Je voudrais commencer par te conseiller de la documentation, si tu choisissais de continuer ce texte (ou de le recommencer) :
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TTA150-
Army Field ManualsLe TTA150 (titre04) est simple, illustré et en français. Les "field manuals" américains sont bien plus détaillés mais évidemment plus difficiles d'accès. Dans tous les cas de quoi te documenter.
Si vraiment tu n'aimes pas lire, je te conseille les films "la ligne rouge" et "nous étions soldats". C'est plein de stéréotypes mais au moins on s'approche un petit peu de quelque chose de crédible. Si tu aimes lire mais pas les manuels, il te reste "frères d'armes".
Ceci m'évite de relever tout ce qui dans le texte me dérange.
Retour au point de vue littéraire.
Je n'ai pas regardé dans le détail, aussi n'ai-je vu que deux problèmes. Le premier est la cohérence du texte avec son introduction. Le second est, à l'arrivée des hélicoptères, une transition trop brutale.
Les trois premiers paragraphes mettent l'emphase sur le danger d'être soldat. Tout le monde peut mourir. J'exagère avec trois paragraphes mais l'idée est là :
Je ne souhaite à personne de se retrouver en première ligne, un fusil en main. Vous sentez la peur qui vous prend les tripes. Vous guettez le moindre mouvement. Vous êtes nerveux. Vous savez que, malgré toutes les protections que vous portez, une balle peut vous être fatale. Vous ne voulez pas mourir, mais pourtant, chaque personne du camp opposé peut faire office de Faucheuse pour vous.
Ce message, ce point de vue, ne pose pas de problème en lui-même. Le problème est qu'en introduction du texte, il lui donne une orientation. On s'attendrait à le voir mis en pratique. On s'attendrait à ce qu'effectivement tout le monde puisse mourir et soit en danger.
Or ce n'est pas le cas du héros. Le héros lui-même n'en tient plus compte par après. Enfin ce n'est pas le cas du texte lui-même.
Jenkins n'hésite pas à risquer sa vie. Une phrase dans l'introduction justifie cette attitude, et néanmoins on est très loin de quelqu'un qu'une balle pourrait tuer à tout instant. De fait je ne me rappelle d'aucun instant où il serait menacé. Il se contente de démolir tout ce qui passe dans son viseur.
C'est problématique parce qu'à part au travers des dialogues, il est quasiment le seul personnage à exister. Les autres, Koslov, Yosko, je ne sais plus qui, n'existent que quand ils lui parlent, ou rapidement mentionnés. Jenkins est le soldat par excellence ici, le texte n'offre aucun autre repère que lui. Il est donc archétypal.
Or cet archétype n'hésite pas à se mettre sous le feu ennemi, à faire un carnage et à s'en sortir sans agir une seule fois comme si une pluie d'acier allait le clouer au sol. Il faudrait soit abandonner ce tour héroïque au personnage, soit donner d'autres repères au lecteur, montrant qu'il est l'exception. Sans quoi le message initial est vain.
Jenkins a notamment une réaction incompréhensible :
Je n'arrivais pas à croire que mon meilleur adjudant puisse se faire mettre HS aussi facilement. J'accourus.
Garrett se fait abattre. Pourquoi Jenkins n'y croirait-il pas ? Il l'a dit lui-même au départ, tout le monde est égal devant la mort. Et Garrett n'est certainement pas le premier homme qu'il perd, aussi expérimenté soit-il.
Enfin il faut regarder les choses en face. Le texte est majoritairement en faveur de Jenkins, l'ennemi se fait tailler en pièces, Jenkins et ses hommes s'en sortent merveilleusement bien, ils ont le temps de se payer un char et à la contre-attaque ils s'offrent vingt prisonniers et la débâcle adverse. Meilleur tableau, c'était impossible.
Tu as passé plus de temps à valoriser ton héros qu'à mettre en place une ambiance guerrière, une qui confirmerait le lyrisme de départ. Car en l'état ce n'est vraiment que du lyrisme de convention, et ton héros agit plutôt comme le protagoniste d'un FPS.
Appliquer la loi du talion serait un bon début, essayer de rendre l'ennemi vaguement plus crédible, faire encaisser des coups à Jenkins et ses hommes. Il n'est pas facile de se représenter le champ de bataille mais à défaut d'être cohérent avec le message initial, au moins penser à "à vaincre sans péril on triomphe sans gloire". Ou alors abandonner le lyrisme de départ et se concentrer sur la valorisation.
À propos de la transition à présent :
Les dernières poches de résistance qui avaient pris forme au rez-de-chaussée et à l'extérieur se rendirent d'elles-mêmes, lassées de se faire laminer. Deux autres Blackhawks arrivèrent dans l'intervalle, amenant de nouvelles troupes. Nous commençâmes à nous regrouper, quand soudain …
Je dirais que la transition s'effectue en deux phrases : de "last stand" on passe à une situation de victoire totale. Cela aurait mérité un plus long développement, au moins pour rendre le changement plus fluide pour le lecteur.
Je prends ce texte pour ce qu'il est : une ébauche. Et je dois avouer qu'en l'état mon conseil est "ne continue pas".
Il te faut d'abord décider clairement quelle direction prendre, entre une équipe invincible à glorifier absolument (c'est une option tout à fait légitime) ou un soldat confronté à la réalité de la guerre (ce qui est paradoxalement moins légitime que l'autre option).
Il te faut aussi te renseigner absolument sur la guerre, il y a des milliers de détails à prendre en compte qui rendent ton texte bancal. Ce n'est pas bien grave pour le lecteur lambda, qui à juste titre s'en fiche. Pour le passionné, par contre, cela gâche le plaisir.
Enfin tu devrais te concentrer sur les personnages : il te faudrait vraiment développer les compagnons de Jenkins, pour donner d'autres repères au lecteur et te permettre ainsi plus de liberté avec ton héros.
Un dernier conseil. La vie du soldat, c'est 50% de marche, 40% de tâches, 9% d'attente et 1% de combat. Si tu veux de l'action, prends plutôt un adolescent avec des pouvoirs.