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L'Atelier Fan Area => Ecriture => Discussion démarrée par: Hershel le Janvier 04, 2015, 10:18:35 am



Titre: [Nouvelle] Chroniques de l'Adulescence ~ Tome I
Posté par: Hershel le Janvier 04, 2015, 10:18:35 am
Coucou tout le monde ^^

Si vous avez lu mes posts précédents, vous savez que j'étais censé poursuivre mon aventure littéraire sur le site encrier.org. Cependant l'activité là-bas est au point mort, et elle explose sur Planète-Sonic. J'ai donc décidé de vous faire partager directement TOUS mes écrits, qu'ils soient liés au hérisson ou pas. Parce que la communauté Planète-Sonic est la plus active que j'ai pu côtoyer depuis longtemps ;)

Allez, place à un roman humoristique teinté d'amour, de nostalgie et de what-the-fuck ;)

Petite précision: je le place en 12+ [langage parfois fleuri et réflexions parfois limites :)]

Enjoy^^

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PROLOGUE


Il y a tellement de monde dans la cafet’…

Les lycéens entrent, commandent, sortent, se croisent sans jamais se toucher, c’est pire que du travail à la chaîne.
C’est de la commande à la chaîne.

Moi je n’ai pas ce problème. Je suis tranquillement installé dans une confortable banquette rouge, affalé, plutôt, et je tiens dans mon bras posé sur le dossier d’à-côté, les épaules de la fille de mes rêves. Il est seize heures, ma journée est finie, il fait un temps magnifique, je suis avec ma copine et mes meilleurs amis, à siroter un soda bien frais…



J’aime ma vie.



L’avantage de l’Heure Blanche du jeudi, c’est que personne n’a cours. Il n’est donc pas difficile de croiser tous ses amis, même s’ils sont d’une classe différente. Voilà pourquoi ma Reine et moi nous tenons là, en bons Terminale L, face à Florian et Luis, mes deux potes de Terminale S.


- Il fait trop beau, c’est un régal…

- On se croirait déjà en vacances !

- Ouais, enfin y a le Bac avant, quand même !

- Le Bac ? Easy game. Les doigts dans le nez.

- Vraiment ?

- Pour sûr.

Je souris à Florian. J’ai des moyennes de malade, le Bac, c’est rien qu’un Devoir Surveillé de plus. Le dernier avant mon entrée dans une prestigieuse école de ciné, avec la fille de mes rêves, la liberté, l’amour, bref, tout ce dont un jeune homme de dix-sept ans en chemisette peut rêver à la mi-juin…

Et puis le sexe, bien sûr.

Je me tourne vers Marine. Son corps est parfait. Elle a un maillot décolleté qui laisse apparaître sa poitrine opulente partiellement recouverte d’une écharpe en soie rose, un jean serrant, ses jambes sont croisées, et elle joue avec sa boucle d’oreille de ses jolis doigts fins.
Si je ne me retenais pas, je lui ferais l’amour sur place.

Soudain, Florian se lève. Il arbore un collier de barbe qu’il ne possédait pas quelques minutes auparavant.

- Mais ?

- Bon allez, je file. On se retrouve la semaine prochaine, et on tentera le sushi !

- Mais… tu pars ?

Luis se lève à son tour.

- Ouais, moi aussi. Je me tire.

- Bah pourquoi ?

- Bah tous tes amis se barrent, alors je me barre aussi.

D’un geste de la tête, il m’invite à me retourner. J’obéis. Et mon regard se pose sur la cafétéria.

Elle est déserte.
Il n’y a plus un seul client.
Il n’y a d’ailleurs plus de serveurs, non plus.

- C’est quoi ce bordel ?? Luis, tu m…

Il a disparu aussi. Ma requête se perd dans la porte vitrée qui se referme, doucement.

Je sens une subite angoisse me serrer le cœur.

Je tourne la tête.

- Marine, tu r…

Personne à mes côtés.

Mon rythme accélère, je rate un battement. Il se mêle dans mon être mis à mal de la peur et de l’incompréhension.

Mon cœur bat de plus en plus vite, je me mets à trembler.

Je me relève d’un bond.

- Marine ? Marine ??

Je traverse la salle, je passe la porte.
Dehors, le ciel s’est chargé. Il devient gris, puis noir.

Il n’y a personne dans la Cour.
Pas un homme, pas une femme.
Pas un son, pas un bruit.

Juste une longue écharpe rose, négligemment jetée sur le pavé.
Je la ramasse dans un vent frissonnant.

- Marine ??

Je n’appelle plus, je crie.

- MARINE !!!

- Oui ?

Je me retourne rapidement. Mon corps fond quand mes yeux perdus se posent sur son visage angélique.

- Je croyais que je t’avais perdu…

- Je suis venu te présenter quelqu’un…

Marine avance vers moi, le bras tendu sur le côté. Le lycée vient de disparaître dans l’obscurité. Il ne reste plus qu’elle et moi.

Et lui.

Au bout de son bras, lui tenant la main. Une silhouette masculine en smoking surgit de l’ombre. Dans sa main libre, il tient des baguettes de batteur.

Il se poste face à moi.
Un frisson me parcourt l’échine.

Il n’a pas de visage.

- Je te présente… mon nouveau petit ami.


Je rouvre les yeux en inspirant bruyamment. Je fixe les lambris du plafond entre deux posters de mangas sous des explosions sonores de lames qui s’entrechoquent et de cris guerriers.

- Ca y est, il émerge…

- Fais moins de bruit quand tu dors, tu gênes ceux qui bossent…

Je me rassieds doucement sur le lit. Florian et Quentin sont en train de jouer à la PlayStation 2, assis en tailleur sur le tapis moumout’ à mes pieds.
Je jette un œil entrouvert au réveil posé sur la table de nuit bardée de cartouches de jeux Game Boy et d’emballages de bonbons. Il est huit heures cinquante-deux.
Je m’étire en baillant aux corneilles.

- Ptainnnnn… il est pas neuf heures et vous êtes déjà là-dessus ??

- Y a pas d’heure pour les bonnes choses.

- Mais oui… je suis sûr qu’à peine réveillé, vous avez rallumé la console !

Quentin met le jeu en pause, et se tourne vers moi. Sa blonde touffe de surfeur dodeline sous ses éclats de rire.

- Eh, mec ! Qui t’a dit qu’on s’était couchés ??

Florian le rejoint dans son éclat de joie. Je m’insurge.

- Vous avez pas dormi ??

- Pas une seconde.

- Vous avez pas bougé de là ??

- Pas d’un poil.

- La vache…

Les deux reprennent leur partie en pivotant dans un même mouvement. Les coups d’épée et les cris divers envahissent à nouveau la chambre.
Je m’étire à nouveau, avant de me gratter le crâne.

- Et Thomas, il est où ?

- Sur le balcon, il prend l’air.

- Ah… enfin un mec normal dans cette maison.

Je me mets sur pieds en bousculant mes camarades. Mes coups de mollet les rendent mauvais.

- Merde, Rom ! Fais gaffe !!

- Putain, j’ai perdu mon arme !

- Oh… désolé.

Je souris.

- Il a pas du tout fait exprès, l’enfoiré !

- Quentin, la mâchoire, la mâchoire !!

- Mais j’ai pu d’arme !

CROC ! CROC !
AAAAAAAAAAAAAHHH !!
You are dead…


- Et merde !!

- Le manque de sommeil vous rend vulgaires, vous devriez dormir…

- Va te faire foutre.

- Ok, ça, c’est fait…

Je marche jusqu’à la porte-fenêtre en enjambant les bouteilles de soda vides et les paquets de gâteaux. Je l’ouvre d’une main sûre.

La brise matinale, bien qu’automnale, est un pur régal.

- Bon, il est où, le mec sensé de cet baraq-

Je me fige sur place.

Thomas est en slip, assis sur le carrelage de la terrasse, les mains posées sur les genoux, les yeux fermés.
Une rapide inspection du thermomètre pendu sous le préau à ma droite m’indique trois degrés.

- Mais qu’est-ce que tu fous ?

Thomas entrouvre un œil entre deux mèches de cheveux ondulés.

- Les ninjas du clan Kaikatsu avaient l’habitude de méditer ainsi, chaque matin, aux premières lueurs. Leur corps habitué au froid produisait plus d’énergie mentale, ils étaient donc plus aptes à réagir aux obstacles de la vie de tous les jours.

Je… je ne trouve rien à dire après cela. Si ce n’est que ce con me donne froid.
Je frissonne.

- Va mettre un pull, Tortue Jeannine, avant de choper une pneumonie !

Thomas se tourne vers moi.

- Le mal, c’est dans la tête. Avec de la concentration, le mal disparaît.

- D’accord…

- La douleur n’est qu’une information.

- Si tu le dis.

Je pose un pied à l’intérieur.

- Bon moi je retourne dans la maison, hein ! Les deux autres sont fous aussi, mais au moins, ils sont au chaud !

- C’est ça… allez, laisse-moi méditer.

Je rejoins l’accueillant balatum de la chambre et passe la tête dans l’entrebâillement.

- Et surtout Mister Freeze, évite la gastro ! Sinon tu vas te faire Kaikatsu !

Je referme la porte.

- Il est grave aussi, lui…

- Toi, je te parle plus.

- Très mature, comme réflexion. Je peux savoir pourquoi ?

- On avait pas sauvegardé depuis trois heures du mat’… on doit tout se retaper.

Tandis que j’avance vers l’escalier menant au rez-de-chaussée, je peine à retenir un fou rire.

- Tu te plaindras, ça augmentera ton temps de jeu !

Quentin met à nouveau en pause pour m’apostropher.

- Putain, mais t’as pas un truc à faire, toi ? Genre te taire, ou te barrer, non ??

Je lui lance un clin d’œil.

- Moi aussi je t’aime.

Je me penche vers Florian.

- T’as de quoi déjeuner ?

- Tout est dans la cuisine. Fais comme chez moi.

- Ca marche.















Comme je l’avais calculé, je n’ai mis que quinze minutes pour rallier la maison de Florian à la station de métro la plus proche. Dans l’escalator qui m’amène en cliquetant dans les profondeurs de Thîmes, je trace mon emploi du temps.

Métro.
Descendre à Auchan.
Passer à Micromania.
Rentrer à l’EACT.
Et peut-être dormir, un peu.



Mais surtout… il FAUT que j’écrive !

















Les yeux rivés sur l’écran du PC portable, j’attends. J’ai les doigts fixes, positionnés au-dessus des touches, je ne bouge pas d’un poil. Mon regard se pose sur tout ce qui m’entoure, la fenêtre qui donne sur la cour intérieure, la cannette de soda entamée à ma droite, le vieux Mad Movies qui traîne à gauche, le mur, le plafond… J’attends. Je sentais pourtant que j’allais avoir des idées démentielles ce soir, que j’allais pondre le scénario du siècle. Comme chaque soir, j’avais pris rendez-vous avec le Destin. Et comme chaque soir, j’ai l’impression que je viens de me prendre un lapin.

Quittant mon statisme en m’écroulant dans un soupir, je me pousse du bureau des deux mains. L’imagination et la motivation sont véritablement mes meilleures ennemies, l’une ne me prenant qu’à l’instant où me quitte l’autre. Combien de fois déjà je m’étais retrouvé à trouver des idées de fou en plein cours, ou dans la rue, pendant les courses, ou dans le métro ? Et combien de soirs, identiques à celui-ci, j’avais déjà perdu à me mettre en pause, pour tenter de les coucher sur le papier pixellisé du faux A4 de Microsoft Word 2007 ? J’ignorais que l’angoisse de la page blanche pouvait être si tenace. Moi que la pensais passagère, du genre à serrer la gorge pendant une journée, voire une semaine… moi, je manquais d’air depuis plus de trois mois déjà.

« Les vacances de Yanis ». Voilà tout ce que j’avais marqué dans ce putain de document Word. Un titre qui m’avait parlé à l’époque où je l’avais choisi dans les sujets d’exam, et qui trottait désormais en rond dans mon esprit figé dans le mutisme scénaristique. Mon attention n’était pourtant fixée que sur ce projet. J’y accordais mon temps libre, ma pause de dix heures, ma pause de midi, ma pause de quinze heures. J’y accordais mon quartier libre d’avant le repas, et mon quartier libre d’avant le lit. J’y pensais le matin en me levant, la journée en étudiant, le soir en me couchant. J’en rêvais même parfois la nuit. Mais aussi intéressantes soient ces bribes d’intrigues, jetées ça et là par l’usine qui tourne à vide qui me sert de cerveau, et aussi tenace soit ma volonté de les lier entre elles pour sortir le récit absolu… nada. Mon projet ne décolle pas. Et ma frustration crève le plafond.

Pour me rassurer, j’aime me dire que ce n’est qu’une question de temps, de timing. Mais au moment où ce frêle conseil esquisse un sourire sur mon visage, les cases blanches rayées de rouge du calendrier punaisé devant moi me l’arrachent aussi sec. Le temps joue contre moi. Et j’ai pas le moyen de prendre l’avantage.

Les deux colonnes horizontales vierges de toute inscription me rappellent chaque fois que je lève les yeux que tout se jouera pour moi dans deux semaines,  le jour où je devrai rendre à mon responsable d’études le résultat de sept dures années de labeur au sein de la prestigieuse Ecole des Arts du Cinéma de Thîmes- ou EACT, pour les puristes- afin que mon Examen, en cas de franche réussite, ne soit validé et ne m’ouvre les portes du Septième Art. En gros, j’ai quinze jours pour relier ces foutues idées, en faire un scénar de court-métrage digne de ce nom, le présenter à une boîte de prod’ de la ville qui me le fera tourner avec une équipe de pros, puis le proposer au comité d’Examen qui le visionnera avant de me détruire en direct lors d’un entretien qui tracera mes projets du janvier à venir. Devant le PC, plus j’y pense, plus je me dis que je DOIS me bouger le cul, plus je stresse. Et un énième morceau de ma minuscule motivation me quitte à nouveau.

Je n’ai pourtant pas le choix. J’ai été, en même temps que le reste de la classe, prévenu de cela en septembre. J’avais quatre mois pour me creuser la tête. Ce que j’ai fait, mais pas de manière fort utile, il faut croire. Sinon je ne serais pas là, emmitouflé dans ma couverture bleue poussiéreuse de l’EACT, à fixer d’un air hagard les posters recouvrant les murs de ma chambre.



Dans la chambre, je fais les cent pas, encore. Avec ma cape en laine pauvre posée sur les épaules, je fais le roi. Mais l’inévitable écrase ma microscopique fierté. Et la couverture balaie le sol. Je vais encore me plaindre que je tousse la nuit, avec ça…