiesça le détective. »
« Dommage, ça n’aura pas été pour cette fois. Bah, je suppose que ce n’est pas grave. Je suis plutôt content d’être enfin de retour ! »
Sonic voyait déjà les vertes plaines de chez lui. Après avoir passé plusieurs heures à courir dans les montagnes sans trouver son but, il avait finalement décidé d’abandonner ses recherches pour rentrer au bercail. Il avait donc traversé le reste du continent, jusqu’à la ville la plus proche de l’océan et avait répété le même scénario que la dernière fois : utiliser un bateau pour rejoindre l’autre côté. Une fois que ce fut fait, il avait continué de parcourir la distance qui le séparait de chez lui, traversant au passage les nombreuses forêts peuplant l’Ouest. A présent, il était sur le chemin du retour, et pas fâché de l’être. Les vastes étendues d’herbe défilaient devant ses yeux, quand soudain il aperçut dans le paysage en face de lui une tâche de rouge isolée. Intrigué, il dévia légèrement sa course vers la gauche. Trois secondes plus tard, il s’arrêta à proximité de ce qu’il avait vu. Il s’agissait en fait d’un parterre de roses sauvages, et plutôt bien portantes.
« Elles ressemblent à Amy, songea-t-il. Belles, mais pleines d’épines. »
Ces fleurs tombaient bien, après une si longue absence, il savait que la hérissonne lui ferait très certainement la tête. Il se dirigea vers l’une d’elles, s’agenouilla, approcha nerveusement sa main de la tige pleine de pointes, l’empoigna et l’arracha vivement du sol.
« Wouaille ! Je suis plus doué pour courir que pour cueillir ! »
A présent en possession de son cadeau d’excuse, il reprit sa route. Il n’était plus très loin. Quelques minutes après sa cueillette, il avait enfin atteint la zone Green Hill. Il en profita pour faire un ou deux loopings dans les arches réservées à cet effet, puis fonça vers la maison d’Amy. Il y fut en très peu de temps ; une fois devant chez elle, il tapa à la porte … Etrange, aucune réponse. Il recommença. Même tableau.
« Elle n’est pas là ? Tant pis, elle est sûrement partie voir Tails, qui sait … Bon, en attendant, je laisse ça là. »
Il déposa sa rose sur le seuil de la porte puis se remit à courir vers l’atelier du renard. Inconsciemment, il commençait à s’inquiéter. Il sentait que quelque chose n’allait pas, sans savoir exactement quoi. Espérant que ses impressions n’étaient pas fondées, il arriva rapidement au hangar, où la porte principale était grande ouverte. Rassuré, il entra.
« Tails, tu es là ? appela-t-il. »
Il comprit rapidement que l’atelier était vide. Aussi, il remarqua que l’endroit était éclairé par les lumières du plafond, et que le toit n’était pas ouvert. Il trouvait cela bizarre … Si le renard s’était absenté, pourquoi ne pas avoir éteint l’éclairage ? Et puis, le connaissant, il savait qu’il préférait toujours que ce soit la lumière du soleil qui illumine le hangar. Et dans ce cas, pourquoi la toiture était-elle fermée ? De plus en plus anxieux, le hérisson retourna au-dehors. C’est alors qu’il aperçut dans l’herbe à proximité quelque chose de tout à fait inhabituel … des empreintes de roues.
« Bon sang ! paniqua-t-il. Il s’est passé quelque chose, ici ! »
Sans réfléchir, il fonça tout droit vers la maison de Cream. Cette fois, ça allait mal. A sa connaissance, jamais un véhicule ne s’était aventuré dans les plaines. Et le jour où ses amis disparaissaient, il en retrouvait des traces de passage près de chez eux ! Sans perdre une seconde, il fut chez la lapine. Il frappa nerveusement, craignant le pire. Il fut soulagé d’entendre la voix de Vanilla l’inviter à entrer. Il ouvrit la porte, et constata qu’elle était en train de nettoyer la vaisselle … avec Cheese qui l’aidait juste à côté.
« Tiens, bonjour Sonic ! salua-t-elle. Ca fait un petit moment que je ne t’ai pas vu, dis donc.
- Chao !
- Euh, oui bonjour … Excusez-moi, mais est-ce que Cream est là ?
- Ah, tu es un peu en retard … Elle est partie d’ici il y a un peu plus d’une heure.
- Partie ? Où ça ?
- Elle m’a dit qu’elle allait au bureau Chaotix avec Amy. Je n’ai pas tout compris, mais je crois bien qu’elles sont parties vers la ville de Carnival Park … C’est pour ça que Cheese n’a pas pu les accompagner. Il pourrait se perdre facilement en cette saison …
- Chao, chao …
- Carnival Park ? pensa le hérisson. Mais qu’est-ce qu’elles sont parties faire à Carnival Park ?!
- Il me semble également qu’elle s’y est rendue avec son nouvel ami Luke, continua la lapine.
- Luke ? Qui c’est, celui-là …?
- Ah, et à ce propos … tu es au courant pour cette histoire avec Tails, n’est-ce pas ?
- Euh … je suppose … hésita-t-il.
- Je crois qu’il va avoir besoin de ton aide aussi … Subir une telle épreuve pour son si jeune âge … Fais de ton mieux pour l’aider, d’accord ?
- Euh, d’accord, acquiesça-t-il sans avoir compris. Bon, dans ce cas, je dois y aller.
- A bientôt ! »
Sonic repartit aussi vite qu’il était arrivé. Il avait complètement perdu son état d’insouciance habituelle. Qu’est-ce que tout ceci signifiait, et de quoi Vanilla avait-elle parlé ? Il craignait que quelque chose de grave se fût produit durant sa longue absence. Il ne restait à présent qu’une seule personne qui pouvait lui expliquer ce qui se tramait en ce moment …
« Cosmo, tu es là ? demanda-t-il en frappant à sa porte. »
Après avoir redescendu les nombreux étages et être retournés au bas de l’immeuble, le groupe et Wright prirent chacun des directions opposées. Le flux de la foule entraina les six hybrides vers leur nouvelle destination, tandis que l’avocat disparut rapidement dans la masse. Toujours autant de monde. Il était difficile de croire qu’il fût plus facile de circuler dans les immeubles que dans les rues. Luke, bien que toujours troublé par une telle effervescence alentours, s’approcha du détective.
« Dis, Vector, il y a un truc que je me demandais, prononça-t-il calmement.
- Ah, et c’est quoi ? répondit le reptile.
- Je n’ai pas très bien écouté, mais tout à l’heure, Phoenix a parlé de … centre de détection … et d’une division de ses affaires personnelles. De quoi s’agit-il, au juste ? »
Le crocodile éclata de rire à l’écoute des écorchures du porc-épic.
« Pour commencer, on les appelle « centre de détention » et « division des affaires criminelles », expliqua-t-il. Le centre de détention, où nous allons, c’est là où les accusés sont retenus en vue de leur procès. C’est donc là-bas que Tails se trouve, pour le moment.
- Je vois … comprit l’épineux. Et les affaires personnelles, alors ?
- Criminelles … rectifia le détective une deuxième fois. Pour faire simple, disons qu’il s’agit de l’endroit où la milice s’occupe des dossiers des différentes affaires, dont bien évidemment celle dont nous nous chargeons. Après, même quand ces affaires sont classées, toutes les données les concernant sont conservées dans ce même lieu. Et comme monsieur Wright est avocat, il a le droit d’accéder à ces informations.
- Ok … Et la milice, c’est quoi ?
- Eh bien, ce sont tout simplement les forces de l’ordre. Ce sont eux qui font ce qu’on appelle « le sale boulot », dans le métier. Et ce sont notamment ceux qui ont arrêté Tails …
- Ils doivent pas être très intelligents pour avoir eu une telle idée.
- A vrai dire, c’est pas eux qui décident … Ils ne font qu’obéir aux magistrats.
- Hum … et les magistrats, ce sont les fameux avocats et procureurs dont tu m’as parlé tout à l’heure, hein ?
- Hé, t’es plutôt doué en devinettes ! »
Soudain, Vector leva le nez. Il semblait avoir remarqué quelque chose.
« Je crois qu’on est bientôt arrivés … déclara-t-il après quelques secondes de silence. »
En effet, la troupe s’était approchée d’un immeuble un peu différent des autres, à commencer par le fait qu’il n’était décoré d’aucune illumination. Moins élevé que ses semblables, il était d’une couleur beige unie, un peu sale. Sa surface était parsemée de petites fenêtres teintes en noir, et disposées strictement à la même distance entre elles. Sa sobriété tapait à l’œil, comparée au reste de la ville ; c’est là que se dirigea le groupe.