Après avoir terminé sa cigarette, assis dans la voiture, les jambes hors de l’habitacle de métal, Donf se leva et s’étira en poussant un grognement de satisfaction. Il referma la portière de sa petite Peugeot bleue à cinq portes. Le mécanisme électronique verrouilla le véhicule tout seul.
Les mains dans les poches, il rejoignit le libre-service hors de prix – ils l’étaient tous sur les autoroutes. L’aire de repos était calme ; peu de monde s’y était arrêté. En cela, ce n’était pas non plus une vraie période de vacances. Une petite semaine de congés scolaires n’engendrait pas, dans cette partie du continent, un immense exode de loisirs qui faisait la joie des boutiques et des restaurants de provinces cotées en tourisme.
Les portes vitrées coulissèrent à son approche et il pénétra dans le bâtiment. L’atmosphère conditionnée, avec sa climatisation industrielle, lui aguicha les narines. Un frisson lui parcourut le dos ; il faisait frais à l’intérieur. Il salua l’hôtesse qui tenait la caisse et s’avança un peu plus loin en direction des machines à café. Pour les sevrés du breuvage noirâtre, des petites tables hautes et rondes en plastique leur étaient disposées. « Tiens, te voilà, lança une jeune femme en le voyant arriver.
- J’ai terminé ma pause-clope ! »
Il rejoignit sa compagne aux cheveux blonds foncés – presque châtains – accoudée à une des tables. Elle buvait tranquillement un thé. « Bon ? demanda-t-il en se dirigeant lui-même vers une des machines pour se servir un café.
- Industriel ».
Petite moue convenue, avec en sous-entendu qu’on ne pouvait pas demander beaucoup mieux à une machine automatique. « Dis-moi plutôt où est passée notre chère petite tête blonde.
- Aux toilettes, pardi !
- Sacrebleu. Elle est comme sa mère.
- Dis donc, j’ai pas eu envie une seule fois depuis qu’on est partis ce matin, lui reprocha-t-elle en s’amusant.
- Comme quoi, tout arrive ! »
Il haussa les épaules d’un air fataliste avec un sourire entendu. Elle lui donna une petite tape sur le crâne. « Ne me manque pas de respect, homme.
- Respecte ton seigneur, femme.
- Tiens, elle revient. »
Donf se retourna pour apercevoir la petite fille qui sortait des toilettes publiques. Elle les rejoignit d’une petite démarche tranquille, en jetant des coups circulaires. C’était la première fois qu’ils s’arrêtaient à une aire d’autoroute. « Tu as fait attention ? demanda Ethel à sa fille.
- Oui maman. Dis, vous buvez quoi ?
- Tu veux un chocolat ? lui demanda son père.
- Oui j’en veux un, merci papa ! »
Donf s’occupa de commander la boisson. Puis ils sortirent tous les trois pour rejoindre la voiture, gobelets en main. Ethel tendit son chocolat à sa fille. « Fais attention, le gobelet est un peu chaud. Pose-le sur le capot de la voiture, plutôt. »
Son père s’en alluma une autre sous le regard courroucé de sa compagne. « C’est ma troisième depuis ce matin, mon cœur, se défendit l’homme.
- Fais attention quand même. Moins t’en fumes…
- … mieux c’est, je sais. Je fais gaffe. »
La petite fille demanda si le trajet serait encore long. Ils étaient partis aux aurores, après tout, et avaient bien roulé pendant toute la matinée. Il était près de onze heures maintenant. Son père lui répondit qu’ils arriveraient dans le courant de l’après-midi, et qu’ils feraient une autre pause dans une ou deux heures pour manger les sandwichs qu’ils avaient préparé tous les trois ensembles la veille au soir.
Le départ avait été décidé très rapidement. Tout était venu d’une idée spontanée de Donf, mue par une envie soudaine de partir. Un désir de prendre la voiture et de rouler, longtemps, loin, de s’arrêter quelque part pour prendre un peu de bon temps. Changer d’air, juste deux ou trois jours. Après tout, après la sortie de son deuxième livre en librairie, ils pouvaient se le permettre. Le chèque que lui avait signé son agent en était pour quelque chose. Ses livres n’étaient pas spécialement connus du grand public, ils avaient le succès modeste des connaisseurs. Mais cette notoriété timide parvenait tout de même à Donf de remplir sa part de budget dans leur vie familial ; ça et le travail à mi-temps qu’il effectuait dans la librairie du coin.
Assez, enfin, pour qu’ils puissent se permettre cette petite sortie.
Leurs boissons terminées, Donf alla jeter les gobelets dans la poubelle non loin, et tout le monde reprit sa place dans la voiture. « Tu vas encore dormir ma puce ? demanda le père à sa fille en l’installant à l’arrière.
- Non. Je vais jouer à la console.
- Tu fais attention à ta ceinture, d’accord ? Toujours sur l’épaule, jamais en-dessous.
- Oui papa. »
Il monta à l’avant et inséra la clé dans le noman. « Je pense que je vais me reposer un peu, lui dit Ethel.
- Comme tu veux ma chérie. De toute façon on quittera pas l’autoroute avant un moment. Je te fais signe dès que j’ai besoin de tes compétences de co-pilote !
- Ça marche. »
Il lui déposa un baiser sur le front, comme elle les aimait. Puis il démarra le moteur, et ils quittèrent tranquillement l’aire de repos. Quand il rejoignit l’asphalte des voies rapides, Ethel rouvrit les yeux. « Thomas… ?
- Oui ? »
Elle contempla le décor qui passait à toute allure par la vitre. Puis elle hocha la tête et referma les yeux. « Non, rien. »
NightDreamers
Chapitre Final ~ Prologue [‘Cause we all have a place to go back to 2/2]
Il faisait beau dehors. On était en plein été. La brise était douce et bienvenue, le soleil chauffait la peau. Dans la forêt, les oiseaux discutaient entre eux de leurs paroles chantantes. Silencieuse, le regard vif, le corps et l’esprit tout entier concentrés dans la traque, Sephyra sillonnait entre les arbres sans un bruit. Quelques rayons de soleil transperçaient le feuillage touffu des grands arbres, parsemant ici et là la forêt d’une ambiance presque magique. Ses grandes oreilles sursautèrent doucement. Elle ouvrit ses ailes et décolla subitement du sol pour atteindre les branches en hauteur. « Trouvé ! » s’écria-t-elle en pointant du doigt une silhouette recroquevillée sur l’une d’elles, contre un tronc.
- Ah, c’est pas juste ! T’es trop forte à ce jeu ! ronchonna le jeune hybride. »
Il se laissa pendre de la branche, puis d’un mouvement preste se jeta en avant pour atterrir souplement sur le sol. Sa mère se posa près de lui. « C’est le jeu, Jaël. Tu n’es pas encore assez rusé en camouflage, mais ça viendra avec l’âge !
- Mouais…
- Tu veux qu’on arrête ?
- Il fait quoi papa ?
- Je ne sais pas…, éluda la roussette en levant les yeux en hauteur. Tu veux qu’on aille voir ?
- Ok. On fait la course ! »
Et sans attendre, le jeune hybride se jeta en avant. Pour ce jeu, par contre, il était bien meilleur qu’elle. En cela il tenait beaucoup de son père pour la vivacité et la rapidité. Son jeu de jambes était sans égal, et il avait le don naturel de slalomer entre les arbres et d’éviter les branches qui sortaient du sol. Sephyra le poursuivit du mieux qu’elle put, mais elle n’arriva pas à rattraper l’avance qu’il avait pris.
Il arriva un peu avant elle au palais et éclata de rire. « T’as perdu, cette fois ! s’exclama-t-il en la regardant arriver.
- Gros malin. »
Elle lui ébouriffa les cheveux, sachant qu’il n’aimait pas ça. Il s’esquiva en grognant, portant les mains à son crâne. Et sous les rires de sa mère, ils entrèrent dans le palais. « Madame, prononça un garde qui sortait, en s’inclinant devant elle.
- Boujour Kanel. Saurais-tu où se trouve mon mari ?
- Bien sûr Madame. Il est dans la salle de lecture, en train de réviser le dernier rapport de Luna sur les rondes de nuit.
- Bien. Je te remercie. »
Elle lui tapota affectueusement l’épaule d’une main, puis entraîna son fils dans le palais en lui prenant la main. Jaël ne venait jamais seul dans ces lieux. Ils n’habitaient pas à l’intérieur même du palais. Sephyra, Athem et leur fils avaient leur propre hutte dans les arbres, comme la plupart des autres habitants d’Anethie. Roi et Reine se devaient de gérer la communauté cachée des loups ; cependant leur place dans la communauté restait égale aux autres lorsqu’il s’agissait de la vie privée.
Sephyra et Jaël gagnèrent la petite pièce illuminée exclusivement par de grandes bougies situées sur les deux longues tables de lecture. Athem était assis au fond, un parchemin déroulé sur la surface en bois, concentré dans sa lecture. Lorsque la roussette dégagea l’entrée formé de fines et longues coutures en tissues accrochées en haut du chambranle, il ne remarqua même pas leur présence. Jaël s’approcha de son père et voulut s’asseoir sur ses genoux. « Ah, vous êtes là, constata enfin le Roi d’Anethie quand son fils tira un bout de son ample vêtement. » Sa femme et lui se sourirent, et le loup prit son enfant sur ses genoux. Le jeune hybride fixa avec grande attention le parchemin à l’écriture cursive élancée et compliquée. « Papa, un jour, je prendrai ta place ?
- Si tu t’en montres digne, oui, mon fils.
- Ça veut dire quoi digne ? demanda-t-il en regardant son père dans les yeux. »
Athem aimait son enfant. Son regard toujours curieux mais néanmoins sérieux. Comme si, malgré son jeune âge, ses yeux portaient en eux le devenir d’un adulte sage et mesuré. « On ne devient pas souverain en le voulant, Jaël. Il faut savoir se montrer digne de ce peuple. Les gens qui habitent Anethie doivent te connaître. Ils doivent avoir confiance en toi. Tu seras là quand ils auront des problèmes, et tu devras les résoudre. Avant de te montrer digne d’être Roi, il faut d’abord se montrer digne de ces personnes. »
Jaël hocha la tête comme s’il comprenait ces paroles. Athem se doutait qu’il était trop jeune pour percevoir toute l’importance de ces mots, mais malgré tout, comme toujours, le regard que portait son enfant tendait à prouver le contraire ; Jaël semblait toujours tout comprendre en lui-même. Sephyra cala son museau au creux de son épaule, par derrière. « Que dit ce rapport ? demanda-t-elle d’une voix douce à l’oreille de son mari.
- Rien de très urgent. Luna apporte juste des idées quant à un meilleur rendement des tours de garde pour la nuit. Ce sont des initiatives à réfléchir, cependant. Elle connait son travail et ses hommes.
- Je n’en doute pas un seul instant.
- Moi aussi je peux être un garde ? demanda Jaël.
- Pas tout de suite, mon grand ! s’amusa Athem, sans se moquer.
- Quand je serai plus grand tu pourras m’apprendre à me battre, père ?
- Luna sera certainement meilleure professeur que moi.
- Mon Roi, ma Reine, les interrompit soudain une voix féminine. »
C’était Luna elle-même qui se tenait à l’entrée de la salle, courbée en avant. Lorsqu’elle se releva, son regard glissa rapidement sur Sephyra. Elle le lui renvoya. Entre elles tenait toujours cette rivalité qui faisait leur lien. « J’ai cru entendre sans le vouloir que vous parliez de moi ? demanda-t-elle en reposant son attention sur Athem.
- Luna, je veux que tu m’apprennes à me battre ! demanda sérieusement Jaël en se redressant sur les genoux de son père. »
La louve rit doucement en compagnie des parents du jeune hybride. « Mon prince, répondit Luna en toute sincérité, je vous assure que je vous formerai lorsque l’âge sera venu. Ce sera un honneur.
- Maintenant, Luna ! Je suis le prince, et je te l’ordonne !
- Doucement, mon fils, rétorqua Athem en descendant Jaël de ses genoux. Avant de donner des ordres, assure-toi de montrer du respect aux personnes que tu pourras commander. Si tu respectes ces gens, ils te respecteront en retour. Et, seulement à ce moment-là, tu pourras faire preuve d’autorité.
- Mais pas n’importe quelle autorité, intervint Sephyra.
- Oui. Il faut réfléchir aux ordres que tu donnes. Ils doivent être justes, et il leur faut toujours une raison. Un ordre ne peut être donné simplement parce que tu désires que tout soit fait selon tes humeurs. Ce ne sont pas les manières d’un bon Roi.
- Mais…, tenta de se défendre Jaël.
- Vous comprendrez en grandissant, mon Prince. Athem, reprit Luna, pardonnez-moi de m’être immiscée parmi vous, mais le marchand est arrivé et nous avons besoin de vous pour le stock d’armes.
- Bien sûr, Luna. »
Athem prit la main de Sephyra dans la sienne et lui déposa un furtif baiser. La roussette lui sourit tendrement, et dans leur regard, leur amour se répondit réciproquement. Puis le Roi posa humblement une main sur la tête de son fils avant de rejoindre Luna. Les deux loups sortirent de la pièce en reprenant leur discussion sérieuse. Sephyra et Jaël les suivirent à distance pour sortir du palais.
Sur la place publique, un attroupement s’était fait. Le marchand ambulant qui venait de Station Square passait chaque trimestre apporter de nouvelles curiosités au clan. Il était l’un des rares étrangers dont la venue était acceptée dans le village bien gardé. Autour de sa roulotte, les habitants s’échangeaient les breloques avec curiosité et forts palabres. Athem et Luna rejoignirent l’attroupement, et Sephyra les perdit de vue dans la masse. « Maman, je peux aller voir moi aussi ?
- Bien sûr mon cœur. Tu peux y aller.
- Cool ! Merci m’man ! »
Jaël descendit les marches du palais et rejoignit l’attroupement en courant. A son tour, elle le perdit de vue.
Sephyra resta debout à l’entrée du palais, fixant l’horizon derrière la cime des arbres. C’était une journée normale, parmi d’autres, dans la vie du village d’Anethie.
Une journée commune dans sa propre vie. Et qui faisait tout son bonheur. Un mari aimant. Un peuple qui la respectait. Un enfant intelligent à instruire jour après jour, dans les traditions d’un village qui l’avait accueillie et acceptée malgré ses différences, et qu’elle aimait par-dessus tout.
Un bonheur simple.
Sephyra entrouvrit les lèvres, semblant percevoir quelque chose.
Elle les referma.
L’horizon lui semblait lointain.
*****
***
La porte s’ouvrit et un son de clochette retentit dans la grande salle. Derrière le comptoir, la hérissonne sourit au visiteur. C’était un homme un peu lourdaud qui marchait d’un pas pesant, comme s’il traînait sa carcasse par dépit de ne pouvoir faire autrement. En marchant vers le bar, il retira son chapeau. Il s’y accouda en reprenant son souffle. « Quelle chaleur !
- Que vous dites ! rétorqua la tenancière en prenant appui sur son évier. Heureusement que vous pouvez compter sur notre clim. »
L’homme acquiesça et prit commande. Zalosta se retourna pour attraper un verre sur l’étagère en hauteur, puis prépara la boisson de son client.
Le jeune couple en marge de la salle se leva de table et salua poliment la hérissonne en quittant la brasserie. L’homme à l’embonpoint serait certainement leur dernier client pour la journée. Celui-ci sirota son verre en lisant le journal mis à disposition sur le comptoir. Il discuta passivement avec la hérissonne de choses et d’autres, prit son temps même alors que son verre était vide, et finit par partir en remerciant la tenancière de sa sympathie.
Seule dans leur boutique, Zalosta poussa un soupir de contentement. Le torchon posé sur l’épaule, elle quitta le comptoir pour aller nettoyer la table du couple, et revint à son évier pour nettoyer les trois derniers verres. Puis elle se dirigea vers l’entrée et contempla quelques instants la société vivante derrière la vitre de la porte en bois. Le tram électrique passa un peu plus loin. Le soleil se couchait sur la droite, derrière les grands immeubles. Elle retourna le carton « ouvert » pour afficher « fermé » par dehors et verrouilla la porte. Puis elle gagna l’arrière-boutique.
La petite pièce était simplement constituée d’une table avec un ordinateur. Au-dessus du moniteur à écran plat était accroché un calendrier, qu’ils avaient fait tous les trois. Pour chaque mois, une photo différente d’eux ; ils s’étaient bien amusés à les choisir. Pour le reste de la pièce, plusieurs gros cartons étaient empilés ici et là. Au fond, une porte ouvrait sur l’escalier qui menait à la cave, où étaient conservées les bouteilles.
Sur le siège à roulettes reposait nonchalamment Hood, les pieds posés sur le bureau. Il avait coincé un gros carton derrière la chaise pour qu’elle ne lui fasse pas perdre l’équilibre. Il ronflait fortement quand Zalosta entra dans la pièce.
Elle lui donna un petit coup de chiffon sur l’épaule, et il sursauta légèrement. « Tu devrais peut-être songer à dormir, la nuit, tu sais. » Il la regarda de biais, les yeux cernés de fatigue. Puis il lui bâilla au visage en ouvrant grand la bouche, et s’étira sur son fauteuil en poussant un soupir lancinant. « Il est quelle heure ? demanda-t-il d’une voix pâteuse.
- L’heure de fermer boutique !
- Quoi ? rétorqua-t-il en jetant un coup d’œil à sa montre. Merde. Je me suis même pas rendu compte que je m’endormais. »
L’ordinateur était passé en veille. Lorsqu’il bougea la souris pour le réactiver, l’écran afficha un tableur composé de chiffres et de tableaux divers. « Du coup, t’as pas finis de faire les comptes ?
- J’emporte le fichier sur ma clé, je terminerai chez moi ce soir.
- Tu peux aussi terminer ça ici demain et te reposer ce soir chez toi.
- Aussi, certes. »
Il se gratta la nuque, en proie au doute. Elle lui claqua une petite tape sur le crâne. « Allez imbécile, la journée est terminée, va ! ». Il acquiesça en grommelant, éteignit l’ordinateur, puis se leva.
Zalosta ferma la porte de la brasserie à clés. Hood l’attendait à côté. « Tu fais quoi toi ce soir ? demanda-t-il les mains dans les poches.
- Je sais pas… Je suis un peu fatiguée moi aussi. Tu penses à quoi ?
- Eska devait terminer son truc vers vingt heures. On pourrait se faire une soirée pizza-cinéma ! lança-t-il avec son plus beau sourire innocent.
- Envoie-lui un message pour lui demander sur le chemin. »
Il acquiesça et dégaina son téléphone portable d’une main alerte. Il pianota sur son écran tout en marchant sur le trottoir aux côtés de la hérissonne. Celle-ci passait une main furtive sur le bout des plots rouges en métal qui bordaient la route. Ils empêchaient les voitures de sortir de leur trajectoire avec un système électromagnétique. Ou quelque chose comme ça. Zalosta ne savait plus trop. « Y a eu des clients aujourd’hui ?
- Pas mal oui. Pas de mauvais en tout cas, c’était une bonne journée. »
Elle s’étira à son tour, prenant conscience qu’elle était fourbue. Au loin, elle vit encore le tramway passer. Il glissait sur ses monorails sans les toucher. Sa route le rapprochait d’eux. « Y a quoi au cinéma en ce moment ? »
Comme d’habitude, Hood s’y connaissait. Il lui fit une liste qu’elle écouta distraitement, plus concentrée sur l’horizon qui se déployait entre deux buildings, au loin.
Son cœur se serra furtivement, et elle s’étonna de la mélancolie qui la berça le temps d’un instant fugace.
Ils gagnèrent l’arrêt au moment où le tram s’y arrêtait, et montèrent sans se précipiter dans les wagons vides. Pourtant c’était l’heure de la sortie des bureaux, songea Zalosta. Et on était vendredi. Le tram devrait être bondé à cette heure-ci. Ce qui n’intriguait pas vraisemblablement son ami, plus occupé à comparer le dernier film qu’il avait vu avec un autre du même réalisateur. Ils prirent place sur les strapontins et Hood arrêta sa diatribe passionnée pour dégainer à nouveau son portable qui venait de vibrer dans sa poche. Zalosta le vit sourire. « C’est bon, elle est ok pour ce soir, lui répondit-il sans la regarder. » La hérissonne reposa son attention sur le paysage urbain qui défilait derrière les vitres du wagon.
L’impression que tout allait trop vite et qu’elle manquait quelque chose ne se fit que plus forte dans sa conscience.
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