Donf appuya une nouvelle fois sur la détente après avoir foutu un coup de pied à un des petits êtres noirs. Un cliquetis sonore lui répondit, plutôt qu’un coup de feu. Son teint, rouge par l’effort, devint livide. Saïko, qui venait d’exterminer trois êtres ténébreux d’un jet de flamme tout droit sortis de la paume de sa main droite, regarda en direction de Donf, à sa droite, pour voir celui-ci jeter son arme contre un des innombrables ennemis.
- Donf !
- « Si t’as un problème fais-moi signe », qu’il disait ! MAIS OÙ IL EST EST, LÀ ?! Hurla le jeune homme en regardant en tout sens.
Soudain, son regard tomba sur le fusil à pompe que son acolyte aux cheveux bruns avait laissé tomber pour se battre à mains nues, quelques minutes plus tôt. Un jet de flamme lui frôla alors les fesses. Se retournant, il vit deux petits êtres se consumer. Car c’était ainsi qu’ils mourraient, en se consumant dans un brouillard noir, peu dense, rien qu’une petite fumée. Mais le nombre de leurs ennemis ne semblait jamais vouloir diminuer.
- Saïko ! Fais gaffe aux petits, je reviens !
- Quoi ?!
Donf passa alors à côté de Millie et Arthur qui le regardèrent partir en courant vers Myosotis avec des yeux ronds.
- Arthur, fais gaffe à ta sœur !
- … Ma sœur ? Demanda celui-ci en s’interrogeant.
- Arthur ! S’écria alors Millie qui se trouvait juste derrière lui.
Arthur se retourna juste à temps pour voir le bras-lame d’un ténébreux s’abattre sur lui. Au moment où il cru mourir, un couteau d’une taille assez conséquente stoppa la lame noire à quelques centimètres du visage du garçon. Dails, la peluche de Millie, se tenait sur son épaule, son gros couteau de cuisine entre ses mains pelucheuses. Ses yeux noirs, vides et luisants comme deux billes, contemplaient le petit être. Puis la peluche repoussa son assaillant avec une facilité déconcertante, au vu de sa taille et de sa nature. Sautant de son perchoir, elle coupa net le bras-lame de la créature ténébreuse, puis tombant agilement sur ses pattes en coton rafistolé, balança son couteau de la gauche vers la droite en sectionnant les deux petites jambes de l’être à la tête pointue. Celui-ci tomba en arrière sans un bruit. Dails sauta sur son ventre presque plat et planta son arme dans le cou de son ennemi, qui s’évapora tout de suite dans une petite fumée noire.
- Merci Dails ! S’exclama Arthur avec entrain.
Pendant ce temps, Donf donnait des coudes et des pieds pour passer de force parmi la horde de ces autres créatures ténébreuses. Quelques lames lui tailladaient les vêtements et la peau, mais il restait concentré sur l’arme qu’il voyait à terre, à quelques mètres. Le jeune homme sauta, se réceptionna sur deux ou trois êtres qu’il écrasa face contre terre (ils lui arrivaient à hauteur de poitrine, même un peu moins), puis roula en avant et se jeta à cœur perdu. Enfin il arriva. Il ramassa l’arme à terre, et sans réfléchir se retourna et tira dans le tas, la crosse du fusil callé sur l’épaule, le canon bien empoigné dans l’autre main. La détonation fut sonore, et plusieurs créatures volèrent en avant. La fumée qui s’en échappa fut plus opaque que jusqu’alors. Entre un pistolet et un fusil à pompe, le résultat était probant.
- … Là, c’est officiel, j’ai les boules, commenta placidement le chef cuistot.
- Donf, ramène-toi dans le cercle, on va pas tenir ! S’exclama alors Myosotis en passant la lame de son couteau dans un des êtres ténébreux comme dans du beurre.
Dans son champ de vision n’apparaissaient que lignes et points rouges palpitants qu’elle s’empressait de suivre et de planter une fois leur propriétaire à portée de lame. Donf se fraya un chemin un peu plus facilement avec son arme, tirant deux coups de feu et se servant même à la fin de la crosse de son fusil comme d’un club de golf pour envoyer balader la dernière créature qui s’apprêtait à cisailler Dails à coups de lames. Le petit être noir partit en fumée sans même retomber sur le sol.
- Myosotis, tu sais créer un kekkai ? Demanda alors Saïko en reculant légèrement après avoir flambé une petite dizaine de créatures.
- J’ai jamais vraiment essayé, mais puisque je connais le système de l’intérieur… A voir. Tu veux que je le fasse où ?
- Autour de nous, lui répondit le goupil en balançant son poing dans le ventre d’une créature trop sûre d’elle.
Myosotis se concentra l’espace d’une seconde, puis leva haut son couteau, et l’abattit violemment sur le sol en s’accroupissant. La lame se ficha profondément dans la terre pourtant peu meuble. Un cercle luminescent apparut alors, brillant dans la nuit, repoussant les créatures des ténèbres en s’agrandissant sur le sol.
- Merde, j’aurai dû le faire en plein milieu… Ramenez-vous près de moi !
Donf tira une dernière fois avant de se retourner, et pressa les enfants de rejoindre Myosotis qui se trouvait juste derrière eux.
- Saïko, viens ! S’exclama Donf en s’apercevant que le goupil restait à sa place.
- Nan laisse, c’est fait exprès ! Myosotis, active la barrière, maintenant !
La jeune femme ne se le fit pas dire deux fois en voyant les autres créatures en face d’elle s’approcher dangereusement. Un nouveau cercle s’échappa alors du sol, pile à l’endroit où était planté le couteau, et s’arrêta à quelques centimètres du premier qui entourait Myosotis, Donf et les enfants d’un ou de deux mètres seulement. Des inscriptions étranges et brillantes se tracèrent alors entre le premier et le deuxième cercle, puis le tout rayonna vivement avant que la nuit ne reprenne ses droits. Le rez-de-chaussée du chalet était leur seule source de lumière dans ce bois inhabité. Myosotis se releva, son couteau à la main, légèrement essoufflée. Une des créatures noires en face d’elle tenta de s’approcher en levant sa lame. Au moment où elle s’apprêtait à faire un nouveau pas en direction de sa proie, elle rencontra une résistance inattendue qui ne produisit aucun son. La jeune femme soupira de soulagement en constatant qu’elle avait correctement mis en place la barrière protectrice.
- C’est bon Saïko, ça marche ! S’exclama-t-elle en se retournant vers le goupil qui brûlait de nouveaux ennemis avec ses flammes.
- Ok ! Lui répondit le renard sans même se retourner. Cramponnez-vous, ça va secouer !
Donf s’agenouilla pour prendre les enfants contre lui. Myosotis assura sa prise sur le sol en s’accroupissant. Saïko se concentra alors en fermant les yeux. Il rassembla son énergie, alors que le médaillon autour de son cou émettait une lueur vive. Lorsqu’il releva les paupières, des flammes rouges, brûlantes, dansaient dans ses yeux. Il leva les bras sur les côtés, déployant son énergie autour de lui, puis leva son pied gauche. Au moment où il le rabattit brutalement sur le sol, une vague de flammes impressionnante déferla tout autour de lui. Le feu se propagea en un cercle parfait dont l’épicentre se révélait être le renard, qui manipulait son attaque à la perfection. Les créatures noires brûlèrent sans un cri de souffrance, silencieuses. Un énorme brouillard noir s’éleva bientôt du champ de bataille pour s’évaporer dans les airs.
A l’intérieur du kekkai, Myosotis, Donf et les enfants assistaient à un spectacle époustouflant. Les flammes léchaient la barrière invisible sans y entrer, les enfermant dans un cercle de feu où ils ne ressentaient nulle chaleur hostile, bien à l’abri de la magie provoquée par la jeune femme qui n’était pas peu fière d’elle. Puis après quelques secondes, le feu se retira vivement pour retourner en son centre : Saïko, qui – ayant gardé ses bras levés tout le temps de l’attaque – rabattit ces derniers contre lui en posant un genou au sol, essoufflé.
Myosotis leva son couteau et rompit le kekkai en plantant sa lame dans le gros point rouge palpitant. Les deux cercles se désactivèrent automatiquement. La jeune femme s’empressa d’accourir aux côtés du renard, l’aidant à se relever.
- C’est bizarre…, commenta celui-ci en acceptant l’aide. D’habitude ça… Ca consomme pas autant d’énergie…
Myosotis le regarda en coin, puis sourit discrètement en épaulant le goupil.
- C’était quand même pas mal, le coup du four vivant, daigna-t-elle le complimenter. Beau à voir depuis un kekkai. Bien joué.
Le renard rit légèrement. Donf, à leurs côtés, releva alors son fusil en regardant à sa droite, l’air méfiant. Arthur et Millie aussi regardaient en des directions différentes, pressentant le danger. Alors, tout auteur d’eux, les petits êtres ténébreux se reformèrent en cercle en apparaissant dans une fumée noire. Quelques uns aiguisèrent leurs lames l’une contre l’autre en penchant leur tête pointue sur le côté.
- Là, ça va devenir plus compliqué…, murmura Donf en rechargeant son fusil à pompe.
Dona eis requiem sempiternam.Agnus Dei
*****
***
A cet instant, j’étais seule. Seule dans l’univers, seule sur ce monde, seule en moi-même. Ma vie se trouvait derrière moi. Mon présent n’était qu’un rêve épuré de tout sens. Je n’avais plus d’objectif, plus de motivation.
Je n’avais plus d’existence.- Si les gosses ont la moindre égratignure, je vais finir en statue pour ce foutu chalet. Ramenez-vous, prononça à son tour le cuistot en levant son fusil comme une batte.
Un des petits êtres, le plus proche du jeune homme, le toisa en levant ses bras-lames vers lui. Au moment où la créature s’élança, Donf fit de même en hurlant son désespoir.
Alors cet homme est arrivé. Il m’a dit qu’une place m’attendait, si je le voulais. Moi qui n’étais plus que le reflet d’une conscience aussi éphémère qu’un papillon, alors que j’avais gagné une demi-immortalité dans ma postérité… Cet homme est arrivé, sans prévenir, et a ravivé dans mon regard pourtant dénué de pupilles ce doux élan de curiosité.Sephyra battit lentement des paupières. Elle sentait son sang s’échapper petit à petit de son corps. Lena se tenait près d’elle, le visage ruisselant de larmes.
- Tu comprendras un jour, pourquoi j’ai fait ça… Tu es libre de vouloir me chercher, maintenant. Tu es libre de vouloir me tuer. Je t’attendrai…
J’ai refusé. En tout cas, je n’avais pas accepté. J’ai erré en me posant des questions. Moi, m’interrogeant. Moi, me poser pour ou contre ma conscience. Mes envies. Mes désirs. Les engrenages de la machine rouillée que j’étais reprenaient peu à peu leur travail. - Attend… Qu’est-ce que tu comptes faire ?! S’écria Donf.
- C’est trop dangereux de la laisser continuer son petit jeu, si ça continue on va y passer ! Répliqua Hunter, qui était obligé de tenir son simple flingue des deux mains pour contrôler les tremblements de froid de ses membres.
Mais la véritable étincelle a été cette rencontre, un soir de pluie, un jour quelconque, à une heure perdue dans l’immensité de l’infinie. Comme le pendule de l’horloge qui s’arrête soudainement. Mon regard voilé a croisé ces deux enfants.- Za… los…
Millie, dont le bras était emprisonné contre elle sous la chaîne, essaya de lever sa main vers la hérissonne qui se trouvait à quelques mètres, bloquée par le kekkai. L’enfant la regarda d’un air implorant, pleurant chaudement.
Et j’ai su à cet instant, j’ai accepté, j’ai désiré que ma vie, ce soit eux. Plus que les prochaines missions, plus que mon passé, plus que mon identité. Ma vie, mes désirs, mes envies, mes objectifs n’étaient tournés que vers eux et dans leur bien. - Fox, fais quelque chose…
- Je suis ton esprit protecteur, Saïko, pas celui des autres…- Sauve-la, je t’en supplie…, implora le goupil en reposant ses yeux bleus sur le corps de la jeune femme, qui respirait par à-coups brefs et souffrants.
- Je ne peux pas, Saïko…- SAUVE-LA ! Hurla alors le renard en tapant du poing sur le sol.
D’une certaine manière, je crois que j’avais toujours eu envie d’avoir des enfants.
J’avais toujours voulu être maman…- Tout est terminé, maintenant…, prononça Kane de sa voix grave et posée.
NightDreamers
Chapitre 19 ~ Requiem [Goodbye my hearts, goodnight my sista 2/2]
Vendredi 25 Décembre 2009
Noël