Dans les Streets Of Rage, la stupeur était également présente et pouvait se lire sur tous les visages ayant vu la scène.
- Knuckles ... décidément, tu m'impressionneras toujours, pensa Shade, admirative.
Les voyous restants, au nombre exact de huit, hésitaient maintenant à attaquer l'épineux rouge malgré leur supériorité numérique.
- Putain, il est trop balèze celui-là ! Constata un lézard. On va pas pouvoir lui mettre sa race !
- Il a envoyé l'aut' mastodonte et ses potos dans l'décor d'un seul coup ! Ajouta un chien. J'veux pas finir comme eux, ça pas question !
Un tigre, un peu plus imposant que le reste du groupe, s'avança et déclama avec un langage plutôt ordurier :
- Tarlouzes sans cervelle, vous n'êtes vraiment qu'une bande de fiottes ! Moi, j'ai la solution : si vous avez trop peur d'y aller en solo, alors on va y aller tous en même temps ! On lui tombe dessus puis on lui défonce le buffet ! À six contre un, il va pas faire long feu, c'est moi qui vous l'dis !
Les autres paraissaient ravis.
- Ah ouais ! Ça, ça m'plait ! Ricana un rat.
- Voilà un plan comme je les aime ! Fit un hérisson.
- Prépare-toi à compter tes abattis, le rouquin ! Conclut un loup.
À l'écoute de ce mot, le sang de Knuckles ne fit qu'un tour. Une personne en particulier l'avait mis hors de lui en l'appelant comme ça : son rival des Babylon Rogues, Storm l'albatros.
Le leader aux couleurs bigarrées, lui, motivait ses troupes ... à sa manière, avant de sonner la charge.
- Bon, vous vous êtes enfin décidés à montrer que vous avez des couilles ? Vous êtes prêts à venger vos potes tombés sous les coups de ce rasta de mes deux ? Alors, À L'ASSAUUUUUUUUUUT !!!
Et sur des hurlements sauvages, ils se mirent à courir comme des dératés, bien déterminés à réduire en bouillie leur ennemi.
D'abord perplexe suite à cette déclaration un peu comique aux allures de propagande, le mammifère cramoisi retrouva très vite son agressivité naturelle et fit craquer ses poings, signe d'une future distribution de gnons.
- T'es un grand malade toi, heureusement j'ai ce qu'il faut pour te soigner. Seulement, jamais vous ne m'arrêterez, il aurait fallu que vous soyez dix fois plus nombreux pour cela, pensa-t'il en se ruant à son tour sur la horde.
En quelques secondes, les deux bouts se rejoignirent ; le fauve jaune et noir bondit pour prendre l'avantage.
- Viens bouffer tes molaires, connard ! Jura-t'il.
- Dégage ! Vociféra l'échidné qui sauta et, en plein vol, le repoussa d'un coup de pied gauche rageur dans la poitrine.
Le chef de la meute tomba rudement sur le sol en émettant un « ARGH » très bruyant.
- À qui le tour ?! Plaisanta-t'il en atterrissant. Tiens, pourquoi pas toi ?
Knuckles s'en prit au reptile en le frappant d'un grand mawashi de la même jambe dans le visage, suivi d'une puissante droite qui lui cassa la mâchoire et le mit hors combat. Un bélier se détacha du lot et décida d'imiter le taureau. Le guerrier dreadlocké le stoppa en le prenant par les cornes mais la charge était telle qu'ils dérapèrent sur plusieurs mètres, s'éloignant au passage du groupe, avant de s'arrêter pour de bon. Il enchaîna alors les coups de genou dans la face du mouton à une cadence infernale, mais les autres ne mirent pas longtemps à les rattraper. Il laissa choir sa victime par terre, ensanglantée et dans les pommes, puis courut vers le premier venu, qui s'avéra être le canidé de la nuit. L'échidné bondit dans sa direction en armant son bras droit et, en retombant, lui flanqua son poing dans la tronche jusqu'à lui écraser la tête dans le sol. Il releva vite le nez puis empoigna le suivant, le clébard, pour lui administrer un énorme coup de boule sur le front qui le mit KO instantanément. Il ne restait plus que le hérisson et deux rats ; seulement, un détail pouvait changer la donne : ils étaient tous les trois armés. Le premier avait un tuyau de plomb entre les pattes, et d'un mouvement vertical, s'apprêtait à exploser le crâne de son adversaire ; ce dernier évita l'attaque grâce à une petite esquive latérale sur la droite. Il se rapprocha vite de son agresseur, posa sa main droite sur les poignets tenant l'arme pour les bloquer, puis sa main libre sur l'arme elle-même. Cependant, en regardant son adversaire dans le blanc des yeux, il se statufia. En l'espace de quelques secondes, ce ne fut pas le visage apeuré de son opposant qu'il vit, mais celui de ... Sonic ! Knuckles secoua rapidement la tête pour chasser cette image ... et voir maintenant celle de Shadow ! Cette deuxième « apparition » eut pour effet de le faire exploser de colère ... intérieurement pour l'instant.
- Hé ! Qu'est-ce que t'as ? Demanda le loubard aux piquants.
- Je hais les hérissons.
- Quoi ?!
- Tu es sourd ? JE HAIS LES HERISSONS ! JE – HAIS – LES – HE – RIS – SONS !!! ILS – NE – FONT – RIEN – QUE – DE – SE – FOU – TRE – DE – MOIIIIIIII !!! hurla l'échidné qui renvoyait violemment le tuyau contre son porteur à chaque syllabe.
Au QG du GUN, c'était la consternation.
- Mais que lui arrive-t'il ? S'interrogea le directeur.
- Il pète un plomb, je crois, ironisa Shadow.
- D'après ce qu'il baragouine, cela viendrait de sa soi-disante haine envers les hérissons. Vous qui le connaissez si bien, avez-vous quelque chose à me dire à ce sujet ? Demanda le Commandant aux deux hybrides.
- Euh ... non. Fit innocemment Rouge. Pas à ma connaissance.
- Sonic se moque souvent de lui et s'amuse parfois même à l'humilier, mais à part quelques prises de bec et incompatibilités d'humeur, il n'y a pas de quoi en faire un plat, reprit l'espèce vivante suprême.
- Hum ...
De son côté, le gardien s'était enfin calmé. À présent, il regardait le gars qu'il venait de tabasser avec sa propre arme blanche. Il lui avait littéralement fracassé la tête, du sang coulait d'une grosse entaille au front ; néanmoins, malgré les dégâts apparents, il ne semblait pas être dans un état critique.
Il se tourna ensuite vers les deux loubards restants et, le regard renfrogné, se dirigea vers les rats d'un pas menaçant. Ces derniers possédaient des instruments très tranchants : des couteaux de boucher ! Malgré ça, en voyant la brute rouge s'avancer dans leur direction, ils furent pris de panique et décampèrent sans demander leur reste. Malheureusement pour eux, un autre obstacle de taille bloquait leur fuite.
- On dirait que les carottes sont cuites pour vous, déclara Luke en faisant craquer ses phalanges.
Cette fois, ils étaient bel et bien coincés, sans aucune échappatoire et l'étau se resserrait sur eux à mesure que les épineux s'approchaient. À trois mètres de leurs cibles, ils attaquèrent subitement.
Knuckles courut vers le rongeur qui lui faisait face et le faucha d'un coup de la corde à linge, tandis que le porc-épic décocha un monstrueux crochet du droit dans la face de l'autre nuisible, qui tournoya comme une toupie avant de s'effondrer. Les couteaux avaient volé dans tous les sens au moment où leurs porteurs étaient malmenés, pour heureusement atterrir loin des belligérants et leur épargner de graves blessures. Ensuite, les baroudeurs se baissèrent pour ceindre des bras leurs malheureuses victimes et les relever sans ménagement. À présent dos tournés mutuellement, ils les maintenaient fermement par la taille et jetèrent rapidement un oeil derrière eux. En croisant leur regard, une idée diabolique devait leur avoir traversé l'esprit car ils sourirent. À peine un mètre et cinquante centimètres de distance les séparaient. Comme s'il y avait eu transmission de pensée, ils poussèrent en choeur un grand cri de guerre et exécutèrent simultanément un suplex qui cogna très violemment les têtes de leurs « colis » l'une contre l'autre. Le choc fut si terrible que les rongeurs furent assommés sur le coup ... et sûrement pour très longtemps ! Ils se relevèrent et regardèrent aux alentours. Au même moment, les autres accoururent vers le duo.
- Tout le monde va bien ? Demanda Luke.
- Comme tu peux le constater, nous sommes tous en un seul morceau ... répondit Kouratine.
- ... ce qui n'est pas leur cas à eux, ajouta Persia en désignant tous les bandits dans le coma.
- Comment voulais-tu qu'il en soit autrement ? Répliqua Light. Ces bandits ne sont vraiment pas doués.
- Surveille ton langage ! Retentit une grosse voix. Tu pourrais être très surpris !
Tous se tournèrent en direction de l'intonation. Le rat au bandana et son collègue le rhinocéros s'étaient enfin décidés à intervenir et s'avançaient vers le petit groupe.
- Ah merde ! S'exclama System. Je les avais oubliés ceux-là !
- Quel spectacle ! S'enthousiasma discrètement Memphis. De toute beauté, vraiment !
- Alors comme ça, tout se finit bien pour toi, Knuckles ? Profite bien de tes quelques secondes de gloire, ça ne va pas durer lorsque l'on viendra te chercher, ricana le chef du GUN.
- Il s'est vraiment amélioré, conclut Shadow. Si je venais à me battre contre lui, il pourrait me donner beaucoup de fil à retordre.
Rouge, elle, était soulagée ... et excitée. Les prouesses au combat de Knuckles l'avaient séduites mais elle était surtout contente de voir qu'il s'en était sorti sain et sauf. Toutefois, l'inquiétude la regagna bien vite car elle se doutait de la marche à suivre.
- Quels sont les ordres ? Demanda-t'elle.
À cette question, tout le monde redevint attentif.
- Comme vous le savez tous, le Territoire des Damnés est un gigantesque labyrinthe. Si notre échidné s'enfonce davantage dans cet endroit, la seule chose que nous pourrons faire pour ne pas le perdre de vue sera d'épier ses moindres faits et gestes. Agent Shade !
- Oui, Commandant ?
- Poursuivez la filature, ne quittez pas l'objectif des yeux mais restez dans l'ombre. Cette racaille grouille dans les rues et vous ne devez surtout pas vous faire repérer. La furtivité est votre spécialité, abusez-en. Contactez-nous dès qu'il y aura du nouveau.
- À vos ordres, Commandant !
Puis elle éteignit sa caméra, interrompant la communication.
- Et nous ? Redemanda la chauve-souris.
- Pour l'instant, nous ne pouvons pas intervenir, donc vous restez ici, tous les deux. Mais n'oubliez quand même pas de vous préparer car nous interviendrons cette nuit.
- Génial ! Ça valait vraiment la peine de venir ici en urgence pour rester plantés là ! Ragea Shadow.
- Vous avez vu la situation, je vous ai donné vos instructions, il n'y a rien d'autre à ajouter.
- Et pourquoi l'Agent Rouge et moi ne le ferions pas maintenant ? Avec sa capacité de voler, elle pourrait être affectée à la surveillance aérienne, tandis qu'avec mon contrôle du Chaos, je pourrais foncer dans le tas ou au contraire, faire en sorte que l'on ne me repère pas. Ces voyous ne sont que du menu fretin pour nous, ils ne pourraient pas nous arrêter.
- Ah oui ? Pour qu'elle soit une cible facile en plein air, que vous vous perdiez dans ce dédale ou encore que vous sabotiez la couverture de l'Agent Shade ? Hors de question ! Ne soyez pas aussi prétentieux Agent Shadow !
- Je rêve là, grogna tout bas le hérisson noir, frustré – puis à voix haute – Alors, nous allons tranquillement nous tourner les pouces ici pendant que l'Agent Shade est seule en territoire hostile. Bravo !
Memphis se pencha légèrement vers le directeur du complexe, sans quitter le trio des yeux.
- Ces deux jeunes gens là, sont-ils toujours ... aussi sûrs d'eux ?
- Vous n'avez pas idée. Et encore, ils sont plutôt modestes en ce moment.
- Surprenant.
Pour contrer son patron et « soutenir » par la même occasion son collègue, Rouge tenta d'apporter une autre solution.
- Et si nous utilisions le satellite du GUN pour surveiller le Territoire des Damnés ? Proposa la chauve-souris. Nous épargnerions bien des soucis à notre chère ... nocturnus.
- Ah, le satellite ... eh bien, il est en réparation depuis une semaine à cause de divers incidents techniques, sans gravité mais néanmoins pénalisant. C'est une situation extrêmement préoccupante pour nous car nous sommes privés d'un élément crucial pour la sécurité de Megalo Station. Pour pallier au maximum ce handicap, nous avons instauré ce couvre-feu afin que les habitants ne rentrent pas à une heure trop tardive, et nous avons triplé nos effectifs pour pouvoir garder les secteurs les plus sensibles et les plus peuplés de la ville.
- Inutile de vous dire qu'entre les coûts de réparation du satellite et le déploiement de toutes ces nouvelles troupes, nous avons littéralement fusillé le budget, ajouta le directeur.
- Mais ce sacrifice financier n'a pas été vain puisque Megalo Station est désormais sous bonne garde. Et grâce au couvre-feu, nous pourrons utiliser la moitié de nos effectifs afin de barrer efficacement la frontière des Streets Of Rage, d'attendre que Knuckles en sorte et c'est à ce moment précis que nous l'arrêterons.
Ces nouvelles déclarations ne manquèrent pas d'éveiller encore une fois la curiosité de Batustein et de faire tomber la foudre sur les pieds des deux hybrides.
- Attendez une minute, chaque chose en son temps, Ok ? S'indigna l'espionne ailée. Une semaine que le satellite est en réparation, quand comptiez-vous nous mettre au parfum ?
- Voyons, Agent Rouge. L'Agent Shadow et vous êtes faits pour les missions sur le terrain, pas pour les affaires internes. Par conséquent, j'ai jugé inutile de vous mettre au courant.
- Vous plaisantez, j'espère ? S'offusqua l'espèce vivante suprême. Vous n'êtes pas sérieux en disant faire appel à la moitié des soldats pour l'arrestation d'une seule personne, si ?! Mais la ville sera beaucoup moins gardée, c'est du délire !
C'était la deuxième fois que le hérisson noir, d'habitude si serein, perdait son sang-froid deux fois dans la même journée. À cause de son attitude, son patron était sur le point d'exploser tel une bombe à retardement.
Voyant que la situation ne cessait d'empirer, Memphis estima préférable de quitter cet endroit à l'atmosphère particulièrement électrique. Il regarda sa montre avant de déclarer :
- Pardonnez mon impolitesse mais il se fait tard, et d'autres dossiers m'attendent demain matin.
- Ce serait plutôt à moi de vous demander pardon pour vous avoir retenu aussi longtemps, Maître, s'excusa le Commandant.
Et dans un élan de provocation destiné aux deux hybrides, il ajouta.
- Veuillez également pardonner le manque de discipline et l'insolence dont mes soldats ont fait preuve ce soir, ainsi qu'à l'image négative que vous devez avoir à présent de nous.
Shadow et surtout Rouge étaient estomaqués par ce qu'ils venaient d'entendre. Ils n'en croyaient pas leurs oreilles que leur patron eût osé les humilier de cette façon. Les yeux ronds, tout ce qui sortait de leur bouche était des « il a osé » soufflés, presque imperceptiblement.
- J'ai vu bien pire, rassurez-vous.
- Je vous remercie de votre compréhension – puis se tournant vers le dirigeant du complexe - Monsieur le Directeur, veuillez raccompagner Monsieur Batustein jusqu'à la sortie.
- Bien, Commandant.
- Je vous souhaite une bonne nuit, Maître.
- Vous de même, fit ce dernier en saluant d'une poignée de main. Bonsoir, jeunes gens.
- Bonsoir, répondirent en choeur les concernés avant de lancer un regard empli de haine à l'encontre de leur supérieur.