Titre: [Fanfic] Ash Kaiser Posté par: Hershel le Janvier 04, 2015, 07:08:04 am Il se tient, droit, imperturbable et invincible comme le chêne des planches de la Grande Porte qu’il garde. Il se tient, droit, fier dans son costume bleu roy, les mains croisées sur le bas de son ventre. Il se tient, droit, fier, l’épée dans le fourreau pendu à sa ceinture, l’œil fixé sur le chemin menant à l’entrée du Palais. Il se tient, droit, fier, comme d’habitude.
Comme tous les jours. Comme chaque putain de jour. Ash est fier d’être Garde Porte, la question n’est pas là. Mais dans ce boulot, qu’est-ce qu’il s’emm- - Eh ! Ash ! Sans bouger d’un millimètre, le Garde pose son regard sur la silhouette, loin devant, qui semble fouler le chemin d’un pas radieux. Lorsqu’il reconnaît Holric, il se lance dans un véritable combat intérieur pour masquer son agacement naissant. - C’est pas vrai… - Eh, Ash ! Quoi de neuf, ce matin, hé hé ? Holric se place face à lui, lui assène une vive tape sur l’épaule. Holric Tenabo n’est pas foncièrement méchant, il est juste… un peu lourd. Comme chaque jour, il porte son maillot blanc à longues manches aux bouts mauves à traits rouges, son pantalon de toile vert, et son béret violet, maladroitement posée sur l’imposante touffe brune qui lui sert de chevelure. Son sourire de vendeur fait gigoter l’épaisse moustache accrochée sous son nez. Ash replace son regard sur le chemin en marmonnant. - La vie est belle, hé hé ?? Holric accompagne chacune de ses questions ridicules d’un rire tout aussi énervant. Il est certes un excellent marchand, son étal de fruits et légumes sur le marché de la place est toujours pris d’assauts par les clients, il traîne même une flatteuse réputation par-delà les murs de Camelot. Mais Bon sang ! Pourquoi est-ce qu’il vient toujours me les casser pendant mes gardes ?? Ash parle d’un ton vide, relatif à l’intérêt qu’il porte à leurs échanges quotidiens. - La vie est merveilleuse… Au pied des murailles entourant le Palais et sa Cour, le vent fait danser l’herbe folle. Le vert des pelouses s’étend le long des pavés du chemin jusqu’aux portes de la ville, en contrebas de la Colline Royale. De son « poste », Ash a une vue splendide de Camelot : il voit la verdure jusqu’aux murs gris des premières maisons, les bâtisses qui se suivent, les unes collées aux autres, les chaumières, les tavernes, et tous ces gens qui foulent le sol rocailleux en gouaillant sous les enseignes en bois sculpté, les marchands qui travaillent, les femmes qui font leurs achats, les enfants, qu’Ash peut presque entendre crier autour des fontaines… ah par Gaia ! au moins eux, ils s’amusent… - Y a pas grand monde, aujourd’hui… Holric, nullement déconcerté par l’ennui profond du Garde, relance la discussion. - Comme d’hab. - Les entrevues avec le Roi se font rares… - Sans doute. - Tant mieux, quelque-part ça prouve qu’il y a moins de problèmes en ville… - Pour sûr. - Et moins de crapules, ça fait moins de travail pour vous… - Certes. - Bon allez, c’est pas tout, l’ami, mais j’ai du travail ! Holric assène une nouvelle tape sur l’épaule du Garde, avant de faire demi-tour dans un rire franc. C’est ça, barre-toi, avant que je te foute en cellule… Le marchand lève le bras pour un grand salut, puis quitte la muraille par le chemin de sable. Ash soupire. Et dire qu’au fil de cette agaçante entrevue viennent de s’écouler les secondes les plus vives de son tour de Garde… Intérieurement, il s’écroule. - Par Gaia… quelle place de m- TOC ! TOC ! TOC ! Le Garde se retourne vivement vers la Grande Porte. - Ouais ? - Changement de Garde ! Au rapport, Kaiser ! Ash ricane. - Tss… au rapport… Quittant son statisme dans une joie non feinte, il s’approche d’une petite grille dans la Grande Porte, située à hauteur de visage. A sa vue, Dungar, un Garde posté de l’autre côté, se place face à lui. - Mot de passe ? Ash fronce les sourcils. - C’est moi, crétin. - Je plaisante… CLIC ! - C’est ouvert. - Trop aimable. Une petite porte, taillée dans la Grande, s’entrouvre en grinçant. Ash la passe tranquillement. - Au rapport , Kaiser ! Il repousse doucement la poignée sans quitter son supérieur d’un œil perplexe. Au rapport ? Mais qu’est-ce qu’il peut bien y avoir à rapporter ?? - Euh, bah… eh bien… Face à lui, Garret s’immobilise. Coincé dans son costume rouge sang surplombé d’une écharpe dorée parsemée de médailles, il impressionne. Et plus encore, quand il toise un de ses hommes avec ce regard noir et pénétrant. - Rien… à signaler… Garde Chef. Garret plisse les yeux, et ses sourcils qui se froncent rident son visage dans une expression de dépit. Il a de longs cheveux poivre et sel coiffés vers l’arrière, et une mine déterminée. Mais déterminée pour quoi ? Ash préfère ne pas y penser. Tout au plus se sent-il obligé de renforcer sa non-réponse par un sourire aussi naturel qu’une boule de feu sous une pluie battante. Garret fixe longuement Ash. Ash sourit bêtement. Dungar les fixe à tour de rôle, la bouche ouverte. La mâchoire d’Ash, mise à mal par cette bienveillance forcée, se met à trembler. Garret ne bouge pas d’un poil. Un écureuil passe en courant derrière eux, un gland entre les dents. - Bien… Changement de Garde. Kaiser, vous prenez l’intérieur. - Et qui prend l’extérieur ? - Dungar prendra l’extérieur. L’intéressé s’effondre. - Oh mais non, c’est nul… Garret écarquille les yeux. Dungar se raidit d’un coup. - Euh, je veux dire… à vos ordres, Garde Chef ! Dungar porte la main à son cœur pour offrir le salut de la Garde à son supérieur, avant de passer la petite porte d’un pas vif, parcouru de longues gouttes de sueur. Ash le fixe en souriant. - Eh eh eh… me voilà à l’intérieur… Il tourne la tête. - Au fait, Garde Chef, je me demandais si- Ash se tait brusquement. La Cour est vide. Garret est déjà reparti. - … si j’allais pas garder ma question pour moi… Le Garde Porte s’adosse à la muraille, reprenant la place qu’occupait son collègue il y a encore quelques secondes. - Mais comment il fait ?... A bien y réfléchir, qu’il s’agisse du côté intérieur ou du côté extérieur, une porte reste une porte. Garder côté Cour ou côté Ville, c’est aussi… intense. La seule différence, c’est qu’ici, on est DANS le Palais. On assiste donc au défilé des Gardes, des Mages, des villageois pour les doléances, parfois même des criminels pour leur Jugement… il y a tant de vie, entre ces quatre imposantes murailles de quinze bons mètres de haut, que la Garde Porte deviendrait presque agréable… Oh bien sûr, il n’y a décemment pas lieu de se plaindre. Le boulot est prestigieux, et bien payé, mais par-dessus tout, c’est un véritable honneur de servir le Roi à ses niveaux les plus proches. Certes, il y a encore, entre Ash et le souverain, la Garde Locale et la Garde Royale, sans compter ses soldats privilégiés- que la rumeur surnomme les Mercenaires Blancs, rapport à la longue cape immaculée du Roi- et de nombreux soutiens à travers le Royaume… mais aussi petite soit-elle, la place qu’Ash tient au sein du Royaume l’emplit de fierté. Et puis il y a la Princesse… En cinq ans de Garde, dont deux de Garde Porte, Ash n’a pas aperçu UNE SEULE FOIS la Princesse. Tout juste sait-il qu’elle se prénomme Crystal de Haven, et que la rumeur populaire lui prête des traits d’une beauté divine, et une longue chevelure verte à faire pâlir les émeraudes les plus scintillantes. C’est en savoir bien peu, pour une personne que les Décrets poseraient sur le trône si le Roi venait à disparaître. Et puis si ça se trouve… Si Ash était Roi et que sa fille était laide comme un troll, il ne s’en vanterait pas dans le Royaume… - Tss… Ash ricane, dans une fraîche brise qui calme les ardeurs d’un soleil encore bien présent dans une Saison des Pluies pourtant fort avancée. Tandis que le vent fait voler ses cheveux mi-longs noirs, le Garde ferme les yeux, pour profiter de ce froid agréable. L’air sur son visage lui fait aussitôt penser aux traversées en Aérovire, il s’imagine tranchant les cieux à bord des vaisseaux de la Garde Royale, partant dans une de ces fameuses Missions Suicide à Grinhill, Hilltop ou encore sur 'Ile des Anges... ces quêtes que les Mercenaires Blancs sont les seuls à savoir mener, côtoyant ces héros en armure sur les champs de batailles, ramenant trésors secrets, artefacts anciens, affrontant des chevaliers, des dragons… Ash rouvre les yeux. La Cour est toujours vide. Il soupire. Un jour, il aura sa place dans la Palais. Il aura peut-être même une armure, et le peuple de Haven le surnommera Mercenaire Blanc. En attendant, il pose son regard rêveur sur un petit animal roux qui court devant lui. - Eh beh… à défaut de dragons, j’ai déjà un écureuil… Titre: Re : [Fanfic] Ash Kaiser Posté par: Lirane Underground le Janvier 04, 2015, 09:53:47 am La vache... 0_0 ::o:
C'était drôle, le pauvre Ash ::D: Bah sinon j'ai rien à dire :) Titre: Re : [Fanfic] Ash Kaiser Posté par: MetalR le Janvier 04, 2015, 11:09:55 am Kaiser ? Serieux ? Mec, aucune reference (aussi petite soit-elle) aux Nazis n'est acceptée !
Titre: Re : Re : [Fanfic] Ash Kaiser Posté par: Hershel le Janvier 04, 2015, 11:26:02 am Kaiser ? Serieux ? Mec, aucune reference (aussi petite soit-elle) aux Nazis n'est acceptée ! Les nazis?? Bon sang, je prie le ciel que ce post soit du deuxième degré. J'ai une approche germanophone de l'Heroic-Fantasy, je me trouve dans l'invention des noms et lieux, beaucoup plus d'affinités avec les consonnaces germaniques qu'avec un mélange bancal de sonorités sous-elfiques dont les erstazs de Tolkien sont friands. Mon héros s'appelle Ashgarn Kaiser, parce qu'en allemand, Kaiser signifie Empereur, et qu'il excelle en combat à un niveau qui n'est censé être réservé qu'à l'élite impériale (mais sans connaître le roman que j'écris, tu ne pouvais que l'ignorer). Et je ne vais pas le renommer Ashgarn Gal'al Bahrad'dihr pour flatter les bien-pensants au curseur de morale trop sensible... Titre: Re : [Fanfic] Ash Kaiser Posté par: MetalR le Janvier 04, 2015, 11:31:16 am -_- pour moi (et c'est mes théories) je pense plus le mobusien et les noms comme du russe. (Euh les Romanoff sont un meilleur exemple d'empereur que Hitler) Ashgarn Mirdõf par ex.
Titre: Re : Re : [Fanfic] Ash Kaiser Posté par: Hershel le Janvier 04, 2015, 11:59:20 am Je trouve au passage offensant qu'une référence à un personnage tel que Hitler soit faite à partir de l'unique consonnance germanique du nom de mon personnage. Comme je l'ai cité précédemment, kaiser signifie empereur en allemand, et ce mot n'a jamais, du fait, été associé au Chef du IIIe Reich [ne confondrais-tu pas avec fuhrer?]. Le seul rapprochement que l'on puisse effectuer entre le moustachu et mon personnage est qu'un dénommé Robert Kaiser ait été à la tête d'un parti pro-nationaliste dans l'Allemagne de 1940, mais cela n'a rien d'étonnant, un nom comme kaiser, en Allemagne, c'est comme Dupont ou Durant en France... Vérification faite via une bête recherche sur Google, qui m'a également permis de constater qu'un certain Kaiser était à la tête de l'Institut John F.Kennedy aux USA... faut-il en conclure que ma nouvelle fait référence aux Démocrates américains? Ce ne serait pour reprendre tes termes, pas accepté.
Ok, je pinaille, je force le trait avec un humour un peu insistant, mais bon sang, revoyez vos sources... je viens ici pour poster une nouvelle fun et bourrin, avec de délectables références à l'univers de Sonic, et on me parle de Hitler, m'enfin... Titre: Re : [Fanfic] Ash Kaiser Posté par: Miko le Janvier 04, 2015, 07:24:58 pm Ok : On va aller dans l'ordre.
Hershel : j'ai lu rapidement et j’éditerais demain mon poste pour te faire un commentaire plus détaillé. MetalR : Je t'ai déjà prévenu de faire attention à ce que tu postes là c'est du foutage de gueule doublé d'immaturité et d'imbécilité. C'est pas parce qu'on utilise des noms aux consonances allemandes qu'on est nazi ou qu'on fait une référence au nazisme. Tes propos sont insultants et diffamatoires. C'est le second avertissement, deux semaines de ban ne te feront pas de mal. Titre: Re : [Fanfic] Ash Kaiser Posté par: Hershel le Janvier 11, 2015, 06:05:08 pm Le Monde a changé. Autrefois le terreau de l’infinité de mes fantasmes, il dépérit désormais, noyé sous les vagues continuelles de l’horreur et de l’intérêt qui me frappent chaque minute, chaque heure, chaque jour. Je me vois encore, parcourant les champs d’une foulée vive, caressant les hautes herbes du creux de la main, baignant dans un soleil réchauffant mon corps et mon âme, perdant mes soucis enfantins et mes broutilles de gamin dans le vent que ma course effrénée plaquait sur mon visage déterminé. J’étais jeune et insouciant, aveuglé par le Jaune et le Rouge des longues drapées d’armoiries royales flottant devant moi, imprimant sur mes yeux baignés de larmes de naïveté, de fallacieuses voies d’avenir ; imprimant dans mon esprit des principes douteux et funestes imposés par une autorité dont l’appât du Gain et du Pouvoir gangrènerait ma Morale ; imprimant en mon cœur d’odieux compromis, d’ignobles sacrifices, d’abjects silences. Bientôt je me rendrais compte qu’il y a sur les Ecussons de Haven bien moins de jaune et de rouge, que d’Or et de sang. Quand ma fierté a-t-elle disposé au profit de l’Obéissance ? Le jeune soldat que je devins en rejoignant la Garde Locale vit ses rêves de gloire et ses fantasmes d’aventures broyés sur l’autel de la réalité. Loin des héros qui avaient bercé mon enfance, des vainqueurs qui peuplaient les récits et les pièces de théâtre qui avaient forgé mon ambition, des modèles qui avaient tracé mon avenir… loin de ces êtres respectables que je m’honorais de rencontrer, j’ai vu des gens assoiffés de reconnaissance et de récompenses, des bêtes au service de l’Ecu, des hommes à l’âme noircie par la pièce et la pierre, prêts à toutes les bassesses pour atteindre les hauteurs. Faisant fi de mon dégoût grandissant pour ces imitations de héros, je m’appliquai dès lors à suivre mes propres règles au sein de la Garde, privilégiant les principes qui avaient bâti les légendes des Grands Rois. Respect, écoute, partage, tout ce qui avait permis au gamin que j’étais, parcourant les rues du village une épée en bois à la main, de traverser les épreuves de la Vie et de s’armer d’une personnalité fière et droite. J’évoluais telle une goutte d’eau dans la vase. Isolé, encerclé, mais irréprochable. Puis mon intégrité m’amena des ennuis. Avec mes supérieurs, traîtres tapis dans l’ombre du bon Roi vieillissant, établissant derrière le Trône complots et alliances ; avec mes camarades, effrayés que ma transparence ne mette leur félonie à jour ; avec la Cité, dont les habitants véhiculaient des rumeurs d’arrangements secrets, d’extorsions, de coup d’état, et qui m’identifiaient par mon costume aux couleurs de la Garde comme complice des ces malversations ; avec les ennemis du Royaume, que les accords passés avec l’armée du Roi rendaient puissants, dont les transactions coupaient toute arrestation, annulaient toute procédure. Mon cœur m’ordonnait de me rebeller. Mon costume me l’interdisait. Et un jour, une mission. Pénétrer dans une église occupée par des fanatiques partisans de l’assassinat rituel. L’ordre était clair : éliminer chaque adepte. Nous sommes partis à cinq. Je fus le seul à entrer. Le combat fut rude, violent, sanglant, et au fil des coups de poings et de lame, j’en vins à me demander si je repasserais cette porte vivant. Je les désarmai puis les neutralisai tous, un par un. La mission était accomplie. Et soudain parmi les gémissements, un cri aigu, et inaudible. Celui d’un nouveau-né, enveloppé dans un drap blanc et posé sur une stèle en marbre, près d’une dague au pommeau rouge orné de rubis. Je venais de mettre un terme à un sacrifice humain. Je n’eus le temps de me questionner que mon équipe arrivait en trombe dans l’église, prétextant un imprévu à l’extérieur pour définir leur absence. Et sur Ordre du Garde Chef, ils achevèrent tous les suspects. L’un de mes camarades se tourna vers l’enfant, qu’il pointa de sa dague ruisselante du sang de son ignominie. Il comptait l’éliminer, invoquant une supposée possession par un démon appelé durant le rituel. Je m’y opposai. Le ton monta, l’empoignade suivit, et le coup fut mortel. Il scella son Destin, et le mien. J’ai empoigné l’enfant et me suis enfui. Une fois semés mes poursuivants, j’ai caché le petit être dans un panier que je remis à un monastère, en bordure de la Ville. Puis je me rendis au Palais pour assumer mes actes. On m’a emprisonné pendant deux semaines, puis on m’a jugé. L’Emissaire de Cronos, Dieu du Temps, utilisa son don de double-vue pour me disculper, m’évitant ainsi l’exécution. Mais mon refus d’obéir à un ordre donné par un supérieur me valut le renvoi définitif de toute forme de Garde dans le Royaume. Ce jour-là, mon intégrité et ma Morale ont fait de moi un traître. Je quittai la Garde, puis la Cité. Abandonné par un Palais qui avait nourri mes rêves de gosse, trahi par des hommes qui portaient le même costume que moi, amputé de ma naïveté, j’ai redémarré une nouvelle vie. Sans contraintes. Sans costume. Sans attache. Mais pas sans principes. Titre: Re : [Fanfic] Ash Kaiser Posté par: Hershel le Janvier 18, 2015, 10:34:06 am Finies les rêveries de cette époque révolue...
Sous les houppiers des hêtres centenaires, l’ombre est lourde, et le soleil qui peine à percer l’épais feuillage ajoute sur mon visage ruisselant, des gouttes de sueur à celle de peine. La tâche est ardue, mais le vieux Ehscott paie comptant. Avec les nouveaux Principes Royaux imaginés par les piques-écus accompagnant le Souverain, il devient vital de gagner sa vie, de quelque manière que ce soit. Partout autour de moi, le bois jonche le sol. En dizaines de bûches éclatées d’un bon mètre de long, la forêt s’affaisse, les arbres tombent pour recouvrir le tapis de terre et de mousse jaunie par la chaleur de la Saison Sèche, les troncs abattus à la hache et sciés à la main deviennent les salvateurs rondins de chaumières que la Saison des Glaces frappera- fort, si l’on en croit les anciens- d’ici quelques mois. Je sens le feu déchirer mes paumes que le manche de ma serpe tanne comme le cuir, déchirer le bas de mon dos, mes bras, mes cuisses. Mais ne dit-on pas que le bois chauffe trois fois- quand on le scie, quand on le range et quand on le brûle ? Par-delà les cimes les plus hautes, j’entends s’échapper le chant d’un oiseau. Un autre, répondant à l’appel, m’avance sur l’heure de la journée. Le soir qui pointe pousse les verte-gorges à rappeler leurs petits. D’ici une petite heure, le soleil se couchera, et le doux voile du soir enveloppera le Royaume pour le contraindre au sommeil. Du moins, pour ceux qui peuvent dormir. - Alors, ça avance ? L’invective me sort de mes pensées. Sans doute trop affairé à préparer mon programme du soir, je n’ai su percevoir l’arrivée de mon maître du moment. Je pose le rondin que je viens de soulever pour me tourner vers lui. - Pas à pas. Le vieil Ehscott s’approche de moi pour me serrer fermement la main. Il lance son autre sur mon épaule pour la tapoter dans un élan amitieux, avant de laisser éclater un rire sonore. - Tu te donnes, Kaiser. J’aime ça. - Le boulot l’impose. - J’en ai connu, des branquignols. Ca joue les hommes, mais ça n’a pas les bras aussi gros que la gueule. Je vois son visage marqué par le Temps glisser vers une certaine amertume. Sans doute une désagréable réminiscence liée à une précédente embauche. Sa bouche qui grimace distord l’incroyable balafre qui lui lacère la joue gauche, de son menton envahi par une barbe naissante jusqu’à ses temps grisonnantes. - C’est tout l’avantage du métier, renchéris-je. Personne ne veut le faire, alors je ne risque pas de manquer de travail. - Tu peux remercier les jeunes caqueteurs de Haven, Kaiser. Te voilà parti pour bocquiller jusqu’à ce que Cronos t’emporte. Je lâche un rictus. J’ai frôlé tant de fois la mort en dix ans de Garde que le fait de couper du bois jusqu’à mon dernier souffle me semble tout à fait rationnel. Me dépenser autant pour que les autres puissent survivre, même si ce n’est que face à la neige et au gel, me rapproche de ma carrière passée à défendre le Royaume. Sauf qu’ici, je serai le seul à attenter à mon intégrité physique. - Le plus tard possible, je le souhaite. - Tu en as vu d’autres, dans la Garde, non ? - Je suis déjà tombé sur des branches plus dangereuses que certains bandits. Ehscott part dans une nouvelle esclaffe, qui m’arrache un sourire. Il est grand, et assez costaud pour la cinquantaine passée, et on peut deviner, à son gabarit caché sous un maillot blanc et un pantalon de cuir brun, qu’il a vécu une partie de sa vie du débit de bois, avant de passer maître vendeur de parcelles de forêt. Son corps bâti par des années de hache et de masse refendeuse, souffle désormais sous de riches étoffes, obtenues sur de lointains marchés grâce à sa fortune amassée par des hommes dans mon genre. Je ramasse la bûche négligemment posée à mes pieds pour la poser sur un tas non loin. L’amas haut et long de rondins semble attiser la joie de mon exploitant. - C’est ton tas de la semaine ? - C’est mon tas du jour. Un sourire valide mon effort. Il porte la main sous son gilet noir, à sa ceinture dont il arrache une bourse cliquetante. Un lancer franc qui trahit son habitude, envoie le sac de pièces dans ma direction. Je le réceptionne en un geste vif. - Cent-dix Ecus, ça devrait faire l’affaire. Je peine à cacher ma gaieté. - Ca devrait, oui. Ehscott rit à nouveau, avant de porter sa main à ma nuque pour me rapprocher de lui. - T’es un bon, Kaiser. Continue. - Merci, Monsieur. Il relâche son étreinte, je me raidis pour, poing droit fermé replié sur le cœur, lui offrir le Salut de la Garde. - Repos, gamin, lâche-t-il en ricanant. Il fait volte-face pour rejoindre le chemin menant à l’orée de la Cité. S’éloignant de moi, il me salue d’un lever du bras, avant de disparaître derrière une cépée de jeunes pousses. Je quitte mon stère pour retrouver ma besace, pendue à une basse branche d’un arbre majestueux à l’ombre duquel j’ai rangé mes bûches. Je connais les animaux qui traînent dans le coin, il est hors de question que la viande séchée et les fruits rangés dans mon sac ne les attirent jusqu’ici. Je maîtrise plusieurs Arts de Combat, mais aucun ne me serait vraiment d’utilité contre une meute de sangliers affamés… |