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[Terminé] The chao's theory
[Terminé] The chao's theory
« le: Janvier 07, 2010, 12:37:57 pm »
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Quelques mots de préface seront utiles.
L'histoire est de moi mais l'histoire n'est pas originale, j'ai choisi de parler d'une colocation. Et bien que se cache derrière une aventure de fin du monde je me focaliserai essentiellement sur les personnages de cette colocation. J'ai quelques idées, aucun plan et un seul but : rendre mes personnages plus vivants.
Il y aura vingt-six épisodes de huit pages dont la diffusion dépendra essentiellement de vos réactions.

Saison 1 :
Épisode 01 : A dream
Un étudiant descend du train, c'est une cité calme et splendide qui s'offre à lui. Bufo la traverse pour découvrir sa future colocation.
Épisode 02 : Feel it
Par la force des choses Bufo se prépare à passer la nuit sur place, et en profite pour découvrir un peu plus ce lieu où il va vivre.
Épisode 03 : A ticket to nowhere
Quelques jours ont passé, les événements de la nuit oubliés il découvre enfin l'université, juste à temps pour son premier cours.
Épisode 04 : Ludicrous
Il arrive de ces moments où la vie déraille et c'était un de ces moments-là. Soit à cause de son départ prochain, soit parce qu'il accompagnait Luck à son travail.
Épisode 05 : Friend or hero ?
C'est l'heure, depuis la gare un train l'emporte. À l'autre bout du monde une taupe attend l'étudiant de Lagonia.
Épisode 06 : The machine
L'autel est un gigantesque mécanisme, et il ne tient qu'à Bufo de le déclencher. "tire-toi", et sur ce message tout s'enchaîne.
Épisode 07 : Enter Sonic !
Un monstre invincible s'est éveillé, la fuite seule reste et fuir ne suffit pas. Qui pourra l'arrêter ? Sur qui compter ?

Saison 2 :
Épisode 08 : What's a Freedom
Les événements sont passés, les cours ont repris, Bufo croyait pouvoir reprendre le cours de sa vie. Ninja va le détromper.
Épisode 09 : Never still
Pearl se réveille en retard pour l'école. C'est la faute de Bufo et celui-ci, réveillé plus tôt encore, s'affaire à se faire pardonner.
Épisode 10 : Gunshot
Les derniers préparatifs faits, toute la colocation embarque pour le sud, vers une forêt dense à la recherche de la fameuse fontaine.
Épisode 11 : Your own celebrity
Le G.U.N. est arrivé, tandis que tout le monde s'inquiète Pearl découvre son ravisseur. Son aventure est sur le point de prendre fin.
Épisode 12 : Him again
C'est le matin, tout le monde à peine remis de la veille découvre les téléphones éteints et bientôt les sirènes les alertent.
Épisode 13 : Halloween
Que se passe-t-il ? Que se passe-t-il ? Que se passe-t-il ? Que se passe-t-il ? Que se passe-t-il ? Que se passe-t-il...
Épisode 14 : I see it now
Sonic n'est pas arrivé à bout de la machine. À présent les missiles tombent et dans les gravats, au coeur des combats, Bufo et ses amis doivent se sauver.

Saison 3 :
Épisode 15 : Wrong pace
Cette fois ça y est, la vie reprend comme autrefois, Bufo y croit et n'a plus qu'une idée en tête : aller au magasin trouver un cadeau.
Épisode 16 : She's gone
Rye accepte, en attendant qu'elle le rejoigne l'étudiant s'équipe. L'important, c'est qu'ils soient ensemble.
Épisode 17 : Another day
Ce n'est rien, Pupil a été enlevé. Et tandis qu'il l'explique à Rye celle-ci décide de l'accompagner dans cette aventure sans conséquence.
Épisode 18 : The one left
Bufo a un visiteur, dont le biplan est parqué sur le trottoir. Cela ne peut signifier qu'une chose, et soudain il s'énerve, et personne ne comprend pourquoi.
Épisode 19 : Star-Egg, launch !
Une base au milieu de l'océan, un chasseur avec sur l'aile un hérisson bleu, et un étudiant paniqué à l'arrière. Il n'aurait jamais dû accepter.
Épisode 20 : Live on TV
Juicy trépigne devant le téléviseur mais personne ne partage son excitation. La cité vit sa vie loin des aventures de Bufo.
Épisode 21 : What...
Après encore une nuit de combats l'étudiant profite du matin sur une plage pour se reposer. Il veut rentrer et un appel de Hazy va lui en donner l'occasion.

Saison 4 :
Épisode 22 : Nowhere to go
À peine rentré, Bufo est mis face au fait accompli. Il lui reste à découvrir ce qui s'est passé, et ce qui reste à faire. Lui seul peut le dire ?
Épisode 23 : Who is left?
Tout semble si lointain désormais, mais rien n'est fini. Que Bufo le veuille ou non, les héros de Mobius vont se battre.
Épisode 24 : Another chance
La vie reprend son cours, Bufo retrouve cette routine d'antan, à se soucier seulement de savoir où est Maize, et à passer le temps.
Épisode 25 : Time to go
Soudain la nouvelle se répand, un nouveau combat, rien d'autre à faire que de regarder et d'attendre le résultat. Encore une fois.
Épisode 26 : Just no one
Comme dans ses souvenirs, il y avait les flammes, et comme dans ses souvenirs, il y avait Sonic. Et comme un miroir, Bufo s'était trompé sur tout.

The chao's
theory

Épisode 1

L’ignorance impliquait l’innocence, les animaux étaient innocents. Dans cet état de fait les criminels trouvèrent un refuge en se couvrant des attributs de la faune. Ils devinrent eux qui étaient bêtes, sauvages dans leur cœur, ils devinrent des bêtes tout à fait. Leur nom était monstre. Il y eut toujours plus de monstres et toujours moins de criminels, jusqu’à ce que ce nom-là comme tout le reste, ils l’ignorent également.

Une société prospéra. Une société vécut dans l’insouciance, sans passé ni héritage mais pour lieu de connaissance la prestigieuse université de Spagonia. Cet établissement sans âge se donnait pour mission méritoire d’être la dépositaire de tout le savoir comme de tous les artefacts laissés par l’histoire, les fragments millénaires avec le mystère de leur genèse, et elle délivrait des licences de droit. Sans être la seule elle était l’université la plus reconnue, la plus célèbre et la plus difficile d’accès. Il en existait d’autres. La région voisine de Lagonia possédait sa propre cité universitaire dans un large creuset de terre pilée que la brique et le mortier, les immeubles enfin, avaient recouvert et débordé.

Ce lieu aussi possédait son nom, son histoire, tout ce que les gens qui y vivaient avaient oublié depuis longtemps. De loin venait la ligne du train, dans un large coude pour éviter la vieille ville. De loin elle était visible, les murs vieillis plus souffreteux, asséchés sous le soleil ainsi que les toits de tuile rénovés mêlés de panneaux solaires. Le coude cessait, la ligne se dirigeait au centre sur la gare, le réseau ferroviaire se suspendait à de hautes poutrelles, toujours plus loin du sol à mesure qu’allait la pente. Les ruelles par nœuds chevauchaient des terre-pleins de petits immeubles, de grands espaces, de parcs verts remplis de gouilles ou de petits lacs. Tout était encore lointain et vague, brillant de soleil. Le réseau ferroviaire s’entrelaçait près du centre en un amas de rails qui formaient la gare.

De la gare il prit le bus et là, la tête calée entre deux sièges, il laissa le décalage horaire réclamer son dû. Ses yeux entrouverts bercés par le doux ronronnement du moteur flottèrent sur les façades blanches de son souvenir. À part la blancheur des façades aucune mémoire ne lui revenait. Le bus glissait au-dessus de la vieille route parmi les avenues vides de trafic, ses sièges également vides de passagers. C’étaient encore les vacances pour un mois, une semaine avant les cours intensifs. Il jouait entre ses doigts avec l’annonce de journal et le billet de train retour, sans lutter vraiment contre la somnolence du paysage.

Dehors les jets d’eau étincelaient, de même étincelait la surface des fontaines, le verre léger des fenêtres, les fleurs. Ici et là les détails témoignaient d’un passé désirable dont autrement personne ne prenait conscience, le lierre grimpant, la sève fraîche, et qu’il lisait au passage le reconstituant. Ses doigts s’arrêtèrent de jouer, la tête dodelina. Le bus ralentit à l’intersection, s’arrêta. Il tourna ses pupilles sur le feu, jaunes, ses pupilles étaient couleur de braise tiède, un peu sales et humides aux feux de la circulation. Dehors la bruine brillait, sur la ville, dessinait dans l’air les arcs-en-ciel.

Il se souvint du ciel, un tremblement sous ses pieds, il se souvint du ciel brutalement illuminé et le sifflement comme une vague qui soulevait son cœur. Il avait attendu le regard dressé et le ciel en plein jour s’était soudain obscurci. En plein jour, il avait vu les étoiles. En plein jour, il avait vu le ciel s’enflammer, une langue de feu couvrir la distance du soleil à la lune, illuminer la ceinture, l’oblitérer. Et alors que ses yeux s’écarquillaient, les jambes flageolantes sans comprendre ce qui arrivait, il avait vu un feu bleu pur sublimer, il en avait senti la chaleur, il avait été glacé. Personne d’autre ne s’en souvenait. Personne d’autre n’en avait la mémoire. Il avait vu, avant que son souvenir ne se noie, il avait cette image du héros planétaire dans la flamme froide.

Les doigts solés du conducteur le réveillèrent. Il jacassait rieur à côté du siège, deux minutes que son passager dormait, sur le trottoir avenue du lien une bulle de verre incrustée bordait le bus à l'arrêt. Des filaments de rêve s’échappèrent de son air encore assoupi. Il se leva sous les jacassements bavards du conducteur, il allait descendre quand ce dernier le rappela, lui tendit le billet de train qu’il allait oublier. Dehors l’air humide le surprit, un léger frisson de froid qu’il réprima. Les portes se refermèrent, le bus repartit le laissant là, un peu seul et désorienté. Il mesura la distance qui lui restait à parcourir : le numéro vingt-quatre, un immeuble moins haut que large, se trouvait à quelques pas.
« Dernière édition: Décembre 31, 2012, 10:00:27 am par Feurnard »
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Re : [Fanfic] The chao's theory
« Répondre #1 le: Janvier 07, 2010, 02:49:41 pm »
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._. C'est agréable de te revoir ici. Surtout pour amener un texte. J'ai toujours autant de plaisir à te lire. C'est tellement diffèrent de ce qu'on trouve d'ordinaire sur le forum. ^^ Enfin passons au texte. Sur le fond je ne dirait rien pour le moment. C'est bien trop court pour émettre un avis. Par contre sur la forme :  j'ai repéré une phrase qui me semble étrange.

Citation
Ils devinrent eux qui étaient bêtes, sauvages dans leur cœur, ils devinrent des bêtes tout à fait.

J'ai l'impression que le second "Ils devinrent" est de trop.

Une que je n'ai pas comprise.
Citation
Tout ce temps l’arrêt avenue du lien avait attendu son réveil, une bulle de verre sur le bas-côté, incrusté dans le trottoir.
De plus : C'est la bulle qui est incrustée ?


« Dernière édition: Janvier 11, 2010, 04:14:17 pm par Miko »
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Re : The chao's theory
« Répondre #2 le: Janvier 11, 2010, 02:45:23 pm »
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Je n'ai pas réussi à reformuler la phrase sans le "ils devinrent". Ce doit être possible mais je crains trop la confusion qui est ma bête noire. Il faudra me méfier des répétitions. Je cherche toujours comment reformuler la seconde phrase, c'est à corriger. Dans ma tête tout l'arrêt est "incrusté" mais le terme est problématique.

****

Au pied de la pente l’immeuble faisait face à toute la ville, guère plus de cinq étages aux fenêtres sans volet, aux balcons épars, le toit nu surélevé du bloc de ventilation, dans l’alignement des autres bâtiments de l’avenue. Du trottoir aux murs plâtrés frais se trouvait la distance d’un carré d’herbe sauvage, une bordée de haie complétée d’un muret. Derrière dans la cour s’alignaient les places de parc.

Il consulta une première fois les sonnettes à l’entrée puis à l’intérieur les boîtes aux lettres. Au fond à moitié cachée par les marches se trouvait la porte de la gérance. Ce lieu respirait la morne tranquillité, la simplicité également. Encore occupé à ses boîtes aux lettres il entendit une petite chanson et des petits bruits de sauts dans les escaliers, il tourna la tête. Un chao descendait par bonds successifs, en même temps chantait à sa manière quelque ritournelle qu’il ne connaissait pas. Ils se virent l’un l’autre au travers des barreaux de la rambarde. Ils s’observèrent, étonnés. Ensuite le chao reprit sa ritournelle et passant devant ses genoux il sortit par la porte ouverte. Dehors encore le chao était visible, jusqu’à ce qu’il tourne et disparaisse derrière le muret, sur le trottoir.

Ensuite l’escalier parut vide et terne bien que rien n’ait changé, simplement parce que la ritournelle ne s’était pas gravée dans les murs. Il passa à l’étage, au second palier indiqué par l’annonce. L’indication s’arrêtait là, arrivé au bout il se retrouva entre deux portes, l’une avec un paillasson, l’autre sans, toutes deux dépourvues de sonnettes. Son choix fait il frappa quelques coups suivis de l’index, et attendit, droit, un peu raide.

Dans la seconde la porte s’ouvrit et une tête enfantine, qu’il trouva fouineuse, guigna au travers les yeux pleins d’une curiosité luisante. Elle se tenait à hauteur de la serrure si bien qu’il crut avoir affaire à un enfant mais même alors un malaise, le silence vague de cette personne le fit balbutier. Il dut répéter son nom plusieurs fois, dans le vide, il s’appelait Bufo, il répéta Bufo des quatre manières puis se rappela l’annonce. « Je viens pour ça » dit-il en désignant, à la manière d’une pièce d’identité, le morceau de journal cerclé au stylo. La mine fouineuse parut s’éclairer, toujours curieuse mais contentée, elle répondit d’une voix en mue : « Ah ? D’accord ! » Et lui claqua la porte au nez.

Il en resta coi, bête devant la porte fermée sans savoir quoi faire ni ce qui se passait, et les yeux moyennement ouverts d’incrédulité. Mais la porte était bien close. Alors sans s’embarrasser plus longtemps Bufo se mit à descendre l’escalier. Il hésita juste encore quand il lui sembla entendre un éclat de voix mais sans autres, guidé par le besoin d’agir selon sa conscience, le futur étudiant se prépara mentalement à la recherche d’un autre logement. Il n’avait aucune idée de ce qui se passait derrière la porte.

Derrière la porte Rye secouait la cadette du groupe comme un prunier. Celle-ci par jeu l’avait saisie de même et elles se secouaient ensemble jusqu’à s’étourdir. Ce n’était pas grave, riait la plus jeune, le visiteur se contenterait de frapper à nouveau. Elle n’aurait pas compris, même après des heures de cueillette, quel mal elle avait pu causer. Il n’y en avait pas et elle-même était prise d’hilarité, surtout parce que la tête lui tournait seulement personne ne frappait plus alors oubliant de la gronder, empressée soudain elle alla à la porte puis par la porte ouverte sur le palier et « attendez ! » À temps pour le retenir au milieu de l’escalier.
Cette voix mature, d’ores et déjà familière, mit fin à la vogue de ses pensées. Il s’était arrêté à hauteur de la prochaine marche pour se retourner. Ce ne serait pas la petite tête fouineuse qui s’était jouée de lui mais quelqu’un d’autre, et il la vit.

Il vit une gazelle de son âge, juste de son âge il le sut à sa taille svelte, à son haut corps que le sable du désert avait dû mouler. Une même ligne fine coulait sur ses épaules, sur son cou, sur ses joues sur ses tempes le long du museau, la même ligne traçait gracile l’arcade de ses yeux baignés de mirages et glissait la même ligne sur ses oreilles dessinait ensuite la courbe de ses cornes en arrière et striées. Il n’oubliait pas ses membres bien en chair, l’idée de ce mot dans sa tête qui tambourinait, le sourire un peu triste et ouvert, ses minces lèvres. Ses yeux s’étaient embrasés au pelage d’un grain mûr d’automne, comme le seigle dans les silos en train de sécher. Elle était la créature des oasis, là dans cette cage d’escalier, qui lui disait de la rejoindre. Lui avait été frappé par ce pelage parce qu’elle l’avait voilé, une jupe courte qui la coupait à la taille et un t-shirt aux manches courtes flottant sur son torse.
Elle s’appelait Rye.

Quand tous deux se retrouvèrent sur le même palier, elle à un pas le jaugeant de pied en cap retint quelque remarque amusée et la discussion prit naturelle, sans gêne de par l’assurance qu’elle dégageait. Bufo répéta son nom assez de fois pour l’épeler. C’était bien son surnom. À un an de la maturité il se préparait pour sa première année d’étudiant à la cité universitaire, seul lui manquait le logement. Leur annonce avait été la seule qu’il avait consultée. C’était Rye qui avait insisté pour ajouter la mention « étudiant », ils iraient sans doute ensemble, quand les cours reprendraient. La discussion allait ainsi quand il se rappela le détail qui, à son entrée, l’avait interpellé :

« Les chao sont interdits, n’est-ce pas ? »

« En effet, pourquoi ? »

Sitôt qu’il lui expliqua ce qu’il avait vu elle le gronda pour avoir laissé s’échapper le chao sans réagir. Lui surpris de cette réprimande vit sur son visage de gazelle un voile d’inquiétude, il n’ajouta rien. Elle jeta un œil en bas puis alla à la porte voisine pour donner de petits coups répétés. Elle murmura : « madame Betty », elle répéta ce nom le visage presque contre la porte. Il nota que la leur était restée entrouverte, sans savoir que faire, il s’approcha également. Madame Betty mit encore quelques instants à leur ouvrir, encombrée de sa canne. Elle avait des rides jusqu’à son bec, la plume fripée, le regard un peu éteint dans ses petits yeux mais toujours cet air joyeux quand elle recevait de la visite.

« Madame Betty, votre chao. »

« Quoi ? » dit-elle surprise de sa voix faible, puis soufflant : « Flak ! Flak ! » Mais elle n’élevait pas la voix, elles murmuraient entre elles sur le pas de la porte. La vieille tremblait ses mains élimées à la recherche du chao, elle le cherchait, elle tendait le cou sur le palier. Elles discutèrent encore jusqu’à ce que madame Betty, limitée de par son âge, ne remercie sa voisine de l’avoir avertie. Il n’y avait rien de plus à faire. Elle répéta encore que son Flak ne posait que des problèmes et refermait derrière elle. Une bouilloire avait sifflé au fond, le bruit cessa net une fois la porte close. Rye fit promettre à son invité qu’il ne dirait rien de tout cela, madame Betty avait déjà assez souffert.

Madame Betty était une des rares locataires à avoir vieilli là, qui n’était pas liée de près ou de loin à l’université. Elle aurait laissé depuis longtemps sa place à des étudiants s’il y avait eu un ailleurs pour elle où aller. Rye en parlait encore mais l’étincelle de complicité qui s’était formée se détendait à présent et Bufo, quoi qu’il eût fait, ne se sentait plus que cet étranger venu pour l’annonce. La porte voisine ne portait plus trace de l’événement. Alors elle l’invita à le suivre, elle poussa la porte de l’appartement. Sa chevelure en queue de cheval dans un même mouvement coula sur son cou.

Sa première surprise fut de découvrir le silence de l’appartement. Dans l’escalier il avait pu voir l’usure des marches, les plis, les rebonds du chemin. Sur le palier il avait vu le défaut de la lampe, l’imprégnation du bois. Ils étaient dans le corridor, le couloir en coude qui menait à toutes les pièces et il ne voyait rien que de la propreté, rien qui aurait pu raconter l’histoire de cet appartement. Les seules portes ouvertes de la cuisine et de la salle de bain lui révélaient un carrelage dénudé, net comme au jour de leur installation. La seule lumière venait de là, elle était suffisante. Ce silence jusque dans la matière, le peu d’odeurs très faibles qu’il pouvait sentir auraient fait croire à un lieu inoccupé.
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Re : The chao's theory
« Répondre #3 le: Janvier 11, 2010, 04:29:10 pm »
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Toujours aussi plaisant à lire. J'ai cru voir des répétitions, mais je m'abstiendrais dorénavant de tous autres commentaires sur la structure du texte en lui même, je n'en suis absolument pas capable.
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Re : The chao's theory
« Répondre #4 le: Janvier 15, 2010, 11:59:07 am »
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J'ai noté pour ma part un manque de vocabulaire (toujours les mêmes mots, les mêmes structures qui reviennent) et, malgré la foule de détails, une tendance à présupposer trop d'éléments qui neutralise beaucoup d'effets. Notamment mes dialogues doivent sembler rachitiques.
Pour l'anecdote, je tiens un journal de mes difficultés et de mes erreurs sur cette fic'.

****

« Alors là, c’est les toilettes. »

Il se retint de dire « oui je vois » car il n’aurait jamais osé. Une toute petite pièce sombre était couverte de catelles jaunies par le temps avec juste, sous les tuyaux du plafond, un soupirail. Elle lui ouvrit l’armoire d’entrée puis ils passèrent à la salle de bain.

Très vite le soupirail lui sauta aux yeux, en haut à l’angle, un détail rassurant en ce lieu étranger parce qu’il pouvait le situer dans sa mémoire, parce que cette ouverture mieux que la fenêtre le rattachait à un monde connu. La pièce était carrelée en bleu de mer tirant sur le vert. Il découvrit derrière son rideau une énorme baignoire qui servait aussi de douche, et face à laquelle il eut un frisson sans en connaître encore la cause. Soudain il se rendit compte, il était seul. Rye se trouvait à la cuisine, sûre qu’il aurait suivi. Un léger affolement le prit qui le poussa à quitter au plus vite la pièce, si soudainement qu’il se retrouva face à face avec une autre locataire.

« Kh ! »

La gazelle revenue sur ses pas apparut derrière l’épaule et : « C’est notre nouveau locataire ! Bufo, voici Luck ! »

Elle montrait les crocs, sur la défensive, le regard hostile. Il pouvait sentir l’haleine froide des babines et la tension qui hérissait le poil. Avant qu’il n’ait dit un mot Bufo sentit la poigne s’abattre sur son épaule, l’écarter brusquement, le jeter hors de la pièce avec le porte qui claqua. « Elle est gentille » précisa Rye comme il se massait le bras, encore sur le coup de la surprise. Ils devaient continuer du côté de la cuisine mais lui ne savait que regarder du côté de la porte fermée à se poser mille questions, les jambes faiblies malgré toutes les paroles prodiguées parce qu’il avait le besoin de comprendre.

Une fois la porte close Luck jeta sa serviette sur la barre et la regarda s’effondrer sur le tapis. Son sang bouillonnait encore, elle jeta un regard farouche au miroir, par-dessus le bric-à-brac de brosses à dents de tubes et de lotions. Son poil restait hérissé, elle secoua la tête pour dégager sa chevelure jusqu’au bas de son dos, elle les brassa sans peine avec les doigts, les trouva secs. À dix-sept ans malgré un corps d’athlète la louve se sentait toujours trop jeune, comme si elle aurait dû grandir encore. Elle pesta entre ses crocs serrés contre ce visiteur, jeta un œil à la baignoire, glissa un pied dedans.

L’eau coula en abondance, à peine tiède, plutôt froide, qui la fit frémir et la calma. Toujours en premier geste elle se massait la base de sa nuque, elle fermait les yeux la tête ruisselante, elle laissait les filets d’eau couler sous le museau le long de sa gorge. Elle ne retira pas ses mains, elle resta plus longtemps avant de chercher le shampoing et ses cheveux allèrent couler sur ses épaules. Ses gestes étaient plus brusques, la colère ne partait pas. Sa main frappa le rideau de douche, elle le trouva collant et désagréable. Enfin la mousse couvrait son corps, elle frottait fort comme pour exprimer le désordre de ses pensées. Au moment de rouvrir les robinets sa main s’attarda plus longtemps sur le deuxième.

Une vapeur légère alla gonfler le rideau. Elle frottait encore pleine des embruns, elle dégageait son pelage, elle sentait qu’enfin la frustration la quittait. Les doigts allèrent plus lentement sur ses membres, ses doigts glissèrent plus longuement, son corps se détendit sous le geste. Sa chevelure lui tirait la tête en arrière, elle passa les doigts sur son cou puis plus bas, toute la mousse qui s’écoulait dans la baignoire. La vapeur la couvrait à présent, elle sentait la chaleur, un peu désagréable, pas tant. Il y eut encore quelques sursauts de colère alors qu’elle se laissait glisser dans la baignoire. Une minute, juste une minute, elle resterait sous la douche un peu plus longtemps que d’habitude.

C’était son odeur, c’était l’odeur de Luck dans la cuisine. Elle se chargeait seule de la cuisine et Bufo, sans peine, trouva pourquoi, en regardant les taches de sauce vainement récurées au plafond, sur les meubles et jusqu’au fond des étagères. C’était une des raisons. Dans la même pièce se trouvait la salle à manger, une table bordée de près par les bancs. Il sentit la chaleur des radiateurs chauffer cette place. Il devina qui gardait la table si propre, gardée vide entre les repas. Quelques plantes occupaient le fond de la pièce, près de la grande baie vitrée. Rye lui fit signe de la suivre dans la prochaine pièce. Ils se retrouvèrent face à la seule porte à gauche du couloir, juste avant le coude.

La gazelle soupira. « Et là, c’était le salon. »

Elle ouvrit, aussitôt l’odeur des parfums sauta à leur visage. La pièce était dans un capharnaüm d’habits jetés et de bandes dessinées, de revues, de posters poinçonnés. Ce n’était plus un salon mais une vaste chambre au mur du fond vitré. Il nota d’abord le cartable négligé derrière la porte puis la loutre fourrée dans le canapé, les écouteurs sur la tête, et qui riait. Une autre personne se trouvait là, qu’il ne remarqua pas tant elle était discrète, et qui l’observait près du téléviseur. La gazelle s’avança d’un pas souple pour obliger la loutre à se lever.

Déjà Bufo avait reconnu ce visage enfantin qui lui avait claqué la porte au nez. Elle était la plus jeune dans l’appartement, quelque part vers treize ans. Sa coiffure était celle des écolières, sans soin ni préoccupation, les mèches libres de s’écarter. Son pelage aplati faisait penser aux feuilles brunies par l’automne, les mêmes teintes captivantes. Elle s’appelait Juicy. « Tu viens payer la hausse de loyer ? » Pris de court il chercha chez sa guide une défense mais Rye n’était pas troublée par la question. Alors qu’il balbutiait sa réponse la loutre le tira par le bras et se lova contre pour ronronner.

« Voici Juicy. »

« Sa peau est toute froide ! »

Il retira son bras à l’air surpris de la petite qui d’un bond en arrière lui présenta sa chambre. Lui, il regardait son bras sans pelage, nu à même la peau, un peu calleuse, un peu visqueuse, couverte de pustules. Il en avait, mêlés de bubons, tout le long du dos, par plaques le long des bras, le long de l’arcade, sur son crâne chauve par petites grappes, un peu partout sur le corps. C’était un crapaud. Et il était voûté, les lèvres épaisses, la joue droite enflée, il avait le teint livide enfin, à la place de la gorge un goitre. Ayant perdu son attention la loutre eut recours à une nouvelle stratégie. « Tiens je te présente Pearl ! » Et elle tira l’autre occupante de la pièce, elle l’amena à bout de bras au milieu de la pièce.

Elle aussi était blanche, mais chez elle c’était normal. C’était une souris également d’un jeune âge, rougissante devant leur visiteur. Elle avait la silhouette d’une ballerine, fragile dans ses gestes. Une fois découverte la souris se présenta d’elle-même. Pearl avait des goûts simples, à côté de la loutre elle paraissait une princesse. Ses espadrilles d’un blanc brillant contrastaient avec les sandales de Juicy, ses gants fins de même couleur avec les gants violacés, dégradés en vagues de la loutre. Il fit la remarque, Bufo malgré lui dit à voix haute cette différence. Aussitôt Juicy : « Y en a une autre ! » Et elle se tapa en riant sa poitrine plate comme une limande. La pauvre Pearl rougit jusqu’aux oreilles, en même temps que Bufo et Juicy évitant les reproches bondissait déjà par la porte.

« Excusez-nous » dit hardiment la gazelle en se précipitant à sa suite.

Laissée seule la souris se chercha une place dans la grande pièce. Le silence la gênait. Elle demanda soudain, avec tant d’espoir, avec tant d’émotions que Bufo se sentit désarmé sur l’instant, elle demanda si le petit Flak irait bien. Il fallut un temps, durant lequel il balbutia, pour qu’il comprenne de qui elle parlait, puis il se rappela le chao des escaliers. Aussitôt l’idée lui vint qu’elle avait dû écouter derrière la porte, tout le temps qu’ils étaient restés sur le palier, avant de se réfugier au salon. La volonté lui fit défaut complètement quant à songer à un reproche, devant son air innocent. Il se sentait fondre.

Elle vit que sa question le dérangeait, s’excusa et, avec la même sincérité de cœur, lui demanda si son aspect le gênait. Elle ne parlait pas de son espèce, seulement du teint livide de sa peau, du blanc maladif qui était son trait remarquable. La petite Pearl avait remarqué comment il avait retiré son bras et elle ne voulait pas qu’il se sente mal. Il se sentait mal du fait qu’elle avait posé la question. Il aurait voulu pleurer de ne pas pouvoir lui répondre d’égal à égal tant il craignait de la blesser à son tour, à la manière du cristal. Pearl était blanche aussi. Son poil brossé était d’un blanc de nacre remarquable. Elle rougit au compliment.

« Mais ma peau est rose. »
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Re : The chao's theory
« Répondre #5 le: Janvier 16, 2010, 01:51:28 am »
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Je trouve que la narration est très bien faite, c'est plaisant de lire cette fic'. Pour moi tout s'enchaîne sans problème et la description des différents locataires s'est bien passé. C'est fluide pour résumé, ce n'est que mon avis. Hmm au niveau de l'histoire, je dois dire que je ne vois absolument pas ce qu'il se pourrait se passer, tant mieux.

Le principe de colocation me fait étrangement penser au film "l'Auberge Espagnole"... moi et mes références.

Je ne suis pas doué pour les commentaires, et même si Katos dit que je ne devrais pas me tracasser pour cela, je trouve dommage que je n'arrive pas à dire plus. Peut-être la suite.
En tout cas bonne continuation.
   
Re : The chao's theory
« Répondre #6 le: Janvier 16, 2010, 07:54:16 am »
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Toujours aussi agréable à lire. Hum la présentation des protagonistes fait un peu listing mais bon.

Les dialogues ? Rachitiques ? Hum je ne sais pas trop pour le moment il n'y en a as vraiment besoin. Ca aurait été stupide d'en mettre plus. Ils me semblent très bien.

Citation
Pour l'anecdote, je tiens un journal de mes difficultés et de mes erreurs sur cette fic'.
Comme tout le monde je suppose. Enfin sans tenir un journal j'ai tendance à noter dans un carnet les remarques.

L'intrigue : Pour le moment on a fait le tour du propriétaire. Et pourtant je n'arrive toujours pas à visualisé l'appartement. j'ai bien chaque pièce en tête. Enfin celle décrites, j'ai plus ou moins les locataires. Quoique cela passe un peu trop vite pour les retenir tous. (J'ai juste cru comprendre que c'était que des filles ?)Par contre l'agencement des pièces m'échappe. Finalement ce n'est peut être qu'un détail sans importance.
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Re : The chao's theory
« Répondre #7 le: Janvier 16, 2010, 09:07:34 am »
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J'ai aussi lu, et je suis d'accord par le fait que ce soit très agréable à lire ^^. Pour ma part, l'unique chose qui m'a génée fut le fait qu'il semblait "bondir" de pièce en pièce, comme si c'était une série de pièce qui se suivaient. Sinon, je suis d'accord, il n'y en a pas vraiment besoin, l'utilisation du style indirect est très bien, et combiné à la forme du texte, cela rend un certain style, calme, nous faisant glisser dans ton écriture. Sinon, pour la phrase :

Citation
Ils devinrent eux qui étaient bêtes, sauvages dans leur cœur, ils devinrent des bêtes tout à fait
Si la répétition de "ils devinrent" peut donner du style, il manque en fait, je crois, une virgule avant le eux :
Citation
Ils devinrent, eux qui étaient bêtes, sauvages dans leur cœur, ils devinrent des bêtes tout à fait
Et on peut alors se débarrasser de la répétion :
Citation
Ils devinrent, eux qui étaient bêtes, sauvages dans leur cœur, des bêtes tout à fait

Voila, le lion vient ici faire suer le monde o/
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Re : The chao's theory
« Répondre #8 le: Janvier 20, 2010, 08:55:49 am »
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Plus je vais plus le manque d'unité de ce chapitre me dérange. La collocation me pose aussi quelques problèmes de vraisemblance, sans plus.
Ce tour de propriétaire est trop listé, il manque une tension sous-jacente. Sans véritable planification, c'était à prévoir.
Si j'accepte ta correction Katos il me faudrait enlever "sauvages dans leur coeur". L'autre solution serait de supprimer le premier "ils devinrent", reste à voir le cotexte. Je ne pense pas retoucher cette phrase.

****

« Il faut la voir tondue ! »

Juicy roula aux pieds du crapaud, roula encore un peu plus loin les bras tendus puis au canapé elle se releva d’une pièce. À sa suite entra Rye, faussement épuisée, qui proposa de terminer la visite. Après quelques minutes passées en compagnie de la loutre, Bufo sentait ses tempes lui battre et la fatigue, qui n’était plus celle du décalage horaire, l’étourdir. Il accepta. Déjà Pearl s’était effacée au fond de la pièce et elle ne souffla un mot qu’à demi-voix, couverte par la déferlante de bonne humeur de sa comparse. Il venait seulement de rejoindre le corridor que dans son dos Juicy changeant de ton s’exclama : « Encore un garçon ?! Les filles, réagissez un peu ! » Et tout de suite plus bas, pour elle-même, elle mit le doigt à son museau et prit l’air songeur.

« Luck est encore sous la douche, c’est bizarre. »

La souris eut un sursaut. Elle se précipita après lui mais, en pleine course, un remord la prit de n’avoir pas parlé plus tôt et elle s’arrêta. La loutre connaissait cette scène, elle n’eut qu’à poser la question pour que Pearl aille se serrer contre elle. Juicy adorait quand sa comparse jouait la victime. « J’ai oublié de lui proposer ma chambre » et elle glissa sa tête dans le creux du bras. La plus jeune lui tapota la tête et dès que le sourire revint sur ce visage candide elle se jeta à pieds joints sur le canapé, lança un cri et se laissa tomber d’un coup sur les ressorts. Elle venait de remettre ses écouteurs.

Il n’y avait que quatre chambres. La première, qui terminait le couloir après le coude, était la plus grande et celle de Rye. Il eut le temps de la voir bien rangée, pleine de décorations exotiques et de plantes. Deux autres chambres avaient été aménagées après coup et de même taille, elles étaient à Pearl et à Luck. Chacune avait sa clé et bien qu’elle eût pu les ouvrir, elle ne le fit pas. La dernière chambre « eh bien… c’est un mystère ». Elle appartenait à Coal, le seul garçon du groupe, arrivé tardivement.

La porte était la plus proche de la cuisine. Elle frappa pour qu’il ouvre mais ses appels restèrent vains. Coal affalé sur le matelas, la tête en arrière, ne prêtait attention qu’à son vieil écran, seule lumière dans la pièce. Il n’y avait guère entre les deux murs que l’espace de la porte. Ses habits roulés sous le matelas, à part la petite table qui supportait la télé, il y avait un amas de déchets, de bouteilles vides, un peu de crasse, des boîtes empilées, des piles et les boîtes de jeu éparses sur les branchements. Il jouait sur le dos, manette en main, même lorsque Rye tenta d’ouvrir la porte. Le matelas bloquait. La chambre sentait fort le renfermé, la sueur moite, le son grésillant résonnait jusqu’au plafond.

Elle referma la porte, dépitée. Depuis son arrivée Coal n’avait causé que des problèmes mais, d’une certaine manière, ils ne voulaient plus s’en passer. Aussi, il était le seul à vouloir occuper cette chambre ou, du moins, cette pièce. Bufo ne sut pas comment le dire d’autre. « Avec le salon, ça ne fait que cinq. » Il manquait une pièce pour un locataire, lui en l’occurrence. Et malgré sa nature il n’espérait pas dormir à la cave de l’immeuble. Rye le détrompa, la colocation avait déjà résolu ce détail. Pearl allait quitter sa chambre pour le salon, ils mettraient une cloison au besoin.

Elle parlait encore mais Bufo avait tourné la tête quand la porte de la salle de bain s’était ouverte. Luck sortit la serviette de bain en toge sur son corps, aussi sombre qu’à son souvenir. Elle eut pour eux un regard agressif, elle marqua un temps d’arrêt. Sa chevelure libérée se déversait en cascades. Son poil de cendre, plus vif encore après la douche, avait frémi dans un nouveau sursaut de colère. Son museau se fronçait. Bufo balbutia une salutation trop pauvre que la louve rendit dans un grognement avant de passer entre eux pour s’enfermer derrière la porte de sa chambre. Il avait eu le temps d’apercevoir, à son passage, ses pattes nues et sa queue rêche que la serviette aplatissait en partie.

« C’est… mieux ? »

« Flatte sa cuisine, un peu, et ça ira. »

Ils réglèrent encore quelques détails puis la gazelle s’éclipsa le temps d’aller chercher Pearl. Elle s’était penchée par la porte du salon pour l’appeler et à cette posture, au bruit qu’elle fit, à la réponse empressée qui succéda, Bufo trouva enfin quelle était l’histoire exacte de cet appartement. Il engloba tour à tour toutes les pièces et sut que, quand dans une semaine il y reviendrait pour ses études, il se sentirait chez lui. Déjà Pearl s’était immiscée dans le corridor, en présence de Bufo elle le pria d’accepter sa chambre. Même sans qu’il y tienne, Rye voulait la lui montrer.

Ce n’était pas une bien grande pièce mais malgré le grand lit à ressorts, malgré la commode et la petite table, malgré l’étroit bureau et les innombrables posters qui couvraient les murs, il fut frappé par la place qui restait, où ils se tenaient à trois sans effort. Elle lui demanda innocemment si la chambre lui plaisait, surprise qu’il admire son aménagement. Il passait en revue, comme hypnotisé, tous les posters de paysages, d’animaux, toute une faune et toute une flore pêle-mêle avec des groupies et des dessins d’enfance. Pearl heureuse qu’ils lui plaisent lui montra son préféré, vers le fond à hauteur du coussin, qui représentait le héros de tous. « Ce n’est pas lui » souffla Bufo, sans même y penser. Elle crut que c’était une contrefaçon mais il corrigea, « ce n’est pas Sonic » et cette fois la souris se sentit désemparée. Son regard se fit suppliant auprès de Rye.

Il s’agissait bien de lui mais même s’il se plia à leur volonté combinée, et fit mine d’approuver, le crapaud garda ses deux pupilles de braise baissées.

Rien à ce qu’il savait ne justifiait vraiment sa réaction. Il avait seulement suivi sa conscience et sa conscience lui avait fait dire cela, sans qu’il se sente le besoin de le justifier ou de le défendre. Bufo se montra plus vivant après cela, malgré la fatigue qui lui pesait. Saluer tout le monde ne lui sembla pas nécessaire. Après avoir assuré qu’il serait des leurs le crapaud rejoignit l’entrée. Du palier il regarda encore ce corridor blanc comme les façades de sa mémoire, et chaleureux désormais, où il voudrait revenir. Le visage de cette gazelle qui lui souhaitait bon retour, la beauté de son trait, la bonté de son sourire, s’imprima dans sa mémoire. Il partit avec ce poids.

Quand le crapaud fut partit Rye soupira. À nouveau désoeuvrée au milieu de ses vacances elle retourna se coucher dans sa chambre. Il y avait mille choses à faire qu’elle ne faisait pas. Étalée sur son drap la gazelle écouta par sa porte ouverte les faibles rumeurs de l’appartement. Elle entendait seulement les rumeurs de musique qui perçaient du salon, parce que la porte était également ouverte, et presque inaudible la rumeur des jeux vidéo de Coal.
Elle repensa à la manière dont le crapaud l’avait dévisagée. Elle ferma les yeux pour se l’imaginer, puis se mit à rire. Ses études duraient depuis un an, les connaissances ne manquaient pas mais ce soir, même en y réfléchissant bien, il n’y avait personne avec qui passer sa soirée. Sa tête se lova à l’angle du coude, elle se tourna tout à fait pour regarder sur sa table de nuit les photographies de son passé. Ces présences-là étaient tout ce qu’elle pouvait secrètement désirer.

« Il est parti ? » Demanda Juicy en se retournant une quarantième fois. Pearl à moitié effacée par l’encadrement de la porte fit signe que c’était le cas. Alors la loutre s’étira jusqu’à sentir l’effort de ses articulations, elle força encore puis se lassa. Son amie était passée de la porte à la baie vitrée. Elle regardait au-dessus des toits les arcs-en-ciel, sans se rendre compte que Juicy lui parlait. Avant qu’elle ne comprenne l’une roulait sur l’autre pour l’obliger à jouer. Sur le coup les écouteurs avaient été débranchés et la musique, presque trop féminine, se mit à crier dans la radio. Toutes deux riaient, l’une un peu, l’autre franchement.

Les oreilles de Pearl se dressèrent au petit bruit contre la baie vitrée. Elle se dégagea, se releva et dans une précipitation maladroite elle ouvrit l’une des fenêtres basculantes. Flak lui tomba entre les bras dans un petit cri de joie. Il était trempe assez pour que de grosses gouttes s’écrasent sur le tapis mais la petite ne songeait à rien de cela. Elle le fit tourner autour d’elle comme une enfant et revint avec lui près de son amie. « Il faut le rendre à madame Betty. » Celle-ci plongée sur l’écran de son portable répondit un « ouais, peut-être » désintéressé. Pearl put l’entendre encore depuis le corridor s’exclamer sur le tout et rien des internautes, et le cliquetis pressé du clavier quand elle ricanait. Elle ne s’en préoccupait plus mais, prudente, sur la pointe des pieds se glissait vers la porte d’entrée.

Un pas prudent l’amena sur le palier. Flak entre ses mains s’agitait pour bondir en direction de la porte voisine mais elle le retint et du doigt lui fit signe d’être discret. Elle se colla contre le mur pour progresser, une fois à la porte, frappa le plus silencieusement possible. Il n’y eut aucun bruit. Pearl insista, plus fort, puis plus fort encore avant que la voisine ne lui ouvre. Son doigt refit le signe d’être discret puis elle tendit Flak qui d’un saut alla se coller contre madame Betty. Aucune scène ne pouvait lui faire plus plaisir. Mais un bruit les surprit au rez-de-chaussée, une porte s’était ouverte et des pas résonnaient dans les escaliers.
La porte de l’appartement claqua.

La souris derrière entendit les pas s’arrêter juste devant, piétiner un peu puis quelqu’un frappa. Elle recula de quelques pas, de quelques pas encore quand les coups reprirent. Son visage exprimait un peu de frayeur. Juicy cria d’aller ouvrir et bientôt Rye parut au coude du corridor. Ce fut elle qui alla ouvrir mais avant qu’elle n’atteigne la poignée la souris s’était jetée pour la retenir, d’une voix effrayée elle lui fit le récit chaotique de son expédition et la supplia de ne rien dire à la gérante. Alors depuis le palier Bufo se contenta de dire « c’est moi. » Il ne comprit pas pourquoi Pearl s’élança une fois la porte ouverte pour l’enlacer.

Adossée au mur, les bras croisés, l’étudiante s’enquit : « Un problème ? »

« Une étourderie. »

Il avait perdu son billet de train, celui qui devait lui permettre de rentrer. Sans doute durant la visite celui-ci lui avait-il échappé, du moins c’était son espoir. Cette histoire attira aussitôt l’écolière qui, dans un grand cri, se laissa tomber par la porte du salon sur le sol. Elle se mit à renifler les alentours à quatre pattes jusqu’aux portes des chambres, jusqu’à celle de Luck qui s’ouvrit. La louve trouva juste à dire « encore là ? » Le mot siffla entre ses crocs et quand les autres lui proposèrent de chercher avec eux, évitant l’enlacement de l’écolière elle s’en retourna dans sa chambre. Le claquement de la porte jeta un froid.

Après cinq minutes Bufo proposa d’abandonner. Il avait jeté un coup d’œil partout où il était passé, surtout dans le couloir mais sans rien trouver. Juicy ressortit de sous le coussin du canapé, déplacé d’un mètre dans le salon. Tour à tour les autres locataires admirent n’avoir rien trouvé. Elles insistèrent en cœur pour continuer et devant le regard mouillé de la petite, la sentant prête de pleurer s’ils ne retrouvaient pas ce billet, leur obligé abdiqua. Il y eut un cri de plaisir depuis le salon et durant une demi-heure encore, tournant en rond tour à tour dans toutes les pièces, ils se heurtèrent  à la même absence de résultat.

« J’abandonne ! » Lança Juicy en s’abattant sur la table de la cuisine. Tous réunis là se joignirent à son avis et à la surprise, mitigée, de Bufo la souris toute petite dans son coin ne versa pas de larmes. Il apprenait déjà à la connaître. L’argent lui manquait pour acheter un autre billet, il se refusait à emprunter. Pearl lui proposa son téléphone pour appeler chez lui. Elles le laissèrent dans la cuisine et entre elles, à messe basse, discutèrent d’une éventualité, presque certaine, où il devrait rester.

Une minute après Bufo vint rendre le téléphone. Sa mère lui enverrait ses affaires par la poste. « Je vais dormir à la cuisine. » C’était ce que sa conscience lui dictait de faire et quoique les autres lui dissent il s’y tint. Alors que le soir n’était pas encore tombé, le dîner restait à faire et déjà il aurait voulu pouvoir dormir. Elles le laissèrent couché sur le banc de la cuisine pour s’en retourner chacune de son côté. Rye, en passant, alla frapper à la porte de la louve. Elle dit simplement « Bufo va rester ce soir. » Ces mots-là restèrent gravés quelque part, comme dans l’air, comme dans les murs ou imbibant le bois, ces mots ce soir-là ne partiraient pas.

___________________________________________________________________________________________

Journal :
Les premiers paragraphes ont été réécrits trois fois, un problème de transition jusqu’au bus. La solution est apparue au moment de motiver le trajet, d’où l’épisode où il voit le héros planétaire.
Cette difficulté a donné ma ligne de conduite pour toutes les difficultés à venir. En cas de problème chercher à motiver le passage ou revenir plus tôt et reformuler dans une nouvelle direction.
La description de Rye dans les escaliers a peu changé. La grande évolution est le « trait gracile » qui sert surtout à excuser une liste, une facilité. C’est néanmoins le meilleur moyen que j’aie trouvé pour lui donner corps.
Mon coup de génie a été de me décider à abandonner la focalisation interne et à m’autoriser des coups d’œil. Je parle de la scène de la douche avec Luck. Leur relation est ambiguë et beaucoup d’actions sont inexplicables sans toute une série d’indices. Elle est peut-être, ainsi, moins caricaturale.
Il était prévu au départ que Pearl, rencontrée en dernier, parle à Bufo seule à seul dans sa chambre. Ce passage immotivé a été abandonné. J’ai également abandonné le sentiment de rejet social de Bufo, trop difficile à mettre en scène.
Une difficulté s’est présentée après la visite. Flak a motivé l’entrée dans l’immeuble, je l’ai complété avec la voisine. J’ai donc réutilisé cet élément en le liant à Pearl, qui est typiquement la princesse mystique. Cela m’a permis de déclencher le retour programmé de Bufo.
Je ne suis pas mais pas du tout content de la manière dont ce chapitre se conclut. Il m’a fallu d’ailleurs réécrire les dernières phrases. La recherche du billet est creuse, les comportements trop vite brossés. Juicy est un casse-tête à mettre en œuvre.
« Dernière édition: Juin 07, 2011, 09:54:00 am par Feurnard »
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Re : The chao's theory
« Répondre #9 le: Janvier 28, 2010, 11:59:58 am »
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Dans l'épisode précédent Bufo découvrait son nouveau logement où suite à une étourderie il sera forcé de passer la nuit. Quel suspense.

The Chao's
Theory

Épisode 2 :

Depuis le banc de la cuisine il pouvait voir défiler le ciel, pas un nuage mais les vastes arcs en gouttelettes sur le verre. À mesure que le soir tirait vers la vieille ville les clochers avaient dû sonner une heure supplémentaire, il se demandait si le voile était celui de son sommeil ou bien les premières lueurs des étoiles. Une à une s’effaçaient les couleurs torrentielles et les lumières du sol trop discrètes ne concurrençaient pas l’espace, la voûte se détachait au sein d’un océan céleste, le relief prit un éclat fauve qui imprégna tout un côté de la fenêtre, lentement, tandis que l’autre côté s’assombrissait. Il rêvait, les yeux mi-clos, que le ballottement d’un train le ramenait dans sa ville natale.

Pour Rye ce moment était un peu triste mais ce qu’elle préférait voir, par la fenêtre quand le froid de l’hiver l’empêchait de sortir, était le brouillard qui pouvait s’abattre sur la ville. Quelques lueurs de phares le perçaient à peine au pied de l’immeuble sans quoi c’était l’infini à portée de mains. Certains déprimaient, elle trouvait cela magique. Ils étaient en été, le brouillard ne viendrait pas. La gazelle s’était adossée au mur pour regarder par la fenêtre se coucher le soleil. Elle avait revêtu un foulard dont l’étoffe laissait voir au travers, tout le long du cou, son pelage de seigle mûr. « Luck va bientôt venir » le prévint-elle, il fallait préparer le repas. Mieux valait pour lui d’être parti avant.

Quelques éclats de voix enfantins ponctuaient leur conversation. Il avait voulu se lever mais c’était inutile, aussi la force lui manquait. Son corps lui paraissait lourd, ses membres engourdis reposaient sur le banc. Elle gardait la tête en arrière les cornes touchant le mur de carrelage, elle s’adossait contre la paroi froide et regardait trop haut pour le voir. Quand il rouvrit ses paupières la gazelle dans un mirage s’était évanouie, leurs propos lui revinrent et il comprit qu’après son départ, enfin, il s’était endormi.

Il faisait plus sombre, les gouttes un peu plus fortes dans la fraîcheur de la nuit glissaient sur la vitre presque sans bruit. Lui avait encore le regard perdu quelque part du côté de la porte, dans le corridor, sans rien voir. Puis il comprit dans un sursaut que c’était encore un rêve, un souvenir figé à la frontière de sa conscience, ou vitreux dans le voile de ses paupières. Il y eut un bruit de casseroles. Bufo se réveilla.

Une pointe d’affolement, un peu tard, l’avait retiré à ses songes. Cela ne se résumait pas à une seule émotion. Quand Luck plaça les casseroles sur les plaques le crapaud préféra ne plus bouger, mais derrière ses yeux clos l’écouter faire vivre la cuisine pour tout le monde. La porte était restée entrouverte, juste entrouverte. Il écouta le couteau s’abattre en une série de coups secs sur la planche, l’eau bouillonner, il sentit un tourbillon d’odeurs et la vapeur sans aération rouler sur les meubles, sur le plafond. Il écouta sans y croire et quand elle s’approcha de la table pour poser les assiettes un frisson faillit trahir qu’il était réveillé. Il ne sut pas combien d’assiettes elle avait posé.

Enfin sa conscience lui dicta de se lever. Alors ouvrant les yeux il la saisit à l’instant où sa queue rêche passait derrière le meuble, il la surprit en pleine tâche. La louve lui tournait en partie le dos et ses pupilles de braise se perdaient dans la cascade de cheveux sombres. Luck l’ignora même quand le crapaud fut debout. Elle s’efforçait de ne pas le voir le nez froncé, absorbée par sa cuisine et comme pour le faire taire la ventilation se mit à souffler. Un instant d’inattention, en maniant le couteau elle s’entailla le doigt. « Dis » l’interpella Bufo qui contournait la table pour s’approcher. Elle se braqua en lui faisant face et lui jeta un regard noir qui lui empoigna le cœur.

« Je peux t’aider pour le repas ? Ou mettre la table… »

La porte claqua dans son dos, lui dans le couloir massait son épaule tout en se traitant d’imbécile. Surtout cet état de fatigue qui lui avait pesé toute la journée s’était comme évanoui, un poing de ressentiment le tenaillait, qu’il essayait de calmer. Sans la cuisine il considéra la chambre de Rye fermée, le salon seul s’offrait où aller. Bufo rejoignit les deux plus jeunes de l’appartement, leur demanda ce qu’elles faisaient. Elles étaient l’une contre l’autre à lancer de petits rires derrière l’écran du portable. Juicy tirant la tête par-dessus : « Tu ne vas pas visiter la ville ? » Il faisait nuit déjà, bien trop tard pour une promenade. Son amie sembla paniquer par ce qu’elles pouvaient manquer sur l’écran et toutes deux retournèrent à leurs petits rires et leurs phrases sibyllines.

Tout de même l’une se décida à lui expliquer : « On suit Pupil ! » Et ce fut tout.

L’une et l’autre étaient presque étalées sur le tapis à jouer des jambes dans le petit espace que leur laissait le canapé. Les pieds de la loutre, négligents, se déchaussaient sur les coussins. Elle s’agitait pour deux, frémissait, son petit nez tout émoustillé tremblotait et elle se balançait alors au rythme de ses passions. Les cheveux courts lui chatouillaient le haut de sa nuque. « T’as vu ça t’as vu ? » Il n’y avait rien à voir sur l’écran sinon une demi-douzaine de discussions en ligne dont les réponses s’enchaînaient. Elle tapa de l’épaule la jeune souris qui près d’elle, dans toute la douceur de son pelage nacré, eut la crainte toute innocente de ne pas le voir. « Là ! » Lui désigna la loutre et elle de son côté se mit à rire la main sur la bouche, les doigts si fins qu’ils couvraient à peine ses petites lèvres. Elles riaient des mots qu’employaient les adultes pour parler de sujets de leur âge.

Comme il n’y comprenait rien Bufo en retrait préféra ne poser aucune question. Il se sentait absent de cette effervescence quand « allume la télé ! » Le doigt de Juicy le désignait lourdement. Il alluma sans comprendre, les chaînes défilèrent jusqu’au journal au moment où passait l’actualité sur le héros planétaire. « Alors qu’est-ce qu’ils disent ? » Les nouvelles étaient celles qui passionnaient tous les habitants de Mobius, les faits et gestes de leur gloire vivante au jour le jour, qu’il se retrouva à décrire pour elles. Il se mit à les commenter, sans comprendre, s’il arrêtait aussitôt quelques plaintes le rappelaient à l’ordre, si bien que se prenant au jeu le crapaud ne vit plus passer le temps. Rye frappa à la porte les avertir que le dîner les attendait.

« C’est pas trop tôt ! » Cria Juicy au passage de la porte.

Sa télécommande en main, resté seul dans le salon devant le téléviseur actif le crapaud hésita à suivre. Il regarda l’écran du portable où les fenêtres réduites avaient laissé place au fond d’écran. C’était le visage aux trois quarts d’un berger aux oreilles tombantes, approchant la vingtaine, sur fond arc-en-ciel et qui même sur cette photo d’amateur dégageait un charisme étonnant, celui des chanteurs ou des acteurs célèbres. Pearl revint lui dire de les rejoindre. La souris effacée en partie par la porte sembla rougir, elle coucha sa joue de nacre contre le bois et le remercia d’avoir passé du temps avec elles, puis s’échappa.

La bonne humeur qui se dégageait des discussions encouragea Bufo au moment de les rejoindre. Il ne reconnut pas la cuisine auparavant propre, métamorphosée par la petite foule de têtes autour de la table, les odeurs stagnantes et toute la masse des ustensiles sur le mobilier. Luck ne tourna même pas la tête quand il entra. Elles étaient trois sur le banc, Juicy se balançait sur sa chaise. Les assiettes chaudes disposées pour chacun lui parurent lourdes pour cette heure tardive.

Il fut le centre d’intérêt. À part la louve en bout de table, le hasard avait voulu qu’ils se retrouvent face à face, il cherchait son regard, elle évitait le sien, sans cela elles lui demandaient des détails sur sa vie qu’il donnait toujours volontiers, mais au travers d’une mémoire trop impersonnelle. Il se souvenait d’objets, de détails, il leur décrivait des lieux et des habitants de sa ville natale sans parler de sa ville natale jamais. Elles brûlaient de l’entendre poser des questions à son tour mais il s’était tu et tandis que Juicy parlait pour quatre sans l’attendre, il suivit des yeux le dernier arrivé.

Celui-ci traîna le pied jusqu’au réfrigérateur, fouilla dedans et quand il eut fini, sa canette en main, il le referma à moitié pour rejoindre la table. Cela fit tiquer Bufo, désagréablement. L’œil morne, rougi par des années d’écran, le scorpion avait le corps sec un peu cassé aux membres, les bras laissés libres le long du corps et tout le corps relâché sans aucun souci de tenue. Sa peau molle était mate et seule sa carapace lui donnait de la consistance, qui courait du crâne jusqu’au dard atrophié. Il ouvrit d’un doigt sa canette, de sa main libre attrapa le verre levé de Juicy sans qu’elle ne s’en rende compte et alla s’asseoir sur sa chaise, pieds tendus.
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Re : The chao's theory
« Répondre #10 le: Février 05, 2010, 11:44:36 am »
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The following as planned.

****

Tout s’était déroulé dans un tel naturel que quand Juicy se leva pleine d’ire elle surprit toute la table. Le doigt tremblant pointé sur le coupable après un cri aigu : « Il y a des doigts sales sur mon verre ! » Le scorpion réagit lentement. Il observa son cirque l’air indifférent, puis son regard tomba sur le verre, et il le lui tendit. Le verre était déjà plein. « Non ! J’ai plus soif ! » La loutre pleine de rancune se rassit pour bouder.

Coal passa tout le dîner la tête dans son assiette, extérieur à tout ce qui pouvait se produire autour de lui. Il mangea tout d’un air égal, sans éponger, seulement préoccupé de mâcher et d’avaler à son train.

Quelques plaisanteries animaient la table. « Rends-moi mon pain ! » Les sujets glissaient entre leurs doigts aussi vite qu’un fleuve, n’importe quel propos pour se réjouir qui se partageait entre eux. Bufo y participait et bientôt il riait comme elles à la première des anecdotes, secrètement émerveillé par cette énergie, cette lutte presque, pour retarder l’heure de se séparer, au point de laisser leurs assiettes refroidir. C’était un plaisir aussi que de voir s’illuminer leurs visages sous le plafonnier, un autre plaisir que de partager cet instant avec elles et de le faire durer. « Il fait chaud tout de même. » Et près de lui le bras le frôla lorsque Rye voulut défaire sa queue de cheval pour laisser glisser ses cheveux sur la nuque. Il la moqua un peu et dans ce geste, alors tourné, il ne vit pas Coal se lever de table. À peine fini celui-ci avait fait grincer les pieds de sa chaise, sans un mot il les laissait pour retourner à sa chambre.

Sur son autre chaise la petite trépignait : « Celui-là ! »

Ils finissaient également, alors Luck se leva et rapporta de la cuisine les desserts, cinq coupes qu’ils vidèrent en quelques instants. Les odeurs tournaient dans leurs têtes. Une tête de souris épuisée se laissa tomber contre sa voisine dans une excuse murmurée. Elle avait fermé les yeux, elle dormait presque. Un peu repliée, le visage serein, ses deux bras contre elle Pearl se laissa entraîner jusqu’à la salle de bain. Alors Juicy sautant sur l’occasion alla se saisir de leur nouveau locataire pour l’entraîner avec elle au salon. Restée seule la louve sentit ses muscles se détendre. Elle se mit en devoir d’empiler la vaisselle.

« J’oubliais ! » Lança la loutre en rouvrant grand la porte, « bonne nuit Luck ! »

En deux sauts la petite alla s’écraser au milieu du salon pour s’y rouler de toute sa longueur. Sans réaction en retour elle bondit sur le canapé, à côté de lui, voir comment il s’en sortait avec toute sa musique. Il fouillait dedans l’air perdu par tous ces noms sur des enveloppes aux couleurs criardes et recouvertes d’étoiles ou de fleurs. « Dis tout de suite que tu n’aimes rien ! » Plusieurs fourres lui tombèrent entre les mains, plus anciennes et sombres, qui appartenaient à Coal. Son choix était fait, elle le traitait de tricheur quand la salle de bains se libéra. Pearl le visage ensommeillé, se frottant l’œil tout doucement, leur glissa un mot avant de se rendre aux bras de son lit.

Sans ses affaires Bufo ne vit pas la nécessité de se rendre aux eaux, s’y rendit néanmoins poussé par l’écolière, ils se retrouvèrent tous deux dans la pièce où les radiateurs distillaient une chaleur plus moite. La porte restait ouverte. Sur le rebord de la fenêtre la louve de cendre avait laissé une trousse de bain ainsi qu’une serviette, qu’il n’avisa pas tout d’abord mais que la petite tête près de lui finit par lui tendre. « C’est pour toi ! » Sans lui laisser le temps de répondre la loutre défit sa coiffure à pleine mains et se soigna le corps, au peigne, en lui demandant en permanence son avis. « Et là ? » Il avait la brosse à dents dans la bouche. « Et comme ça ? » Son pouce levé sembla la décevoir.

« Et Rye tu l’aimes bien ? »

Des clameurs se bousculèrent dans la salle de bain, Juicy en surgit toute heureuse de son effet et courut pouffer de rire dans sa vaste chambre, l’oreille collée contre la porte, puis elle se lassa. Son doigt passa sur l’interrupteur. Avec seulement la lumière du portable elle alla se rouler sous sa couverture, parmi les coussins. Son petit corps de loutre alla chercher de la chaleur contre le tissu, s’étira soudain, sa patte dépassa au bout ce qui la fit frémir. Elle cala son museau dans le coussin, avec pour veilleuse cet écran allumé, à la recherche du sommeil. Ses dents la piquaient un peu, pas longtemps.

L’appartement se couvrit de torpeur. Seules restaient les lumières du corridor et vers l’entrée celle de la salle de bain. Il en ressortit frappé de retrouver cette atmosphère plus silencieuse encore parce qu’il pouvait entendre grésiller les ampoules au plafond. Toutes les autres portes étaient fermées. Seul éveillé encore, il alla à pas de loups jusque dans la cuisine. Les trois fenêtres y jetaient leurs rais éthérés et les étoiles débordaient à travers dans la pièce par de petits éclats. À tâtons, prudent, Bufo sentit qu’il venait de donner du pied dans le meuble. Il clocha les dents serrées jusqu’au banc.

Sa main s’appuya sur la table débarrassée, dans le noir sentit le contact lustré du bois, coula dessus. La peau calleuse passa dans les rayons nocturnes, éclairée elle apparut livide, plus blanche encore que la craie, avec ses pustules. Il s’étendit sur les coussins, les trouva durs. Les formes des corps s’y étaient imprimées, celle menue de Pearl, celle de Rye et au bout, la sienne. Au travers leurs présences duraient encore. D’autres senteurs s’ajoutaient aux leurs, le fumet des plats stagnait mélange de tous les mets, et le dessert perçait qui lui faisait penser, dans ce mélange, il y pensait, il songeait à de la crème brûlée. C’était l’odeur de la crème brûlée dans l’air, mais onctueuse, qu’il respirait.

Le sommeil ne venait pas. Ces effluves pleines de souvenirs emplissaient la salle et le dérangeaient. Il se retourna une fois puis sur le dos observa une portion du ciel aux couleurs secrètes. Contrecoup à sa sieste une énergie nouvelle lui tenait les yeux ouverts, la pénombre se relâcha, il distingua tous les détails qui l’entouraient un fourmillement innombrable. Un léger frisson l’obligea à se retourner encore. C’était cet air stagnant et la tiédeur humide qui le captivaient, qui l’obligèrent à se relever. Au fond se trouvait la porte-fenêtre. Il alla de ce côté le pas toujours prudent, il ouvrit et le froid de la nuit le frappa en plein visage. Pris dans cette bourrasque d’air translucide il s’avança sur le balcon.

Deux ou trois pots de plantes encombraient l’étroit balcon de fer au garde-fou grinçant. Les feuillages traçaient dans l’air des arabesques en toute liberté. Il respirait avec cette flore le regard perdu quelque part sur la ville, parmi les immeubles, les façades à peine teintées de quelques lueurs. Seules là-bas un peu partout murmuraient les fontaines, à peine, qu’il ne voyait pas. Le froid mordillait sa peau, un peu plus haut, il serra les bras. Des reflets sombres trahissaient dans leur large tracé les pylônes du réseau ferroviaire. Il observa les rails, il les laissa l’emporter sur leur courbe allongée, interminable, qui dans la nuit n’avait plus de distance, qu’il aurait cru toucher.

L’imagination lui manquait. Il n’arriva pas à imaginer quelqu’un d’autre que lui-même dans l’obscurité, une personne qui comme lui aurait observé la ville, sur le toit peut-être, qui dans la fraîcheur le poil humide plaqué sur sa peau serait restée à contempler les soupirs de la cité. Il aurait pu imaginer cette personne, discrète juste au-dessus de lui, qui aurait eu accès au toit grâce à un double de la clé, qui se serait glissée par les escaliers et sur la surface rugueuse du toit, en ce point précis proche du vide se serait penchée pour sentir au plus près le souffle de la nuit la bercer. Pearl, pourquoi pas.

Un bruit lui fit lever la tête, là-haut la vieille antenne se pliait un peu sous le poids des gouttelettes. La nuit était claire, parfaitement sereine. D’immeuble en immeuble parmi les rues désertes la flore bruissait à peine, les véhicules rangés s’alignaient assoupis. Il restait la lumière des feux aux intersections, ainsi que le miroitement de l’eau. Dans le désert de cette heure tranquille les bouches du réseau étaient entrouvertes, la lune rayonnait sur leurs canaux, comme un appel. La frontière de deux heures, de deux jours, de deux semaines, aussi éloignée que l’était un mois de son prochain se dessinait aux angles amollis des artères, sonnait silencieuse au sein du vide.
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Re : The chao's theory
« Répondre #11 le: Février 12, 2010, 09:29:12 pm »
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Environ deux pages encore.

****

Déjà montait une rumeur nouvelle, un picotement de toit en toit qui les faisait frémir, la sensation grandissante de leur venue se déversait aussi le long des murs et entre eux leurs petits cris pour se reconnaître, des souffles que le poids de la terre suffisait à étouffer. Leur arrivée perturba ce seuil de ténèbres, ils émergèrent au travers du voile minuscules silhouettes encore, indistinctes. La rumeur avec eux s’élevait, sans gagner en force, seulement en hauteur, toujours plus claire, elle vibrait à la manière du verre ou bientôt, du cristal.
Ce souffle l’avait atteint, ni le vent ni le bruissement des feuillages, un trouble à sa surface, ni même l’éclat des gouttelettes touchant terre, le souffle incertain d’une présence, ni le battement de son cœur, des milliers de présences, et sonore.

Quelques notes légères émergeaient de l’abyme à peine audibles elles résonnaient sur les pentes, depuis le centre se déversaient suivant leur nombre, chaque voix nouvelle d’abord solitaire se joignait à l’ensemble et leurs ombres sur les ombres des structures traçaient une ligne gracile à peine discernable. Aussi loin qu’elle pouvait s’étendre l’immensité avait pris vie. Une naïve mélodie accompagnait cette foule qui emplissait le bassin de la cité universitaire, d’un petit chant sensible, né de l’infime, où les rêves ou les songes ou les souhaits ou l’impossible allaient se noyer.

Il entendit la nuit ruisseler de ce chant comme l’humidité sur ses membres, comme le froid dans sa chair, la ville entière s’offrait à lui animée par ce frémissement toujours voilé qu’il pouvait de loin caresser sous ses doigts tant que durait la mélopée.

Au chœur de ces voix unies une lueur apparut nouvelle qui vacillait, une lumière diffuse se fit au lointain plus aiguë, ensuite une autre, elles se multipliaient, des quartiers au complet s’y plongèrent, la surface des fontaines laissait s’échapper ces halos de flammes aux teintes translucides, une aurore fraîche à la manière d’embruns s’éleva sur la cité. Le bleu si clair se confondit avec la foule des petits êtres qui chantaient, les lueurs s’intensifièrent et soudain tout brilla, tout étincela, les surfaces sans exception se paraient de perles aux milles éclats, il vit les gouttes sur ses bras sur son corps jeter mille éclats enchanteurs.

C’étaient eux qui libérés, poussés par quelque secret sans âge, avaient rendu à la cité son vrai visage. Le crapaud était aveuglé. Derrière ces flots de rayons au bleu pur, derrière leur chant si clair il les savait là et ne pouvait pas les distinguer. Ils chantaient sans gêne ayant imposé leur monde sur tout autre, protégés par cette réalité éphémère ils s’étaient accaparés de la cité et lui spectateur n’arrivait plus à s’en détacher, à l’étroit sur son balcon de fer dans la nuit froide il subissait charmé leur immuable récréation.
Un coup de feu mit fin à tout.

Alors se réveillant en sursaut les doigts serrés aux barreaux de fer Bufo se demanda s’il n’avait pas rêvé. La ville à nouveau muette replongeait dans des abymes d’obscurité, le relief découpé de ses toits s’étendait monotone. Une sirène mugit vers le centre, une intervention de police. Il éternua. Il se sentit stupide et meurtri de savoir que ce qu’il avait vu, bien réel, ne reviendrait pas, et de l’attendre quand même. Le crapaud se tendit pour regarder les fenêtres de l’appartement, leurs rideaux tirés, à se demander si d’autres que lui avaient regardé le phénomène, si d’autres avaient écouté, si c’était normal.

Il s’entendit prononcer à voix basse : « C’est mieux ainsi. » Cela le décida à rentrer. Quand il se détacha de la barrière ses bras devinrent de coton, ils lui tombèrent tremblants d’un effort insoupçonné. Ils s’étaient agrippés si fort, tout ce temps, au coup de feu s’étaient relâchés le laissant essoufflé, il n’avait pas senti son cœur étreint l’étourdir, trop détaché, tout ce temps, de ce qui constituait sa réalité. Ses jambes le portaient encore. Il joua de l’épaule pour refermer la porte-fenêtre. Derrière lui les plantes se laissaient bercer en douceur, et reposer dans la fraîcheur nocturne, les gouttes d’eau continuaient à luire mais d’un éclat à peine discernable, surtout, inaudible.

Par la fenêtre à nouveau fermée s’étaient échappées toutes les odeurs, toute la chaleur, le renfermé. Au dos du banc le radiateur avait cessé de combattre cet air plus frais, une mince pellicule d’humidité recouvrait les meubles, à l’intérieur était plus sèche. Il retrouva l’obscurité découpée de rayons lunaires, la propreté de la cuisine, les coussins plus lâches sur lesquels se coucher. D’abord de travers il ramena les jambes, passa les mains sous sa tête en guise de coussin. Entre le choix du sommeil et de la veille il choisit de regarder se déplacer la lumière céleste, aussi parce qu’elle contenait un peu de ce qu’il avait vu cette nuit. Elle évolua sur la table, tomba, remonta contre le comptoir qui séparait l’espace où manger de la cuisine même. Tandis que les faisceaux lumineux grimpaient en contraste se détachait plus nettement une masse noire incongrue qui attira son attention.

Enfin la lumière révéla un oreiller à la taie noire posé sur une couverture de même étoffe, pliée de telle sorte qu’elle ne prenait presque pas de place. Il se leva, s’en saisit, chercha une odeur autre que celle du savon après quoi, amusé par ce geste étrange qui avait consisté à déposer la couverture non pas sur le banc mais à l’écart, il fit passer le tout avec lui pour se recoucher enroulé dedans. Là, un sourire sur son visage qu’il aurait refusé d’expliquer, Bufo se plongea dans un sommeil sans peine.

Ses yeux s’entrouvrirent alors que la nuit étalait toujours son voile, il les referma. Ils s’ouvrirent à peine lorsque les ténèbres se mirent à faiblir, sans lui. De là sa conscience sombrée dans quelque rêve brassa les craintes de sa première nuit à des milliers de kilomètres, loin de ses proches, loin des lieux de son enfance. Il dormit bien.

Dès les premières lueurs du matin ses pupilles de braise tiède mimèrent deux étoiles perdues au sein de cette cuisine sombre. Un bruit d’écoulement l’avait surpris, qui passait par les canalisations, il leva la tête quelque part au plafond où elles devaient passer depuis la salle de bains. La fenêtre brillait de tous les feux de l’aube. Son ventre gargouilla. Lui-même fourbu se dégagea de la couverture, s’étira autant que lui permettait sa nature et dans cette pose, avisant la porte close, il voulut voir qui s’était éveillé si tôt le matin. Le jour lui échappait si tôt au réveil, toujours courbaturé il passa dans le corridor. Il avait dormi avec ses gants, il était un peu défait. Aucune porte n’était ouverte.

Sa conscience le poussa à ouvrir le réfrigérateur. À force de fouiller très vite la table se couvrit de petites assiettes, de verres, de lait, il changea d’avis, abandonna le pain, échangea les couverts pour des bols, ne s’en sortait plus entre tous ces préparatifs quand la voix enrouée de Pearl lui donna un répit. Elle tombait de fatigue, son pelage lissé par la nuit, le froid la faisait se serrer les bras. « Tu as dormi comme ça ? » La souris fit quelques pas vers lui, ses pieds fins touchaient à peine le plancher. Elle demanda ce qu’il préparait, toutes ces assiettes, chacun déjeunait de son côté à cause de leurs horaires.

La question qui le préoccupait depuis le milieu de la nuit ne dépassa pas son goitre. Ses yeux cherchèrent sur elle, alors qu’elle lui tournait le dos pour entasser les bols, un indice lui révélant si elle avait regardé, si elle avait été dehors. Ils s’assirent tous deux la mine devant leurs céréales, elle s’excusa soudain de lui avoir fait passer la nuit dans la cuisine, et qu’elle se sentait coupable. Ce n’était qu’une idée en l’air, enfantine, qui lui tenait à cœur. Ensuite, elle retournerait se coucher. « Les cours sont à huit heures. » Il en avait presque oublié que c’était une écolière.
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Re : The chao's theory
« Répondre #12 le: Février 19, 2010, 07:20:46 pm »
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Fin du second épisode. Oui, pas d'action avant l'épisode... six.

*****

Ils furent interrompus. Lui qui l’avait cru, il n’avait encore jamais vu Luck enragée. Ses membres devinrent lourds ses jambes flageolèrent il sentit les poumons lui brûler un poids le frapper à la poitrine, sur le coup la peur et la colère mêlées lui vinrent à son tour. Elle hurlait ! Ses mots sifflèrent à ses oreilles. La petite Pearl se leva effrayée, d’un pas précipité recula jusqu’à la porte-fenêtre.

« Mais de quoi tu m’accuses ?! »

Une voix derrière eux : « Qu’est-ce qui se passe ! » Rye n’osa pas approcher les éclats de voix la sonnèrent, la louve de cendre n’écoutait plus rien.

« Tu trouves ça drôle ! Tu trouves ça drôle hein ! »

En quelques secondes elle avait hurlé plus qu’elle ne pouvait penser, Luck sentit ses mots lui racler la gorge, elle étouffait de rage, elle l’aurait, volontiers, étranglé. Déjà ses sens lui revenaient, se rendant compte que tout le monde la regardait, Bufo s’était tu enfin, elle regardait autour d’elle un mot en suspens et refusant de s’expliquer, alors excédée la louve quitta l’appartement, dans les escaliers se mordit le poignet pour se calmer. Rye avait tenté de la rattraper, elle n’écoutait rien, elle ne voulait rien écouter.

Resté interdit Bufo vit la jeune écolière s’enfuir dans sa chambre. Cette vision de la jeune souris meurtrie par tant de colère se grava dans sa mémoire. Il ne chercha plus à comprendre mais en voulut à la louve et quand les pas revinrent depuis la porte d’entrée, croyant que c’était elle, il se détourna. Ce n’était que Rye, encore sous le choc, qui dut s’asseoir. La pièce résonnait tant de la dispute passée que s’ils avaient dit un seul, ils se seraient reportés l’un contre l’autre. Dans le silence, sans savoir quoi dire, tous deux patientèrent. Un lent travail se fit en eux qui les calma. La gazelle la première soupira et sur le coup l’atmosphère se détendit. Enfin, il lui proposa des céréales.

Quand Luck repassa dans la cuisine, un peu plus tard, ils discutaient joyeusement, ils se turent à son entrée. Elle ne dit rien, ne les regarda pas, posa la viande congelée près des plaques et se retira. Il le remarqua enfin, les cheveux en cascade de la louve avaient été teints en un noir de charbon, comme de la poussière, où le regard pouvait se noyer. La main posée sur son épaule, Rye le retint de demander ce qui lui avait pris.

« Je ne l’avais jamais vue comme ça. »

Elle voulait dire, plus depuis longtemps. Lui : « Elle est folle ? » La réponse tarda sur ses lèvres.

« Juste solitaire. »

La porte d’entrée se ferma tout à fait, sans claquer. À cela elle sut que Luck se rendait à son travail, au magasin, et ne reviendrait pas avant le soir, sans avoir pris un repas. Leur discussion changea rapidement, pour rompre la gêne, ils parlèrent de la rentrée. Il voulut lui demander de lui faire visiter la cité. La gazelle hocha tristement la tête. « J’ai un engagement. » Il ne la vit pas habillée autrement que hier, la même jupe courte, le même t-shirt sur sa peau de seigle. Elle dut le quitter peu après, à son tour quitta l’appartement. Le jour prenait enfin toute son ampleur, il regarda le regard effacé cette lumière vive faire miroiter son bol de lait.

Son visage était toujours aussi mélancolique quand Juicy lui tomba dessus. « T’as fait pleurer Pearl ! » Il allait rétorquer mais ce n’était pas un reproche, et ces mots l’avaient déridé. La frimousse joyeuse qui le titillait le poussa hors de sa réserve. « Pourquoi tu m’as rien préparé ! » Elle se mit à tartiner son assiette, les yeux pleins de convoitise sur son bol où les céréales achevaient de se désagréger. Avant qu’elle ne le saisisse, il avait tout avalé. « T’es pas drôle ! » Pearl les rejoignit entre deux de leurs rires. Elle avait séché son visage, fait un peu de toilette. Sur son dos le cartable était déjà prêt.

Aucune des deux ne pouvait lui faire visiter la ville, l’une à cause des cours, l’autre parce qu’elle ne voulait pas. Ils parlèrent encore un peu de l’actualité, un mot sur leur activité de hier puis toutes deux s’enfuirent par la porte. « Et pas de malheur en mon absence ! » Lança la loutre l’air farouche avant de disparaître.

Il nettoya comme elles son bol à l’évier, ensuite alla faire sa toilette. L’idée de se promener, seul, au centre ville ne lui plaisait pas. À peine ses dents lavées il s’installa au salon, sur le canapé, chercha une chaîne qui lui plairait.

La seule porte restée fermée s’ouvrit dans un grincement. Coal en sortit l’air plus morne encore que la veille. Il revint de la cuisine les bras chargés d’affaires pour s’enfermer à nouveau, de longues minutes. Rien sur le téléviseur sinon les nouvelles du héros planétaire. Bufo désespéra de trouver quoi que ce soit sur le phénomène de la nuit. Il se décida pour le premier documentaire venu, sur une chaîne au nom mal choisi, la tête calée en arrière il écouta les explications biaisées du commentateur. Coal rouvrit sa porte, se dirigea au salon, s’arrêta près de lui. « Eh. » Bufo s’aperçut un peu tard qu’il s’adressait à lui. Le scorpion les bras pendants le regardait sans le voir, d’un geste de la tête désigna une fourre dans sa main. Il s’agissait d’un de ses jeux.

Le crapaud n’avait rien de mieux à faire. Dès qu’il eut accepté son compagnon traîna le pied jusqu’au téléviseur, derrière lequel se trouvait l’une de ses consoles. Il brancha, revint avec deux manettes dont les câbles à rallonge traversaient toute la pièce. « Fais de la place. » Puis sans un mot il se laissa tomber sur le canapé, pieds sur la table, une main tendue pour donner la seconde manette.

Aux premières minutes Bufo excédé de perdre se jura d’arrêter. Aux environs de midi il pensa à se préparer un repas. Il ne remarqua même pas Rye lorsque celle-ci passa dans le corridor. L’après-midi tirait à sa fin, la porte s’ouvrit, les deux écolières revenaient épuisées par leur journée, l’une de cours, l’autre de parcours, tous deux jouaient encore incapables de décrocher du même jeu et ne se parlaient plus que par code.

« Quoi ?! » Se scandalisa la loutre. « Vous jouez sans moi ! » Ils se retrouvèrent à quatre absorbés par l’écran jusqu’au dîner.

Finalement Coal abandonna sa manette, plantant là les trois perdants, et avant que Rye ne soit venue annoncer que le repas était prêt, il s’y rendait. Juicy n’avait pas mangé non plus à midi, elle bondit de joie à la nouvelle. La gazelle attendit que le salon se vide pour glisser un mot à celui qui prenait la peine de ranger les manettes. « Elle s’excuse pour son comportement. » Des heures de jeu avaient définitivement effacé toute rancune. Une aigreur au ventre lui fit comprendre qu’il ne pardonnait pas, juste qu’il ne gagnerait rien à se disputer. Il était vain de demander la moindre explication.

Il fut donc agréablement surpris de voir, en s’asseyant, que la louve gardait les oreilles basses par une sorte de dépit, traître victoire mais suffisante, qui maintint sa bonne humeur. Les mêmes plaisanteries de table reprirent, tous les six à leur manière profitaient de ce temps passé ensemble, les couteaux découpaient dans leurs filets. Tour à tour ils racontaient leur journée ou le beau temps, éclairés par les arcs-en-ciel, ainsi que de leurs projets. Il avait beau faire, le silence forcé de Luck lui pesait.

« Quand veux-tu faire cette promenade ? »

La gazelle s’était penchée de son côté pour s’assurer d’avoir son attention. Il se rappela le lui avoir proposé ce matin même, se rendit compte à quel point le temps passait. Ses doigts se replièrent sur le décompte des jours restants. Elle, elle serait encore en vacances pour un mois. Ils se reverraient souvent à la bibliothèque.

« Mercedi, d’accord. »

Cette fois Bufo en était sûr, la louve leur avait jeté un regard avant de retourner à son enfermement. Coal n’avait pas terminé encore qu’elle se levait et débarrassait son assiette. Juicy se mit à chanter d’une voix faussée : « Luck-euh est malad-euh ! » Elle trouva sa prochaine rime avec salade, arrêta là parce que la concernée avait quitté la pièce. La loutre se remit à discuter de l’université, de sa bibliothèque, elle se proposa même pour la lui faire visiter, devant son refus le trouva bête.

Juste après le dîner, lorsque la louve revint pour débarrasser, il était en train de le faire, elle lui tira les services des mains. Aussitôt : « Tu es dans ma chambre. » Et elle le fit sortir. Bufo réalisa seulement quelques secondes après. La porte de Luck était ouverte, la pièce dénudée, le bureau, le lit fait, un simple mobilier, aucune affaire personnelle. Elle venait de lui donner sa chambre, il ne trouvait pas la force de la contredire, ne sut pas comment le prendre. Alors il la prit. La nuit même couché sur ce lit neuf, il gardait les yeux ouverts, il imaginait sa journée à l’université, pressé d’y être, il trouvait que le temps ne passait pas assez vite et attendait, la tête tourné vers la fenêtre, rideaux ouverts, qu’une lueur se manifeste. Le jour passait, la nuit s’écoulait sans lui. Le lendemain ses effets personnels arrivaient par la poste.

___________________________________________________________________________________________

Journal :
D’emblée le plus grave problème a été l’unité. Le premier en avait une, pas le second. J’ai trimé mais au final il y a une certaine cohésion, même si c’est critiquable. Quelque part c’est le chapitre de Coal.
Le coup de feu est bien sûr le fait de Fang.
Le dîner s’est bien passé et pourtant j’ai eu du mal à le finir, il n’y avait rien à conclure. Normalement l’effet de Juicy dans la salle de bains devait tomber à plat. Trop difficile à mettre en œuvre, comme les petits pois que Bufo devait détester : ces scènes ont été abandonnées.
La scène des chao dans la ville a été un véritable cauchemar. Au départ il s’agissait d’occuper la nuit qui devait quand même durer deux pages. J’avais abandonné la scène avec Juicy, trop présente dans ce chapitre, aussi il me fallait remotiver ce passage.
Ce fut un cauchemar, des heures de prise de tête. Finalement le bon choix a été de me détacher de Bufo et de regarder la scène de loin. Il fallait que les chao existent plutôt qu’un simple ressenti.
Le reste est allé tout seul, les noms s’entrecroisent trop. J’ai toujours la crainte que la dispute soit ridicule. J’ai failli oublier la permutation des chambres, le chapitre se termine bien grâce à ça.
« Dernière édition: Juin 07, 2011, 09:54:48 am par Feurnard »
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Re : The chao's theory
« Répondre #13 le: Février 20, 2010, 02:27:54 pm »
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Bien qu'il ne se passe "rien" dans le sens ou il n'y a pas vraiment d'action, cela reste intéréssant à lire, on suit, on ne s'arrete pas, on en a même pas la moindre envie. Notamment par les personnages, auquel on s'attache facilement (j'adore notemment Pearl et Juicy). Ensuite, pas de problème de confusion de personnage, ils ont chaqu'un leur personnalitée propre ^^

De temps en temps, il y a des oublies niveau de la ponctuation - enfin, je pense, je ne suis pas un expert - avec par exemple :

Citation
Tout s’était déroulé dans un tel naturel que quand Juicy se leva pleine d’ire elle surprit toute la table.

Ce n'est que mon avis, mais j'aurais plutot mit une virgule juste après ire.

Citation
Ses membres devinrent lourds ses jambes flageolèrent il sentit les poumons lui brûler un poids le frapper à la poitrine, sur le coup la peur et la colère mêlées lui vinrent à son tour.

J'ai tenter de prononcer cette phrase à voix haute, et c'est pas facile - bon, ok, c'est peut être moi qui n'ai pas de souffle. J'aurais mit pas mal de virgule pour l'énumération. J'aurais également mit le "sur le coup..." comme une autre phrase. Aussi, je suis pas sur, mais ce ne serait pas plutôt "à leur tour" ?

Et voila, bon courage pour la suite !
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Re : The chao's theory
« Répondre #14 le: Février 26, 2010, 12:02:42 pm »
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J'ai passé des années à alléger mon écriture, avec pour résultat cette ponctuation déficiente. Il doit y avoir, pour résoudre les problèmes que tu soulignes, d'autres solutions que de remettre des virgules. Je persévère à les chercher.

Dans l'épisode précédent Bufo futur étudiant passait la nuit en catastrophe à son nouveau logement, assistait à un spectacle nocturne et subissait une dispute au réveil. Incroyable.

The Chao's
Theory

Épisode 3 :

Trois cartons, une vieille trousse d’école, quelques effets, du linge, des souvenirs, un ordinateur suffirent à reconstituer son univers. Rangés épars dans sa chambre ils lui donnèrent une assurance nouvelle, de ne plus se sentir étranger, une part de lui s’ancra dans l’immeuble locatif, au pied des pentes. L’horizon auparavant limité du balcon en peu de temps s’étendit jusqu’à la pointe des faubourgs. Ses souvenirs, la première fois, n’avaient conservé que les façades blanches. Il découvrait désormais une cité familière, à force d’arrêts, à force de détails, il se l’appropriait. Les fontaines lui servaient de repères.

Même si le jour tirait à sa fin, de voir tomber le soir en même temps que s’achevait la promenade loin de le troubler le comblait. Ils approchaient de la cité universitaire, l’université même, faite de cent instituts et plus, ils s’y rendaient par le côté du grand bâtiment de l’administration. Elle dit au hasard : « Là c’est un dortoir » en désignant deux immeubles arrondis, fusionnés dos à dos, méconnaissables sinon de toutes les autres structures. Elle avait voulu dire que l’université leur était déjà visible, qu’ils la longeaient. La gazelle ses épaules en arrière aussi regardait la floraison aux pieds des murs, sans cet œil brillant d’excitation parce qu’elle-même les connaissait depuis un an. Le vent faisait battre son t-shirt, elle devait parfois le tenir. Les soles de ses pieds touchaient sans poids le trottoir. Elle n’était qu’une ligne svelte mêlée aux quelques passants. Il ne la regardait pas.

Le bâtiment de l’administration se présentait à l’angle. Huit colonnes d’eau dévalaient sa façade entre les grandes fenêtres de verre bleuté. Il pressa le pas fasciné à l’idée que ce serait son lieu d’étude, une part de lui-même. Elle suivait concernée par le dégradé du ciel dans sa mue plus fauve, qui déclinait.

Un ruisseau empierré longeait l’administration d’un bout à l’autre, coupé seulement au centre où la route entrait. Là un tunnel soulevait l’ensemble de deux étages, assez grand pour provoquer l’écho. Il arriva devant juste quand les flammes du soleil léchaient le relief. Des feux sauvages le traversèrent, de l’autre côté firent miroiter le grand parc. À peine quelques silhouettes occupaient les sentiers parmi de vastes jardins, des étendues d’herbe et de fleurs ponctuées d’arbres. « C’est plus triste en hiver. » Tout autour cachés par les bords des tunnels s’étendaient les bâtiments des facultés. Au centre, effort réuni de tous les arts, s’élevait une merveille de verre et de marbre entrelacés. Ils avaient sculpté les bassins, les avaient disposés pour varier à l’infini le même motif et les cascades se déversant dans de grands éclats d’écume alimentaient cet ouvrage, avec un peu d’aide, en un mouvement perpétuel.

« J’ai hâte d’étudier là. »

« On se lasse, avec le temps. »

L’humidité couvrait de perles leurs visages, charmante sur elle, sur lui, grossier. Une goutte lui tomba de l’arcade. Comme la température baissait elle frissonna, elle frotta de ses mains son pelage mûr, secoua la tête pour en dégager la nuque des gouttes qui s’y glissaient et ses cornes brillèrent. Le bus s’imposait. Dans le ciel les nuages s’avançaient, avec eux la pluie, un à un les arcs-en-ciel s’effacèrent. Ils s’étaient abrités, juste à temps, sous la bulle de verre de l’arrêt.

Plusieurs éclairs s’abattirent lors du trajet retour. Ils s’étaient installés un peu à l’arrière, ne faisaient plus rien sinon regarder les vitres se couvrir de trombes. Le conducteur avait allumé ses phares, son véhicule glissait dans un grondement au virage, sans prévenir, ils furent bousculés. Une main levée du volant, insouciante, s’excusa pour tous les passagers. Il nota juste qu’ils étaient solés. Rye à côté de lui avait éternué, elle se couvrait le nez avec son mouchoir, tourna la tête, embarrassée.

Depuis le balcon couverte par son parapluie Pearl les regarda courir jusqu’au porche et disparaître. Elle traversa le salon au pas de course, devant la porte d’entrée, se mit en embuscade. Ses espadrilles avaient laissé de petites flaques dans le corridor. Les mains croisées sur sa poitrine elle dressa la tête aux pas dans l’escalier. Sa petite personne s’effaça plus contre le mur, lorsque la poignée s’abaissa elle partit se cacher dans sa chambre puis par la porte, continua d’épier. Rye était entrée la première. Ils causaient. Elle les entendit alors qu’ils se séchaient, appeler dans l’appartement, Juicy leur répondre depuis le salon après quoi, satisfaite, la souris referma sur elle sa porte.

Son inquiétude ne s’était pas évanouie pour autant. Troublée par mille idées elle alla à sa fenêtre, la tête sous les rideaux Pearl regarda l’eau s’écouler, contre la vitre tapoter en un rythme naturel. Il n’y avait là aucune réponse, seulement les masses découpées des immeubles voisins, de l’autre côté de l’avenue, sous ce rideau de pluie. Un éclair illumina sa chambre. Elle baissa les oreilles, un peu plus, encore plus, courba la tête, au coup de tonnerre sursauta, la jeune souris posa sans y songer sa main fine sur l’une des nombreuses photographies du héros planétaire. Un petit murmure roula sur sa gorge lisse, encore tremblante.

Puis elle alla se coller au mur, et à genoux, essaya de deviner ce qui se passait de l’autre côté, dans l’ancienne chambre de Luck. Parfois, elle arrivait à surprendre un bruit, un son quelconque étouffé par les cloisons. Un sourire éclaira son museau, elle colla l’oreille, ferma les yeux. La porte s’ouvrit, surprise dans cette position la souris se releva très vite, elle sentit devant l’adulte au visage sombre que ses mots se noyaient. Trois années les séparaient l’une de l’autre mais dans l’hostilité qui lui comprimait le cœur, elle ressentit, là, un peu de complicité, et releva la tête. Le repas était prêt, elle ne voulut plus songer à son trouble, le sourire lui revint fragile, elle alla rejoindre les autres.

La première question que lui posa Rye, déjà assise, lorsque la souris entra fut pour ses devoirs. Le soir avançait plus vite qu’ils n’auraient pu le dire, leurs conversations s’entremêlaient de rires. Ils n’auraient pas cru que Bufo les avait rejoint si récemment. Plutôt ce nouveau locataire, avec eux, entretenait déjà leur passé et leur présent, se mêlait à leurs propos, savait quand la salle de bains se libérait, il les faisait exister dans ses yeux. Lui-même n’y songeait plus. Quand vint pour lui l’heure de se coucher il salua tout le monde, dans sa chambre son cartable de cuir occupait la chaise. Il retira ses gants, tira sur lui la couverture et d’un même mouvement ses jambes s’y glissant laissèrent les chaussures sur le plancher.

Alors la même odeur s’infiltra jusqu’à lui. La louve en lui laissant sa chambre avait auparavant changé le lit, tourné le matelas, remplacé la housse, le drap, elle avait rendu le lieu aussi propre que possible. Il se souvenait de la fenêtre ouverte pour aérer, et de n’avoir plus rien senti que la fraîcheur. Même ce soin et même ses propres draps une fois ses affaires déballées n’avaient pas pu, lorsqu’il se couchait, éviter l’odeur légère, un peu amère, comme de la poudre, de la poussière qui le picotait, de venir le déranger. Il la croyait venir du bois. Il songeait en s’endormant que Luck aussi avait dû s’y faire.

Tôt le matin toutes les fenêtres de la cuisine ouvertes refroidissaient la pièce sans que le radiateur n’y puisse rien. Il se dépêcha, à peine entré, de les fermer toutes. Il cherchait toujours, pour l’avoir vécu, une trace de la louve sur les coussins du banc mais ne voyait rien. À la fin de son déjeuner l’air tiédissait. Bufo ne songeait plus qu’à son cours.
Il eut la bonne surprise de trouver Rye éveillée également. Il la trouva devant le miroir en train de refaire la queue de sa chevelure. « Désolé ». Le crapaud attendit dehors le temps qu’elle termine, ils parlèrent un peu. Elle voulait se rendre à la bibliothèque.

Tous deux allèrent ensemble, de même qu’ils étaient sortis hier, jusqu’à l’arrêt à quelques pas de l’immeuble. À cette heure, ils étaient seuls. Un journal abandonné titrait les nouvelles du jour, les combats de l’armée, avec le hérisson en image. Il secoua la tête soudain détaché, ne répondit pas à l’inquiétude de son amie, aussi quand elle insista. « Dis-le moi. » À la suite de quoi le silence s’immisca entre eux. Sa conscience lui disait de parler, tout autant, sa conscience lui disait que c’était inutile. Pour toute réponse à peine audible il glissa entre ses lèvres. « Ce n’est pas lui. » Il ne se comprenait plus lui-même, ce qui lui avait paru si clair, à quoi il s’accrochait incapable de se l’expliquer.
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
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