Ca faisait longtemps, tiens.
Pas d'excuses, comme d'hab, si ce n'est que j'avais plus envie d'écrire. Mais ça revient petit à petit.
Ce mortel m'étonnera toujours. Nous nous détestons tous les deux, c'est vrai, mais en même temps, nous nous attirons … Je n'arrive pas à tout comprendre, et lui non plus. Mais grâce à lui, je retrouve un peu la mémoire chaque jour. Je ne sais toujours pas pourquoi je l'ai perdue … Mais ce qui est fait est fait.
Que va-t-il se passer, maintenant ? Il a tellement de dégoût envers moi, mélangé à tant de peine après ce qu'il vient de lire, qu'il me bloque l'accès à son corps, même pendant son coma. Il est donc inconscient de ce qu'il fait … Mais … C'est peut-être un coma artificiel. Créé par une parcelle de son esprit pour me bloquer … Ça ne m'étonnerait pas. Ce gamin possède beaucoup de ressources …
Tiens, pendant que j'y suis … Quelque chose d'important me revient à l'esprit, après cette lecture. Un souvenir.
***
L'odeur du sang. Un décor de laboratoire. Un tube cryogénique brisé … Et à terre, une femme. Une échidné. Son visage est contre le sol, et sa blouse autrefois blanche est complètement rouge. Imbibée de son propre sang. Une traînée rougeâtre disparaît vers une porte entrouverte, tandis que le même liquide éclabousse les murs, le tube … Et bien d'autres choses.
Des pas. La vision est trouble. Au ras du sol. Affaiblie. Le corps est faible, lui aussi. Mais il est quand même possible de distinguer une silhouette … Encapée dans un manteau noir, portant des gants noirs … Impossible de voir son visage. Qui est cette personne ? Que veut-elle ? Comment peut-elle rester impassible face à ce massacre ?
« Te voici donc ... »
La voix semble étrangement dédoublée. L'une est grave, l'autre est sifflante. L'une est posée, l'autre est sournoise.
L'inconnu pose un genou à terre, devant le champ de vision. Lève la tête. Toujours impossible de voir son visage, même d'aussi près.
« J'ai un cadeau pour toi ... »
Un cadeau ? Impossible de comprendre. Quel cadeau ?
Une vague de douleur soudaine, dans le torse. Puis plus rien. Noir complet.
***
00:07
Réveil en sursaut.
« Bordel de ... »
Wah, le mal de crâne ! J'ai l'impression de m'être fait broyer la tête au rouleau compresseur.
Je regarde un instant autour de moi. Ma chambre. Et deux yeux verts. Anxieux.
« Ça va, ça va ... »
Fly me saute dessus, comme à son habitude … Elle m'a traîné jusque là, apparemment.
Tandis que nous nous étreignons, j'essaye de me souvenir des quelques images qui m'ont été données. Un type encapé … Même si ce n'est qu'un souvenir, j'ai senti quelque chose … D'étrangement familier, mais de très intimidant, en même temps … Mais ce type … Je le connais pas, j'en suis certain. J'y comprends rien.
En tout cas … Si je savais comment faire …
Tu me tuerais, hein ? Si tu m'expulses de ton corps, je t'emporte avec moi …
Hmpf. Fait chier. J'vais devoir me coltiner cet assassin toute ma vie … J'trouverai un moyen, crois-moi.
Et puis … Choc. Encore. Siry et Gabriel … Pas mes vrais parents … C'est vrai qu'il n'y avait aucune ressemblance, mais … Julianne … Ma mère ? Moi qui croyais que c'était ma tante … Je dois avoir une photo … Quelque part … Il faut que je la trouve …
Je me lève un peu brutalement, manquant de faire tomber Fly. Où elle est, cette photo ? Pas là … Ni là … Encore moins ici …
Je ferme un tiroir … Et reste avec la poignée dans la main.
« Fait chier …
- Mais … Ça va pas !? »
Je m'arrête et pivote. La demoiselle est choquée … Qu'est-ce que j'ai fait, encore ? J'hausse un sourcil. En réponse, elle pointe la commode du doigt …
… Ah, oups. Je réparerai plus tard.
Photo, photo … Foutue photo … Ah, je sais ! Je me dirige vers un placard, l'ouvre, et passe mes mains sur le dernier étage. Normalement, il devrait y avoir … Là.
Je reviens sur le lit.
« Désolé, mais c'est important … Je viens d'apprendre qui est ma vraie mère. »
Fly reste interdite. Elle ne comprends pas, c'est normal … Pour elle, Siry est ma mère. J'lui aurais bien dit de lire le journal, mais j'ai pas envie qu'elle soit choquée, elle aussi … D'ailleurs, il est où, ce foutu journal ? Il est sûrement resté par terre … Faudra que je le récupère.
… Je l'ai. Gabriel m'a toujours dit que Julianne, ma mère, tirait ses yeux violets de leurs grands-parents … Les critères génétiques sautent parfois une génération. Mais maintenant que j'ai la photo sous les yeux … Mêmes yeux, mais visage différent. Quoique quelques traits sont les siens.
Un menton se pose sur mon épaule.
« … Ta tante ? »
Je hoche la tête lentement.
« Je me disais bien qu'il y avait un air de famille ... »
Elle ne comprends toujours pas, mais elle fait comme si tout allait bien. Une de ses habitudes. Je lui en suis reconnaissant … Je n'ai pas envie de jouer aux questions-réponses pour le moment. J'suis sous le choc … Brisé mentalement … J'ai besoin de repos …
JOUR 16 – 07:22
Point positif numéro un : j'ai plus mal à la tête.
Point positif numéro deux : j'ai réussi à m'en remettre un peu.
Point positif numéro trois : … Euh, y a erreur, là.
Bon, on laisse tomber. Je suis d'humeur exécrable, en fait. Et au fond, je suis … Mal. J'ai toujours pas digéré.
Et je suis seul dans mon lit. Elle est déjà partie … ? D'après le mot sur la table de nuit, oui … Apparemment, son père l'a appelée. Bon. Peut-être à cause du coup foireux dans le cours de l'autre folle.
Je me lève lentement. Direction la cuisine pour un petit déjeuner … Puis salle de bain. Faudrait que je fasse vite, quand même. Quoique Takeshi fermera sa gueule même si j'arrive en retard … Je lui ai un peu trop fait peur, je crois. Le pauvre … Ou pas. Qu'est-ce que je peux être sadique, des fois.
Passage devant la glace.
« MAIS ... »
OMG.
« … PUTAIN DE BORDEL DE MERDE ! »
07:48
On pourrait se demander qui est ce type. Remarque, le temps joue avec moi, donc ça va … A moitié.
J'vais vous faire un topo : uniforme scolaire, comme d'habitude … Agrémenté d'une paire de gants noirs, d'un long manteau et d'une casquette militaire de la même couleur, de lunettes de soleil … Euh, j'crois que c'est tout. J'ai pas osé mettre la cagoule, mais j'aurais peut-être du. Ah, j'ai juste remonté le col à fond.
Je jure que je vais le tuer.
Je n'y peux rien si tu ne te contrôles pas.
T'es pas obligé de faire affluer ton énergie.
C'est là que tu te plantes.
Fait chier …
« Yo.
- Mais qu'est-ce que tu fous avec des lunettes de soleil ? »
Grognement en réponse. Désolé petit, mais c'est pas le moment …
« Yay ... »
Celsius a l'air un peu mal en point, lui aussi. C'est encore à cause de ce foutu problème de médocs … Hmpf …
Tiens, voilà Sephyra … Qui lance un regard mauvais à Celsius.
« Mais qu'est-ce que j'ai fait ? »
Je le regarde avec des yeux ronds, ainsi que White. La roussette, quant à elle, détourne à moitié la tête. Faut croire que les médocs lui ont aussi bousillé le cerveau … Bref, je lui fais un résumé. Résumé qui le choque, apparemment.
« Mais … Mais j'suis pas comme ça, d'habitude ! Ton pote m'a fait un topo, mais quand même ... »
J'hausse les épaules. Shadtty arrive dans le même temps, bientôt suivie de Zalosta. Les deux ayant des mines patibulaires dès qu'elles remarquent la présence du renard.
« Elles aussi …
- Fait chier …
- Je … Je crois que tu devrais t'excuser … Non ? »
White sourit timidement en se grattant la tête. Il a pas tort, le gamin. Mais pas sûr que l'autre canidé accepte. Hmm … Je peux pas enlever mes lunettes, mais j'espère être persuasif quand même.
Celsuis soupire.
« Putain, j'ai pas le choix, c'est ça ?
- Ouais … La prochaine fois, fais gaffe à ce que tu bois.
- Très drôle. »
Nous le regardons partir … Quand je croise le regard d'une certaine hérissonne violette. Pourquoi j'ai pas fait le lien plus tôt ?
Je m'apprête à aller taper la causette, mais la cloche retentit, comme pour m'en empêcher. Chanceuse … Mais je crois qu'elle s'est rendue compte de quelque chose.
« Entrez, entrez. »
Lorsque je passe devant le prof, il commence à grommeler quelque chose, puis se ravise. Il a trop peur, je dis. Bref. Je vais me placer au fond. Tout le monde me regarde bizarrement. Ouais, ben c'est pas drôle pour moi non plus, hein. Pourvu que personne ne s'amuse à m'enlever mon barda …
08:59
Bon, une heure de passée. Maintenant que j'y pense, j'aurais mieux fait de rester chez moi … J'ai deux heures avec la vieille folle. Fait chier. Fait chier. Fait chier. Fait …
« Non mais c'est quoi cet accoutrement ? C'est pas carnaval, aujourd'hui. Allez, enlève-moi ça. Tout de suite.
- Non.
- Comment ça, non ? Une heure …
- Vous pouvez me coller toute l'année, je n'enlèverai rien.
- Très bien. »
J'entre dans la salle … Quand je sens ma casquette et mes lunettes s'enlever, bientôt suivies par mon manteau.
« BORDEL ! »
Je baisse la tête. Faut pas qu'on voie mes yeux … Le reste, passe encore, mais pas les yeux … Pas les yeux … Pas les yeux, merde …
« Rendez-moi ça ! Vous voulez me brûler les yeux ou quoi ? J'me suis chopé un truc grave ! La lumière me brûle les yeux ! »
Un bras devant les yeux, je me retourne vers la prof. Je sais pas exactement où elle est, mais je tends mon autre main.
« Rendez-les-moi ! Rendez-les-moi ou ça va mal finir !
- Ne me parle pas sur ce ton ! »
Contact dans ma main. Je remets mon bien sur mon nez … Pour voir une Sly énervée. Très énervée.
« Je veux un certificat. Et c'est quoi ces fantaisies ? Des tatouages ? »
Ça m'amuse pas … Putain, elle a ruiné ma couverture …
« Vous aurez votre certif' demain. Je l'ai pas sur moi. »
Mais quelle excuse de MERDE ! Sérieux, c'est du n'importe quoi … Va falloir que je passe voir Ryo, maintenant. Faudra qu'il me diagnostique un truc passager … Je sais que certaines personnes ont des problèmes de sensibilité à la lumière, mais de là à se choper ça d'un coup … M'enfin … Maintenant, je suis ruiné, pour les tatouages. Les questions et les moqueries – allez savoir pourquoi, je n'y avais pas eu droit plus tôt - commencent à fuser.
« Vos gueules. Vos gueules. Vos gueules ... »
Je vais m'asseoir au fond.
« VOS GUEULES ! »
J'abats ma main sur la table. Grand silence brisé par un horrible craquement de bois fendu.
« … Merde. »
10:55
Exclusion du cours. Passage obligatoire chez le dirlo. Quatre heures mercredi prochain. Certificat à fournir sous vingt-quatre heures. Paiement d'un nouveau bureau. Obligation de faire disparaître les tatouages sous une semaine … J'espère que je serai calmé avant. M'enfin pour le moment … Quoi ?
« Fous afez failli être en retard. »
Pourquoi ça ?
12:00
Si je vous dit que je me suis cassé du lycée en courant, vous me croyez ? Vous devriez.
Téléphone qui sonne.
« Ouais ? Ouais. Okay … Ouais. 'Plus. »
Il pleut toujours. Des cordes. J'en ai marre … Je suis trempé, énervé, et bien d'autres choses … Et j'ai oublié de faire quelque chose de très important. Je ne suis pas encore trop loin du lycée … Faut vite que je revienne en arrière. Faut que je la chope et que je la fasse parler. Elle doit savoir des choses sur mon paternel. Elle n'a pas de pupille … Il l'a écrit lui-même : ceux qui n'ont pas de pupille ont des affinités avec les démons … Ou du moins, les esprits. Ne me demandez pas comment je le sais. J'ai juste l'impression que 'démoniste' est un terme vague … Ou mal employé. Il a dit que j'étais démoniste. Pourtant, je n'ai pas que des affinités avec les démons … Il m'est déjà arrivé de voir ou d'entendre des choses un peu étranges, mais pas démoniaques. Des choses que j'étais le seul à ressentir. C'était bref, mais c'était là. Ce n'est qu'une hypothèse, mais …
Je cours dans une ruelle à peu près protégée, mais sombre. Quand tout à coup …
Je roule sur le côté, évitant de justesse quelque chose de très, très froid. Tandis que je me relève, une silhouette s'approche de moi en courant. J'esquive de justesse un poing qui me donne un frisson. C'est froid, c'est froid …
… Et deux yeux sans pupille croisent les miens.