CHAPITRE 4
Il était plus de deux heures du matin, à présent. Tous dormaient, d’un sommeil réparateur qui effaçait progressivement les douleurs de la journée. Le calme plat.
Pourtant, il était une personne qui ne dormait pas. Une personne vêtue d’une salopette bleue et d’une casquette rouge…
Mario se glissa silencieusement hors de la chambre qu’il partageait avec son frère Luigi et se coula le long du couloir des dortoirs.
Surtout, pas de bruit !
Le plombier se faisait mentalement la liste de tout ce qui pourrait attirer les Boo dans la chambre de son nouvel adversaire. Couverts, piécettes, bijoux… Ce serait un jeu d’enfant que de trouver tout cela. Il ricana sournoisement à cette idée. Il en connaissait un qui ne dormirait pas beaucoup ce soir !
Un petit bruit interrompit brutalement ses pensées ; un minuscule petit cliquetis, presque imperceptible, mais qui attira néanmoins son attention, et qui ressemblait vilainement à un bruit de porte qui s’ouvre… Mario se dressa, aux aguets. Mais le silence était retombé sur le château.
Le grand escalier de marbre qui conduisait à l’étage inférieur était en vue. Mario dévala les marches le plus silencieusement possible, en prenant bien garde de ne faire aucun bruit. Mais sur la dernière marche, il glissa sur quelque chose de mou et s’étala lourdement sur le sol. La chose lui atterrit sur la tête, molle et gluante ; et à ce moment, le plombier réalisa qu’il s’agissait d’une peau de banane. Au loin, quelque part dans le château, un rire retentit.
A présent, Mario en était sûr, quelqu’un ne dormait pas non plus cette nuit.
Knuckles se frotta les mains : son petit stratagème avait fonctionné à merveille. Ce plombier allait voir à qui il avait affaire ! A cette heure avancée de la nuit, il préparait sûrement un mauvais coup. Mais l’échidné comptait bien lui jouer un tour à sa façon.
Justement, des pas discrets se firent entendre non loin de lui, preuve que Mario approchait. L’échidné se plaça au milieu du couloir, bras croisés. L’obscurité empêchait toute vision, aussi le plombier ne remarqua-t-il pas cet obstacle imprévu au beau milieu de sa route. Les deux protagonistes entrèrent violemment en collision. Mario roula au sol, sonné, ne comprenant pas ce qui lui arrivait. Il se releva, méfiant. Knuckles ne bougeait pas d’un pouce, plus silencieux et immobile qu’une statue.
- Il y a quelqu’un ? lança le plombier, d’une voix mal assurée.
Pas de réponse.
Mario tenta un autre passage, mais se heurta derechef à Knuckles.
- Qui êtes-vous ? Répondez enfin !
Toujours pas de réponse. Knuckles sentait la peur envahir le plombier. Il décida toutefois de mettre fin à la plaisanterie :
- Salut, Mario, lança-t-il calmement, je peux savoir ce que tu fabriques à deux heures du matin, dans les couloirs du château ?
Rassuré, car il avait reconnu la voix de l’échidné, Mario répondit :
- Knuckles ! … Tu m’as fait peur ! Je… J’allais…chercher quelque chose à manger…dans le frigo !
Knuckles marqua un temps de surprise. Il n’avait pas envisagé cette raison.
- A manger ? Bon euh… Excuse-moi, je croyais que…
- Et toi ? Qu’est-ce que tu faisais ici à cette heure ? demanda à son tour Mario, ayant repris confiance.
- Ben tu vois… J’me promène… J’arrive pas à dormir. Euh… Se promener, ça aide au sommeil.
- Ah très bien ! Bon ben… A demain alors.
- Ouais, à demain.
Ils se séparèrent, l’un soulagé, l’autre confus. Knuckles n’état pas vraiment satisfait de la réponse du plombier. Quelque chose clochait dans ses propos. Bah, ce n’était pas vraiment important… N’est-ce pas ?
Machinalement, il se dirigea vers la chambre qu’il partageait avec Tails et Sonic. La clé tourna avec un petit cliquetis, mais il ne referma pas la porte à clé.
Il s’allongea sur son matelas, pensif, et il commençait à s’endormir lorsqu’un fait lui revint.
La cuisine n’était pas du tout dans la direction qu’avait prise le plombier lorsqu’il s’étaient séparés. Mais alors pas du tout. Et Knuckles comprit soudain qu’il avait – une fois de plus – été berné. Un instant, il hésita à rejoindre le plombier, mais une fatigue soudaine l’envahit, celle des émotions de la journée. Sa tête tomba sur l’oreiller et il s’endormit en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « ouf ».
- Ouf, je l’ai échappé belle ! songea Mario, intensément soulagé. Si cet échidné m’avait pris sur le fait… J’aurais eu du mal à expliquer ma présence ici…
Il poussa la porte de la salle à manger. Là se trouvait l’argenterie de la princesse. Il saisit une poignée de cuillères et fourchettes qui brillaient presque d’avoir été maintes fois astiquées. Le plombier s’en retourna sur la pointe des pieds.
- A présent, ce sera un jeu d’enfant !
Il remonta le grand escalier de marbre et, une fois n’est pas coutume, glissa de nouveau sur la peau de banane qui traînait au bas des marches pour aller s’écraser une nouvelle fois sur le sol.
Fourbu, meurtri, il traversa le couloir et poussa silencieusement la porte de la chambre de ses adversaires - chance, elle n'était pas fermée à clée -, priant pour que Knuckles se soit rendormi entre temps, ce qui était effectivement le cas.
Il déposa l’argenterie sur la table de nuit du hérisson bleu, qui dormait à poings fermés, un filet de bave coulant sur son oreiller ; et ayant accompli sa besogne, il quitta la pièce, le tout dans un silence complet. Il rejoignit sa chambre, content de lui.
Les Boo ne tarderaient pas ; il le savait.
Alors qu’il rêvait tranquillement qu’il faisait du ski sur une montagne de glace à la vanille, Sonic fut réveillé en sursaut par un hurlement à vous glacer le sang. Il se dressa dans son lit, en sueur, se demandant avec angoisse d’où provenait cet horriblement cri.
Le hurlement retentit de nouveau, et cette fois, ce fut Tails qui redressa la tête, les yeux écarquillés de terreur. Ils dressèrent les oreilles, morts de frayeur.
- Sonic, souffla le petit renard, ce bruit… Tu… tu crois que c’est Amy qui chante ? A trois heures du matin ?
- Voyons, Tails, répliqua le hérisson bleu, ce cri est une merveille de la musique comparé aux beuglements de notre chère hérissonne pot de colle.
- Oui, admit Tails. Tu as raison. Mais cela n’explique pas cet horrible… AAAAAAAAAAAAAAAAAH !
Il ne termina pas sa phrase, et, pris de panique, il désigna du doigt quelque chose au dessus de son ami. Intrigué, celui-ci leva la tête mais ne vit rien.
- Un.. Un fantôme…, bafouilla Tails. Là ! Il était au-dessus de toi !
Le hérisson le dévisagea d’un air soupçonneux.
- Hum… Tails, je t’avais bien dit de ne pas regarder « Le Cercle » hier soir. Tu ne m’as pas écouté, et voilà, à présent tu vois des fantômes partout !
- Mais ce n’était pas un détour de mon imagination ! se défendit le renardeau. Je te jure que je l’ai vu !
- Oui oui. Bien sûr. Enfin voyons ! Il est bien connu que les fantômes envahissent souvent les châteaux des princesses à trois heures du matin pour faire peur aux invités qui se trouvent dedans. C’est l’évidence même et… AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !
Un nouveau fantôme venait d’apparaître, juste au dessus de Tails.
- Le… LE FANTOOOOME ! IL EST LA !!
- Hin hin ! ricana le renardeau. Apparement je ne suis pas le seul à avoir regardé « Le Cercle » hier soir, hein ?
Sonic tenta de calmer sa respiration.
- OK, commença-t-il, tentons de reprendre nos esprits..
- PARLE PAS D’ESPRIT ! AAAAAAAAAAH !
Un Boo apparut et voleta autour de la table de nuit du hérisson, convoitant les objets brillants qui s’y trouvaient.
Tails et Sonic s’agrippèrent d’un même mouvement, blancs comme des linges.
Cependant, tous ces cris avaient fini par réveiller Knuckles qui émergea de sa couette, les yeux mi-clos.
- On peut dormir, oui ? rugit-il. C’est fini ces…
Son regard croisa celui du petit fantôme qui ricanait et laissait pendre sa langue hors de sa bouche.
- AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!!!
Knuckles aurait croisé Jack l’Eventreur qu’il n’aurait pas poussé un tel hurlement de frayeur. Trois nouveaux fantômes apparurent. Ils tourbillonnaient autour des trois amis, poussant des petits ricanement par moments.
- Bon, fit Knuckles, dans les films d’horreur, quand les héros se font attaquer par des fantômes, qu’est-ce qu’ils disent ? Ah ! Oui ça me revient. Ils disent..
- COUREZ ! hurla Tails en se précipitant vers la porte, bientôt suivi de ses deux colocataires.
Heureux d’avoir trouvé de nouvelles cibles, les Boo se désintéressèrent de l’argenterie et poursuivirent les hybrides. Ces derniers dévalèrent le grand escaliers de marbre. Enfin, ce fut plus compliqué que cela. Sonic voulut passer le premier mais dérapa sur le sol glissant. Tails ne le vit pas et trébucha sur le hérisson, en s’agrippant à Knuckles sur qui il comptait pour le rattraper mais qui n’ayant pas prévu le coup fut entraîné dans sa chute ; ce qui donna pour résultat que les trois hybrides dégringolèrent l’escalier cul par dessus tête et s’affalèrent au bas des marches les uns sur les autres.
Galvanisés par la peur, ils reprirent leur course folle à travers couloirs et escaliers.
- La cuisine ! hurla Sonic au détour d’un couloir. Dirigez-vous vers la cuisine !
Ce qu’ils firent. Ils s’y barricadèrent et attendirent, le souffle court.
- C’est quoi ton idée, souffla Knux. Les fantômes traversent les murs, c’est pas une porte qui les arrêtera.
- « Cuisine « , dans ma langue, signifie « salle d’armements », répondit Sonic avec un clin d’œil. Il y a tout ce qu’il faut ici pour se défendre contre ces envahisseurs. N’oubliez jamais : ne sous-estimez jamais le pouvoir d’une cuisine.
Aussitôt dit, aussitôt fait . Knuckles attrapa une casserole, Tails se saisit du batteur à oeufs tandis que Sonic se précipitait sur le rouleau à pâtisserie.
Le hérisson avertit ses guerriers :
- Tenez-vous prêts du placard à vaisselle, ça pourrait vous servir.
Déjà, les Boo commençait à traverser les murs pour pénétrer dans la cuisine. Le premier groupe de fantômes fut reçu par une volée d’œufs qui les fit battre en retraite.
Le second raid se montra plus offensif, mais Knuckles leur expliqua calmement l’art de la cuisine à coups de casserole bien placés. Tails mit en marche le batteur à œufs et se tint prêt à l’attaque. Cette arme se révéla plutôt efficace, car elle éparpillait la matière dont étaient formés les Boo et les rendait inconsistants, donc inoffensifs.
Le troisième raid était composé de Boo carrément énervés par cette résistance tenace. Les fantômes bousculaient nos héros qui frappaient à tout va.
Sonic en mit quelques uns en fuite à l’aide du rouleau à pâtisserie mais bientôt, il lui fut arraché des mains par les fantômes, tout comme les modestes armes de ses compagnons.
- Repli tactique ! cria Sonic. Direction le placard à vaisselle !
Le lancer d’assiette et de couverts qui suivit mit en fuite la plupart des fantômes. Mais ceux-ci revenaient encore et toujours, plus hargneux, plus rapides. Ils mordaient et bousculaient les trois hybrides à qui mieux mieux. Pourtant, la Team Sonic se défendait bien : après le couvert, ce fut le tour des aliments de servir d’armes. Une plâtrée d’épinards ou des choux de bruxelles en décomposition en plein visage faisait décamper plus d’un Boo. Les bouteilles de lait pleuvaient sur les pauvres fantômes qui se demandaient bien qui étaient ces démons qui maniaient si bien la poêle et le mixeur. Finalement, les Boo choisirent la fuite et quittèrent les lieux en poussant de longues plaintes à vous faire dresser les poils sur l’échine.
- Victoire ! hurlèrent les hybrides en se tapant dans les mains.
- Ménage ! hurla la princesse Peach, qui venait de pénétrer dans la pièce dévastée, un balai à la main.
Cette apparition brutale surprit les hybrides qui, croyant qu’un Boo récidiviste revenait à la charge, balancèrent à la tête de la princesse leurs dernières munitions, ce qui ne plut pas particulièrement à Peach.
- Mais vous êtes dingues ! hurla cette dernière, couverte de lait et d’œufs. Il est quatre heures du matin et vous vous battez avec les aliments dans la cuisine en poussant des cris à réveiller un régiment !
- Holà , corrigea Knux, les fantômes nous ont attaqués, on s’est défendus, voilà tout. Si cet endroit n’avait pas l’air d’un manoir hanté, aussi, peut-être que les fantômes trouveraient un autre parc d’attractions !
- Mon château, un manoir hanté ?? Mais pour qui vous prenez-vous ! Si ce n’étaient pas les J.O., je vous flanquerais dehors !
- Essaie seulement ! répliqua Sonic en lui faisant un pied de nez.
- En attendant, reprit Peach en dissimulant sa rage, vous nettoierez la cuisine le temps nécessaire. Je me fiche de savoir que vous devez vous lever à sept heures pour l’entraînement.
Elle quitta dignement la pièce, laissant les trois amis en grand désarroi.
- C’est vrai que demain y’a l’entraînement, murmura Tails, on va jamais arriver à se lever. On en a pour deux heures minimum pour tout ranger et tout nettoyer. Il y a des éclats de vaisselle partout !
- Tant pis, décida Knux, il n’y a que ça à faire, de toute façon.
Les trois hybrides se mirent à la tâche en grommelant. Luttant contre le sommeil, ils durent non seulement nettoyer le sol, mais aussi les murs, couverts d’œufs et d’aliments en tout genre.
Lorsqu’il eurent enfin terminé, il était six heures et demi. Ils n’eurent pas le courage d’aller se recoucher pour une demi-heure et ne purent que tenter de ne pas s’endormir sur place en attendant que Bruce vienne les chercher par la peau du cou pour les traîner à l'entraînement.