Erreur
Erreur
Derniers sujets discutés:


Dernières news :
Derniers articles :
Dernières vidéos :
Pages: 1 2 3 [4] 5
[Terminé] The chao's theory
Re : The chao's theory
« Répondre #45 le: Avril 10, 2011, 09:14:15 am »
  • Supa Rank G
  • Hors ligne Hors ligne
  • Sexe: Homme
  • Messages: 265
  • Je ne mords pas.
WWW
Un retard imprévu va "obliger" à accélérer le rythme, pour ce chapitre et les deux suivants je ferai suivre également mercredi. Enfin...

The Chao's
Theory

Épisode 16 :

Le temps passait, elle ne venait pas, il s’impatientait, laissait défiler les gens autour de lui, après la crainte d’être en retard, l’idée qu’elle ne vienne pas, derrière lui les façades du magasin paraissaient froides. Il allait sur la route regarder le flux des foules par les artères puis au ciel le défilement effilé des nuages, les larges arcs de couleur. L’air tirait ses lignes depuis les pentes par les parois des bâtiments jusqu’à la gare, allaient se perdre par-dessus les toits, il revenait alors se mêler à la foule de l’entrée, s’en détachait bientôt du côté de l’arrêt, s’arrêta. Rye ne se montrait nulle part.

Des amis passèrent qui revenaient des cours, tranquilles, qui l’abordèrent un temps, parler de son allure et des événements du campus, ce qu’il attendait également. Il les connaissait mal, eux le connaissaient bien, s’esclaffaient de le voir guigner par les ruelles sans avoir à s’expliquer, ils s’en allèrent le laissant plein d’espoirs. De l’autre côté sur une grande affiche au bleu de jade étaient dépeints des airs d’aventure, les arcs des trains l’attiraient au loin, dans leurs passages, et l’entrelacs des rails. Il fermait les yeux, se remémorait la ville de nuit dans ses lumières, dans ses ombres, le trait gracile formé à cet horizon inatteignable. L’humidité piquetait sur sa tête, glissait au long de la sangle.

Son téléphone se mit à sonner, faible d’abord dans le bruit ambiant qu’il finit par entendre, avant de décrocher Bufo jeta un œil au nom affiché, il n’y en avait pas, à la place un numéro amputé, quatre chiffres manquaient. La sonnerie surprenait les gens au passage à le regarder fixer le minuscule écran, il fouillait dans sa mémoire d’où pouvait remonter cet appel, trouva la réponse enfin. Un frisson le secoua, son visage renfrogné déjà se fâchait. Son doigt ganté appuya sur la touche d’appel, puis rapidement une seconde fois pour l’éteindre, dans un mouvement presque accidentel. Son attention revint aux ruelles, surpris d’avoir pu oublier si vite ce désagrément, il la vit enfin.

Elle venait du côté de l’université par la longue artère, entre les rares voitures à l’arrêt détachée sur la vieille route, elle ne l’avait pas remarqué encore. Ses pas l’avaient amenée sous le panneau d’affichage, devant elle le croisement empli de monde, la gazelle fit une pause, reprit son souffle. Sa chemise se détachait sèche sur l’aspect de bitume de la rue, flottait par-dessus la jupe droite taillée, qui la coupait à la taille. Plus avant quand elle atteignit les groupes qui se formaient aux entrées du magasin Rye regarda autour d’elle, une dernière fois souffla pour retrouver son calme, surprise de ne pas le voir. Il s’approchait pourtant presque devant elle, contournait un dernier groupe pour la saluer d’un simple geste.

D’abord ce fut la surprise. Puis ce fut l’étonnement. Puis ce fut le fou rire. Elle ne résista pas devant son accoutrement, casque, jambière, genouillères, un harnachement complet et monochrome dans lequel il suait à l’humidité du jour, qui le gênait plus qu’autre chose. Tout ce qu’elle avait pu préparer de cette rencontre se brisait à cette allure et à la planche tenue d’une main, assez épaisse, à gueules d’air en flèches aux deux tiers, une planche nerveuse hurlant le besoin de se jeter sur les pistes. De l’autre main jetée sur l’épaule il tenait la paire de patins, semelles à souffle d’apparence légères dont la couleur la frappa, aux flammes du désert. Il les tendit, lui proposait de se lancer sans attendre. Devant tant d’impatience son rire à peine réprimé reprit de plus belle.

« Là ? Dans la foule ? »

« N’importe où tant qu’on y va ! »

Il se moquait d’être ridicule, le montrait bien, il tapait sur son casque tandis qu’elle enfilait les chaussures aériennes, enleva les lames des roues. Avec la même aisance la gazelle se releva, attendit qu’il pose la planche à son tour, qu’il parvienne à la stabiliser, l’étudiant lutta un temps pour y trouver son équilibre. Il cherchait encore à suivre le manuel, feuilleté seulement, déjà appris, qui ne lui disait rien des réflexes, et luttait sur des positions artificielles où tous ses efforts allaient s’épuiser. Comme il luttait Rye riant se glissa à ses côtés, le retint pour qu’il retrouve pied, lui glissa un conseil. Il retrouva un peu de calme, garda sa planche et, d’une pression du pied, eut l’impression de la dompter.

En vain, l’instant d’après il était à terre, la planche par-dessus lui pour s’être complètement retournée, il soupira. Aucune faute de sa part, la planche était ainsi faite qu’elle devenait instable à l’arrêt. Et incapable de se relever. Il songeait, il ne savait pas à quoi, la tête penchée cette vue des bâtiments de travers, au ras de la vieille route entre ces touffes d’herbes sauvages que les craquèlements lointains découvraient par brosses, l’espace d’un instant comme immobilisé, à répondre à Rye d’un ton naturel, à s’écouter, la joue contre le bitume tandis que le casque empêchait sa tempe de toucher, d’observer au devant le blanc des façades lui échapper.

Ses réponses s’étaient faites plus lentes, rêveuses à l’écho du sol, elle demanda quand il comptait se relever. Il ne dit plus rien, toutes ses secondes couché contre la tiédeur humide de la cité, son silence pour une fois était sincère. À peine à l’embrasure du casque se peignaient des nuages, qui cachaient le haut d’un arc-en-ciel, découpé lui-même dans le bâtiment de droite, plein de baies rayonnantes, puis il leva la tête ; elle lui tendait la main, baissée près de lui pour le relever, il hésita, accepta enfin. Si Rye avait le temps, il apprendrait, l’étudiant tourna la tête vers les rails lointains. Il dut encore s’expliquer pour le choix de sa planche, éluda plus de commentaires. Il leur fallait avancer, sur place ils n’arriveraient à rien, les gueules en flèches rendaient le maintien illusoire.

Au départ elle se tint à côté glissant sans peine, presque sans un mouvement des jambes tandis qu’il luttait pour son équilibre, au milieu de la route, la gazelle cachait à chaque échec ses rires. Elle allait le rechercher à terre, le relevait, toujours cette question à laquelle il secouait la tête, jusqu’à ce que la vitesse tienne enfin, alors prenant un peu d’écart Rye le laissa faire. Ses gestes hésitants encore le poussaient à l’erreur, sans aller guère plus vite qu’à la course, il se répétait à mi-voix toutes les consignes en boucle appliquées aussitôt, dans le désordre, pour ne parvenir qu’à éviter la chute.
Passé quelques minutes il glissait.

La vitesse appelait la vitesse aux bouches d’air chaque recoin où puiser les jetait plus avant sur les pentes, ils remontaient presque au hasard parmi les maisonnées, en parallèle de la tranchée, sans autre but que de se perdre parmi les rues aux lieux que l’un comme l’autre pouvaient connaître le moins. Au passage d’une cour les enfants rassemblés, voyant sa maladresse, ne purent s’empêcher de le pointer, et de rire, jusqu’à ce que le plus âgé d’entre eux, crâneur, les fit taire, en quelques mots intima le silence. Il était passé déjà, la gazelle au-devant lui montrant où accrocher sa trajectoire le laissait combler l’écart avant de reprendre sa montée, revenait quand il avait du mal, revenait de moins en moins.

Rien ne la retenait, elle se laissait tomber, s’affalait contre le banc, relevait les yeux, les laissait retomber, se balançait sur le léger arc de sa chaise, et gémissante, se forçait à ne pas écouter la lecture de classe. À travers les grandes baies vitrées s’ouvraient les arbres du préau, les aires de jeu de marelles et de barres, les grandes courbes des frontons. La règle au banc opposé balançant contre le bois ponctuait les paroles de sa camarade, à chaque coup elle enfonçait un peu plus la tête entre ses épaules, et son dos plat s’aplatissait. Son cahier de cours noirci au-delà de la marge n’arrivait plus à l’occuper, toute son attention se portait désormais aux quelques jeunes de sa classe qui semblaient attentifs, à la porte et au dehors les oiseaux de mille couleurs perchés aux branches.

Soudain sa clameur frappa la salle, elle venait de voir l’éclat de leur passage, sut bien qu’il s’agissait de Rye sans arriver à croire qui la suivait. La gazelle avait bondi par-dessus le portail, du même élan glissait par la barre et derrière les arbres jusqu’en bordure du premier étage, qui creusait juste sous les fenêtres, alors même que derrière harnaché comme une mule – mais en plus bête – le crapaud suivait, balançait sa planche à la faire gémir d’un faible effort, il poussa cependant sur la barre assez pour s’entraîner ensuite sur le fronton. Juicy n’y tint pas, se jeta à la fenêtre, elle avait crié avec tout le talent de la jeunesse, toutes ses camarades suivaient et tous les garçons, jetés aux fenêtres au moment même où la gazelle passait devant ses deux patins dans un éclair cisaillant le bord, elle compta deux secondes collée à la vitre avant de le voir suivre pris en partie dans les feuillages.

Tout aussitôt l’écolière se tourna et criant à qui voulait l’entendre, le doigt pointé vers l’extérieur :

« C’est pas juste ! Eux ils sont dehors et pas moi ! »

Il atteignit le faîte, toucha la caille de métal du toit à deux doigts la planche en travers, tenta un tour qui devint demi-tour alors que se rapprochait le sol, parvint à se reprendre. Elle lui souriait, approuvait d’un mouvement où les stries de ses cornes perlées d’eau à la lumière se couvrirent d’éclats. À l’angle suivant il passait en tête, laissa son allure s’essouffler, plus loin encore comme la pente devenait plus raide peu avant le replat elle se laissa glisser faiblement, il mit un pied à terre pour l’attendre. Il ne tombait plus, il apprendrait le reste par lui-même. Leur promenade n’avait pas encore pu commencer. D’où ils étaient deux rangées de bâtiments les empêchaient de voir l’appartement, presque un saut de puce alors qu’ils s’en éloignaient, Rye suggéra de trouver une place où souffler un peu, elle avait faim. Aussi elle regardait en arrière, du côté des parcs et sans voir la gare, plutôt par les rues proches où le bus avait l’habitude de passer, les axes familiers de leur ville.

Faute d’un restaurant, il en avait eu l’idée, moins l’allure, il proposa de chercher une table et se prit, comme par réflexe, à ajouter d’y boire. Les alentours se couvraient d’échafaudages, plus bas les terrasses se couvraient de monde, il avait retiré son casque qui le faisait suer, cherchait le moyen de tenir sa planche pour éviter la gêne. Un muret les séparait en contrebas des jardins, les sources des cascades allaient couler là-bas sous des allées d’arbres hasardeuses, au chemin de terre, et plus déserts, ponctués de bancs frais. Tandis que Rye regardait aux alentours les tables, l’étudiant se laissa pendre au bord à observer les ombres fugaces des bois, le lent mouvement de leurs feuillages.

Ce lieu qu’il croyait vide s’emplit soudain de mouvements, de petites silhouettes entre la pénombre qui se glissaient sans bruit, loin de tout, et s’approchaient des sources pour les toucher avant de disparaître. Et ce qu’il regardait d’abord tranquille le frappa soudain, car il n’était pas sûr de leur nombre, mais l’eau des jardins dans les trouées de lumière était d’un bleu pur à peine troublé, qui le secoua.

Déjà il s’avançait, se retint, Rye revenait vers lui sans succès, aucune place ne s’offrait pour eux. Elle s’arrêta de parler surprise de le voir confiant, et comme décidé, l’entraîner sur tout le tour pour redescendre vers ces bosquets d’arbres en flancs des habitations. À présent ses patins la gênaient, la gazelle glissait derrière lui par à-coups prise dans le cours de son empressement, il descendait le trottoir jusqu’aux dalles de pierre fragmentées où des chaînes sur les moellons ouvraient un passage. De ce côté le jardin paraissait plus sombre, il s’y avança jusqu’aux premières marches qui le séparaient de l’herbe et des sentiers, pour découvrir le lieu dans son entier, ses quelques passants plus paisibles qui se promenaient, les plus âgés assis aux bancs, les regardaient venir dérangés par leur fougue, et les plus petits près des sources qui se giclaient. Il regardait autour lui en quête de repères.

Tout près du mur se trouvait un vendeur ambulant, faisant sauter d’une main les crêpes, de l’autre jouait avec la friture au crépitement de l’huile, laissait chauffer entre les roues de son cycle les saucisses et leurs sauces. Le vendeur avait tant d’assurance qu’en s’approchant Bufo fut pris de court, gesticula deux commandes éperdu par tant d’activité, la jonglerie des pommes et du sucre, les plaques frétillantes, il demanda de la sauce piquante. En revenant les deux saucisses sur leurs papiers, tandis que Rye tenait sa planche, l’étudiant ne sut quoi dire, mit sa part dans son casque, tendit l’autre. Il tournait toujours la tête du côté des sources, des cascades, d’accord avec elle, ils cherchèrent un autre lieu où s’asseoir.

Au mieux les cris des enfants lui parurent familiers.
Leur discussion allait au gré du pas, sur l’université, sur l’appartement, comme ils enjambaient une crevasse, un peu sur l’actualité. Il voulait dire quelque chose, à chaque fois se retenait, changeant de sujet trouvait un nouveau détail sans importance, l’écoutait répondre et tout en lui se focalisait sur les petits mouvements de la gazelle, les pupilles, les cils, le léger creux aux épaules qui lui peignaient sa démarche, alors qu’elle penchait la tête pour lui répondre, le flottement de son habit. Un temps de silence la laissa vaquer sur le trottoir, aux poteaux sa taille penchait, elle laissait les semelles des patins claquer derrière elle et son cou filant revenait au ciel, sur quelque point tirant à l’infini. Le fin sourire à ses lèvres lui parut joué. Il s’arrêta, s’arrêtant la fit se retourner, sa question commençait seulement de se formuler dans sa gorge, anéantie par le trait gracile.

Faute de le pouvoir il lui signala les étudiants qui approchaient, dont un de sa classe, qui revenaient des pistes. Son camarade portait des lunettes de sport rivées au front, l’allure tranchante de défi, il ne songeait déjà qu’à le pousser à la course. Les paroles s’enchaînèrent, Bufo près de répondre se tourna vers Rye, ce qu’elle en pensait, la gazelle donnait une excuse, il insista, son camarade aussi, tout son groupe, ce même mouvement entraînant auquel elle céda, l’étudiant rappela qu’il venait de débuter, mit son casque, se rappela la saucisse, remit son casque et chevauchant la planche qui cracha :

« Si vous arrivez à suivre ! »

Un dernier signe à Rye alors qu’il enfonçait le pied, l’attaque plongea, au choc tout son corps s’était raidi et plié jusqu’à ce que son menton touche le genou, le coude se trouvait déjà devant lui, la fin de la rue avant qu’il s’en aperçoive et la perspective de la chute inévitable, s’aperçut soudain que ses jambes tremblaient, refusaient de plier. L’air fouettait son visage, frappait en plaques et sur lui et autour en longues courbes taillaient autant de trajectoires, jusqu’à lui rendre l’espace familier, il oublia la course et le tournant, oublia même qu’il était sur une planche seulement pour observer dans l’effet de vitesse ces courants nouveaux pour lui, qui fouillaient dans ses souvenirs, pour se découvrir la seconde d’après en plein vol au-dessus des toits et le cœur battant, et paniqué.

Ses dents se serrèrent, il se força à ne pas fermer les yeux, la poitrine le serrait, les côtes dévorantes, et de songer soudain à quelque chose de si incongru qu’il faillit perdre son point d’équilibre ; la planche crocha aux toits, les gueules en flèches crachèrent, il chassa à gauche puis à droite et se tournant dans ces deux mouvements vit la troupe passer la façade à leur tour, surgir comme la foudre et avec eux Rye. Les figures le fascinèrent, avant la fin du toit il était rejoint, dépassé par plusieurs.

Le rebord s’ouvrit sous eux, un gouffre déjà couvert, de l’autre côté les planches s’enfilaient sur les blocs, aux arêtes des tuiles, il prit son parti, se laissa aspirer. Il pouvait sentir l’air les ballotter, voyait les courants battre contre eux en désordre, le souffle se briser en vaste effort, ses pensées encore prises dans la course se dégagèrent. Un gigantesque calcul s’instaurait dans sa tête, comme il voyait les autres évoluer, leur point d’équilibre, la poussée produite, les angles d’attaque, et il se laissait filer lui-même dans cette bourrasque. Un à un tous se désengageaient des toits, ils sifflaient sur les câbles des lampes, par-dessus la rue, redescendaient la pente quand l’étudiant se détachant de tous plongea sur la vieille route pour filer à travers les ruelles.

À nouveau en tête, tous le suivaient, il se tourna encore voir les rafales frapper la troupe de face, ils fouillaient l’air en quête de poussée, ne trouvaient pas, puisaient dans son aspiration. Lui-même se reportait en avant, à la rampe bondit par-dessus les bennes, tourna sur la vieille route entre les rares voitures à l’arrêt. À présent le ventre le mordait, il s’en rendait compte encore devant de quelques instants, talonné, il filait sur tout le travers assez vite pour que les détails des façades, leurs fenêtres, leurs arêtes et les jets se confondent et défilent à grands traits, il se retournait, ne trouvait plus Rye, la devinait seulement à mesure que se creusait la distance, et songeait qu’il était en tête, et cette idée oppressante le poussait toujours plus avant, les gueules en flèches ragèrent, il ne savait plus que cet effet nouveau et grisant où tout ses efforts convergeaient, vers toujours plus de vitesse.
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Re : The chao's theory
« Répondre #46 le: Avril 13, 2011, 07:15:32 am »
  • Supa Rank G
  • Hors ligne Hors ligne
  • Sexe: Homme
  • Messages: 265
  • Je ne mords pas.
WWW
Fin du chapitre 16.

****

Devant s’ouvrit l’espace clair fait de béton amassé en pilots tout autour du pied des rails, l’une des colonnes de la voie suspendue, à presque vingt mètres, dont l’ombre les couvrait. Jusqu’à la colonne le terrain offrait autant de prises, puis la colonne même, nue et raide, les défiait, encadrée par les toits et leurs gouttières, les barrières, les panneaux épars. La troupe débouchait après lui dans cet espace, presque en même temps s’y disséminait pour y tourner à la recherche d’une prise, et chez tous la même tentative, et le plus grand arrivant après s’arrêta, tira la planche de côté prêt à intervenir. Ils essayaient tous la montée, un moyen de gravir la colonne jusqu’aux rails.

Il n’y en avait pas.

Tout de suite les planches frottèrent, allèrent chercher appui contre le béton pour repartir, ils enchaînaient les figures à la surface du pilier, retombaient sans peine, continuaient portés par l’insistance du crapaud, qui glissait sur les gouttières en faisant rugir les flèches, la main en pointe, ne quittait plus le sommet des yeux. Il le sentait, au moment d’essayer, qu’il n’aurait qu’une seule chance, et il fouillait désespérément au moyen d’une prise, et il n’y en avait pas, à chaque fois presque quinze mètres lui manquaient en poussée sans appui aucun. Il crut entendre quelqu’un, à travers le casque et les sifflements de l’air, regarda en bas la bande disparate, Rye qui le suivait de près, qui passait le long de la barrière comme il rongeait le toit. Le passage lui apparut enfin.

Elle le vit bondir de son point, dans un élan dépasser la barrière et d’un long trait revenir dessus pour s’y jeter, et sur la barrière emmagasiner l’air, et il visait la première gouttière sous une seconde, et la seconde au plus proche de la colonne, atteignant l’extrême pointe de la barrière lorsque les gueules pleines soufflèrent il s’élança, reprit son élan contre la gouttière, à la seconde se jeta en plein vol plusieurs mètres au-dessus de la troupe, plusieurs qui le suivaient cessèrent. Au choc du souffle la gouttière s’était comme enfoncée, puis arrachée de peu, les boulons tombaient à la volée, il atteignit la colonne sur le côté et glissant dessus soutenu encore par le coussin d’air, se mit à tourner en la gravissant comme il aurait gravi un rail circulaire, le vide au-dessous de lui déroulé.

Huit mètres encore, l’air lui manquait, il lui aurait fallu une prise, n’importe laquelle, le sommet soudain proche sembla s’éloigner. L’étudiant s’en aperçut enfin, qu’il devait se préparer à la chute, qu’il ne lui restait plus rien, comme un refus poussa encore aussi loin qu’il pouvait, pour voir seulement sa courbe s’effondrer, le gant à sa main frôlait le pilier de béton sans trouver même une fissure où s’appuyer.

Seulement l’un des jeunes parmi le groupe s’était décidé et, le suivant de près, avec bien plus de technique avait jeté sa planche sur la colonne, comme une fusée, pour se retrouver à la même hauteur, lui aussi sans élan, juste sous Bufo hagard. Et le saluant il retournait sa planche, lui offrant enfin une prise sur laquelle se reprendre. Dans le même temps l’étudiant reconnut ce camarade, un écolier, Mud, l’ami de Juicy. Le temps qu’il réalise, sa propre planche avait regagné assez de poussée pour se projeter sur les derniers mètres, il regardait l’écolier retomber derrière lui, réalisait, mais son visage restait frappé de surprise. L’instant d’après sa planche mordait les rails.

Il s’y trouvait, depuis ce lieu la ville s’ouvrait beaucoup plus vaste, il regardait la voie s’élancer de chaque côté vers la gare et vers les forêts, voyait la tranchée puis les jardins du centre et les jets, une vue immense entrecoupée par son souffle, son épuisement, et comme il attendait, la planche à présent retombée, son regard tomba. Le groupe restait en bas, à cette distance ils voyaient juste leurs gestes, il chercha Mud d’abord, puis chercha Rye, ne trouvait plus la gazelle. Déjà l’étudiant hésitait, entre rester et redescendre.

L’altitude l’effraya, alors s’asseyant il tira son portable, composa et se mit à attendre. Elle finit par décrocher, elle était en bas, si elle allait le rejoindre, la gazelle mit une seconde avant de confirmer. Il lui faudrait juste le temps de trouver une autre voie. Alors l’étudiant de dire qu’il pouvait redescendre, son ton s’était fait hésitant, comme réticent, elle l’avait senti, décida de le rejoindre quand même.

Quelques minutes à attendre, une dizaine peut-être, la crainte qu’un train précipite les choses, l’oblige à se retirer. Il se mit à piétiner sur place, allant d’un côté puis de l’autre sa planche tantôt au bras, tantôt posée, s’arrêtait, tournait sur lui-même et jetait des regards où, après quelques saluts, la troupe s’était dispersée. Au loin dans le jour se trouvait l’appartement, de ce point il pouvait le distinguer, la cuisine ouverte entre les échafaudages, le toit désert, les filles se trouvaient encore à l’école, supposément, dans son coin Coal devait jouer. Il cherchait l’heure, à chaque fois, comptant les minutes qui passaient, les rails toujours désertes, hésitait à la rappeler, à chaque fois refermait son téléphone.

Celui-ci sonna, un petit serrement le fit répondre avant qu’il ne consulte le numéro, la voix n’était pas celle de Rye. Il ne s’agissait pas non plus de Ninja. L’Unité se trouvait au campus, le Gardien, quelques soldats dont celle qu’il connaissait, et Pupil répéta volontiers, de son ton calme et détaché, que c’était bien elle. Cela ne le concernait pas, « si tu le dis » admit le berger, il n’eut qu’à lui dire à quel bâtiment les soldats s’étaient rendus. Puis, changeant de sujet, il lui demanda : « Tu es avec Rye ? » Bufo ne sut que répondre, laissa entendre que oui, ils se laissèrent là-dessus, l’étudiant à nouveau face à la cité, quand il releva les yeux, Rye se dessinait au-dessus des rails, une infime silhouette, un trait gracile dans le lointain toujours à se mouvoir, à mesure qu’elle grandissait, le mouvement de ses patins.

Tous deux avaient faim, la première chose à laquelle ils pensèrent fut de s’asseoir pour manger leurs saucisses, froides à présent, tout en regardant de ce côté les arbres s’étendre presque jusqu’aux pentes.

« La planche, les patins, c’était pour quoi ? »

Il aurait voulu que le soleil tombe, que les étoiles viennent briller dans le ciel en vaste voûte de teintes nocturnes, peu après l’instant où l’astre s’effondrant à même l’horizon partageait le ciel entre les couleurs et l’obscurité, d’un blanc laiteux. Les arcs lumineux flottaient au-dessus d’eux gigantesques, traçant plus loin que les nuages, sans qu’ils ne lui expriment plus rien. C’était une sorte de cadeau, il le savait. Il le remarquait, lui aussi, d’avoir les planches permettrait des randonnées avec les petites, avec tout le monde, et il peignait avec ses mains de longs trajets à quatre ou cinq, sur les pentes, parmi les parcs, chacun à son rythme. Lui un peu derrière, distancé par les eux écolières. Elle s’était renfermée jusque-là, se mit à rire du portrait qu’il peignait, se prit au jeu, se laissa décrire par lui comme plus mature et plus sûre d’elle, qui irait les suivre avec bienveillance.

Son téléphone se remit à vibrer, avant qu’elle ne l’entende il l’avait éteint, d’un doigt, il savait que c’était Ninja, il le savait parce qu’il s’agissait d’un texte, elle était l’une des rares à lui en envoyer. Comme il revenait à la conversation, sa saucisse terminée la gazelle se laissa glisser contre lui, colla l’épaule contre l’épaule, laissa sa joue toucher. Il laissa faire.

« Tu vas encore partir ? »

Il retira son casque, lui demanda de regarder et dit : « c’est moi », avec insistance, qu’il n’avait pas changé, toujours l’étudiant renfermé, hésitant, qui préférait la vie simple aux grandes aventures, et il voulait rester avec elle, avec eux, comme avant, comme après, comme toujours, cette routine qu’il appréciait tant. Il ajouta, comme elle se taisait, il serait présent à sa fête, il serait là, il pouvait lui promettre au moins cela. Rye lui sourit, de ce sourire triste, et de changer de sujet encore. Elle avait retiré sa tête, et droite, admirait avec lui le paysage ouvert de feuillages et de toits au hasard où se déroulait l’activité urbaine.

Elle eut un appel, décrocha, elle se levait pour répondre, s’éloigna de quelques pas, Bufo se levait à son tour pour remettre son casque, regarda la place où ils s’étaient assis, tandis que Rye parlait de dos il fit une petite coche à cette place, un infime trait, puis attendit qu’elle termine. Il s’agissait de ses amies, elle allait les rejoindre au parc, ils se retrouveraient ce soir à l’appartement. Elle dit encore, elle n’étudiait plus, là-dessus ils se quittèrent chacun de son côté. Quelque chose au ventre le mordait et sur sa planche alors qu’il filait sur les rails, l’envie de vitesse se confrontait au flot de ses pensées éparses, comme décomposées.

L’université reparut devant lui quittée si tôt il la découvrit toutes ses facultés en un vaste cercle, et le campus, sa taille à nouveau apparente le perdait, il contournait le bâtiment de l’administration pour longer par les rues jusqu’aux dortoirs où un groupe accepta de lui garder ses affaires. Tout le monde savait pour les militaires, quand il demanda, tous les doigts pointaient dans la même direction. L’institut d’archéologie s’isolait au bout des sentiers de gravier, moins de portes vitrées que les autres et les fenêtres resserrées donnaient l’impression d’étouffer encore à l’extérieur. À l’entrée, Ninja l’attendait.

Elle portait l’uniforme, serré comme la dernière fois et sec, les grades aux épaulières, une tenue entre la sortie et le combat. Son regard toujours aussi froid le saisit, au moment où il passait elle le saisit par le bras. Elle faisait son devoir, il fallait qu’il digère, il se dégagea. Au troisième étage les éclats de voix fusaient, par le couloir étroit éclairé par les vitres du plafond, il n’atteignait pas le bureau, découvrit un laboratoire un peu avant, à l’écart.

Frédéric se tenait là, les poings serrés, à encaisser, toutes ses notes étalées sur la table, tout son travail, les graphes, les analyses, tout ce qu’il avait pu accumuler. Hazy, dans un coin, observait sans mot dire. Deux officiers également en retrait regardaient la scène, se gardaient d’intervenir, leurs regards d’acier plus impersonnels que le plâtre des murs les rendaient hostiles. Il nota enfin, dans sa blouse blanche, un professeur âgé, le dos courbe, le long nez, qui causait d’un air presque joyeux, comme un enfant, et l’apparence de ne pas se rendre compte de ce qui l’entourait.

« Inutile de s’emporter, mon jeune ami ! Vous avez fait un travail admirable en confirmant la Chao’s Theory ! Tout le monde n’en aurait pas été capable ! Remarquable, vraiment… et songez que certains manuscrits en traitent avant même l’ère impériale ! Notre dernière expérience a été la plus éloquente sur cette relation. Mon assistant avait passé un mois en compagnie d’une dizaine de chao, ces charmantes créatures… ne vous amusent-elles pas vous aussi ? Avec leurs petites voix, on dirait des enfants sans âge… mais je m’égare ! Bien sûr, à son contact la physiologie des chao avait changé, comme leur comportement, mais comme vous le savez à présent, mon assistant aussi ! Oh, pas de grand-chose, quelques idées, son comportement, un peu plus dynamique, un peu plus joyeux ! Une belle démonstration de l’influence que ces petits êtres exercent sur nous… »

Il l’avait pris en haine, avant de savoir pourquoi Bufo ne pouvait plus s’empêcher de la haïr, de haïr sa voix, incapable de la supporter, et toute cette gentillesse. Son attention s’était fixée sur le professeur Field, le jaguar grondait, les poings serrés, près de frapper, se retenait de hurler. Il hacha ses mots comme des feulements :

« Vous venez voler notre travail, et vous osez me dire- » Le reste s’étrangla.
« Du calme, du calme ! Ces jeunes s’emportent si facilement ! Tenez, saviez-vous qu’il y a dans cette cité peut-être un chao pour dix habitants ? Si cette influence est avérée, et vos résultats corroborent les nôtres » à quel point ses poings se serraient « alors rendez-vous compte de l’équilibre admirable qui s’est créé ! »

Un danger, selon l’avis des militaires, une population exposée à l’influence massive d’entités chaotiques, de quoi inquiéter l’Unité.

« Non, non ! Ces petites créatures ne font qu’exalter nos passions ! Rien de grave voyons. Du reste leur nature chaotique est encore à prouver, savons-nous vraiment ? On emploie ce mot à tort et à travers… tenez ! mon ami » il parlait à Bufo « qu’en pensez-vous ? Forcément, cette influence ne peut être que limitée ! Encore que, quand j’y repense, on a déjà vu des chao avoir un effet bénéfique sur leur entourage… mais je m’égare ! Le vrai problème est que, si nous les admettons comme des entités chaotiques, et qu’elles nous influencent, alors que sommes-nous nous-mêmes ? Il faut plutôt y voir, à travers leur influence, la formation d’un contexte propice à l’expression des passions, un terrain favorable, en somme… une de nos études montrait d’ailleurs- »

« Assez ! » Son poing avait battu la table, les notes volaient de tous côtés. « Je ne vous laisserai pas nous piller ! Je ne vous laisserai pas- Vous aurez beau clamer, Spagonia n’a rien trouvé, cette découverte, c’est la nôtre ! »

« Pas de violence, je vous prie ! Un peu de retenue voyons ! L’important est qu’on l’ait découvert, la connaissance, voilà tout ce qui importe ! Vous n’êtes pas très professionnel… ce qui me rappelle, ce doit être votre assistant, le fameux Mist ! Vous préférez Bufo ? Je vois que vous préférez, entendu, entendu ! Je suis le professeur Pickles, j’ai beaucoup entendu parler de vos exploits ! Le code, les rouages… vos conclusions de travail sont simplement étourdissantes ! Allons, pas de modestie, vous êtes actuellement le plus grand expert en chaotique de ce monde ! Qu’en dites-vous ? Travailler aux côtés de Sonic et de ses amis, les accompagner où qu’ils aillent… ah mais oui, je suis incorrigible, je ne vous l’ai pas encore proposé : l’armée nous demande depuis longtemps un spécialiste en chaotique pour aider notre héros mondial ! »

Il essayait de saisir ce qu’on lui disait, qu’il pouvait rejoindre les rares à graviter autour de Sonic, ne comprenait toujours pas en quoi il était expert, se réclamait un simple étudiant. Il avait cherché l’appui de son professeur mais celui-ci, poussé par Hazy, s’était retiré sur le balcon. Alors sans attendre l’étudiant alla le rejoindre.

Field ne disait rien, dos à son étudiant, replié sur lui-même, il grondait encore, secoué par la colère, il se tenait à la rambarde comme pour la briser. Des années passées dans l’ombre à supporter la complaisance de Spagonia se reflétaient dans son poil hérissé. L’étudiant allait lui demander conseil, il le coupa, d’une voix lourde et basse :

« Accepte. » Il évoqua encore, comme il avait été étudiant lui-même, toutes ces choses qui se devinaient, et il lui disait d’accepter. Il se forçait. Derrière eux le professeur Pickles continuait de parler, aux militaires, à Hazy, à quiconque voulait l’écouter, de ce discours interminable. Il n’en pouvait plus de l’entendre. L’idée qu’il pouvait aider la tornade bleue, le rêve de toute une génération. Sur le coup l’équilibre lui manquait. Field, la voix toujours plus basse, et sans forces, insistait pour qu’il accepte.

Ninja les rejoignait sur le balcon, son regard passa de l’un à l’autre aussi froidement. Elle jeta encore un œil derrière elle, à ses officiers, tous deux silencieux comme elle. Il devait bien y réfléchir, tout ce qui se trouvait en jeu. L’Unité avait besoin de lui, mais pas seulement, le héros lui-même aurait besoin de son aide. L’enjeu était mondial, des milliers de vie en balance. Avant qu’il ne rentre, avant qu’il ne s’exprime, l’étudiant devait assimiler tout cela. Elle continua, ce n’était pas une occasion, ils avaient besoin d’un expert, pas d’une tête brûlée. « On a vraiment besoin de ça. » Admis avec difficulté.

Il se décida à rentrer, la taupe à sa suite comme une escorte, sa présence désagréable à ses côtés, le professeur se tourna vers lui.

« Alors, mon ami, vous avez pris votre décision ? Notez que rien ne presse, mon train ne repart que ce soir, j’ai tant à faire ! Ah, j’aimerais tellement passer du temps avec vous, discuter de manuscrits et du chaos ! Mes étudiants n’ont aucune idée de ce dont ils parlent… ce sont de braves garçons, et filles, cela va de soit, mais ils ont encore tant à apprendre ! Ils ne saisissent même pas le concept de nœuds, c’est dire… c’est dire… mais je m’égare ! Vous pourriez passer le bonjour à Tails, si vous le voyez, voilà si longtemps que nous ne nous sommes plus croisés ! Vous vous entendrez sans doute, il est très intelligent ! Ou bien l’avez-vous déjà rencontré ? Vous deviendrez sans doute amis, qui sait de quoi l’avenir est fait ! Du reste, il sera passionné par vos aventures ! Tenez, pratiquez-vous le riders ? Non ? Mais je m’égare, je m’égare ! Le plus important est que vous leur serez d’une grande aide ! Et votre professeur serait si fier… mais je m’égare ! Que disiez-vous ? »

« Je disais non. »

___________________________________________________________________________________________

Journal :
Mon sentiment actuel est rraaaaaaah, deuxième fois que je réécris Bufo faisant du Riders, Bufo ne sait pas et n’est pas capable d’en faire… Bloqué aux environs de la page trois, rien de bon, il va me falloir encore effacer et le temps me manque.
Il faut que la première ballade se déroule tranquillement, comme une promenade. Ensuite, jouer au casse-cou.
Troisième essai, mieux, arrivé en début de page 3. La solution était de conserver Bufo humble, « terre-à-terre ». Et deux choses, sa renommée et Juicy. Le reste va pouvoir s’enchaîner.
Arrivé à la quatrième page, les chao comme toujours m’ont permis d’enchaîner – et le bleu de l’eau. Le vendeur comme prévu et le défi. La dénaturation de Bufo est beaucoup mieux amenée que dans mes premiers essais.
Achevé les quatre dernières pages, d’un trait. Il m’est resté peu de place pour traiter de cet instant capital, rencontre avec Pickles, et on ne reconnaît pas le vieux professeur – tant mieux. Peu de sympathie pour Field mais là encore, tant mieux. Tout est allé tout seul.
« Dernière édition: Juin 07, 2011, 10:05:47 am par Feurnard »
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Re : The chao's theory
« Répondre #47 le: Avril 17, 2011, 07:58:42 am »
  • Supa Rank G
  • Hors ligne Hors ligne
  • Sexe: Homme
  • Messages: 265
  • Je ne mords pas.
WWW
Il faudra encore attendre un chapitre avant de se persuader à nouveau que cette fanfic' se déroule bien dans l'univers Sonic... mais pour le moment, place au jeu.

The Chao's
Theory

Épisode 17 :

Par les rets de verre inachevés le long des bassins l’eau dégorgeait à grands renforts de jets, éclaboussait les derniers cordages tendus de la pointe jusqu’aux bâtiments alentours du campus, une corde particulièrement tendue au-dessus de lui dont l’anneau gouttait juste à côté de son banc. Il regardait les embruns de couleurs confondues contre la pierre se briser pour rejaillir, le regard rêveur, paupières mi-closes au jour brillant parmi les autres étudiants, son pied jouait sur le sac d’un rythme paisible.

D’autres allaient plus tranquilles encore dans l’attente des cours, roucoulaient à leurs cous penchés l’un sur l’autre à causer des rumeurs, tout ce qui se racontait, le plan de Mary et la présence de l’Unité au bureau du professeur Field, tout ce qui était arrivé depuis. Sur les façades blanches des facultés les gouttes coulaient sans prise, allaient se perdre dans les buissons, parmi les petits cailloux de l’herbe et dans le gravier des sentiers. L’eau encore bouillonnante de la fontaine, hier, le lendemain coulerait plus tranquille encore, à mesure qu’ils fondaient le verre, bientôt elle retrouverait son cours. Parmi les rumeurs une voulait que les petites créatures s’étaient établies parmi les bassins, et il regardait les entrelacs parmi le marbre sans véritablement les chercher.

Tout le matin était passé à deviner quels cours pouvait suivre Rye, quel cursus, l’étudiant avait eu beau demander il n’était pas même sûr qu’elle soit inscrite, il trouvait bien des camarades dont les réponses n’arrivaient pas à le satisfaire.

Autour de lui le silence s’était fait, les étudiants s’éloignaient emportant avec eux leurs rumeurs, elle s’approchait le béret en main, le regard froid, dans son uniforme de sortie. La taupe traversa le campus pour le rejoindre, face au banc se mit au repos, le regarda la regarder assis sans réagir, elle s’irritait. Elle voulait qu’il revienne sur sa décision, il refusait, elle n’en démordait pas. Chacun des mots de la militaire tranchait avec l’agacement de l’étudiant en lui opposant une rigueur furieuse où se faisaient entendre ses ordres. Son argument était, il y avait trop de vies en jeu, le sien lui faisait écho, il se levait enfin pour lui faire face tout son corps pris de la même colère quand elle regarda par-dessus son épaule.

Shell arrivait, il fit signe à Bufo qui de la tête lui dit d’approcher, s’excusa auprès de la militaire, puisque les cours l’attendaient, sa réponse serait toujours non. Son camarade en profita pour glisser quelques mots blessants, l’air moqueur, juste de quoi pousser la taupe à quitter le campus. Elle encaissa, dit d’une voix plus personnelle :

« Tu préfères les freedom ? »

« Je préfère mes amis. »

« C’est la même chose. »

Elle le jaugea encore, comme à chaque fois, le transperça d’un regard trop franc pour l’épargner, qui considérait dans les yeux de braise du crapaud tout ce qu’il y avait désormais de défiance, et qu’il ne lui pardonnait pas. Lui, il avait remarqué l’arme au ceinturon. La taupe tendit la main, serra celle de Shell et sans ajouter un mot, retenue quelques secondes encore par l’envie de dépasser ses ordres, elle s’en retourna enfin. Ils la regardèrent partir, s’échangèrent quelques mots. Le cours ne commencerait pas sans Bufo, en l’absence de Field, en l’absence de Hazy la charge lui revenait, il se tourna vers son ami et : « On va b- » coupé par une explosion du côté des dortoirs.

Tandis que Shell haussait les épaules, ce n’était sûrement rien, leurs téléphones sonnèrent presque en même temps, il laissa la tortue décrocher pour deux. Un filet de fumée continuait de grimper derrière les facultés, les étudiants du campus attirés par le bruit autant que par intérêt allaient marchant et courant de ce côté, l’enthousiasme gagnait en proportion. Il confirma, Mary avait frappé, on avait enlevé le berger. Le cours suspendu sur l’instant, il n’entendait plus les brisures des embruns couverts par ces cris d’excitation, à leur tour les deux camarades quittèrent le campus.

Le mur du dortoir doublé de troncs enchevêtrés s’ouvrait sur le vide, une vaste portion arrachée entre les branchages fumants, par grands groupes les étudiants occupaient l’herbe et les chemins, regardaient l’ouverture béante. Les plus jeunes les premiers réclamaient de l’action, tandis qu’ils confirmaient encore, il s’agissait bien de la chambre de Pupil, sa planche encore accrochée au mur en témoignait. Comme ils causaient depuis le toit de la bibliothèque une étudiante les interpella, à haute voix d’abord puis armée d’un mégaphone, jusqu’à ce qu’ils lui prêtent attention. L’amie de Mary revendiquait l’acte en son nom puis triomphante déclara que, s’ils voulaient le revoir, il leur faudrait capturer la reine.

Tous les regards se tournèrent vers Bufo.

Ce fut la ruée, tandis qu’une partie gravissait la bibliothèque à même les fenêtres le reste filles et garçons se jetaient sur l’étudiant pour le presser de questions, il fallut toute l’habileté de Shell afin d’éviter qu’il ne se fasse écraser par le nombre. De son poste avant qu’elle ne soit délogée la messagère répéta qu’il leur fallait la reine, tous demandaient au crapaud où la trouver. Il chercha à surmonter le tumulte pour répéter qu’il n’en avait aucune idée, elle pouvait se cacher n’importe où, et tous d’exiger alors qu’il trouve.

Elle reposait dans le lit ses paupières troubles à moitié refermées, un trait de cils noirci au-dessus du coussin où son museau se lovait, la couverture rejetée sur le côté, les plis du matelas contrefaisaient une lutte pour le sommeil. Elle avait ramené les mains sur son ventre, et plus bas, se repliait sur elle-même. Le plein jour éclatait par les fenêtres, éclairait son pelage de seigle mûr, au contraste des draps sombres la faisait resplendir, et tout son dos traçait le même trait gracile que le creux des omoplates, comme elle se renfonçait encore, rendait plus frêle. Sa main froissait le tissu. La gazelle esquissait un geste, sans force, observait la pièce disparaître entre les replis du coussin.

Sur la table de nuit était posé le téléphone, à portée de bras qui suffit par sa seule présence à la faire se retourner, elle se penchait de l’autre côté, les jambes prises dans le drap elle s’étira, étirait une jambe puis l’autre tandis que sa main cherchait à retenir l’édredon contre ses cornes, l’autre bras laissé contre elle et absent. De ce côté-là contre le mur se peignaient en ombres les cadres de fenêtres, un dégradé qui courait d’elle jusqu’au plafond. Son pied repoussa par petits coups la couverture, jusqu’à la voir tomber, frotta encore pour un peu de chaleur. La porte attirait son attention, restée ouverte sur le silence du corridor, où l’air moite de la pièce s’évadait, elle se tourna encore.

Tout lentement ses lèvres peignaient un mot à peine esquissé, qui se courbait découvrant du coin les dents, elle retint ce mot, coulait la tête et le cou dans chaque recoin, et elle guignait la porte et soupira. Le lit était humide après ces heures passées dedans, à s’agiter, son visage plus humide encore, où s’était effacé le sourire. Dans un murmure Rye s’écoutait dire à elle-même ce qu’elle aurait voulu entendre, dans des mots éperdus. La porte d’entrée claquait, elle se leva paniquée, tendue à l’affût comme les proies des steppes, reconnut enfin le souffle court de l’étudiant.

Il s’essuya le front encore ruisselant par la course, alla jusqu’au salon constater et le désordre et l’absence de la loutre, alors de rentrer tout à fait, il se mit à fouiller. Tout à son ouvrage il n’avait pas remarqué Rye, la chemise flottante alors qu’elle entrait, qui le regardait faire. Elle lui souriait, il n’arriva pas à sourire en retour pris par sa fougue, lui expliqua ce qui se passait, le mauvais tour que Juicy lui jouait, il devait la retrouver. L’étudiant s’arrêta, abattu, admit qu’il ne voyait pas où la petite irait se terrer. Il se posait la mauvaise question, la gazelle lui glissa à l’oreille ce qu’il devait se demander :

« Où veut-elle que tu la trouves ? »

Ce propos parvint à le calmer, le temps d’y réfléchir avant de conclure qu’il n’en savait rien, bien que le souvenir l’assaillait il ne voulait pas se l’avouer, pestait sur lui-même de si mal connaître l’écolière. Il inspira encore, regarda autour de lui, avisa enfin le lieu où aurait dû être rangée la planche de la petite. La certitude le frappa, il ne lui restait plus qu’à s’y rendre, elle le retint encore. Elle lui demanda s’il devait vraiment y aller, ce faisant son ton s’était fait plus sérieux, plus personnel et en cela, plus sensible. Il lui suffisait d’appeler, d’autres pouvaient faire le déplacement, même s’il s’agissait de Juicy, il pouvait rester en-dehors de cette histoire. Elle ne disait pas : « Reste avec moi. » Il n’entendait que ça, secoua la tête, quelque chose le poussait à aller jusqu’au bout, qu’il ne contrôlait pas.

Dessous son lit se trouvait sa propre planche, aux gueules en flèches, il en retira la mousse et passa le chiffon puis s’équipa, le casque et les jambières, chaussa péniblement occupé encore à donner une raison supplémentaire d’y aller, trouva le corridor vide, la porte de la chambre refermée. Une hésitation le poussa de ce côté, il tendit la main, la laissa retomber. Enfin résolu à partir la porte se rouvrit sur Rye également équipée, elle irait avec lui, le temps de frapper à la porte de Coal pour lui dire qu’il garde l’appartement. Le scorpion ouvrit, hocha la tête, la manette encore en main, referma. Ils sortaient.

Une fois dehors l’étudiante insista pour qu’ils prennent le bus, il accepta sans peine, s’installa avec elle à l’arrêt de bus. Entre deux propos l’enlèvement revenait, elle admettait avoir connu Pupil, autrefois.

La voix froide et martiale de Ninja les interrompit. Elle faisait face au crapaud, le toisait debout alors qu’il s’était assis, l’obligea à se lever. Aux premières remarques la taupe plaqua un doigt sur son front, l’air agacée, tordit le cou à une pointe de colère. Elle savait parfaitement ce qu’il allait faire, toute l’histoire, ce jeu d’enfants sans lendemain, balaya l’histoire de l’enlèvement, n’y voyait qu’une vaste blague. Il avait déjà vécu un enlèvement, il savait que celui-ci n’avait rien à voir, et de le récriminer pour se laisser divertir. Rye répliqua, avec une pointe de sarcasme, qu’eux au moins savaient vivre. Le commentaire allait plus loin, Ninja chassa cette idée les yeux rivés sur l’étudiant.

« Et tu crois faire quoi, là. »

Ils avaient cessé de parler quand le bus arriva, le silence brisé par son ronronnement de moteur, tous deux montaient laissant la militaire sur le trottoir, elle les fixait encore d’en bas tandis que le véhicule s’éloignait, ils n’y pensaient plus. Le chauffeur leur fit signe, demanda où ils devaient se rendre, piaffa en entendant les pistes. Tandis qu’ils gagnaient les pentes la gazelle brisa le silence, d’abord sur ce qui les attendait puis, tout doucement, sur des sujets plus vagues, jusqu’à ce que la discussion aille naturellement, elle se laissa glisser aux faux cahots de la route, à chaque fois qu’il regardait dehors, ajoutait un mot.

Elle demanda, s’il rêvait, ce qui emplissait ses rêves quand il était ainsi, songeur, à regarder un lointain accessible à lui seul, à mesure qu’il esquivait la question son insistance se perdait, ce qu’il observait, la ville, les fontaines, tous ces milliers de détails qui refusaient de faire sens, il refusait de répondre directement. La demande le surprit, après qu’ils se soient tus encore, il eut l’envie de la regarder, n’osa rien en faire. Seulement dans les angles plus sombres quand la lumière reflétait mieux l’intérieur il pouvait deviner les traits de son visage où l’apparence de bonheur s’éteignait rapidement.

Non loin déjà s’élevaient les pistes, les grands arcs et les cercles en vaste champ de course, ils atteignirent l’arrêt sans avoir reparlé, en descendant l’étudiant eut le besoin de s’assurer qu’elle le suivait encore. Quelques jeunes se prélassaient sur les gradins presque déserts, des poignées de sportifs passaient le long des circuits ou sur le bord s’épongeaient le visage, une gourde à la main, observaient les autres performances. Il se sentit stupide, se rappela que les écolières n’avaient pas accès à ce lieu, ses pas l’emportaient jusqu’aux freins sous l’ombre de l’arc le plus proche. La tête lui tournait à la seule idée de se risquer dans des tournants qu’il sentait trop raides, aux versants ouverts et nus.

Une rafale le fit plier, quand il se releva Juicy se tenait là, à quelques mètres, un pied à terre l’autre sur sa planche et riante, elle agita la main bien en évidence. Son cri joyeux ameuta sur elle toutes les personnes présentes, à demander comment elle était entrée, et prêts à la faire sortir.

Aussitôt de se jeter sur les planches, deux sifflaient dans sa direction qu’elle esquiva presque à l’arrêt chassant seulement sur les côtés avant de décrocher en coup de vent, les yeux du crapaud s’écarquillèrent, elle les semait sans peine, se jouait d’eux comme des étudiants au campus, enchaînait chaque figure pour les perdre un peu plus, à chaque fois qu’ils auraient dû la prendre, la frôlaient, elle se dérobait dans un mouvement supplémentaire, les laissait en arrière. Il se précipitait à sa suite non sur sa planche mais à pleines enjambées, lui cria de s’arrêter, la loutre sembla ne pas l’entendre, revint tourner autour de lui un instant avant de se détacher, elle s’élança sur le circuit précédé et suivi de tous les autres pour les lâcher en plein tournant, se projeta en plein air, atterrit enfin, au sommet d’un mât de drapeau.

Il arriva à son tour au pied du mât, la regarda juchée là-haut à se moquer de ses poursuivants, la planche désormais sur son dos elle se pliait sur ses deux jambes, observait en équilibre le vide au-dessous d’elle. Il s’était arrêté juste en-dessous, regardait incrédule et comme émerveillé, jusqu’à ce que Rye le ramène à la réalité. Malgré ses appels la petite refusait de descendre, il lui faudrait la battre d’abord selon les règles s’il voulait revoir Pupil. À sa surprise les poursuivants comprenaient de quoi ils parlaient, il reconnut plusieurs étudiants. Seulement elle ne comptait pas le défier à la course.

Elle lui désigna le sol, tout l’espace libre avait été quadrillé à la craie et numéroté, tous le découvraient ébahis. Elle le défiait au jeu des flottes, il lui fallut quelques secondes pour répondre, tous ses arguments broyés, les filles qui attendaient sur les gradins apportaient des vaisseaux en bois, les disposaient sur les cases, et la petite de crier : « À toi de jouer ! » L’étudiant regarda autour de lui, tout le monde lui fit signe d’enchaîner, il n’était même pas sûr de connaître toutes les règles, annonça quand même son coup.

Après trois minutes de jeu le quart de sa flotte avait été anéantie.

Depuis le sommet du mât l’écolière riait de ses fautes, à peine son tour venu annonçait le coup, sans hésitation, puis pressait Bufo de jouer. Les spectateurs autour par dizaines encourageaient l’étudiant, hurlaient des conseils de coups à jouer dans lesquels il puisait par désespoir, complètement dépassé. Les aides déplaçaient une figurine avant de retourner dans la foule rire sous cape de ce petit jeu. Il annonça encore un mouvement de frégate pour la voir aussitôt retirée du jeu, ferma les yeux. Puis, à lui-même, à basse voix, avoua que la technique avec laquelle Juicy maniait sa planche, les courants qu’elle formait dans l’air, étaient parfaits. La gazelle allait répondre, elle fut coupée.

« Tu peux pas gagner, Ju’. »

Mud s’avançait aux côtés du crapaud, ne regardant que la loutre qui trépignait, en colère de le voir entrer sur le terrain, elle le traitait déjà de tricheur. Et ce qu’elle avait souhaité avant, qu’elle ne supportait pas à présent, elle s’en féliciterait par la suite, pour l’instant l’écolière prenait le ton courroucé pour annoncer un nouveau coup, auquel son camarade répliqua, à la place de l’étudiant, et fit sauter un croiseur. La partie tournait, il recula pour laisser les deux s’affronter, les écoutait riposter en quelques secondes, si vite que les aides devaient courir pour déplacer les pièces. Dans la foule se trouvait Shell, il expliqua avoir amené l’écolier ici, à sa demande, certain qu’il serait utile.

« C’est pas juste ! » Éclata Juicy, alors que son vaisseau amiral tombait. Mud était resté calme, de ce ton un peu moqueur il lui rappela l’enjeu, elle devait leur rendre Pupil. La petite grogna du haut de son mât, croisa les bras puis, soudain souriante, désigna le ciel. Et de rire devant leur incompréhension.

Puis son doigt retomba doucement tandis qu’elle expliquait, Mary avait emmené Pupil sur un îlot au-dessus de la ville, et une seule personne pouvait leur en donner l’accès. À la demande générale l’écolier demanda de qui il s’agissait et la petite, heureuse de son effet, acheva le mouvement de son doigt pour pointer aux confins des pentes un petit espace de verdure à tablées, de loin désert, où une personne attendait. Enfin son doigt retomba sur Bufo :

« Mais c’est lui qui doit y aller ! »

Et pour excuser ce fait, exaltée, elle les laissa découvrir comme les nuages se dégageaient qu’à ce point de verdure correspondait le pied d’un arc-en-ciel.
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Re : The chao's theory
« Répondre #48 le: Avril 20, 2011, 07:31:26 am »
  • Supa Rank G
  • Hors ligne Hors ligne
  • Sexe: Homme
  • Messages: 265
  • Je ne mords pas.
WWW
Voilà voilà voilà voilà...

****

À ce point où les couleurs se détachaient de la terre par filets une humidité de rus clairs sur les devantures coulait sonnante dans les caniveaux, autour de la place où les tablées se mêlaient aux arbres et sous leurs feuillages, tachetées, échappaient à l’ondée alentours. Il descendait du bus frappé par ces aurores multicolores flottant à quelques mètres, et comme en dégradé illuminant l’herbe entre les chemins pavés. Les arbres se couvraient comme de rubans de perles, le ruissellement de l’eau à leurs branchages, presque invisible, insensible à la main. Sa surprise muait en étonnement, de découvrir ce lieu qu’il ne connaissait pas encore, alors que la gazelle avec lui cherchait parmi les tables désertes.

Une petite table à l’écart, en un cercle de corolle, était occupée, la personne assise leur fut immédiatement familière, ils s’approchèrent encore plus étonnés de la trouver là, alors qu’elle soulevait sa tasse à leur approche, humecta ses lèvres avec le thé, puis leur sourit. « Shard ? » La dame confirma, les invita à s’asseoir, tandis qu’ils s’installaient elle referma son ombrelle pour la ranger par terre, revint à eux avec ses gestes lents et mesurés, sur son visage les rides d’une première vieillesse, sa crinière plaquée par l’onde. L’étudiant trembla, transi soudain sous les filets d’eau, de retrouver un lieu au sec, le dos contre la chaise il regarda Rye serrer le coin de sa chemise.

Sa question était simple, il ne comprenait pas pourquoi Shard se prêtait au jeu, la gérante ne chercha pas à s’expliquer mais, semblant affectée, suggéra qu’elle appréciait la jeunesse. Elle désigna ensuite les tasses devant elle, remercia de n’être pas venus nombreux car elle n’aurait pas pu accueillir plus de monde : une seule tasse ne contenait pas de somnifère, s’il trouvait la bonne, elle le laisserait gravir son arc-en-ciel. Il s’agissait bien de son arc-en-ciel, devant les yeux écarquillés de l’étudiant la dame ne put s’empêcher de rire.

Depuis ce point au-dessus des pentes la ville s’étendait paisible, complétée par les lueurs flottantes, il devinait dans son dos à travers les feuillages ces habitations jusqu’aux jardins du centre, pleins d’autres lieux qu’il ne connaissait pas, revint aux tasses. Le thé fumait à l’air frais, formait à sa surface de faibles ondes, un parfum enivrant d’épices, de gingembre, de citoal et de quenelle, de recolice, du thé bleu dans lequel il se laissa perdre.

Bientôt il s’y était plongé tout à fait, dans les remous infimes du thé contre les bords de porcelaine, son doigt pointa la première tasse, il demanda de ce qui se passerait s’il décidait de perdre, se ravisa, attrapa la troisième pour la vider. Elle voulut savoir comment il avait deviné, s’il s’y connaissait en thé, il parla d’une simple impression. Tout cela ne pouvait être qu’un jeu, ou plus important, Shard n’aurait pas su lui répondre, admit seulement qu’il pouvait gravir son arc-en-ciel, à pied ou en planche, comme un escalier. Ce disant sa crinière se mit à reluire, un éclat particulier à son front couvert par la coiffure soignée, elle lui dit simplement de se dépêcher.

Comme il se levait Rye se leva à son tour, elle comptait le suivre, la gérante approuva, leur désigna le point où la lumière semblait toucher le sol.

Il s’en approcha et, à nouveau mouillé sous la forte humidité, pesa de la main sur les rayons pour les trouver plus solides qu’il n’aurait cru, un appui sur lequel s’élever. Alors que la gazelle à son tour pesait sur la lumière le téléphone de l’étudiant se mit à sonner, un message, il reconnut le numéro. Ninja le contactait encore, deux mots seulement qui le frappèrent : « Réfléchis bien. » Il regarda autour de lui, s’attendant à voir la militaire, ne vit personne, Shard terminait son thé avec l’une des tasses censées contenir du somnifère, il se prit à sourire à cette vue avant d’enfourcher sa planche.

« Réfléchis bien. »

Près de lui la gazelle prête à s’élancer le regarda hésiter, demanda s’il était sûr de lui, personne ne l’obligeait, il hocha la tête et d’avouer, il aurait préféré donner son cours paisiblement, face à une turbulence de jeunes gens, rentrer jouer sur console grand écran avec Coal et les filles, et le soir, il ne finit pas sa phrase, resta songeur, le regard perdu dans toutes les lueurs de l’arc-en-ciel. Plus vite ils grimperaient, plus vite tout serait terminé, il se demandait encore, pourquoi lui, elle n’avait pas de réponse, se contenta de taper des mains contre ses épaules, face à tant d’humidité, ce qui le décida. Les gueules en flèches crachèrent dans l’eau avant de se dégager, il se laissait aspirer dans les rais de lumière, suivi de près, reparut en plein ciel sur la courbe de ces formations lumineuses.

À l’instant il avait passé la hauteur des rails, loin au-dessus des derniers bâtiments l’arc se perpétuait par-delà les nuages, les feux de couleurs illuminés comme des gorges de perles déferlaient à raide, galvanisaient son ascension. Il pouvait voir des deux côtés le paysage s’étendre, à mesure que s’étendait l’horizon se réduire le détail, le feuillage des arbres et le long tracé des rails dans un tout d’herbe intense, plus clair encore que l’humidité s’y peignait. Au-dessus le ciel plus que d’azur offrait la teinte irréelle, qui donnait l’impression d’être palpable, du plein jour parfait. Il aurait pu se laisser porter, il braquait sur les côtés à la recherche des meilleurs courants.

Sa planche crachait une traînée large d’étoiles jusque sur ses côtés, des filets de rien rayonnants à portée de ses doigts, à mesure qu’ils grimpaient, leur vitesse diminuant, la courbe allait s’adoucissant, il tourna la tête. Rye suivait sans peine, en arrière, à l’abri dans son aspiration. Elle le collait de peu, l’étudiant s’en rendit compte, à l’acharnement que la gazelle mettait pour le suivre en tous points, son pied se détacha un peu de l’attaque, ralentit l’allure. Il fit signe pour lui indiquer de le rejoindre avant que les nuages ne les recouvre. Au-dessous d’eux le paysage avait déjà perdu tout aspect de réalité, gigantesque espace à deux chromes de verdure et de maisons, qu’ils ne distinguaient qu’en se déportant sur l’extrême bord de l’arc-en-ciel.

Enfin ils perçaient les nuages, il se surprit à retenir sa respiration, la relâcha bien vite. À part le froid soudain rien n’avait changé, des courants plus forts, la visibilité presque nulle dans cette blancheur, percée au plus bas par les lueurs de l’arc. Elle l’avait rejoint, Rye à ses côtés lui tendit la main, il l’attrapa, à mesure que la nuée se faisait plus dense ils n’étaient plus que deux silhouettes, pourtant ils se tenaient la main, il en aurait oublié qu’il était sur une planche. D’abord il souhaita que le nuage ne prenne jamais fin, une pensée fugace, puis Bufo réalisa que ce mur blanc durait, plus qu’il n’aurait cru, au-dessous d’eux les rayons de lumière se laissaient recouvrir également.

« Rye ! » - « Bufo ! »

Les doigts s’étaient presque détachés, un courant brutal, il raffermissait sa prise, l’un et l’autre revenaient presque encontre alors que le silence s’établissait autour d’eux, plus de vent ni même le sifflement de l’air mais ce défilement de brume écrasant, il le savait à présent, ce n’étaient plus les nuages. Sous ses pieds les gueules en flèches grondaient encore faiblement, il les sentait assourdies par la pesanteur ambiante, lui-même comme étourdi fouillait en vain devant eux sans trouver de repère, chaque seconde s’assurait qu’elle se trouvait tout près, paniqué à l’idée de se retrouver seul.

Elle essaya de lui dire quelque chose, seul un murmure lui parvint, au visage défait il devina l’inquiétude qui mimait sa propre inquiétude, tous deux dépassés par ce qui arrivait, il aurait voulu se rapprocher encore, la serrer, une sorte de pudeur l’en empêchait. Sa planche perdait en vitesse, il la sentait devenir instable, relevait le regard surpris par une silhouette au loin, filant devant eux, usant également de patins.

Alors de pousser tout ce qui restait d’efforts, les gueules crachèrent, leur grondement le rassura, il tira Rye au bras, l’entraîna avec lui à la poursuite de cette ombre, la rattrapait sans peine. Comme se peignait la silhouette il reconnut immédiatement le trait gracile, de dos la gazelle filer sur la voie de lumière. Déjà sur sa droite une autre silhouette apparut, une fois proche la gazelle lui fit signe, il tourna la tête, à mesure que la brume comme allégée les dévoilait, autant de gazelles les suivaient, trop réelles, le même sourire qu’il lui connaissait, les mêmes gestes, des miroirs célestes dans le brouillard.

Il se tourna vers celle que sa main tenait, ses doigts touchaient ses doigts, il prit peur :
« C’est ainsi que tu me vois ? »

La voix encore l’effraya, la voix si familière, ce visage souriant, le cou penché ouvert à son regard, était celui de l’étudiante au premier jour où ils s’étaient rencontrés, le pelage de seigle ardent, il la regardait éperdu. Elle se rapprochait de lui, leurs deux bras pliés toujours plus, la tête lui tournait, il la secoua violemment. Ses yeux s’ouvrirent, ses yeux de braise, et de voir tous les courants jouer autour de lui que sa planche fendait, toutes les gazelles invisibles à ces courants confirmèrent ses soupçons, un mirage en plein ciel, alors de crier pour que cela cesse. « Tu ne veux pas être avec moi ? » Il secoua la tête, ils étaient presque l’un contre l’autre, il aurait pu sentir sa joue, reprit plus fort.

Son gant se referma sur le vide, devant ses yeux la petite créature le salua d’un grand rire, et voletant, alla filer entre les rayons. Les nuées s’éclaircissaient enfin, il les traversait, déboucha sur un ciel de lait sous la voûte céleste, un dégradé sombre avant les étoiles et sous lequel se peignait comme un second ciel sans étoiles. Les petits êtres jouaient à travers l’arc-en-ciel comme dans une fontaine, batifolaient, il se laissait glisser parmi eux étonné de les voir, plus étonné encore quand la pente presque achevée, le sommet de la courbe lui apparut, tout en haut la souris assise.

Menue, elle balançait ses jambes au-dessus du vide, sur le bord de l’arc-en-ciel observait ce paysage sans confins où le sol fait de strates insensibles avaient la couleur de son pelage. Elle tourna la tête vers lui, comme il s’arrêtait à côté, prenait sa planche, il lui demanda ce qui s’était passé. Elle baissa la tête, s’excusa. « Je voulais… » Ses mots se perdirent, Rye arrivait derrière, à leur hauteur, demanda où était l’île. Il avait oublié l’île, il essayait de comprendre, elle profitait toujours des arcs-en-ciel quand Nathalie le permettait, là seulement elle se sentait vraiment chez elle. Puis, pour leur répondre, le doigt dressé, Pearl désigna une masse sombre mêlée au sombre du haut ciel, l’île trop haute.

Mary avait brisé les règles, l’île artificielle était devenue son repaire. « Elle aussi ne joue plus » précisa la petite, les oreilles basses, tandis que les petites créatures voletant autour d’elle la réconfortaient.

Il resta silencieux, Rye se plaignait, toute cette montée pour rien, il hocha la tête lentement, en même temps elle voyait ses yeux de braise comme fulminer, demanda ce qu’il comptait faire. Bufo le savait, pourtant cette question le perça, il répondit, accomplir l’impossible, atteindre cette île et sauver Pupil, des mots, juste de mots, lui rappela la gazelle en soupirant. Un hurlement de réacteurs les coupa, devant eux surgit la machine frappée des symboles, les trois lettres de l’Unité, l’habitacle s’ouvrait, il reconnut Ninja. L’unité mécanisée stabilisée à leur hauteur les obligeait à reculer, l’étudiant hurlait pour se faire entendre, inutilement, la militaire leur faisait signe de monter.

« Tu vas y aller ? » Demanda Rye. Il confirma, lui demanda de venir et sans attendre, entraîné lui-même, bondit planche en mains pour atterrir, presque en équilibre, sur l’un des deux lanceurs de l’appareil. Alors qu’il s’accrochait l’étudiant fit signe à la gazelle de le suivre. Elle hésitait, il avait beau faire, finalement : « Ce n’est pas ma place. » Il avait pu lire la réponse sur ses lèvres, elle se détournait, la militaire lui fit signe qu’ils perdaient du temps, tapa un cadran dont l’aiguille s’affolait.

Une poussée brutale les entraîna vers ces cieux sombres, la lueur du jour les accompagnait, effaçait le dégradé comme ils gagnaient en altitude, l’île leur apparut minuscule monceau de terre maintenu par les courants, les traînes de l’appareil en longèrent les affleurements. Au-dessus se trouvait un jardin luxuriant, des prairies d’herbes, des champs de fleurs, un lac à cascade d’où deux rivières allaient se perdre aux bords. Dans un dernier élan la taupe poussait sa machine en avant, les posa en violente secousse sur la terre ferme. Aussitôt le crapaud se jeta à terre pour souffler, le souffle des réacteurs encore aux oreilles, n’entendit pas le sarcasme de la pilote.

« Toi ! » Hurla Mary : « Je te reconnais ! Tu ne me prendras pas Pupil, il est à moi ! »
Il se relevait, devant lui une brebis vêtue à la mode, en même temps rebelle et naïve, mimant l’amour en parlant de son prisonnier, tantôt le menaçant pour qu’il parte, et de lui expliquer son plan. Enfin, tout ce qu’elle voulait, que Pupil passe du temps avec elle, quitte à l’enchaîner à cette île aussi longtemps que nécessaire. La taupe, accoudée à son tableau de bord, demanda : « Je la fume ? » Il s’interposa, tenta de raisonner l’étudiante. Elle lui dit de but en blanc qu’il ne comprenait rien à l’amour.

« C’est fini, Mary. Libère Pupil. »

« Jamais ! On est faits l’un pour l’autre, je serai son troupeau et il me gardera, et après on regardera les couchers de soleil ! »

« Vous regard- quoi ?! »

Il l’écoutait parler de romance, quelque peu incrédule, puis cherchant à la couper dans son flot de paroles, lui fit enfin remarquer que Pupil se tenait derrière elle. Le berger toucha du doigt son épaule, elle se retournait prise au dépourvu. Il portait un collier solidement mis, muni d’une chaîne d’or dont les anneaux allaient se finir dans son autre main libre, il s’était libéré lui-même. Elle regardait sans y croire, balbutiait pour reconstituer son rêve. C’était fini, il pouvait rester, elle ferait tout pour qu’il reste, il lui caressa la tête, gentiment, glissa ses doigts entre l’oreille et sa petite corne bombée.

Et de lui dire, en souriant : « Tu m’aimerais docile ? »

L’étudiante se mit à trépigner, sa fierté recomposée lui fit répéter les mêmes phrases avec plus de fermeté, ils la regardaient se démener en arrière-garde, Bufo voulait savoir comment il avait brisé la chaîne. Derrière eux Ninja s’impatientait, les jeux d’étudiants ne l’intéressaient pas, elle avait un monde à protéger. Pupil hocha la tête, les remercia tous deux pour l’intervention. Il tendit la main à Mary, pour qu’elle les suive, fit rayonner son visage.



La hase se plaignit encore arrivé à la moitié des escaliers, elle déposa ses sacs, se mit à crier d’un ton aigu, à faire vibrer les fenêtres, puis de répéter encore une fois qu’elle ne supportait pas d’avoir été laissée pour compte. La gérante ne pouvait plus l’entendre mais elle avait besoin de se plaindre, au moins pour elle. Enfin les sacs roulèrent devant la porte de l’appartement, avant d’avoir à frapper Rye venait lui ouvrir, l’accueillait souriante, l’aida à entrer.

Elle remarqua tout de suite le désordre, le corridor délaissé où les marques de chaussures sur le plancher s’accumulaient, les portes entrouvertes, la majorité des bruits venaient de la cuisine. Rye voulait l’aider, elle refusa, profita qu’elles étaient encore seules à l’entrée pour lui glisser quelques mots qui ravirent la gazelle. Les deux sacs traînés firent leur apparition en cuisine, tout de suite la hase de s’effrayer en voyant Juicy aux fourneaux, vint rejoindre Pearl et Bufo attelés à la retenir, la loutre s’amusait avec la pâte qui débordait.

Par les fenêtres entrait le soir, les vitres à peine posées se couvraient de buée, tout autour les murs se couvraient de plâtre frais. Ils parlementèrent encore quelques minutes pour savoir qui cuisinerait, la hase de se proposer, ils refusèrent, Enfin la gazelle garda la jeune souris avec elle, renvoya les autres s’occuper de leurs invités. La loutre s’y était précipitée déjà, ils la suivaient, au passage leur invitée glissa un paquet de petits pois à Bufo. Il la regarda étonné, puis comprenant hocha la tête. « Commen- » mais elle lui fit signe de se taire.

Au salon l’écolière causait pour tous, et de couvrir même le son de la télévision. Coal affalé dans un coin faisait l’extrême effort de s’intéresser, le regard morne, le dard amorphe pendait sur le tapis, il dormait presque. Pupil hochait la tête à chaque exclamation de la petite, gêné en même temps par Mary qui roucoulait contre son épaule, un sourire infini à son visage. Ils s’asseyaient à leur tour, parler de n’importe quel sujet, derrière eux les actualités, toujours les mêmes, et Bufo en entendant le même nom encore mentionné de s’énerver un peu. Pupil le nota : « Tu ne l’aimes pas ? » Il ne voulait pas en discuter. Ninja aussi l’avait noté, debout contre la baie vitrée, elle secoua la tête. Elle savait.

___________________________________________________________________________________________

Journal :
La première page écrite presque en automatique, « selon le plan », manque totalement l’effet délirant de l’événement. Le passage à Rye a causé une coupure, difficile à motiver sans donner la cause. J’ai l’impression que Rye a perdu sa personnalité, qu’elle a changé – son sourire triste n’arrive plus à s’afficher.
Jusqu’à la page quatre tout est allé sans problème, seul le passage en bus est ajouté au plan. Cela m’agace de savoir que les gens ne penseront pas à Luck. Je n’arrive plus à me rappeler l’espèce de Mud. Rien sur la page cinq.
Les trois dernières pages enchaînées, au lieu du combat contre la belette, où Shell serait intervenu (trop de monde sur cet arc-en-ciel) j’ai choisi le moment mystique avec Pearl, sans doute vite expédié, le reste est allé selon le plan. Mary a manqué de temps, est-ce que cela importe ? La fin avec la hase, comme prévu, avant le dîner au lieu du dîner même, présence de Ninja pas tout à fait anticipée pour la fin, le « elle savait » n’était pas planifié.
Dommage que la relation Coal-Pupil n’ait pas eu sa place.
« Dernière édition: Juin 07, 2011, 10:06:17 am par Feurnard »
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Re : The chao's theory
« Répondre #49 le: Avril 24, 2011, 08:43:39 am »
  • Supa Rank G
  • Hors ligne Hors ligne
  • Sexe: Homme
  • Messages: 265
  • Je ne mords pas.
WWW
Dernier chapitre qui empiète sur le mercredi, ensuite le rythme hebdomadaire reprend. L'action pour le chapitre suivant, ici surtout beaucoup de dialogues...

The Chao's
Theory

Épisode 18 :

Encore une fois la nuit le noyait, il se voyait courir en pleine lumière avant que la nuit ne le surprenne, la tête levée vers ce ciel de flammes que ses yeux fatigués lui empêchaient de voir, un grand flou de sommeil à ses pieds défilait, ce ciel, c’était le sien. L’instant d’après la secousse le tétanisait, ses pieds figés, le sifflement s’abattait cumul de sons sourds qui firent bondir son cœur, il tenait pourtant, faisait face, regardait ce ciel en plein jour empli d’étoiles trembler. Son visage frottait, glissait contre le tissu, cherchait au coin du cadre l’odeur familière de cendres.

Il se retourna, toujours figé, le ciel s’ouvrait ombre d’ombres en plein jour le ciel s’étirait en une langue ardente du soleil à la lune, illuminer la ceinture, l’oblitérer. Il vit ce détail frappant, minuscule point dans la distance, une station d’acier parmi les roches, ses poings se serrèrent ainsi que ses dents. Le sifflement avait fait disparaître tous les sons, à travers le voile de l’épuisement il voyait la nuit en plein jour s’étendre, soudain son échine trembla, il se tournait encore, sur le dos, les dents serrées, vit le ciel se sublimer d’un bleu pur, la chaleur l’atteindre et le glacer, il s’entendait tenter de hurler, ses poumons comme écrasés, l’étudiant réalisa soudain qu’il avait déjà vu ça.

Dans l’instant ses yeux s’ouvrirent, aux pupilles de braises dans la pénombre, un visage contre le sien, la loutre lui souhaita un bon réveil. Elle lui souriait, il mit une seconde à réaliser, enfin, paniqua, et elle de bondir sur le plancher, demanda pourquoi il se fâchait :

« Tu es dans ma chambre ! »

« C’était ouvert ! »

« Mais sur mon lit ! »

« Tu t’réveillais pas ! »

« Ton museau touchait le mien ! »

Le coussin vola une dernière fois dans la pièce, elle avait battu en retraite encore pleine de rires pour se faire cueillir par Rye, la gazelle la saisit au collet et de la tirer vers le salon, elle se laissait gronder volontiers, faisait mine de se défendre. Bufo soupira, dans sa mémoire les lambeaux de son rêve s’éparpillaient, il rejeta la couverture pour se lever. À cette heure les filles se préparaient, il aurait encore eu du temps pour dormir, l’envie lui manqua. Juicy se tenait à la poignée du salon, dit d’un coup que le crapaud avait eu un visiteur, comme si ces mots l’avaient innocentée, se dépêcha de filer dans la salle de bains.

Sa seule question fut quand, alors qu’il enfilait ses gants l’étudiant allait déjà à l’entrée, derrière lui Rye ordonnait à la petite d’ouvrir, elle répondit, quelques minutes à peine. Plus personne ne se tenait sur le palier, dans l’escalier le bruit des marches lui fit pencher la tête, il vit une queue filer peu avant le premier étage, descendit pour le rattraper. Pour se retrouver face à un jeune renard, le pelage de grain doré, dans sa surprise, resta muet. Tails, la face joyeuse de l’enfance, le saluait.

C’était lui, le docteur Mist ? Il avait l’air jeune, pourtant. Sa peau était livide, sûrement une maladie des marais. Mais ses yeux, de vraies braises ! Il n’était pas hostile, au contraire, il lui tendit la main. Comment fallait-il l’appeler ? Doctorant, assistant, professeur… celui-ci lui répondit, simplement, Bufo. Il était sympathique ! Mais pas très spontané. Il s’excusait même pour la porte claquée. Ce n’était rien. Et de proposer qu’ils entrent. Comment croire que cette personne refuserait de les aider ?

Dans les marches leurs semelles grinçaient, chaque pas étiré jusqu’au palier, des coups d’oeil comme ils se parlaient encore, à chercher à réaliser à travers toute cette bonne humeur l’intention évidente, là où Ninja avait échoué, il comprenait mieux son abandon. Ses paupières encore battues par le réveil clignaient plus fréquemment, il mettait un peu de temps avant de répondre, s’effaça devant la porte, le laissa entrer. Sans cette seconde queue et sans la renommée il aurait presque paru normal, un de ces écoliers, un camarade venu saluer les petites, autant de pensées le traversèrent en refermant.

« Alors au plafond, c’est Juicy. »

Puis il présenta Rye, assura à celle-ci qu’il s’agissait bien de lui, le compagnon du héros planétaire, de le gêner en évoquant tout ce qu’il avait accompli. Elle parut suspicieuse, par jeu ou par besoin, l’étudiante lui posa quelques questions, juste assez pour lui laisser le temps de recomposer avec l’instant. Il voyait au haut de ses jambes le léger tremblement d’agitation contenu, qui allait dans son dos moins perceptible, cette exultation à peine camouflée ou bien un malaise où s’attisait sa propre nervosité. La gazelle finit par retrouver son calme, les bras croisés, demanda pourquoi il leur rendait visite.

Avant qu’il ne réponde la petite Pearl s’était glissée entre leurs jambes et, soudain devant le renard, tendue sur les pointes de ses ballerines la souris n’osa dire un mot, à la place, le visage soudain rougi, dans tous ses états, elle bredouilla comme une réponse comme l’étudiant la présentait à son tour, sa main repliée devant son museau, détourna un visage cramoisi. Juicy, d’en haut, de renchérir qu’elle était amoureuse, tandis que tous protestaient l’écolière trop agitée sembla ne rien entendre, au premier mot de Tails pour elle à la manière des gibiers effarouchés elle courut retourner dans sa chambre.

Comme les présentations allaient Rye reprenait la conversation, du ton enjoué et sérieux tout à la fois où se mêlait un élan de routine, l’étudiant considéra l’heure, se décida à aller déjeuner. Il laissait son visiteur dans le corridor, lui-même passait dans la cuisine fouiller parmi le mobilier à nu son bol matinal.

Son mouvement était suivi de peu, insensiblement la discussion s’était déplacée avec lui, par l’encadrement il pouvait voir la gazelle de dos parler au jeune aventurier, l’écouter expliquer comment il était arrivé, des réponses enjouées, seulement atténuées face aux louanges. Elle reprit encore, sur sa question, ce qui l’amenait, il sembla ravi de répondre, le crapaud les coupa : ouvrant le bras sur leur tréteau de table il l’invita à se joindre à eux. Les filles dans un cri se précipitaient, Pearl plus timide suivant la loutre alors qu’elle lui pillait le lait, l’attention que lui portait l’étudiant convainquit Tails d’accepter l’invitation, au moment de se joindre il remarqua que la porte la plus proche, celle de Coal, s’entrouvrait. Le visage du scorpion apparut à moitié, couvert de cernes, dans la pénombre, l’invité ne put s’empêcher de dire, après une brève salutation : « Je te connais, non ? » Il secoua la tête, referma la porte, une seconde après le son de sa console avait augmenté.

Une fois tous assis les discussions reprirent, les filles dans leur coin se chuchotant entre deux rires, écoutaient l’enfant de leur âge parler comme un adulte, Juicy de les interrompre parfois pour se moquer. Il expliquait enfin, les doigts du crapaud se crispèrent, le renard venait demander qu’il assiste Sonic, qu’il les aide contre le savant fou. Déjà l’étudiant déclinait, rappela ce que l’Unité savait déjà, d’avaler une cuillérée entre deux phrases, il n’aimait pas l’aventure, rien ne l’intéressait que sa vie à la cité universitaire. Pourtant des gens avaient besoin de son aide, le renard d’avouer que la chaotique le dépassait, il préférait la mécanique, ils parlèrent du gardien, brièvement.

C’était toujours non, le jeune renard attristé parut hésiter, une attente déçue sur la corde de ses émotions, il le sentait, ses sentiments au clair dans tous ses mouvements, dans ses regards, ses épaules, le mouvement de ses deux queues, de se rendre compte soudain que Juicy s’étant levée tapotait le renard avec un bâton. « Eh ! Arrête ça ! » Elle confirma, il était réel, la souris derrière son amie comme épouvantée, la suppliait muette d’arrêter, Rye lui tapota la tête pour la faire filer. Il reprenait, mû par un élan d’espoir, ils n’avaient personne d’autre vers qui se tourner. Un geste de Bufo l’encouragea, Sonic saurait trouver les mots, il le disait avec toute la force de l’innocence, s’il arrivait à l’exprimer, l’étudiant fit signe de ne pas essayer, secoua la tête, le poing sur son service pour ne plus le bouger.

Il avait hoché la tête cependant, comme gêné, souriait à présent en manière d’excuse pour ses refus répétés, d’ajouter qu’il ne pouvait pas partir, avec le malaise de Field et la charge de Hazy, il lui fallait assurer les cours. Le renard approuva, il avait eu souvent ce dilemme avec Sonic, puis avec passion de dire que les choses s’arrangeaient toujours, il trouverait un moyen, lui sur le point de répliquer se tut encore, l’écouta le sourire hésitant, Tails d’y trouver un nouvel encouragement. C’était une occasion unique, il y avait tant à apprendre en suivant Sonic, personne ne lui en voudrait. Juicy pouffait, elle trouvait le mot compliqué, le petit de s’en défendre.

À cet instant l’étudiant n’avait plus répondu, le mot en suspens un fourmillement d’idées lui donnait ce trouble d’acteur pressé de parler. Tails renchérissait, les souvenirs lui venaient de tout ce qu’il avait vécu en côtoyant Sonic, l’étudiant le coupait, par mots brefs la voix tremblante lui souriait, il ne voulait pas travailler pour Pickles et Spagonia, c’était l’occasion au contraire de faire rayonner son université. Cette perspective effaça son sourire, le renard s’inquiéta, alors tout de suite d’enchaîner, il le présenterait à Sonic, son ami le convaincrait sans peine, il n’aurait pas à se battre, en promesse, d’ailleurs le hérisson bleu-

« Tais-toi ! »

Les filles dans leur coin s’étaient tues, effrayées, Rye s’était levée, Bufo également, le visage profondément marqué, une pression intense entre ses dents, il foudroyait du regard son visiteur.
Que se passe-t-il ? Il était souriant l’instant d’avant, la colère avait éclaté sans prévenir. Bufo fulminait, qu’est-ce qui lui avait pris ? Impossible de comprendre et pourtant. Il avait comme craché de dépit, il jeta sa cuillère sur la table, son poing s’abattit avec. Un coup sec ! Il partait à présent, la gazelle tentait de l’arrêter. Ne pas bouger. Pourquoi ? La gazelle avait abandonné, dans le corridor une porte claqua. Il devait y avoir une raison, quelque chose dans les mots ou dans les gestes. À n’y rien comprendre.

Dos contre la porte à écouter les conversations reprendre enrouées d’abord le gémissement de Pearl lui perçait les oreilles, un bourdonnement fou à travers le battant, entendre Rye s’excuser une fois de plus. Il pesta contre lui-même, pesta encore, à voix basse, entre les lèvres, le goitre gonflé frappa des poings sur les parois, sans force. Tout ce à quoi il voulait penser, se préparer pour le cours, ses notes éparses sur la petite table, le dossier ouvert, sa plume laissée ouverte au long de la nuit, il se mit à rassembler ces feuilles dans des gestes difficiles, frappés d’émotion, ses jambes en tremblaient encore, le besoin de hurler, contre n’importe quoi pour n’importe quoi, les poumons en fièvre.

Plus rien ne tenait en place, la pièce trop petite le faisait revenir sans cesse à ces instants, il pouvait entendre les pas dans le couloir, les paroles échangées, les deux écolières étaient passées au salon avec dans leurs éclats de voix la même joie quotidienne, assez pour le calmer un peu, sa respiration le faisait gronder. Son sac fait il s’en détacha tout aussitôt, alla jusqu’à la fenêtre où la ville s’étendait, silencieuse, ces allées de toits aux silhouettes fuyantes parmi les antennes, sous l’ondée matinale, les premières couleurs dévoilaient ces courbes célestes au-dessus des bâtiments. Il se rappelait, vaguement, avoir rêvé.

Quelqu’un toquait à sa porte, machinalement, l’étudiant dit d’entrer. Sa voix rougie râpait contre la gorge, dans son naturel marquait un reste d’amertume. Le petit renard entrait, un enfant, plein d’excuses, d’ajouter qu’il ne savait pas. « Mais qu’est-ce que tu peux bien savoir. » Son ton s’éteignait avec la phrase, lui répondait, de ce qu’il n’aimait pas entendre parler. Une question pendait, s’il avait le courage de la prononcer, il demande pourquoi, tout de suite sentant jusqu’où portait sa question, s’excusa encore, déchiré entre le besoin de compatir et le besoin de savoir. Pour rien. Pour tout. Il secoua la tête, son refus ne venait pas de là, il avait une autre raison plus fondamentale.

Lui aussi n’arrivait pas à l’exprimer.

« Tu le hais ? »

Il fut sur le point de s’énerver, se retint, l’honnêteté du renard avait eu raison de son emportement. Ses mots se détachaient difficilement, tous ses efforts pour ne pas en parler, il chassait le sujet, sentait son invité y revenir plus insistant, enfin, il ne voulait pas quitter la ville, il ne voulait pas quitter ses amis, même pour un mois, même pour un jour, il avait- il ne savait pas ce qu’il avait. Dans son dos le petit s’excusait encore, d’avoir été aussi maladroit, il aurait tant voulu que ce soit si simple, d’accepter sa décision, d’en rester là. Il se tut, ce qu’il ne disait pas parlait pour lui, il voulait- n’en disait rien.

Un sourire revint sur la face de l’étudiant, un sourire plus sincère, amusé par sa réaction, de laisser entendre qu’au moins, cette journée, il pourrait y réfléchir, pour ne plus avoir à subir cette déception, tous ces espoirs brisés et la désillusion, s’il pouvait l’atténuer, tout en prenant garde à ajouter qu’au soir sa décision serait la même. Il devait partir, les cours l’attendaient, Tails aussitôt de demander s’il pouvait y assister, le sujet l’intéressait, sur son visage une sincérité sans concession, la curiosité dont aucun étudiant ne pouvait se targuer. L’étudiant déclina, même discret, il voulait cette journée pour lui.

Juste avant de sortir tandis que sa main tournait la poignée Bufo observa encore ce jeune aventurier plein de vie, les mèches hasardées sur son visage, le besoin de toujours se dépasser à sa manière, qui le frappa, une idée à peine formulée déjà, il sortait. Le renard soudain de demander, comme paniqué, de s’en rendre compte soudain, ce qu’il allait faire durant tout ce temps. Juicy lui bondit dessus et de hurler en cloche qu’il devait jouer avec elle, l’étudiant engagé dans l’escalier ne put s’empêcher, au son, d’imaginer la réaction.

Un pas pressé le fit se retourner.

Elle venait de se glisser jusqu’à lui, la petite souris lui prit le bras, leva ses yeux inquiets sur lui. Sa crainte était qu’il lui en veuille, pour avoir hurlé à table, l’écolière avait besoin qu’il répète que ce n’était rien. Sa joue contre le gant la rendait toute menue, elle demanda encore, ce qui l’empêchait de partir, si c’était vraiment l’école. Sa façon de dire l’école le fit rire, il dut avouer, ce n’était pas vraiment ça. Alors la petite de demander, si c’était le magasin, cette idée l’amusa, ou bien le parc, ou bien les pistes, il préférait le magasin, repensait à l’épisode de la cascade, si brutal alors, si agréable à travers les souvenirs. Elle demanda, si c’était pour l’appartement, et sa voix trahit se qui se cachait derrière.

Comme une ombre traversa son visage, si c’était leur invité qui l’y poussait, elle secoua la tête, la reposa contre le gant, Pearl ne voulait pas qu’il parte. Elle avouait pour lui, l’envie qui le rongeait, de vivre ces aventures si souvent vantées à la télévision, qu’ils ne pouvaient connaître que de loin, à en faire tourner la tête, au final, elle ne voulait pas qu’il parte. Personne ne le voulait, la souris descendait avec lui les dernières marches, guigna par réflexe du côté de la gérance de ce côté tranquille, il en profita pour laisser sa main glisser entre sa prise, s’échapper.

Quand elle le sentit Pearl se dépêcha près de lui, un mouvement trop spontané, son visage s’était cramoisi. Elle voulait parler de Tails, n’arrivait pas à formuler son nom complètement, il ne pouvait s’empêcher de sourire devant tant de timidité.

« Comment je fais pour… » La petite n’arrivait pas à terminer sa phrase.

« … Lui parler ? » Il lui ébouriffa le front. « Avec ton cœur. »

Dehors encore la jeune souris le suivait du regard, ou bien regardait comme lui l’avion garé à moitié sur le trottoir, peu après l’arrêt de bus, il sentit la curiosité du bout des doigts, une poussée dans ses jambes pour aller voir, après un regard traversa la rue. Les passants, comme lui, se retournaient, plusieurs déjà tournaient autour du biplan, assez peu encore tant qu’il pouvait en juger avant de quitter la route pour les ruelles.

Tant qu’il s’éloignait les pulsions réprimées dans sa chambre remontaient, libéré par sa marche il laissait libre cours à cet orage, le long de ses bras l’humidité allait se perdre. Parfois un groupe d’enfants le dépassait en pleine course, ses jambes le tenaillaient, il se forçait à la marche, les façades se coloraient de ces éclats de vie en pleine effervescence, à l’ombre des allées de charmes. Enfin il se rendait compte, ce qui s’était passé au matin qui lui avait semblé comme normal, à présent avec le recul l’effrayait, augmentait cette part de colère exprimée dans le claquement du pas, il cherchait le moyen dans la distance de réduire cette rencontre dont les heures de la matinée ne suffiraient pas à l’oublier.
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Re : The chao's theory
« Répondre #50 le: Avril 27, 2011, 11:15:32 pm »
  • Supa Rank G
  • Hors ligne Hors ligne
  • Sexe: Homme
  • Messages: 265
  • Je ne mords pas.
WWW
Avec un soupçon de retard, le rythme reprend normalement.

****

L’université ne fit rien pour l’assagir, partout la nouvelle courait, quel visiteur était venu frapper à sa porte, les étudiants se pressaient à ses côtés, le suivaient comme des pions. Il répondait, parfois presque brusquement, renvoyait tout le monde voir par lui-même avant de s’enfermer dans les cours, derrière le banc, à écouter des matières détachées de tout. Avant midi son téléphone ne cessait plus de vibrer, il se décida à l’éteindre, épuisé, évita la cantine pour la bibliothèque, son rendez-vous avec Hazy annulé, sans nouvelles, erra parmi les ouvrages tandis que les regards filaient dans son dos.

Son propre cours arriva, il cherchait toujours le long des rayonnages des livres qu’une autre aurait lus, se renseigna au bureau avant de s’en aller, songeur, parmi les sentiers de gravier. Quelques personnes encore venaient le voir, plus rares, le mot était passé, passé le campus seule une première lui tendait un cahier pour qu’il l’emmène à signer, il refusait, avant la porte l’étudiant se retrouva seul. Shell l’attendait, adossé contre le mur il lui fit signe, demanda pour le téléphone, tout le monde à l’intérieur s’impatientait.

Avant de le suivre Bufo retint la réflexion qui le poursuivait, comme il ne se décidait pas son ami le poussa à donner sa leçon, ils parleraient après, un vacarme de rumeurs l’accueillait à l’intérieur, plus de personnes encore que le jour précédent, d’autres facultés, plus quelques assistants, tous armés de notes ou d’écrans.

Il se mit à écrire, au tableau, les multiples formules, et décrire en même temps le second jour à l’Holoska, à l’intérieur du temple la salle aux rouages où se mêlaient les descriptions aux anecdotes. Quelques bons mots passaient, étouffés, le son de la craie couvrait tous les murmures, lui-même couvert par le cliquetis des claviers. Son exposé mêlait les lectures faites là-bas, le rapport lui-même, le vécu et par-dessus tout, ce qui attisait l’attention, ses observations, un détail infini de remarques et d’hypothèses toutes liées à la même question, ce qui s’était passé là-bas, ils suivaient tous ce récit formel sans être sûrs de suivre, leurs pages s’emplissaient de ces questions.

Puis un téléphone se mit à sonner. Il en profita pour s’interrompre, demanda à qui la sonnerie appartenait, tous les regards tournés vers lui. Le numéro était celui de Ninja. Il coupa, voulut reprendre, quelques secondes plus tard la voix de la taupe éclatait :

« Bufo j’te jure si tu réponds pas je te fais bouffer ton portable ! »

« Euh… oui ? »

Posé sur la table son volume au plus haut l’appareil tremblotait, émettait un grésillement comme de la vitre griffée mille fois en même temps, couvert par le grondement des réacteurs et des détonations. Ninja l’insulta encore, elle était en pleine lutte au-dessus du désert, un serpent de sable au squelette d’acier, l’armement ne servait à rien, elle avait besoin d’un plan, tout de suite, il remarqua seulement le décalage, presque deux secondes entre ses propres mots et à l’autre bout la réaction. Tous le regardaient se débattre avec cet appel, il cherchait parmi eux une réponse, perdus comme lui, demanda des précisions.

Un coup plus sourd lui fit sauter le cœur, il crut qu’on avait frappé la porte de la salle au bélier, comprit que ça venait du téléphone. Elle crachait tout ce qui lui passait sous les yeux, le nombre de côtes, les lasers qui les mitraillaient, le mouvement de la machine qui plongeait dans le sable puis ressortait. Il la coupa, oui, la structure était rouillée, au-delà du concevable, d’après les spécialistes la machine n’aurait pas dû même pouvoir fonctionner encore. Oui, le sable portait plus la machine qu’elle ne portait le sable. Si la force était chaotique, il devait y avoir un point d’équilibre à rompre, un point faible…

« Le gros truc rouge qui brille ? J’ai essayé figure-toi ! »

Ce point n’était pas visible, il paniquait, s’embrouillait dans ses réponses. Soudain Shell l’interrompit, pointa sur son voisin l’écran tourné vers lui avec l’image du serpent, représenté sur les fresques d’une tour au sanctuaire céleste. Le téléphone lâchait des sons stridents, de longs sifflements qui leur échauffait le pelage, Bufo tremblant, abandonna sa place pour ce banc, d’observer l’image. Un des assistants, sur les chaises supplémentaires, signala alors qu’un événement similaire avait eu lieu autrefois, une machine comparable, il se surprit à exiger un enregistrement, la militaire, à son oreille, lui conseillant de se dépêcher. Enfin les images étaient diffusées au projecteur, au-dessus du tableau noir.

Rien n’était visible que de brefs segments du reportage, les caméras de visée des militaires offraient les angles brouillés d’une machine en parfait état, où il ne décela rien que de mécanique. Une impression étrange le remua de voir ces mêmes appareils militaires virevolter, les sons projetés au téléphone et les images se mimant de loin. Un sursaut le ramena à ses réflexions, ce point ne devait jamais toucher le sable, déduction ou coup de chance, il s’en était persuadé, elle devait trouver, elle lui raccrochait au nez, il resta le téléphone en main dans le silence de la pièce, à regarder ceux qui le regardaient, après un soupir, proposa de reprendre le cours.

D’un muet accord celui-ci se finit plus tôt que prévu, de quelques minutes, un exutoire suivi de profondes exclamations. La salle peu à peu se vidait par l’habitude, les assistants les premiers appelés par leurs devoirs, les autres pour aller s’étirer dehors, se divertir avant le prochain séminaire. Il n’attendit pas pour rejoindre Shell, avant qu’ils ne soient seuls, demanda à lui parler sérieusement. Une minute encore les autres les laissaient, après quelques questions, quand il n’en resta qu’une poignée Bufo de lui demander où était Rye, à brûle-pourpoint, il avait fouillé toutes les facultés, elle était une rumeur inscrite nulle part.

La tortue hocha la tête, lui fit signe de se calmer, il n’était pas au courant, de lui rappeler qu’il était arrivé en même temps que lui à l’université, qu’il n’avait même pas su trouver cette salle, Pupil lui saurait forcément.

Il demandait à son tour, pour Tails, il était lui-même harcelé pour obtenir l’information, ce que le petit était venu lui demander, sans obtenir de réponse. À nouveau le propos revenait, elle n’empruntait pratiquement pas de livres, elle n’était presque jamais à la bibliothèque, la responsable la voyait rarement. Il voulait dire, pour les combattants, Shell le comprit enfin, secoua la tête. Elle en fréquentait quelques-uns, ça, il le savait, personne n’en parlait comme d’une Freedom, personne ne l’envisageait. Puis de demander franchement pourquoi il s’intéressait à elle à ce point, si ça ne tournait pas à l’obsession.

Sa main contre le banc obligé de s’asseoir l’étudiant ne répondit pas tout de suite, l’air grave, proposa quelque raison. Les sentiments se mêlaient à sa raison, entre ce qu’elle pouvait penser et ce qu’elle faisait vraiment, il se sentit ridicule. Son ami objecta qu’au moins il s’intéressait à elle, au lieu de se morfondre il pourrait offrir des fleurs, en ne le voyant pas réagir il eut le besoin de lui demander s’il l’aimait vraiment, et de le tirer comme d’un rêve. Enfin de soupirer, il voulait juste rester près d’elle, et plus il s’efforçait de se rapprocher plus elle se distançait, la tortue laissa entendre qu’il avait juste changé.

« Changé ? »

« Ouais, tu vois. Un peu plus tête brûlée. »

Il se mit à rire à cette idée, tous deux restés seuls dans la pièce son rire frappa en écho contre les parois, la lumière glissait par les vitres sur les rangées. Dans le silence revenu l’étudiant se retrouva absent, plongé dans sa mémoire en quête d’un détail qui lui aurait échappé. Le temps passait, il décida de s’en aller, dit à Shell de deviner, pour son visiteur, lui de hocher la tête d’un air entendu. En sortant de la pièce son téléphone en main, sans avoir à le rallumer, il appela Pupil, attendit que le berger décroche.

Bien sûr qu’il savait pour Rye, un ton détaché, surpris que l’étudiant ne lui ait pas encore demandé, ce n’était pas un secret. Elle suivait les cours en spectatrice, elle avait terminé son cursus voilà longtemps, tout le monde la considérait comme une étudiante, par habitude. Lui ne le savait pas, elle lui avait toujours dit être en cours, à la cantine, à la bibliothèque, à l’autre bout une faible mention de surprise passa. Il y avait plus, il y avait toujours plus, à partir de là commençait le secret, pourquoi elle fréquentait le parc, pourquoi elle se distançait de lui, au moins par lui-même le crapaud avait compris qu’elle avait eu un passé difficile, après quoi il approuva, les secrets n’apportaient jamais rien de bon, seulement elle l’avait voulu ainsi, lui ne comptait pas la trahir.

Un second appel à Hazy lui confirma son rôle au cours pour encore quelques semaines, les nouvelles n’étaient pas meilleurs. De son ton sec la souris lui fit savoir qu’elle avait appris, pour son visiteur, son opinion restait la même, il devait y aller, il ne voulait pas entendre son opinion. Elle se souvenait vaguement d’une étudiante nommée Rye, peu attentive, un esprit sauvage, ses souvenirs de l’époque étaient flous.

Dès que le bus se remit à rouler sans faire attention aux rumeurs derrière lui l’étudiant se plongea dans le paysage défilant, les trottoirs et les haies, sur les façades une réponse, les piliers des rails se découpaient au loin sur le fond des pentes. Parmi cet environnement de toits, de gouttières, les jets de fontaines projetaient leurs grands arcs parmi les arcs célestes, il observait plus l’humidité sur les vitres que sur les feuillages des parcs. Ses yeux attrapaient parfois, indistinctes, de brèves silhouettes parmi les points de fuite, dans la pénombre des bassins, près des rus et des canaux, où l’eau miroitait ces petites figures par dizaines, sa tête bourdonnait, il cligna. Le chauffeur, à son volant, se mit à piaffer, puis d’indiquer l’arrêt où quelques foules étirées occupaient la vieille route, autour du biplan.

En descendant l’étudiant ne put s’empêcher de demander ce qu’il devait faire, lui de secouer sa crinière et montrant toutes ses dents, qu’il trouverait. En même temps il éteignait le moteur, son bus à l’arrêt, lui fit signe de monter, ils allaient l’attendre. Un journaliste l’attendait sur le trottoir, le chauffeur de l’interpeller, tous les passagers avec lui pour laisser tranquille leur étudiant. Il passa après la foule, jusqu’à la porte, regarda encore le pas du véhicule ouvert, le zèbre d’un coup de tête l’encourager.

Plus haut dans l’appartement le couloir s’ouvrit devant lui éclairé par les fenêtres des diverses pièces, la coupole au plafond miroitait. Des éclats de voix brefs fusaient du salon, son invité répondait pris au jeu à la loutre déchaînée, il la vit couchée sur la table débiter ses prochains coups, le sourire perfide, certaine de gagner. Leur plateau de jeu n’était qu’une feuille de papier quadrillée à gros traits, sans pions, sur laquelle ils mémorisaient leurs coups. Elle s’agaçait à mesure qu’approchait sa défaite, s’y préparait par des plaintes et des erreurs comme volontaires. La décision se faisait longtemps à l’avance. Au coin de l’entrée discrète Pearl les regardait jouer, la tête contre la paroi, les écoutait rire.

Brutalement Juicy se relevait, de noter l’entrée du salon où seule la souris se tenait, elle était persuadée d’avoir vu passer l’étudiant. Le jeune renard se rappela sa mission, il hésita à se lever, la loutre l’avait devancé, se jetait sur Pearl pour la tirer jusqu’à la table et l’y asseoir, elle terminerait la partie à sa place, l’écolière de s’affoler, elle ne connaissait pas même les règles. Leur invité également surpris de la rassurer, tandis que Juicy s’était éclipsée, il aurait voulu aller voir l’étudiant, remarqua le trouble chez la jeune souris. Un silence s’était installé où elle détournait le visage rougi.

Ses mains fines jouaient avec son oreilles, elle balbutiait des excuses, proposa d’attendre le retour de la loutre. Elle le fixait, il en était sûr, sans que leurs yeux ne se croisent jamais. Comme il se levait elle le retint encore, de demander s’il aimait les chao, la question lui avait échappé, elle plongea la tête entre ses épaules. Elle fut comme galvanisée en l’entendant répondre exactement ce qu’elle avait espéré, qui sonnait comme des banalités mais des mots si importants, et de se sentir alors un courage nouveau. Elle cachait une surprise dans sa chambre, à l’abri des autres, s’il voulait le suivre, contente d’avoir enfin quelque chose pour l’intéresser, il était heureux de lui faire ce plaisir. Déjà la suite se faisait dans sa tête, elle souriait à ces pensées, ils quittaient le salon quand Bufo revenait.

Tout se brisa.

Il s’excusa auprès d’eux, se jetant dans le salon d’un pas décidé attrapa la télécommande, de fouiller les chaînes où l’actualité ne cessait de tourner en boucle, les foules et les images des grandes actions, Juicy derrière de commenter, les ruines fumantes d’une base. Il ne leur laissait pas de temps, en quelques instants passait à une autre chaîne, il expliquait en même temps le coup de fil de Ninja, ce qu’elle avait décrit, le besoin de savoir comment cela s’était fini. Enfin les dernières nouvelles tombaient, le héros planétaire avait vaincu un serpent de sable ancienne machine du savant, la commentatrice continuait sans qu’il l’écoute, l’étudiant regardait cette scène se répéter. Les images du serpent vaincu ses côtes d’acier éparses dans les dunes côtoyaient celles de la machine en action, à travers les caméras aériennes en noir et blanc. Il se mordait la lèvre.

Puis à Tails avant qu’il ne parle, l’étudiant acceptait, il observa le visage du renard resté inquiet, répéta qu’il allait le suivre, qu’il l’aiderait, d’un ton forcé, trop lourd. Son poing ne desserrait plus.

« C’est pas juste ! » Se mit à crier Juicy en agitant les bras, elle aurait dû être celle qu’on viendrait recruter, et de dire combien il était pâle et maigre, il ne savait même pas tenir sur une planche, après quoi elle se jeta dans ses jambes et étalée sur le tapis du salon lui demanda de lui ramener une des émeraudes pour qu’elle puisse faire exploser plein de choses. Il lui répondait d’un ton apaisé, tout en agitant la jambe pour qu’elle le lâche, demanda à le petite souris qui les écoutait d’en avertir Rye, de lui expliquer. Elle eut comme un mouvement de peur, de l’entendre parler ainsi, hocha la tête derrière ses doigts repliés.

À la télévision le discours continuait étouffé par leurs discussions, le hérisson en premier plan souriait aux objectifs, derrière lui le crâne d’acier du serpent pendait de sur sa dune. Au milieu des questions il fit signe qu’on l’appelait, décrochait, le renard de lui expliquer qu’il le regardait à la télévision, que l’expert venait d’accepter. Ils pouvaient voir à l’écran sa réaction, ses sourires, sa vivacité, et de s’amuser à saluer la caméra. Bufo avait déjà quitté le salon pour sa chambre, à défaire son sac de toutes les notes qui ne lui serviraient plus, il tira de sa trousse un seul stylo, laissa le reste. Autour de lui la chambre lui sembla minuscule, les murs resserrés sur lui, la fenêtre trop étroite.

Deux coups à sa porte lui rappelèrent qu’elle était ouverte, il se retourna, Coal se tenait affalé contre le mur l’air morne, sa queue amorphe traînant sur le carrelage. Il le regardait à peine, comme ennuyé, son manque d’attention demandait, s’il allait vraiment repartir encore. Le scorpion pouvait lire dans son colocataire sans peine, toutes ses intentions. Son renfermement, avant qu’il ne se détache, signifiait de revenir sur sa décision, qu’il était encore temps, qu’il le regretterait plus tard. Bufo de hausser les épaules : « Trop tard. » Le scorpion se retirait déjà dans son placard où la console crépitait sur le son de pause, une note maintenue aigue indéfiniment avant que la porte ne claque.

Tails l’avait vu passer également, il en était persuadé, il l’avait déjà croisé autrefois. Il se rappelait à présent.

Un nouvel appel à Hazy mettait en ordre les affaires à l’université, aussitôt après il débranchait certain de l’avalanche de messages des étudiants, par agacement la batterie finit sur son bureau. Au renard qui le regardait faire il demanda à partir sur l’instant, avant qu’il ne change d’avis, le jeune aventurier de lui demander s’il ne voulait pas, justement, changer d’avis, le crapaud secoua la tête. Déjà il passait sur le palier, fit signe aux filles, Juicy joyeuse lui faisait de grands gestes, Pearl se cachait à moitié dans l’ouverture du salon, il resta quelques secondes à les regarder ainsi dans le couloir, les graver dans sa mémoire, incapable de dire quand pour la prochaine fois il les reverrait.

Seul dans la cage Tails avait pris de l’avance, dehors l’hélice du biplan se mettait à ronfler, il descendait à pas lourds peu avant le rez-de-chaussée, vit la gazelle à la première marche. Ils se croisèrent, elle s’arrêta pour le regarder passer, demanda où il allait. Il ne répondit pas. Elle se détourna et redescendant quelques marches l’appela encore, le poursuivit dehors, elle s’arrêta nette en le voyant rejoindre l’avion, alors que celui-ci se plaçait au centre de la vieille route. Bufo ne la regarda qu’en grimpant à bord, ce qu’il crut lire alors, seul à le savoir, ne le retint pas. L’instant d’après l’avion s’effaçait dans l’horizon.

___________________________________________________________________________________________

Journal :
Première page quasiment achevée et dilemme, entre donner la « parole » à Tails ou s’en passer. Son point de vue est important, mais risqué.
Au final parole donnée à Tails. Le rêve au départ a été décidé à la dernière minute. Arrêté à la réplique sur Juicy. Le plus difficile à présent sera le déjeuner – et l’avion ?
Arrivé en fin de page trois, événements étirés plus que prévu, j’ai refait vite le plan. Tails est… dans l’ombre. La colère de Bufo devrait en rappeler d’autres, elle n’est pas si ratée que ça. Page quatre terminée, tout s’est bien passé, le dernier paragraphe fait remplissage. Pearl est un peu redondante mais elle y est peut-être la plus vivante.
C’est tellement plus facile quand il y a du sentiment...
This is madness, ou remplissage, arrivé presque en milieu de la page sept, beaucoup de discussions pour rien – pas question d’empiéter sur le temps de parole de Coal. La réplique de Ninja m’a permis de lancer le passage, ça et de motiver le cours. Normalement le chapitre devait se finir à la gare, je pense qu’il s’achèvera toujours à l’appartement. Et j’adore ce chauffeur, vraiment. Il devait dire qu’il prend bientôt sa retraite… pour le chapitre vingt ?
Mes personnages préférés sont les plus discrets, content de n’avoir pas mentionné une seule fois son nom.
« Dernière édition: Juin 07, 2011, 10:07:53 am par Feurnard »
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Re : The chao's theory
« Répondre #51 le: Mai 02, 2011, 02:25:15 am »
  • Supa Rank G
  • Hors ligne Hors ligne
  • Sexe: Homme
  • Messages: 265
  • Je ne mords pas.
WWW
Comment écrire quatre pages en trois heures.

The Chao's
Theory

Épisode 19 :

« Il faut vraiment y aller ? »

« Trop tard pour faire marche arrière ! »

Sonic avait parlé le premier, Tails lui répondait le regard rivé sur le viseur tête haute, ils venaient de passer sous les nuages, au-dessous s’étendait un océan. Tails pressa sur les commandes pour corriger la trajectoire, le puissant Tornado fit cracher ses réacteurs tandis qu’il cabrait, se réaligna sur l’objectif. L’habitacle était entrouvert, malgré le vent qui sifflait ils arrivaient à s’entendre, tenu sur l’aileron juste à ses côtés le hérisson encaissait l’accélération, lui faisait signe de continuer. Après un dernier regard à l’étendue d’eau infinie il avait retrouvé son assurance :

« T’as raison, avec ta vitesse couplée à la mienne, c’est forcé que ça passe ! »

Le chasseur filait sous les nuées, au-devant comme la distance s’effondrait l’installation d’Eggman gagnait en taille, masse de métal en étoile à la surface et comme tranchante, recouverte de dômes en verre, ovoïdes. Le complexe couvrait presque la taille d’une île, comme pour les icebergs, la partie immergée était plus grande encore. Tout autour l’eau bouillonnait comme aspirée et rejetée, s’enfonçait sur des dizaines de mètres, éclatait et crevait en remous enragés, les embruns allaient voler contre les coupoles bombées. Ils filèrent au-dessus, à haute altitude, puis tournèrent en vaste cercle pour revenir dessus.

En même temps le chasseur perdit en altitude, quand son nez pointa à nouveau sur l’objectif il rasait les flots, alors leur vitesse devint apparente, la surface s’enfonça devant eux profondément tandis que sur les côtés l’eau crevait en murailles aussitôt fracassées à leur passage, derrière la traîne s’achevait en gigantesques gerbes. Les moteurs hurlaient, les bouches d’air dégoulinaient d’humidité. À la seconde secousse Sonic releva la tête, Tails toujours rivé sur la tête haute lui fit signe de la main, trois secondes, un doigt s’abaissa, la masse noire du complexe surgit devant eux comme avalée un instant par l’océan, une vaste langue noire qui grandissait, une seconde.

Alors le hérisson roula sur lui-même, les piques sifflèrent sur le métal de l’aileron, Tails écarta la tête de son viseur une seconde pour voir le crépitement d’étincelles. Un instant la vitesse menaça de l’emporter, l’adhérence manqua, puis dans une détonation assourdissante Sonic fila droit devant. Au même instant le renard tira sur le manche de toutes ses forces, l’appareil sembla toucher les flots, la tête pointant vers le haut il ne se releva que péniblement. Sonic touchait les flots, à l’instant du contact un souffle plus puissant encore balaya l’eau, le hérisson ne fut plus qu’un trait de lumière d’un instant, sur l’espace qui le séparait de l’installation.

Il fut intercepté à mi-chemin.

Soudain le bouclier apparut, toute la base en fut illuminée, des milliers de facettes au-dessus des dômes de verre, et au-devant, qui empêchaient tout passage. Le Tornado en frôla la surface, au-dessous la sphère bleue furieuse détonait contre le champ d’énergie, à presque un kilomètre par seconde le choc se concentrait en ce point minuscule, une chance infime de passer, le bouclier céda. Brutalement l’ensemble du bouclier se désagrégea, à l’instant même où le chasseur aurait dû s’y écraser les facettes disparurent et l’appareil, piquant vers le ciel, fila indemne. Comme le temps retrouvait son cours Tails tourna pour voir ce qui se passait : après avoir traversé le bouclier Sonic s’était retrouvé parmi les remous, il y avait disparu.

Le temps s’était accéléré à l’extrême, il tournait au ralenti, alors même que les sirènes montaient de l’installation, les projecteurs fouillant le ciel en plein jour, aucune défense ne s’activait, aucun hostile ne gagnait les airs, le chasseur du renard tournait librement au-dessus de la dernière position où le hérisson avait été emporté par les flots. Les secondes s’écoulaient, ils savaient le voir revenir à la surface, ils attendaient.

Enfin aux premières sirènes s’en substituèrent de nouvelles plus rythmées, affolées, et l’armement s’activa. Depuis les dômes les plus élevés surgirent des robots par dizaines, tandis que les lanceurs s’ouvraient sur tous les flancs, et les tourelles coloraient la surface du complexe de toutes les tailles de leurs canons. Malgré cela Tails attendait encore, crispé aux commandes, jusqu’à ce qu’une colonne d’eau surgisse d’entre les remous, un éclair bleu s’abattit sur les robots, ils entendirent sa voix à la radio, enjouée. De nouvelles gerbes éclatèrent derrière lui, des explosions, tandis que Sonic s’enfonçait entre les dômes de verre. Le renard tourna la tête pour avertir son passager :

« Tiens-toi bien ! »

L’étudiant s’était capitonné dans le siège, les yeux fermés, l’impression d’être fini, il se cramponnait aux sangles. Des déflagrations se mirent à fleurir autour d’eux, le renard manoeuvra pour les esquiver. Le Tornado était rapide, mais peu maniable, il pouvait le sentir peiner à chaque tournant, contrairement au biplan, ils avaient privilégié la vitesse à la précision, seule la vitesse les préservait désormais des shrapnels. Ce même feu des canons gênait les robots lancés contre eux, il ne s’en souciait pas, il suppliait pour que les secousses cessent, sans plus la moindre notion d’espace ni de temps, l’impression que le monde se désagrégeait autour de lui, son coeur battait trop fort.

« Arrête de chialer Mist, la cavalerie est là. »

Cette voix avait crépité à la radio, Bufo releva la tête, c’était le ton colérique de Ninja. Aux tirs de missiles de l’installation répliquèrent les missiles de l’Unité, salve après salve en partie intercepté par les batteries de lasers les projectiles matraquèrent la surface, démolissant les dômes, ébranlant l’acier, les lanceurs enflammés crachaient une fumée noire. Le renard séparé de lui par son siège avait voulu lui dire quelque chose, il n’entendit pas, s’agrippa encore lorsque le chasseur plongea pour la seconde fois. Leur vitesse était plus faible, les tirs les encadrèrent, il vit les balles traçantes illuminer l’habitacle. Puis le canon du Tornado gronda, un ronflement lourd, ils réduisaient encore leur vitesse.

Enfoncé dans son siège l’étudiant ne vit rien de ce qui se passait, à peine de fragments fauchés en plein élan entre ses paupières, comme les tempes lui battaient, la radio crépitait d’appels, surtout la voix du hérisson. Tout se calma, il retira les bras de sa tête, se dégagea pour voir un ciel encombré d’éclats, l’artillerie tirait toujours, il fut surpris de s’y être accoutumé. Dans cette pause instaurée le jeune renard aux commandes tenta de lui expliquer qu’ils cherchaient une nouvelle entrée, il ne comprenait pas, il ne se rappelait pas même du plan.

La tension monta, le renard se voulut rassurant, il esquiva encore un missile avant de tourner longuement sur l’objectif afin que l’étudiant voie par lui-même, la porte d’accès principale n’avait pas pu être seulement édentée, il entrevit le héros planétaire dans la tranchée, entre les dômes, rebondir de robot à robot dans la mêlée. Puis de faire remarquer que les docks étaient ouverts, le renard répliqua affolé, trop loin de son ami comme des champs chaotiques, l’étudiant faillit éclater que c’était censé être Sonic. À la radio ce dernier leur lança de s’y retrouver, ils regardaient à nouveau sur le côté tandis que le chasseur regagnait de l’altitude, entre les éclats et les lasers une tornade bleue se faufilait.

À son tour le pilote se décida, prévint une fois encore de se tenir, l’étudiant chercha vainement à garder les yeux ouverts. Tous volets déployés l’appareil sembla se paralyser en plein ciel, sa vitesse anéantie il plongea, déjà les réacteurs les arrachaient à leur inertie. Devant eux les dômes éclataient, une pluie de verre s’abattait de tous côtés, ils passèrent, pour quelques instants la grêle de tirs sembla se calmer. Dès qu’ils se furent dégagés remontant parmi les structures d’acier désormais nues, les tours s’élevaient désordonnées, les ponts, les rampes concaténées, les docks s’ouvrirent si proches qu’ils affolèrent le passager. Bufo se plia en prévision du choc, sans voir les nouvelles menaces qui se présentaient, le ronflement lourd du canon l’ébranla.

Quand il rouvrit les yeux ils n’étaient pas dans les docks, le chasseur filait le long de la paroi inclinée, au-devant d’eux la traîne d’un bleu furieux semblait les distancer, les ennemis éclataient autour, frappés par l’armement du renard. Quand il rouvrit les yeux à nouveau ils s’étaient détachés de la paroi, il se renferma encore sentant le monde lui échapper, puis un choc brutal le calma. Au fond des docks les portes blindées gisaient défoncées, avec elles emportés se ramassaient les machines du savant démolies. Le hérisson leur faisait signe, au milieu de la destruction, il s’impatientait.

Le jeune renard s’était tourné vers lui, par-dessus le siège, son museau dépassait. « Tu te sens prêt ? » Il ne comprenait pas la question, il pouvait rester à bord, les attendre, il serait en sécurité. Plus qu’en bas. L’étudiant défit les sangles.

« Hé ! »

Ils rejoignaient le hérisson, Tails de récapituler le plan, en même temps il tentait de les situer dans l’installation. Tout ce que l’étudiant aurait à faire serait de suivre le renard, une fois sur place il lui dirait quoi faire. Ils l’écoutaient à peine, lui se plaignait de la chaleur, crâneur, lui le regardait, distant, une forme de ressentiment dans ses yeux de braise. L’étudiant hochait la tête, juste avant de ses séparer :

« Elle s’appelait comment ? »

Cette question tombait de nulle part, le hérisson semblait ne plus se soucier de leur situation, lui rappela comment ils s’étaient croisés en Holoska. Ce jour-là l’étudiant n’était pas seul, pourquoi il posait la question, il ne se demandait pas pourquoi, la question lui venait, il la posait, il n’obtint pas de réponse.

« Comme tu veux ! »

Puis le hérisson partit par le couloir ouvert, tandis que le renard l’attendait à la trappe tenue à deux mains, il regarda le puits s’enfoncer en abyme. Son compagnon testa son appareil sur ce vide, aux échos estima la distance qu’ils auraient à descendre, puis demanda si l’étudiant allait bien. Il semblait absent. Le vacarme des alarmes et des combats leur parvint étouffé, ils pouvaient deviner jusqu’aux crissements aigus des semelles à chaque tournant, le crapaud fit signe de se lancer. Il s’engageait à sa suite les gants serrés aux échelons, un regard encore au Tornado posé sur fond de ciel dégagé, où les rumeurs de tirs se réduisaient à rien, l’idée de cette échappatoire le galvanisa.

Bientôt la descente s’accéléra, ils se laissaient glisser dans le puits sans lumière, seulement la lueur vacillante au bras de l’enfant. Celui-ci ne cessait pas de lui parler, peu de choses, sur ce qu’ils avaient fait et ce qui pouvait les attendre, l’impatience d’atteindre la source des champs chaotiques. Un grincement les interrompit, alors qu’ils filaient le puits se trouva défoncé en-dessous d’eux, la paroi se fissura, laissa échapper de la lumière artificielle, de nouveaux coups donnés rendirent le passage impraticable. Un modèle de robot, le jeune renard lui expliquait, lui donnait des instructions, les coups remontaient vers eux, il se sentit s’affoler.

Une déflagration les étourdit, il comprit seulement après ce que le renard avait fait, la paroi s’ouvrait béante sur une pièce vide où les corps des robots projetés au sol fumaient, qui avaient presque l’apparence d’être plus que des machines. Son compagnon le pressait, après la porte un couloir s’ouvrait dont les portes se fermèrent les unes après les autres, ils passèrent dans la pièce d’en face à temps pour ne pas être enfermés, face aux champs de lasers l’étudiant de demander ce qui se passait, où ils étaient, il lui fallait attendre, le renard vola à travers tous ces rais cramoisis, disparut de l’autre côté, il attendit que les rayons s’éteignent pour aller le rejoindre.

Au fond de la salle se trouvait une console aux vieux écrans cathodiques, par dizaines, qui formaient une seule image. Tails se tourna vers lui triomphant, il avait localisé un ascenseur de maintenance qui les conduirait directement aux générateurs. « La source chaotique est forcément là-bas ! » Il ne chercha pas à discuter, une voix désaccordée de machine se mit à scander l’intrusion, d’annoncer les secteurs menacés, une sorte d’émotion de stress mal jouée suivait chaque déclaration, la voix suivait la progression du hérisson. Les écrans changèrent pour en montrer quelques angles, dans les couloirs cette fusée vivante qui esquivait sans peine tous les obstacles sur son chemin.

Il devina devoir courir encore.

Cependant le renard resta sur la console, préoccupé désormais à faire passer tous les schémas, malgré le temps qui les pressait l’étudiant de s’inquiéter, il lui fit signe de patienter, les plans techniques défilaient désormais sur les multiples écrans, un bruit sec à chaque changement, par fragments, qui faisaient s’exclamer l’enfant. Il ne chercha pas à s’expliquer, les machines forçaient le passage pour atteindre cette pièce, il apposa une nouvelle mine sur le mur, tous deux s’écartèrent, quelques instants après à travers la poussière un passage s’ouvrait pour s’enfuir. Dans leur course il tenta tout de même de dire à l’étudiant ce qu’il avait appris, la taille de l’installation et sa fonction.

De nouveau il leur fallut bifurquer, un bref appel du hérisson leur demanda où ils en étaient, il aurait un contretemps, sa voix était indistincte dans le fond sonore tonitruant, un grésillement toujours plus fort les brouilla jusqu’à les empêcher de s’entendre. Seulement alors l’étudiant remarqua la crainte sur le visage de cet équipier, par-delà son assurance, les mêmes sentiments qui le tenaillaient. Il arrivait à bout de souffle, à bout de force, incapable de courir ni n’osant s’arrêter, quand enfin la cage d’ascenseur se présenta il se jeta dans la cabine sans plus y songer, s’affala tout à fait.

« Dis... » Il avait cette question un peu bête qui finissait toujours par se poser, quand les événements s’enchaînaient aussi vite, à l’intérieur de ces couloirs tordus et de ces pièges, ce qu’ils faisaient là, avant de se rappeler l’idiotie de s’être porté volontaire, et de pester. Ses jambes tremblaient encore, le renard lui conseilla de les masser, il serra les dents à l’effort. Ce n’était pas tout à fait sa question. Il avait voulu demander, ce qu’ils faisaient là, si personne d’autre ne pouvait l’accomplir. Ce n’était pas encore ça tout à fait, il se tut devant le spectacle qui s’offrait alors que la cage d’ascenseur s’ouvrait sur les pylônes.

Les panneaux de la cabine ouverts à la place du mur laissèrent voir l’immensité des machines, les pistons et les bielles gigantesques frapper à grand rythme, les secousses leur battre le coeur, ils pouvaient voir les flammes cracher au-dessus des turbines, les milliers de tuyaux fulminer aux produits chimiques, une machinerie aux pièces démesurées. Ce n’était pas encore la salle des générateurs, seulement une motrice secondaire, des dizaines d’autres ascenseurs le long de la paroi descendaient avec eux, à écarts réguliers, il reporta son regard sur les arcs électriques des tours, sur les roulements et les rouages déchaînés, sentit une odeur d’huile minérale le brûler, la chaleur était écrasante.

Ils n’y songeaient plus, la machine de Tails aggrava son signal, les champs chaotiques étaient tout proches. Beaucoup plus proches que le renard ne pensait, il pouvait voir, entre ces machines, sur ces machines, émanant d’elles les courants torturés battre dans les cliquetis, la motrice transpirer de cette force chaotique.

Le mur revint, il soupira débarrassé de cette vue, reprit le massage de sa peau livide, près de lui le renard cherchait à contacter le héros mondial, sans succès. Les rails se mirent à siffler, légèrement puis toujours plus fort, le mur à nouveau disparut pour une salle plongée dans le noir, la cabine ralentissait à mesure qu’ils arrivaient au plancher, le dernier mètre se fit cran par cran. Ils s’avancèrent, au premier pas dans la pièce celle-ci s’éclaira, un vaste espace circulaire au plafond en voûte, couvert de circuits imprimés, au fond duquel se trouvait un large cylindre de plomb.

Celui-ci s’ouvrit comme ils s’approchaient, à l’intérieur se trouvait une sphère sombre, au coeur d’un bleu glacial, qui irradiait. Chaque pas grinçait sous leurs semelles, ils pouvaient entendre l’absence de son de ce côté de la pièce où la sphère faisait sentir sa présence, une masse colossale perceptible moins par les sens que par une intuition, qui perçait. « Tu as remarqué ? » Demanda le renard. Ils s’en trouvaient encore loin, plus de la moitié de la salle à traverser, ils pouvaient presque la sentir entre leurs mains, la chape de plomb inutile à en retenir l’irradiation. Au bruit seulement l’étudiant l’avait compris, il regardait autour de lui pour le découvrir sur les murs également, approuva :

« Tout est rouillé. »
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Re : The chao's theory
« Répondre #52 le: Mai 09, 2011, 07:32:23 am »
  • Supa Rank G
  • Hors ligne Hors ligne
  • Sexe: Homme
  • Messages: 265
  • Je ne mords pas.
WWW
Quatre en deux.

****

Tout était rouillé, à ses pieds où leurs semelles avaient grincé, sur les murs et au plafond la rouille s’étendait par plaques dévorées, d’un ocre tirant au noir et la lumière elle-même s’étouffant sur ces parois brillait d’une lumière sans âge. Seul le cylindre de plomb avait survécu à cette dégradation, sans cause visible, le large tube se détachait nettement du reste de la salle dont le métal tombait en lambeaux. À présent il s’en rendait compte, à quel point l’air était chargé de limaille, de cette odeur âcre, il crut étouffer.

Sur le côté une porte s’ouvrit, les surprit, il n’y avait pas eu la moindre trace auparavant de ce cadre désormais vide, qui donnait sur une section de couloir intacte. Cela ne leur importait plus. Tails le premier avait reconnu le hérisson, peu après l’étudiant comprit aussi, seulement quand il se rendit compte du jeu des courants autour de lui. La frayeur les empêcha de réagir, puis il eut la surprise de voir le jeune renard se réjouir et l’appeler. Lui s’approchait à pas lents, faisant craquer la rouille, il ne répondait pas. Il ne se préoccupait que du renard avant de jeter un œil au cylindre où la sphère fulminait. Enfin il se plaça devant, les séparant de leur objectif, il n’eut besoin que de se placer là pour leur faire comprendre.

Pourtant il ajouta : « Barrez-vous. »

Ses piques noires aux champs irradiants se soulevaient, d’assez peu, difficile à remarquer, l’étudiant le nota tandis que son compagnon demandait pourquoi, qu’il les laisse passer, il vit que le hérisson changeait de pose, devina qu’il se préparait au combat, que tous les deux se tenaient prêts à s’affronter. Les paroles n’y faisaient rien, ils ne s’entendaient pas, rien que des mots, il surprit un signe de l’enfant, un petit mouvement de la main qui ne devait être vu que de lui, qui lui disait de retourner à l’ascenseur. La sueur coulait sur sa tempe, il la sentait, il sentait également ses jambes qui refusaient de lui répondre, tendues pour ne pas tomber, ses poings s’étaient serrés presque par réflexe.

Puis la cage d’ascenseur éclata, depuis la cabine souffla un paquet de poussière qui les fit tousser, un robot parut qui fit quelques pas avant de s’effondrer, cisaillé. Il lançait une réplique frappante à laquelle seul Tails réagit, son nom lancé le hérisson s’avança dans la pièce, une remarque sur les lieux en ruines. Aucun des deux ne semblaient se voir, lui de continuer en désignant la sphère, Bufo confirma, il s’agissait de leur objectif, alors de sourire prêt à la détruire, il s’élança. Son opposant le coupa en plein élan, l’empêcha de passer, ils se retrouvèrent front contre front.

« Dégage, la doublure, tu me fais de l’ombre ! »

« Pathétique. »

Un geste de la main et Sonic se retrouvait jeté en arrière, il le défiait de le faire, un geste de la main et Sonic se retrouvait jeté en arrière, se rattrapa sans peine à hauteur du jeune renard. Face à eux l’ancien agent de l’Unité demeurait impassible, même accusé de travailler pour le savant fou, il ne réagit pas. L’étudiant derrière eux tous regardait faire sans mot dire, assistait à cette scène répétée tant et tant de fois et qui, à présent qu’il y assistait, prenait des dimensions insensées. Soudain il écarquilla les yeux, tandis que le hérisson bleu se préparait à charger du même geste son opposant l’intima de se calmer, son désintérêt une fois épuisé il révélait toute la gravité de sa position, après avoir accusé le héros de foncer tête baissée sans réfléchir jamais :

« C’est un cœur chaotique. Assez d’énergie pour fracturer la planète. » Il ajouta : « Il y en a sept. » Rien de plus, déjà les deux héros voulaient le contredire, encore plus de raison de les détruire quand une voix les interrompit, derrière eux Bufo intervenait.

« Il a raison. »

Peu importait le nom, ils avaient sous les yeux une tentative d’isoler le chaos à l’état pur, sous sa forme la plus incontrôlable. Sa stabilité n’était qu’artificielle et précaire, la moindre manipulation pouvait la briser. Même s’il n’y avait qu’une explosion, elle serait équivalente à l’impact d’un météore. Le hérisson hocha la tête, après avoir nuancé demanda le moyen de s’en débarrasser. Il suffisait de désactiver progressivement le champ, en maintenant l’équilibre, mais deux cœurs de chaos presque pur ne pouvaient qu’interagir, formant alors leur propre équilibre.

« S’il n’y avait qu’un champ, j’aurais pu le faire. Deux champs, la meilleure des machines y parviendrait peut-être. Mais sept ? » Sa voix sembla s’éteindre à l’idée. « C’est impossible. »
« On ne va quand même pas rester sans rien faire ?! »

Cette exclamation venait du jeune renard, un besoin de croire et d’espérer toujours, comme si le seul fait de se révolter pouvait changer les faits. Il ne voyait pas les courants furieux dans la pièce, une véritable folie battre en tempête, des pulsions impossibles. Le hérisson noir ne montrait rien de son triomphe, seulement plus détendu à présent que la perspective du combat s’éloignait, de voir son rival incapable d’agir, il signifiait la réponse dans toute son attitude, sa décision prise, la meilleure chose à faire.

« Non. »

Puis : « Bien sûr que non. » Bufo s’était pris à sourire, sur son visage gonflé par le goitre le sourire prenait une forme sauvage, démesurée. « Je vais désactiver ces cœurs ! »

« Imbéciles ! »

Il ramenait déjà le bras devant lui prêt à frapper, dans la salle ses lances crépitantes apparaissaient comme des ombres à peine formées, une rafale l’empêcha d’agir. À son tour le héros planétaire était passé à l’action, tournant sur lui-même il avait un instant redirigé tous les courants en une violente tornade, les murs frappés avaient laissé éclater les plaques de rouille. Derrière le renard et l’étudiant s’étaient couverts, alors que le combat s’engageait ce dernier prit le bras de Tails, lui dit de le suivre à l’ascenseur. Il ne voulait pas abandonner son ami mais celui-ci, se tournant vers eux, les encouragea. « Eh, Bufo ! Tu m- » Pour le dire il avait ouvert sa défense, une violente attaque le frappait, l’ascenseur se déclenchait, remonta avec lenteur. Leur adversaire s’approchait pas à pas pour les arrêter, fut interrompu.

En une seconde la cabine avait accéléré, un mur leur coupait la vue puis ils reparurent aux motrices. Alors l’étudiant frappa du poing la commande, à sa surprise parvint à immobiliser la cage sur ses rails. Il cherchait, le plus vite possible, le point où les courants pouvaient se réunir, un point d’équilibre dans le chaos gigantesque de la pièce, le renard le pressait, un fourmillement d’acier s’agitait qui venait vers eux. Les rouages cliquetaient par bruits lourds, le ronflement des flammes jetait des éclairs, il le repéra enfin. Avant qu’il comprenne attrapé aux épaules son jeune compagnon le soulevait, il se sentit décoller, un élan de panique le faisait s’agiter puis il se calma.

Il trouva la seule chose à faire, la seule chose sensée, jusqu’à ce que le sol revienne sous ses pieds le crapaud ferma les yeux. Ses membres se tendaient, il entendait les bruits, sentait chaque mouvement, à nouveau l’action lui échappa ou presque. Les paupières closes les courants lui furent plus sensibles, plus denses, il pouvait en deviner l’extension et dans le bourdonnement des machines à leur poursuite leurs propres circonvolutions, assez pour deviner les efforts de son compagnon.

Devant eux un replat se présenta sur lequel ils se posaient, le temps pour l’un de souffler, pour l’autre de se reprendre, au-dessus d’eux tournaient des bielles en un affreux vacarme. Il constata un passage possible, s’il avait été suffisamment sportif, la hauteur le persuada d’abandonner. Jamais ses bras ni ses jambes ne lui avaient fait autant mal, son souffle ne voulait plus revenir, le renard le saisissait à nouveau. Ils passaient entre les bielles, le martèlement tout proche le faisait frissonner, une fois leur tonnerre passé une nouvelle fois ils s’arrêtaient et son protecteur, retombant à côté de lui après l’avoir déposé, laissa tomber une petite balle semblable à celles à jouer, qui émit un son strident. Les quelques secondes de répit données par le brouillage suffirent à lui rendre des forces, quand le son s’affaiblit il reprenait à nouveau l’étudiant, lui dit de se tenir pour ce dernier bond.

Sans savoir comment, ils atteignaient leur destination indemne.

Lui-même n’aurait pas su dire ce qu’étaient les panneaux d’acier rivés ni à quoi ils pouvaient servir au sein de l’immensité mécanique, seulement que les courants se concentraient là, il en était persuadé, s’il avait un espoir de réussir, c’était ici. Les rivets sautèrent, le renard reconnut un mécanisme dont le nom perdit totalement son compagnon, il s’approchait cependant et son souffle à peu près retrouvé, les mains tremblantes, demanda des outils pour travailler.
 
Dans sa tête tournait en boucle l’idée que c’était impossible.

Plusieurs bombes explosèrent successivement autour d’eux, les machines revenaient peu nombreuses, une poignée disséminée qui cherchait à les atteindre à ce point perdu de la motrice. Tails s’était tourné vers ces ennemis, se préparant il lui dit de continuer sa tâche, qu’il allait les retenir le temps qu’il faudrait. Ce qu’il y avait dans sa voix le saisit, dite par un enfant, un ton d’adulte. Il se retourna sur sa tâche, découvrit ses gants où les énergies flottaient, parfaitement calme, un équilibre au sein de tout ce qui arrivait, aussi fragile que ce qu’il allait essayer de manipuler.

Coup sur coup leurs corps se rencontraient, les piques taillaient en crachant des éclairs, la pièce dans la pénombre n’était plus éclairée que par les crépitements à chaque contact et l’air comme enflammé où leurs attaques trouvaient un regain de férocité. Un coup encore, les roues sifflantes se rencontraient, s’entrechoquèrent une seconde avant de se repousser, Sonic se reçut contre la paroi.

« Inutile. Tu es trop faible. »

Il se relevait. « C’est tout ce que tu trouves à dire ? »

« Tu n’es que l’ombre de toi-même. »

Au moment de répliquer le hérisson se tut, une inquiétude passa sur son visage, le rival se retournait. Dans le cylindre le cœur chaotique s’était amplifié, toujours silencieux, jetait des éclairs dans la pièce qui les aveuglaient, les installations tout autour se mettaient à crépiter à leur tour fendues par une pression invisible, alors il sembla que tout allait céder. Rien ne faillit cependant, la machinerie se maintint malgré les dégâts encaissés, dans le crépitement d’étincelles le champ maintenu continuait de pulser dans la pièce. Sonic l’interpellait, il se retourna, évita le coup de poing, pas le coup de pied, à son tour jeté contre le mur et frappé par l’attaque fulgurante le hérisson riposta aussitôt.

De nouveau le cœur chaotique changeait, le cylindre se rabattit dessus en urgence les plongeant dans le noir, ils arrivaient encore à y voir dans leurs déplacements où l’air brûlant jetait des éclats, myriades d’infimes étoiles, au nouveau choc le héros recula, sonné. Son rival s’arrêtait à cet instant, dans les dernières lueurs qui s’atténuaient leurs deux visages étaient à peine visibles.

« Ce n’est pas. Fini ! » Il tombait, se retint d’une main à terre. « Il va le faire ! Il va. Désactiver. Cette chose ! »

Shadow le jaugea, les ténèbres les couvraient. « Mph. Bouffon jusqu’au bout. Les Émeraudes elles-mêmes n’ont pas suffi à contrôler cette puissance. Ton héros va juste nous tuer. »

« Son. Nom. Est. Mist ! »

Le cylindre siffla, un sifflement bas et long, écrasant, il se fissura et aux fissures la lumière revint dans la pièce, le cylindre moisi et pourrissant se décomposa sous leurs yeux. Le cœur chaotique s’était réduit à presque rien, une flammerole informe au sein du vide qui continuait d’absorber tous les sons, les machineries autour s’arrachaient peu à peu attirées à elle à mesure qu’elle se réduisait. « Impossible… » À ses côtés Sonic se relevait, le hérisson victorieux assistait à la fin de l’installation. Une nouvelle alarme se mit à sonner depuis les tréfonds de la base, qui passa toutes les parois, ils l’entendirent, elle montait jusqu’à la surface, elle parvenait à couvrir le bruit de la motrice.

Brièvement l’étudiant y avait cru, quand les courants avaient faibli et qu’entre ses gants, sur le petit écran de la console et aux senseurs le flux s’était réduit à de simples lignes qu’il restait à égaliser. Le renard l’interpellait, une troisième fois, le nombre de robots augmenté le combat faisait rage à quelques mètres, il en avait presque fini, toutes ses conclusions dans un coin de son esprit plus rien ne lui restait à faire que de réduire les lignes à une seule. Si simple. Une décharge brutale le repoussa, le système changeait, autour d’eux montait l’alarme et les motrices dans toute l’installation de s’activer véritablement.

Tails essayait de lui dire quelque chose, il voyait le renard au pelage d’or s’agiter, le tirer par le bras. Il n’arrivait plus à l’entendre, assourdi par tant de vacarme. Ils fuyaient.

Les batteries s’étaient tues à l’extérieur sur le secteur des docks la porte blindée venait d’éclater, une dernière salve de missiles s’abattait tandis que se faisait entendre l’alarme. La radio crépitait des séries d’ordres et d’annonces de plus en plus enragées, elle tira son casque agacée, jeta un œil autour d’elle. Son marcheur se tenait sur la corniche, le mécha’ en équilibre faisait face à son objectif, le Tornado abandonné sur place, encore quelques secondes avant le contact. Ils étaient dans les temps. Elle serra son pendentif avant de remettre le casque, quelques secondes, presque rien.

De tous les côtés l’eau bouillonnante se creusait, les parties submergées de l’installation apparaissaient à l’air libre, les gigantesques bouches d’air aspiraient l’air et les embruns. Aux vibrations les dômes de verre éclataient, à mesure que l’installation se soulevait les flammes des réacteurs passaient du bleu au rouge, du rouge jaunissaient, les réacteurs dépassaient en taille plusieurs immeubles. Elle regarda encore le complexe se fragmenter, de multiples sections se briser sous les secousses, un bras entier de l’étoile retomba dans les flots pour y disparaître en quelques instants. Sa propre stabilité était compromise, elle fit replier les pieds pour le maigre temps de vol de son modèle, sans les réacteurs d’appoint la militaire se prépara à piquer du nez.

Ils choisirent cet instant pour apparaître dans le hangar, tous de bondir pour rejoindre le chasseur posé qui, sans avancer, se mit à tourner en direction de la porte ouverte, par le trou que les missiles avaient dégagé. Le hangar se fendit en deux, une fêlure créée par les chocs et qui brisait les autres hangars, le Tornado surgissait au dernier instant, frôla les tours adjacentes pour plonger auprès du véhicule militaire. Elle fit signe au pilote, vérifia que l’étudiant se trouvait également à bord avant de virer.

Après quelques temps ils dépassaient le complexe, au-dessous d’eux le vide se creusait sur plusieurs centaines de mètres, l’eau revenait seulement à grands fracas, l’hélicoptère arrivait à temps récupérer le mécha’ avant qu’il ne plonge à nouveau. Bufo couché contre son siège tentait en vain de réaliser ce qui venait de se produire, sans savoir à la joie qui régnait dans l’appareil s’ils avaient réussi ou échoué, le chasseur engagea un tournant pour mieux voir évoluer l’installation du savant fou.

Elle tombait en pièces, à mesure qu’elle s’élevait ses réacteurs frappés par les missiles fumaient, les sections tombaient les unes après les autres désagrégées, s’écrasaient dans les flots pour y disparaître englouties le temps seulement pour les vagues de retomber, un second bras de l’étoile d’acier creva sous son poids. Il regarda à sa gauche, le hérisson couché les bras croisés derrière la tête admirait le spectacle, sur l’autre aile à sa droite le hérisson debout n’en démordait pas. Il se renfonça un peu plus, aux commandes le renard lui demanda ce qui n’allait pas, si c’était de voir leur ennemi s’enfuir.

« Il ne s’enfuit pas. »

Les dernières sections tombèrent en même temps que plusieurs réacteurs, cette partie de la base brisé laissa une structure réduite qui, loin dans le ciel, sembla planer faute de propulsion. Une nouvelle étoile d’acier lourde au-dessus de l’océan, sur le point de retomber lorsque les jets de flammes apparurent se multipliant par dizaines, par centaines, éclairant tous les côtés à mesure qu’elle s’élevait, la structure se mit à frotter aux limites de l’atmosphère. Ils la virent s’élever toujours plus vite, dans sa courbe, s’enflammer à la frontière de l’orbite planétaire. Le hérisson l’avait planifié, depuis le début, une fois dans l’espace les cœurs chaotiques seraient pratiquement inaccessibles, mais aussi plus une menace.

___________________________________________________________________________________________

Journal :
Quatre pages en trois heures, beaucoup, beaucoup d’improvisation. Toute l’entraide entre l’Unité et les Freedom a été repoussée à une éventuelle fuite. L’impression de lourdeur du chasseur, l’impression du combat en général, très mauvais. À peu près toutes les scènes prévues ont été mal faites.
La narration aurait dû être traditionnelle d’un bout à l’autre, j’ai adopté un mix avec la vision de Bufo. Pas convaincant. Bufo m’a aussi servi à ellipser des passages du combat.
Au fond ce texte n’est intéressant qu’à deux moments : quand Sonic demande comment s’appelle Luck, et quand ils découvrent la rouille. Autrement c’est un texte lambda insérable dans n’importe quel récit.
Quatre pages en… deux heures ? Le combat Sonic-Shadow était trop facile à motiver et les dialogues à faire. De la pure fanfic’, sans défi, qui m’a évité de décrire Bufo au travail. À la première réplique de Sonic il est censé retenir une « expression de douleur ». Supprimé.
Ninja à la fin rappelle que le G.U.N. devait être là, c’est important. Sonic ne pourra pas poser une seconde fois sa question, interrompu et à la fin faute de place, du reste ça n’a plus sa place. Enfin je n’ai pas nommé le Star Egg et il est probable que je ne le fasse plus.
Il faut peut-être indiquer à quel point ce chapitre n’a plus rien à avoir avec le projet de départ, où Knuckles et Tails allaient dans la jungle du sud retrouver un lieu chaotique où le « vrai » Sonic était enfermé, pendant que le « faux » Sonic se battait contre Shadow à l’Egg Star (et, à sa disparition, l’Egg Star décollait). Oui mais, voilà, Shadow me sert de faux « faux » Sonic, je n’ai donc plus à me compliquer la vie.
Ca ou j’ai simplement fait du freestyle.
« Dernière édition: Juin 07, 2011, 10:09:52 am par Feurnard »
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Re : The chao's theory
« Répondre #53 le: Mai 15, 2011, 02:46:57 pm »
  • Supa Rank G
  • Hors ligne Hors ligne
  • Sexe: Homme
  • Messages: 265
  • Je ne mords pas.
WWW
J'aime beaucoup Chao's Theory - sinon je ne l'écrirais pas - mais ça ne remplace pas une bonne vraie fanfic'.

The Chao's
Theory

Épisode 20 :

Elle revenait au salon devant le téléviseur au volume si bas qu’il en était inaudible guigner la commentatrice sur arrière-fond de bleu mat, la petite poussa un autre cri vif puis de retourner dans le couloir, puis à l’ordinateur sur la table puis au couloir et à la cuisine courir d’un bout à l’autre d’excitation, de répéter que ça allait commencer, presque une heure que l’événement était annoncé, un nouveau combat du héros planétaire. À nouveau devant son ordinateur un œil à l’écran où la commentatrice s’impatientait plus qu’elle les forums fourmillaient de messages, d’hypothèses, elle s’était à nouveau élancée dans le couloir pour y crier la dernière trajectoire possible du chasseur, au centième de degré près.

Toujours l’information revenait au même point la photographie prise de l’appareil au décollage une fois la piste déployée, avec ses deux rangées de palmiers le hangar s’était ouvert, ils avaient attendu le biplan, le reporteur sur place avait fauché au passage la traînée des réacteurs. La loutre alla tambouriner à la porte de Pearl, lui répéta que ça allait commencer, une heure qu’elle allait et venait sans pouvoir y tenir, tandis que les questions déferlaient si elle savait quoi que ce soit, tous parlaient d’une opération majeure, elle jouait avec le mot en revenant jeter un œil au téléviseur.

« Tu vas tout manquer si tu te dépêches pas ! »

Prise par son élan elle guignait par le couloir puis rejetée derrière l’ordinateur pour pianoter un commentaire et de pousser un autre cri, la loutre appela Pearl toute excitée puis de jouer avec les câbles pour faire venir l’information plus vite.

L’écolière lui répondit d’une voix distraite, couchée les jambes balançant derrière elle à lire sa lettre, trois pages pliées en quatre dont elle repassait les mots la mine rêveuse. L’un ou l’autre était répété à voix basse, un bout de phrase qui la touchait particulièrement, la petite se tourna et sur le dos le papier plus proche d’elle les mots lui semblèrent prendre une lueur plus forte, la lumière de la fenêtre. Une autre phrase la fit rire, un petit rire avant de répondre à un nouvel appel de Juicy, la souris promettait de venir dans un minute. Un moment elle avait craint que l’encre lui tache les doigts, elle reposa les pages sur sa poitrine.

Un florilège de songes suivait fait de tout ce que les lettres avaient pu lui évoquer, pour l’unique fois où quelqu’un lui écrivait elle l’avait reconnu avant même qu’il n’aborde leurs deux rencontres. Les rumeurs autour d’elle lui semblaient lointaines, un élan la poussa à quitter sa chambre. Juicy la vit qui passait, elle se réjouissait déjà, elle lui disait qu’elles allaient voir Bufo peut-être, c’était impossible, elle y croyait quand même, son amie n’avait pas dit un mot encore, au lieu de cela se dirigea vers la porte.

« Où tu vas ? »

« Dehors. » Elle lui sourit : « On se revoit plus tard. »

Tout à ses pensées elle refermait la porte derrière elle, en trois pas se faufilait jusqu’au pas opposé où par le battant entrouvert Flak surgit, la créature de tournoyer autour d’elle, ils s’élançaient dans les escaliers.

BOM.

Depuis le plancher le monde avait un air différent, plus plat et impressionnant, et plus restreint. Elle se dit que la poussière et la saleté commençaient à s’étendre et ce seraient des armées qui se batailleraient et elle ne savait plus vraiment, cela ressemblait surtout au plancher du couloir. La loutre soupira, son menton la picotait un peu, c’était tout.

Autour d’elle les sons revenaient plus forts, les rumeurs de la ville au pas des passants, quelques feulements des voisins, elle parvint à entendre le vol d’oiseaux à cause de l’humidité qui les obligeait à battre des ailes plus vivement, les gouttes d’eau, aussi, contre les vitres qui finissaient par se détacher, allaient tapoter le rebord. L’autre son plus fort venait de la télévision, la mise en tension tout d’abord qui la perçait, ensuite les quelques bruits de fond, imperfections de microphones qui lui parvenaient, enfin la voix de la commentatrice presque muette tant le volume avait été mis bas. Un autre bruit plus fort encore la couvrait, depuis le placard de Coal les effets sonores de sa console.

Son dos se détendait au sol, elle songea à rester là encore quelques minutes le temps de faire naître des fourmis dans tous ses membres, puis de s’amuser à les calmer en sautillant, cette pensée à nouveau lui échappait vers les embrasures où se moutonnait un peu de passé. Même l’envie de jouer avec la scorie la plus proche ne lui suffisait pas à bouger le bras, l’écolière ne regardait que sa vue se troubler à force de fixer le même point au hasard devant elle, un espace où elle supposait deviner la marque d’une semelle. Entre ses lèvres elle murmura une sorte de grognement sans forme, elle maugréait, alla à quatre pattes et lentement se traîner jusqu’au salon, jusque derrière l’écran à la télécommande.

« une affirmation que le Gardien n’a toujours pas confirmé. Professeur Pickle, vous êtes notre expert de Spagonia, pouvez-vous nous expliquer pourquoi Knuckles est absent ? »

Un instant l’oreille tremblota puis tendue au son plus fort l’attira sur le côté, elle se laissa glisser jusqu’à tomber sur le canapé la tête aussitôt relevée, depuis sa chambre Coal avait augmenté le son de sa console, d’un cran, juste assez pour couvrir le bruit de la télévision. Le doigt de la loutre négligemment courut sur sa télécommande, appuya sur le volume, une fois, deux fois, elle attendit à l’affût de la réaction incertaine encore tandis que les intervenants parlaient à l’écran sur des images toutes nouvelles, à travers le couloir elle ne pouvait pas voir le placard du colocataire, entendit seulement les bruits d’explosions lui parvenir, plus forts d’un cran, et de faire la moue.

Tout de suite elle se redressa, Juicy appuyait à deux doigts sur la touche avant de guigner furieusement en signe de défi, depuis le corridor aucun mouvement, elle revint à l’écran sur les vidéos de flots défilants, une mine d’attention et sur son ordinateur empli de messages. Les bruits de console lui parvinrent, encore une fois, amplifiés. Elle se pencha en avant pour augmenter le son, aussitôt de l’appartement lui parvinrent les effets du jeu criants, elle appuya frénétiquement jusqu’au maximum sans pouvoir lutter face aux basses sourdes du plate-forme poussé également à bout, alors l’écolière se mit à chanter à tue-tête n’importe quelle note par-dessus le vacarme en se balançant de côté.

Il suspendit le mouvement des doigts sur sa manette, le scorpion jeta un œil par-dessus son épaule à la porte derrière laquelle la petite faisait exprès d’aligner les notes désaccordées. La migraine lui venait, il attrapa le second pad dont le câble enroulé seul signalait la présence sous le pli du matelas, puis il se leva, las, leva le bras jusqu’à la poignée. Derrière lui le petit écran de télé grésillait plus qu’il ne donnait de sons, il sortit. L’envie de jeter sa manette à la tête de Juicy. Rien de méchant. Elle allait l’éviter de toute façon. Même s’il touchait, elle ne sentirait rien. À défaut il lui lancerait aussi la console, qu’elle ait de quoi s’occuper. Tout en ruminant ces pensées il traîna le pas jusqu’au salon.

« serait lié aux récentes apparitions de machines qui ont été, nous le rappelons, toutes été détruites par Sonic ! Il pourrait bien s’agir d’une énième création qui se cache dans cette base au milieu du quart océan… »

Face à lui la lumière du jour l’éblouit, le besoin de se frotter les yeux tout en cherchant à distinguer dans les rais flous de la pièce où la petite se cachait, tendue sur son canapé à le regarder se découper dans la bordure de la porte, il faisait sauter la manette dans sa main, façon de prévenir, le câble se déroulait de lui-même à chaque tressaut sur la paume. Sa nuque le tirait, l’envie de s’en retourner déjà, elle avait cessé de chanter, une raison en moins, pourtant il sentait le besoin de lancer quand même sa manette, surtout quand elle se jeta sur lui d’un bond, l’ordinateur sur la table fut renversé. La loutre en un saut avait traversé le salon, en un réflexe il aurait pu la balayer, il la laissa s’agripper à lui.

Il y voit enfin, du moins assez entre ses paupières pour reconnaître le salon plus rangé que d’habitude, tandis que le sol se jonchait des revues, de linges et de papier les sièges avaient été débarrassés, seule la couverture de Juicy encombrait encore le canapé, à moitié repliée, encore pleine des marques de la nuit. Il laissa retomber son regard sur elle, attendit qu’elle daigne lui adresser la parole, une de ses mimiques, une voix aiguë à laquelle il aurait répondu plus ou moins brusquement, elle restait attachée à lui sans rien dire.

« Mmh. »

« La question qu’en cet instant nous nous posons tous : comment Sonic franchira-t-il le bouclier ?! D’après nos sources seule une vitesse suffisante… »

Beaucoup regardaient les grands écrans où dans une sorte de silence défilaient les informations, chacun d’appuyer la main à ses écouteurs pour suivre ce flot de la commentatrice sur fond d’océan. Elle ne s’en préoccupait pas, elle-même, tira son portable de la poche pour lancer un message à l’appartement, Juicy forcément allait suivre les faits, elle lui ferait un résumé ce soir. Son appareil sec encore l’instant d’avant, à peine sorti s’était perlé d’humidité, l’écran se troubla sous la fine pellicule. Elle y vit son propre visage au sourire triste que, malgré ses efforts, la gazelle n’arrivait pas à changer. Le bus ne venait toujours pas, la faute à ces rues bondées de gens, dos contre le poteau aux côtés de l’abri ses cornes touchèrent tour à tour le métal en un petit bruit clair.

Rien dans le ciel ne l’attirait, ces arcs à force d’années avaient perdu de leur splendeur, elle se rendait à peine compte jour après jour de leur présence, quand ils parvenaient à attirer son attention pour le temps que cela durait Rye ramena les bras sur elle, les serrant, elle croyait apercevoir les gouttes de bruine couler sur son museau, sur ses membres et le long de ses traits se perdre parmi le pelage, laissant des traines sombres qui la peignaient de haut en bas. L’eau collait ses vêtements au poil, elle poussa un soupir en se détachant du poteau, l’impression que le bus approchait, l’avenue des trois côtés était emplie de monde. Au seul écran qu’elle pouvait voir, de trop loin, les images ne changeaient jamais.

Un cri la secoua, de chercher autour d’elle sans trouver encore, sa première réaction fut de l’avoir imaginé, elle retomba dans son attente à se laisser bercer au poids de la foule, brutalement le cri la fit sursauter juste à côté d’elle la hase surgit :

« Hihya ! » Et de se coller à elle joue contre joue plus amicale que naturelle, Rye parvint à se détacher rapidement. Tout de suite l’intruse de lui demander pourquoi elle n’était pas venue la voir, la hase lui avait fait signe pourtant depuis son lieu de travail, elle pointa la fenêtre où elle s’était trouvée, l’une des deux cents fenêtres du magasin.

« Ah oui, cette fenêtre. » Rye ajouta : « Je devais être distraite. »

Comme la discussion allait la gazelle se sentit entraînée, se rendit compte qu’elle lui avait pris le poignet et la tirait à travers la vieille route fendant la foule ensuite à l’entrée principale l’emportait encore, toujours sa voix allait la hase parlait pour deux, de tout ce qu’elles ne s’étaient pas dits depuis leur dernière rencontre, ce qu’elle survolait au hasard attisait la curiosité de Rye. Seulement quand elles furent devant la grande surface près des caisses alignées l’étudiante se dégagea, allégua ses devoirs à l’université, elle répliquait comme par pointe du ton le plus incisif que plus personne n’y croyait.

Ensuite elle le poussa causant toujours après les caisses par les allées jusqu’aux portes du personnel, les autres employés les saluaient au passage, elle l’avait vue s’ennuyer à son arrêt de bus alors l’idée lui était venue de lui montrer un lieu plus attrayant, aux portes qui s’ouvraient le pelage de seigle frissonna. La chambre froide était presque vide, à peine quelques pièces aux crochets à part quoi elles pouvaient voir les parois d’un blanc parfait se refléter à un sol pareil à la glace, la hase s’avançait sans crainte suivie, sans qu’elle n’ait plus à forcer, par la gazelle.

Puis elle se retourna d’une pièce pour lui poser la question, si son amie lui manquait, à la façon dont elle l’avait dit la question n’en était pas une, un simple constat partagé en cet instant dans la tanière où elles sentaient le froid les mordre. Derrière la porte se refermait, elles n’entendaient plus rien du monde extérieur, plus rien que leurs bruits de pas et leurs respirations fortes, leurs tremblements répercutés par les parois qui les obligeaient à atténuer chaque geste pour éviter d’avoir à en supporter l’écho.

« C’est pour ça que vous m’avez attirée ici ? »

« Pourquoi toujours tout expliquer ! »

Les dernières jours elle était venue, ensuite elle avait disparu, tout simplement. Le dernier jour cependant la hase lui avait rendu visite, entre deux services dans les allées elle avait trouvé le temps de passer par la chambre froide. À son histoire se mêlaient les souvenirs des autres fois, les coups de hachoir donnés dans la viande, les petits frissons de la chevelure. Elle inventait, aussi, la hase s’en moquait, voir son interlocutrice captivée lui suffisait. Ce dernier jour son amie n’était plus visible, elle avait dû entrer, chercher entre les viandes suspendues avant de la trouver. Pour mimer son récit, sans ajouter mot elle avait marché jusqu’à l’une des parois, au même lieu précisément s’accroupit, dos contre le mur, non sans réprimer un petit tressaillement. La gazelle debout face à elle, écouta la fin.

Elle n’avait rien dit, même si l’employée voulait lui attribuer beaucoup de phrases de son cru elle respectait au moins cette part dans son histoire, le soulignait, pas un mot. Son regard pour une fois avait été sincère, du moins à son avis, elle essaya de le décrire, de le mimer, n’y parvint pas, à la place ses mains se levaient en vain dessiner les mouvements supposés de l’esprit, tout ce qui avait pu être signifié entre elles. Elle lui avait demandé si ça allait, ce qui se passait, ce qu’elle pouvait faire pour elle. Son amie avait renfoncé le museau entre ses bras, plus sombre encore, cela avait suffi.

« Elle l’ai- »

« Où est-elle ? Où est-elle, à présent ? » Demandait Rye.

La hase secoua la tête, elle en voulait un peu à tous ceux qui la privaient de sa compagnie, à tout ce qui s’était passé, elle cherchait des coupables. L’appartement était tout choisi. Et même s’ils n’avaient rien fait, même s’ils n’y étaient pour rien la séparation la peinait déjà assez, au lieu d’en rien montrer celle-ci sourit, la peine la justifiait de s’en prendre à quelqu’un. Alors elle avait songé à enfermer Rye dans la chambre froide, c’était un des plans qu’elle s’était imaginée, seulement sans quelqu’un pour la gronder derrière elle n’y voyait plus d’intérêt. Alors elle avait juste voulu parler.

Au moment où elle sentit que son interlocutrice allait se lever son discours changea, passa de la tristesse à l’espoir. Elle laissa entendre que plus tard, sans doute, elle allait revenir, que d’autres personnes lui feraient oublier ces jours peut-être, enfin, c’était peut-être une bonne chose quand toute une vie avait pu se résumer à cette seule chambre froide. En attendant elles étaient toutes deux à soupirer pour des connaissances séparées d’eux et pas seulement par la distance, Rye se défendit, fit rire la hase. Bien sûr qu’elle parlait de lui, à demi-mot, pas la peine de le nommer pour la faire réagir. Elle secoua la tête, les rainures de ses cornes dans la pièce offraient un léger sifflement, elle ne pensait pas à lui.

La gazelle restait assise, le dos souffrant de la position comme du froid, elle étendait ses jambes couvertes en partie par le tissu, parla encore de leur amie commune pour remplir ces silences où ses pensées pouvaient résonner libre dans l’immense chambre. Parmi les crochets pouvait se répercuter l’activité de découpe et de transport, l’impression d’entendre frapper encore à grands coups, une présence familière. Son téléphone se mit à sonner, le bruit intrus la fit rougir, l’obligea à fouiller pour extirper le portable et de pianoter avant de réussir à le faire taire, sur l’écran un bref message de la loutre indiquant la progression des événements.

« tornado sr place. sonic sr ail av g. ca pu le spin dash. »

Cette dernière expression provoqua chez elle en même temps de l’hilarité et de la répulsion, choquée par un terme qu’elle trouvait trop grossier l’écolière pourtant riait doucement entre ses doigts, tandis que Flak la regardait elle montrait son portable, sur le petit écran le message de son amie avant de le ranger, la petite lui chuchota de continuer. L’ombre de la ruelle retombait sur eux, au-devant s’ouvraient les passages étroits dont le sol se couvrait de flaques, à petits pas sautillant entre eux elle se glissait plus discrète qu’un fantôme, furetait pour la moindre activité, la souris blanche cherchait la compagnie des êtres mystiques.
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Re : The chao's theory
« Répondre #54 le: Mai 22, 2011, 08:19:20 am »
  • Supa Rank G
  • Hors ligne Hors ligne
  • Sexe: Homme
  • Messages: 265
  • Je ne mords pas.
WWW
Après le chapitre 21 une nouvelle pause devrait arriver, et il ne restera que cinq chapitres. Mais surtout, avec le chapitre 21 et ce chapitre-ci, le grand événement - plus grand que le chapitre 13 - est enfin arrivé.
Vous ne le savez juste pas encore.

****

Par les ruelles la cité se détachait plus incertaine dédale de petites voies à l’ombre entre les grandes artères où les radios et les écrans vastes répétaient les nouvelles, à l’écart entre les murs d’immeubles et les haies un autre silence régnait que brisaient au hasard les enfants. L’humidité ruisselait sur la brique, pesait aux pointes des feuilles avant de goutter par terre sans bruit parmi les rus que le goudron ébréché formait. À chaque fois que l’espace se rouvrait devant les places ou les trottoirs, quand les passants venaient se montrer au bout elle trouvait en un instant une nouvelle direction qui la maintenait close ou bien traversait en un instant le découvert pour se replonger parmi les recoins.

Quand une de ses espadrilles touchait malgré tout les maigres gouilles par terre alors la petite dressait la tête, sans plus bouger, attendait que quelque chose se manifeste jusqu’à ce que son compagnon impatienté vienne piailler autour d’elle et la tire pour avancer, alors Pearl un peu déçue, entraînée par le souvenir de la lettre, continuait sa course. Elle ne disait rien, elle ne cessait de sourire de ces sourires qui ne finissent pas, sans plus être sûr de ce qu’il y avait à découvrir seulement le plaisir resté gravé de ces instants que sa recherche reconstituait, à chaque pas le sentiment la poussait un peu plus loin. Son téléphone sonnait encore, prise sur le fait elle se terra derrière l’un des conteneurs pour regarder l’écran :

« il e sorti de l’o » puis deux à trois secondes après : « il ave kc le shld (sd) »

L’absence de ponctuation la frappa comme une anomalie, de s’imaginer son amie taper les touches frénétiques l’idée lui échappa, elle était déjà repartie l’écran baladé à sa main, Pearl ne se préoccupait plus de cela, derrière elle Flak suivait. Alors comme elle enjambait l’eau stagnante son propre poil étouffé par l’air ambiant le souvenir lui revint du toit, elle fit une pause, soudain songeuse, rattrapée par tant d’instants passés. Sa promenade l’avait amenée derrière les jardins de maisons aux abords de pente, entre les thuyas et les arbres leurs grands jets, un chemin de gravier sillonnait entre les espaces verdoyants. Quelques instants avant la vitre et la pierre des bâtiments l’entourait, au-dessus d’elle le ciel s’ouvrait à présent, empli d’arcs-en-ciel, elle voyait découper au milieu le pont de rails dont le pilier marquait la fin des demeures, le béton reparaissait après.

Flak la tirait par le bras, de petits cris qui la tirèrent de sa rêverie, elle le vit enfin se faufiler à travers les feuillages et les branches, par une trouée dans l’une des propriétés. Elle l’appela, timidement, fit mine d’hésiter avant de s’enfoncer à son tour. Les feuillages jouaient sur elle, l’eau la faisait frémir, elle parvint à se glisser jusque de l’autre côté pour voir s’ouvrir la grande baie vitrée de la maison, déserte, la porte entrouverte, le lieu entièrement à elle. À la surface de la piscine son ami voletait, plongeait par petits coups pour ressurgir aussitôt, elle s’approcha amusée, en même temps gênée, lui demanda s’ils pouvaient partir. Elle se tut en voyant le second petit être surgir de la piscine et se mettre à voleter aux côtés du premier, puis un troisième près du plongeoir batifoler à l’ombre de la planche.

Déjà un autre sortait de derrière l’arbre et elle entendit, à partir des autres jardins, les mêmes cris mélodiques, encore désincarnés, qui grimpaient jusqu’à elle. Son cœur bondit, elle tournait sur elle-même à la pointe du pied tendait le cou pour les voir juchés sur les haies plonger parmi les bassins, deux qui allaient par le chemin se chamailler, l’une des créatures fila au-dessus de sa tête, qu’elle aurait pu toucher. Elle riait, elle s’était mise à rire avec eux de les voir s’ébattre, s’approcha jusqu’à l’extrême bord de la piscine au risque d’y tomber, se tendit encore et le plus proche de ces compagnons, la voyant ouvrir la main, vint se laisser attraper par elle. Alors elle le serra contre elle à deux bras.

Elle le serrait, ne voulait plus le lâcher, la créature après un moment cherchait à se dégager attirant les autres par ses cris qui venaient voir ce qui se passait, elle les regardait et le regardait se débattre et la chatouiller, finit par céder, il se mit à papillonner autour d’elle tandis que tous ceux qui s’étaient amassés, avec lui, en un instant, filèrent de tous les côtés. L’étourdissement la prenait, il lui semblait en voir partout, qui sortaient des jets, de derrière les fontaines, qui surgissaient de toutes les rues, elle en trouvait cachés jusqu’au pilier, plus loin peut-être, sans plus savoir où se cachait Flak, se mit à l’appeler. Un instant de doute, un petit poing de panique la prit en ne le voyant pas reparaître, la petite souris appela son ami plus fort, le cherchait de tous les côtés, sans le trouver.

Ils étaient à présent des dizaines, des dizaines, elle s’était élancée pour les suivre parmi les rues désertes où ils volaient à deux, à trois, aux angles quand une autre ruelle s’ouvrait dans la pénombre elle pouvait les voir plus nombreux encore, qui ne cessaient de surgir auprès des gouttières, le long des canaux. Son cœur battait, elle appelait Flak, elle avait l’impression de le voir toujours au fond qui lui échappait ou bien leurs réponses enjouées, la tête lui tournait de les entendre en plein jour de les voir sur la vieille route jouer parmi les voitures, et personne, ou bien quelques passants que la petite ne voyait plus, aussi surpris qu’elle, qui cherchaient à comprendre ce qui arrivait.

Sa course l’épuisait déjà au-delà les ruelles raides s’ouvraient en escaliers, il lui fallait tenir la rampe où ils se laissaient glisser pour suivre, elle en était sûre cette fois, Flak l’attendait plus haut entre les bacs de fleurs, d’énormes bacs de pierre taillés qui marquaient les limites d’un restaurant. Les gens aux tables la regardaient comme ils regardaient les créatures, assis, levés, filmaient ce spectacle ou cherchaient à l’arrêter tandis qu’elle leur criait de l’attendre, son compagnon au bout des tables tournoyait, lançait des cris aigus. Plus haut encore elle le vit plonger au bas d’un muret, là où se trouvait un petit parc à l’ombre traversé d’un ruisseau, quelques bancs déserts. Sa poitrine la brûlait, elle découvrit cette place, hésita à descendre, enfin plongea au bas du muret se rattraper au milieu du ruisseau.
Elle trébucha un pas plus loin, sur une marche qu’elle n’avait pas vue, tombait dans l’herbe. Son téléphone sonnait à cet instant :

« ils sont entres. »

Une main solée, douce, se tendit pour la relever, elle la prenait tout en regardant cette crinière soigneusement coiffée, reconnut la gérante. Autour d’elle le parc laissait flotter l’humidité en flocons, les créatures piquaient dans le ruisseau ou roulaient sur l’herbe, se coursaient, leurs cris atténués par les frondaisons. Pearl relevée regarda Shard se rasseoir sur le banc, plus fatiguée que d’habitude, soigner un peu sa coiffe que l’eau ne cessait d’aplatir. À côté dans un grand rire le zèbre la salua, l’appela par son nom, elle n’arrivait pas à le reconnaître. Il expliqua, il avait pris sa retraite, ce matin même, en disant cela il se serrait contre son amie. La petite comprit enfin, dans un souffle :

« Mais qui va conduire le bus ? »

« Je te laisse la casquette ! »

Elle se défendait, elle ne savait pas conduire, le zèbre ne cessait plus de rire, à côté de lui Shard se laissait prendre au jeu, un long rire d’enfant qu’elle cachait derrière un peu de pudeur. La petite remarqua alors Flak qui jouait sur la chevelure de la gérante, elle retint son souffle par une crainte incertaine à l’instant où Shard s’en apercevant secouait la tête, lui dit que ça n’avait plus d’importance. Elle se laissa couler contre le zèbre, tandis que celui-ci passait sa main solée sur son épaule ils se murmurèrent quelques mots, pour échapper à son embarras la petite eut besoin de parler d’autre chose. Alors, comme un réflexe, elle leur montra le message de Juicy, à propos de ce qui se passait.

Son amie en l’entendait se relevait, voulut se lever du banc mais cet effort lui échappait, elle resta assise tout en lui souriant : « C’est trop tard » dit-elle simplement, « tout est déjà fini. » Puis elle répéta, plus pour elle-même, tout s’était fini depuis longtemps. Le cycle des médias, avec son temps de retard, parlait d’événements passés. Elle dit encore à Pearl de regarder au ciel, entre les arcs-en-ciel le bleu s’était assombri, couleur d’encre, elle crut discerner en plein jour la voûte céleste. Enfin ses yeux s’écarquillèrent, elle aperçut distinctement l’éclat filant au-dessus de sa tête, comme une vaste étoile sans traîne qui brillait, qui irradiait en lieu et place du soleil, et de demander ce que s’était.

Le téléphone avait cessé de sonner.

Coup sur la manette, coup sur la manette encore, l’écolière s’énervait à presser la même combinaison encore et encore pour se voir semée, l’écran de défaite la fit bondir en arrière d’exaspération. Dos contre la porte dans le placard elle ne put s’empêcher de demander un autre jeu, alors que Coal mollement s’exécutait elle frotta ses yeux que la lumière grésillante du téléviseur ne cessait plus de piquer. Sur l’écran de titre apparut le nouveau jeu, une coopérative, elle ne sut si elle devait le prendre mal ou au contraire s’en féliciter, le scorpion lui tapota la jambe pour qu’elle attrape sa manette.

D’abord debout la petite se jeta sur ses genoux, jusqu’au bout du matelas l’épaule contre la paroi à faire crépiter ses doigts, une minute après elle se couchait le museau contre les boutons, une troisième fois son avatar lui faisait comprendre qu’elle servait plus de handicap dans la partie, se jetait dans le vide, elle retint un nouveau cri. Un soupir à côté d’elle lui confirma qu’elle avait réussi à le faire réagir, Coal lui montra sa manette où il se contentait de presser une fois, méthodiquement, des suites apprises par cœur qu’il n’essayait pas de forcer, Juicy trouva cette idée grotesque, continua de matraquer les boutons.

Toutes leurs vies y étaient passées, pourtant il avait réussi à leur faire atteindre la fin du jeu. Elle ne tenait plus en place, elle tressautait sur le matelas à mesure que le combat allait, persuadée de dévier les tirs aléatoires la petite n’y tint plus à l’annonce de la victoire, tandis que la cinématique s’enclenchait elle tirait sur elle le bord du matelas pour ronronner. Il n’avait pas seulement noté le changement, seulement relâché la pression sur sa manette pour écouter le crépitement de la console aux dialogues mal joués. Son visage morne sur lequel la lumière se découpait par éclairs se détachait de l’instant.

« Dis… » Roulée dans son coin de matelas l’écolière regardait le plafond. « Tu sais pourquoi il est parti ? » Elle voulait dire Bufo. Elle tira son téléphone, malgré la télévision au salon où le son au maximum rapportait les nouvelles elle chercha si quelqu’un lui avait laissé un message des événements. Le scorpion ne répondait pas, attendait de pouvoir recommencer un jeu. Elle continuait : « Tu crois que Rye l’aime ? » Un grognement servit à répondre non, comme elle insistait il secoua la tête, alors pour le gêner elle allongea jusqu’à l’aplatir un pourquoi enfantin.

« Elle aurait dû être mère. » Sa voix pour une fois avait tranché, directe, ne s’était amollie que sur la fin. Une traite, un simple constat sur lequel tout dans son attitude disait qu’il ne voulait plus revenir. Il avait crispé ses deux mains sur la manette, ne quittait plus l’écran. « Et pour Pearl ? » La petite lâcha le matelas, se roula contre lui. « Tu sais quoi sur Pearl ? » Il secoua la tête, ennuyé.

« Elle vit dans un rêve. »

« Et pour moi ? »

« Tu refuses de grandir. »

« C’est pas vrai ! Et pour Luck ? » Les crédits défilaient à l’écran, une musique surannée, d’un autre temps. Il soupira encore, la repoussa un peu, ne parvint qu’à la faire se serrer un peu plus. « Elle a du sang sur les mains. » La petite ne se souciait plus vraiment de la réponse, seulement d’entendre Coal parler pour une fois, cette voix usée, un peu râpeuse qui enflammait son imagination. « Et toi ? » Comme il ne répondait pas elle se mit à gémir : « Allez ! Et toi, dis ? Et toi ! » Il secoua la tête, rejetant la manette, de son doigt ganté éteignit la console, l’écran juste après. Le placard redevint sombre, elle le sentit la bousculer, il ouvrait la porte. Dans l’encadrement :

« Moi, je n’ai pas tenu la distance. »

À son tour elle quittait la pièce désormais vide, tandis qu’il allait fouiller le frigidaire la petite bondit au salon reprendre le cours des nouvelles, la même commentatrice répétait les mêmes informations du complexe sous un feu nourri, toujours aucun signe des héros à l’intérieur. Elle se sentit un peu trompée par son empressement, puisque la situation n’avait pas changé, quand les images se rapprochèrent du hangar à la porte blindée refermée, un agrandissement là où la machine de l’Unité montait la garde, ils annonçaient que le Tornado allait s’échapper. Un premier projectile alla frapper la surface, sans dégâts. Elle se replongea dans les forums de son portable, parmi tous les messages accumulés, demanda ce qu’elle avait raté.

Tout aussitôt elle tirait son téléphone pour écrire un nouveau message bref, vérifia la liste des gens à qui elle l’envoyait, pressa la touche. Presque rien, elle-même avait perdu le fil, elle se replongeait quand la sonnerie la surprit, Pearl lui envoyait une réponse en quelques lignes qu’elle se mit à dévorer, puis surprise, à relire. Elle ne parlait pas du héros planétaire, elle disait seulement avoir vu Mud avec une fille. La loutre eut le besoin de réécrire les mêmes termes sous forme de question, renvoya le message suivi d’un point d’interrogation, la réponse suivait quelques secondes plus tard.

Elle était aux jardins du centre, elle avait vu Mud avec une fille, ils se rendaient à la gare ensemble, ils se tenaient par la main. Juicy pianotait un nouveau message, s’arrêta en cours de route pour interroger sur les forums ses amies, si elles savaient quoi que ce soit, les réponses affluèrent presque unanimes, le nom de la fille et tous les détails, depuis combien de temps ils étaient ensemble, à mesure que les réponses se précisaient la petite se mit à trembler. Elle essayait en vain de répondre, manquait des touches, elle s’emportait à cette idée.

Coal entrait au salon, vint vers elle pour la tirer, il fallait partir. La petite se débattit, un cri strident, elle le repoussa. Au contact le visage s’était enlaidi, elle ne voulait plus rien entendre, lui dit de la laisser tranquille. Il répéta, plus fort, plus sèchement, il fallait partir à l’instant. Elle s’en moquait, le repoussa encore, se saisit de son téléphone pour appeler Pearl sans parvenir à la joindre. Elle appela Rye.

La voix de la gazelle la calma, elle débitait ses phrases entrecoupées de pauses, de brefs étranglements à mesure que s’affichaient les images sur son écran, ce qu’elles lui avaient dit, elle le voyait à présent, refusait toujours d’y croire. La loutre demanda où elle était, l’étudiante de répondre, à la gare, de retourner la question, inquiète, elle la coupa. Peu importait, elle voulait juste, elle voulait, Mud, elle voulait que Rye l’arrête, que Rye le trouve, qu’elle lui dise, à mesure que lui venait la phrase des élans plus forts la brisaient.

« De quoi tu parles ? Juicy, est-ce que tu te rends compte de ce qui se passe ! »

« Je m’en fiche ! Mud… »

Sa voix dans l’appareil n’était plus qu’un faible écho couvert de rumeurs, elle essayait de comprendre, rétorquait que Mud devait être avec son amie, ne comprenait pas. Les quais autour d’elle déserts s’ouvraient sur la ville, elle regardait partout les petites créatures voleter, emplir les rues, sur les toits, flotter le long des rails. Des milliers, avec eux comme les flots soulevés, une aurore de bleu grandissante qui grimpait avec eux, et leur chant se formait qui l’empêchait de continuer la conversation, le téléphone lui resta dans la main, elle regardait autour d’elle ce spectacle.

Au-dessus de la ville s’était mises à mugir les sirènes, elle pouvait le sentir dans l’air une tension nouvelle, aucune arme, aucun hélicoptère, seulement haut au-dessus des arcs-en-ciel les deux éclats vifs qui se séparaient, et l’un plus faible grandir à mesure qu’il descendait sur eux. Deux traînées blanches filèrent dans sa direction, les deux disparurent à sa rencontre, ou un peu plus loin, illusion d’optique. Le chant des créatures couvrait les sirènes, elle regardait sans y croire cette descente de l’objet lumineux, un sentiment au ventre qui la mordait, elle voulut dire quelque chose à Juicy pour découvrir son téléphone éteint.

Toutes les créatures chantaient, innombrables par toute la cité en plein jour et d’un même chœur elles grimpaient avec elle le halo d’un bleu fluide, onirique. La gazelle eut le sentiment d’un calme profond, alors même que tout lui échappait, elle sentit la torpeur l’engourdir. L’eau se solidifiait en gouttes visibles. Soudain un train sur les rails lui apparut qui venait vers la gare, d’une lenteur infinie, elle le vit par le grand cercle se rapprocher. Le ciel se couvrit de rafales, il s’arrêtait au quai, de nouvelles traînes alors que l’objet s’effondrait dans la cité, à l’instant où le train allait repartir une lumière blanche l’aveugla.

___________________________________________________________________________________________

Journal :
Jusqu’à la première réplique de la télévision, écrit d’une traite. Rétrospectivement, la lettre de Fang et de voir Juicy étalée par terre ont motivé le passage.
Le plus important était ce duel de volume entre Juicy et Coal, qui fait sortir ce dernier, la transition est au final très réussie. Un peu de remplissage quand même… La seconde transition n’est pas mauvaise non plus mais un peu facile et pas très motivée.
Le passage où la hase raconte ses souvenirs est un peu gâché par mon refus de nommer Luck. Mon refus aussi de décider une fois pour toutes. On ne saura jamais vraiment ce qu’a pu ressentir la louve de cendre – enfin, pas ici. Une fanfic’ normale aurait aligné les dialogues et donné profusion de sentiments, j’y perds, je ne sais pas si j’y perds…
Arrêté en fin de page quatre, la partie concernant Pearl est absolument imprévue. Plus ou moins deux pages puis Juicy et les « révélations » de Coal, puis Rye et le final.
Aménager de la place pour des personnages comme Mud ou Pupil ?
Vie en ville sans Bufo, questions de Juicy à Coal (héros de ce chapitre ?), actualité du Star Egg et bombe.
Deux pages de plus – pile – et fin pour Pearl. J’aurais pu mieux faire et pour la gradation des chao et pour la rencontre de Shard… mais en général, c’est suffisant. J’aurais pu insister sur beaucoup de choses, par exemple à quel point il est ridicule de parler de Sonic alors que la ville est envahie par les chao… le coup de génie a été d’annoncer ce décalage où soudain la mise en orbite a déjà eu lieu.
Fin du chapitre, je ne suis pas déçu du résultat. Pas trop. Mud, à ce stade de l’histoire, est complètement oublié. Mais il permet une transition parfaite et cet effet chaotique, et une tension sortie de nulle part. Le spectacle des chao, quoique léger, est bien rendu, et les questions de Juicy passent bien. J’aime beaucoup Coal qui ne peut s’empêcher de vouloir réagir lorsqu’enfin il comprend. Seule la dernière phrase, avec la déflagration, ne me satisfait pas. La majorité ne comprendra pas que c’est fini.
Heureusement il y a encore le chapitre vingt-et-un.
« Dernière édition: Juin 07, 2011, 10:12:14 am par Feurnard »
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Re : The chao's theory
« Répondre #55 le: Mai 31, 2011, 07:05:38 am »
  • Supa Rank G
  • Hors ligne Hors ligne
  • Sexe: Homme
  • Messages: 265
  • Je ne mords pas.
WWW
Encore quatre pages...

The Chao's
Theory

Épisode 21 :

Soudain il se rendit compte que le jour allait venir, la matinée sur le point de se produire alors même que les premiers flots se retiraient, les vagues n’allaient plus jusqu’à ses pieds, au lieu reculaient laissant derrière des coquillages par poignées, des rochers épars que la mousse ou les algues couvraient, enfin le sable ondulé dessinant les courbes successives des embruns. Il n’aurait su dire combien de minutes restaient avant de voir poindre le soleil, avec lui la chaleur étouffante du jour, le souvenir lui en revenait assez vague, assez forte pour que les pierres fulminent sous l’ardeur des rayons. Pour quelques heures encore, les enfants lui avaient dit, la plage resterait agréable, puis le sable peu à peu rendu sec brûlerait sous les semelles, sauf dans ce coin à l’ombre.

Tout ce temps le silence l’avait fait somnoler, composé des appels de cygnes et des éclats de voix autour de lui, des rires sans fin à la succession des jeux de balles, de filets, de poursuites dans la foulée des vagues, parmi les flots enfin les jeux marins. Aux lueurs plus claires se distinguaient dans le lointain de petites bouées à fanion, du moins il supposait le fanion tant elles étaient distantes, après quoi la surface de l’océan perdait les lames de vagues au profit de l’immensité. L’étudiant revint sur ses pas, ennuyé, chercher le lieu où le sable aurait dû imprimer les traits de son corps, où il s’était couché, il sentait à peine le sable froid sur sa peau, ne vit qu’une surface plane où les traces de chaussures finissaient par disparaître.

Derrière sur la terre ferme s’étendait le village, fait de maisons isolées parmi les foules de palmiers, de hautes tour en terre cuite dont les balcons en autant de chambres supplémentaires allaient surplomber les frondaisons, pour certains les toits se couvraient de feuillages. Il observa plus haut, modernes malgré les mousses agrippant leurs pieds, les grandes éoliennes battre le lent pas du vent. De jour sans leurs lumières fuyantes elles apparaissaient quelconques, une anecdote du paysage en mouvement permanent.

Le souvenir de la nuit était gravé dans leurs pales.

Alors de façon arbitraire l’étudiant décida d’un lieu où s’asseoir, les jambes en tailleur regarda devant lui la surface du sable dont tant d’enfants se servaient, autour, pour leurs châteaux improbables et leurs statues, l’exercice le tenta. Il se pencha en avant, avec le doigt traça un premier trait que le grain humide alla effacer si vite qu’il en resta étonné, regarda autour de lui en quête d’un moyen de l’empêcher. D’un côté se dressaient les digues de roches empilées, échauffées déjà, qui marquaient la fin du village, de l’autre s’ouvraient des pontons de bois cachés en partie par une courbe du terrain. Avec le doigt il tenta à nouveau un trait, insista plusieurs fois jusqu’à ce que, sans raison, le sable cette fois le laisse intact, alors il traça une courbe sans savoir encore ce qu’elle représentait.

Parmi ses gestes se marquait encore l’épuisement de la nuit, il regardait à peine le mouvement du bras les yeux mi-clos, pris par un voile de grisaille où le doigt courant filait sans lui, une réalité se formait qu’il ne reconnaissait pas encore, lointaine, qu’il devinait déjà dans les brumes de ses souvenirs. La courbe était gracile, et longue, il s’arrêta au milieu de sa tâche observer cette figure en suspens sur le sable, qui demain aurait disparu, il n’aurait su dire s’il s’agissait de la cité la nuit, avec ses rails suspendus, que l’ombre lui évoquait alors même qu’il en était le plus éloigné. Son cœur se serrait, avec la main il effaça le portrait.

Ensuite il abattit le poing dans le sable, frappa encore alors même que la raison qui l’avait poussé à l’acte s’enfuyait de lui à l’instant même où il en prenait conscience, d’un même élan il se levait, fit quelques pas du côté des vagues. L’ombre le couvrait toujours, face à lui le métal fulminait frappé par les vagues, entre de rares grincements.

La machine reposait couchée sur le côté au lieu où le combat l’avait terrassée, des masses d’acier défaites effondrées là qui ne figuraient plus que vaguement la forme originale, compressée, brisée, les anneaux n’étaient plus que des carcasses méconnaissables. Comme la décrue s’étirait encore il put s’approcher un peu plus, se demanda si le robot détruit n’était pas en train de s’enfoncer du fait de son poids. Il surprit, au profit du jour, les traces de rouille par plaques qui en grevaient la surface, en même temps que les courants irradiants qui faisaient bouillir l’eau à proximité, un feu de chaos s’amenuisant d’heure en heure. Efflanquée, anéantie, la création robotique aussi sembla une anecdote.

Vers l’entrée de la plage sur les premières dalles détrempées par baquets était venu s’installer un vendeur de glaces, un dogue étranger le visage aussi épuisé que joyeux, qui se plaisait à garnir les boules en œuvre d’art. L’étudiant se dirigea vers lui, à mesure qu’il s’éloignait de la machine ses pensées se calmaient, les idées lourdes qui lui pesaient laissèrent place à des envies plus simples, de la crème, des pépites de chocolat, il se trouva à parler de tout et de rien en attendant que son cornet soit prêt. Il remarqua seulement comment son attention s’était fixée sur les gestes du vendeur, alors que celui-ci travaillait le glacis, saupoudrait, une impression familière qu’il abandonna bien vite.

Trois pas plus loin sur le point de savourer l’horizon n’avait toujours pas vu poindre le soleil, la figure sombre de la machine enlaidissait ce côté attirant tous les regards, les enfants sur le sable rejouaient le combat à leur manière, plein de grands gestes, il pouvait revoir à travers eux chaque étape qui aux instants cruciaux tandis que la nuit étouffait les distances avaient pénétré tout le monde, où ils avaient cru que la victoire ne viendrait jamais. Au matin ces sentiments ne vivaient plus que par les mimiques des plus jeunes. L’un d’eux parlait avec le vendeur, le cornet à deux mains il s’éloignait, il donna une idée à l’étudiant.

Elle se tenait au bout d’un des pontons, à la pointe où s’ouvraient les flots le fil de sa canne à pêche se perdait au loin. Elle s’amusait, battait des jambes, debout à ses côtés le pêcheur s’amusait de même en lui disant de faire de petits gestes qui ne servaient à rien. La lapine essayait de bien faire, trop jeune, elle tirait parfois pressée de recommencer le lancer persuadée que la prochaine fois serait tout à la fois pareille et différente. Son rire était le plus clair de tout le village, une petite troupe aux abords du ponton la regardait faire qu’il dut briser pour passer, s’expliqua. En le voyant venir la lapine le salua, lui parla comme s’ils s’étaient connus depuis toujours, lui répondait en camarade de deux jours.

« Amy n’est pas avec toi ? »

La petite lui répondit sincèrement, heureuse de pouvoir l’aider, il ne voulut pas la décevoir, lui tendit la glace puis donna la sienne au pêcheur, dans un haussement d’épaules, il en avait déjà eu une autre. Il demanda ensuite, tandis qu’elle cherchait à manier et le cornet et la canne à pêche, ce qu’ils faisaient là. « On attend monsieur Sonic ! » Il fronça le visage, le goître gonflé, proposa la question autrement, le combat de la nuit passée, eux qui n’avaient servi à rien, pourquoi ils continuaient d’être là. Lui-même se sentait inutile, il voulait savoir si d’autres ressentaient cela, la lapine n’arrivait pas à comprendre ce qu’il voulait dire. Elle était contente d’être là, elle ne se demandait rien de plus, puis dans un instant de réflexion proposa qu’Amy était peut-être comme lui.

Il secoua la tête, « non », pour les quelques minutes où il l’avait croisée l’étudiant en était persuadé, ce n’était pas la même chose. Les questions lui venaient encore, entraînées les unes après les autres, surpris de pouvoir les poser à la jeune lapine alors qu’elle s’amusait, il voulut savoir s’il la dérangeait, elle secoua la tête. Il aurait voulu savoir, Bufo lui demanda s’ils étaient des Freedom. « C’est quoi un Freedom ? » Le crapaud en fut décontenancé, de chercher à expliquer, elle était d’avis que c’était trop compliqué, ils se contentaient de faire ce qui était bien. Et de s’amuser.

« Attention, ta glace coule. »

Elle fut surprise, de le remercier, elle l’appelait Mist, quand ils étaient seuls elle ne l’encombrait pas d’un monsieur.

« Où est Flak ? »

Quelques secondes s’écoulèrent avant qu’il ne se rende compte de son erreur, de s’expliquer, il connaissait une amie qui comme la lapine avait un compagnon avec ce nom, à sa surprise elle reconnut tout de suite de qui il s’agissait. « Bien sûr que je la connais ! » C’était son amie à elle aussi, elle avait plusieurs amies à la cité des arcs-en-ciel, elle avait une façon enfantine de nommer la ville. Seulement après la petite remarqua qu’en effet son ami à elle n’était pas auprès d’eux, aussitôt d’être sûre qu’il s’amusait tout près, le pêcheur lui fit faire revenir la ligne puis lancer une nouvelle fois, un petit éclat dans l’océan. Elle continuait, elle voulait des nouvelles de l’écolière, ce qu’elle devenait, l’espoir de la revoir bientôt, à la demande du crapaud elle raconta ce qui s’était passé dans le train.

Il s’était assis à son tour pour écouter cette histoire, quand elle eut fini il enchaîna avec ce qui s’était passé ensuite, la machine dans la ville et le combat, il évita de mentionner énormément de souvenirs. Tous deux sentirent que le pêcheur avait aussi de ces histoires à partager, leurs deux visages tournés vers lui l’obligèrent à intervenir, il secoua la tête. Sa vie à lui avait été tranquille, il mentait, il prenait plaisir à mentir sur ce point. Puis il tourna la tête du côté de l’horizon, fit remarquer que l’aube était sur le point de naître, avec l’arrivée des premiers rayons il irait se réfugier à l’ombre, faire une sieste. Au loin en effet, la courbe de l’océan s’illuminait, le ciel rougi arrachait à la grisaille des traits plus nets.

Dans ces instants il se souvenait de la cité, de l’humidité qui y régnait en permanence, de ces présences étouffées derrière les jets et les fontaines, il mit les mains derrière la tête, se pencha en arrière l’air grave, ces figures souriantes partout, leurs petits cris comme en écho des ruissellements, il était frappé par leur absence comme par l’air qui lui séchait la peau. La lapine avait délaissé la canne pour le regarder parler, elle lui répondit d’un ton inquiet qu’il avait des yeux de braise.

Un coup brusque sur la canne à pêche les interrompit.

Tout à coup tous trois s’agitèrent, le pêcheur se jeta en avant pour retenir la ligne, d’aider la petite au moulinet, il n’arrivait pas à croire que quelque chose avait pu mordre. La jeune lapine paniquait, elle avait laissé tomber le cornet pour attraper la canne à deux mains, ses gants paraissaient glisser à mesure que la pointe se tordait. Bufo remarqua la ligne au bout battre de droite à gauche, enfoncé d’un mètre ou deux sous les flots, à mesure qu’ils rapprochaient la prise il pouvait deviner une silhouette sous la surface, trop grande pour être un simple poisson. Le pêcheur excité gronda, fit signe de tirer un coup sec, alors la petite prise au jeu tira et fit voler la prise dans les airs, ils levèrent la tête pour voir le fil onduler en plein ciel avant de leur retomber dessus.

Rien ne put empêcher leur prise de s’effondrer sur les planches du ponton, ils s’étaient retournés, debout, regardaient l’enfant se relever douloureusement. Il tenait encore le fil avec au bout le bouchon sans appât, aux questions qu’on lui posait expliqua que sous l’eau ça bougeait, sa curiosité avait fait le reste. Lui aussi, Bufo le sentait, il mentait, l’étudiant chassa cette pensée en voyant la lapine s’amuser, de montrer ce qu’elle faisait à ce nouvel ami, celui-ci hésitait encore sur la conduite à suivre jusqu’à ce qu’elle lui tende la canne. À côté le pêcheur secouait la tête, bourru, laissait faire.

Ce nouveau venu avait mis fin à toute discussion, l’étudiant s’écarta de deux pas pour s’appuyer à l’un des pilotis, de se retrouver seul avec ses pensées. À nouveau il regarda du côté où la machine reposait, il ne vit qu’une vague forme au loin derrière le terrain, les vagues continuaient de refluer. « Elle a raison » souffla-t-il pour lui-même, d’observer les enfants jouer autour des filets, puis la petite en compagnie de ce camarade sorti des eaux, plus jeune encore qu’elle, il ne trouvait pas ce qui le dérangeait. Ses pensées furent interrompues, son téléphone sonnait, il s’éloigna encore plus pour répondre.

À l’autre bout la voix de Hazy lui parvenait décalée de plusieurs secondes, il l’entendait à peine, lui demanda de parler plus fort. Elle semblait mal l’entendre aussi, passa tout de suite à l’essentiel, le professeur Field voulait lui parler le plus vite possible. Pas au téléphone. Il voulait le voir, qu’il revienne, le professeur avait quelque chose à lui montrer. Elle ajoutait du même ton sec que le léopard devait absolument sortir, elle s’inquiétait pour lui. Bufo avait beau demander, elle n’ajoutait pas de précision, répéta qu’il revienne, la communication coupa sans que l’assistante ne lui dise au revoir.

Son téléphone en main sans avoir raccroché encore il hésita, l’envie le tenaillait de rappeler, il regarda autour de lui la plage toujours tranquille où les enfants jouaient, la lapine et son ami discutant assis côte-à-côte, le pêcheur revenu vers lui tapa sur son épaule, lui fit signe de regarder l’horizon. À cet instant l’astre perça, une auréole embrasée qui chassa du ciel les dernières lueurs hésitantes, l’azur l’aveugla, sur l’océan les embruns bouillonnaient de blanc par lames sur l’immensité d’un bleu profond, l’aube grandissante étirait les rayons, toujours plus claire, il mit un bras devant les yeux, la lumière éclatante sur l’océan, ses paupières clignaient, aveuglé, il les ferma.

Il les rouvrit, le bras contre son front engoncé près de la fenêtre le train roulait au-dessus de l’océan, il se rappelait la plage, l’appel qui le faisait retourner à la cité universitaire, le bleu des vagues roulantes occupaient son esprit entièrement. Il sentait à peine le roulement, vaguement parfois les secousses des rails, la mémoire du ponton lui revenait diffuse le plus fort souvenir qu’il emportait de cette région, rien de la gare souterraine ou de ses préparatifs, ensuite de tous les côtés les flots s’étaient imposés qu’il regardait depuis des heures, au passage du train les reflets fuyants à la surface qui lui faisaient fermer les yeux.

Le tremblement pouvait être celui de la voiture entraînée par les autres dans les tournants, un sifflement durait qu’il attribuait aux roues ou aux motrices. Les vagues défilaient trop rapides ne laissant qu’une surface lumineuse, d’un bleu aussi sombre proche de l’encre, l’obscurité des abysses enflammée sous son regard le faisait tirer la tête en arrière, il regardait de travers le défilement de l’eau à perte de vue mêlée au ciel, le sifflement l’épuisait. Tout lui semblait vague, lointain, l’impression qu’il avait manqué quelque chose, la langue de feu dans l’aube à l’instant où le soleil se levait, haut dans le ciel, l’océan en feu dans sa fatigue se sublimer, à l’intérieur du train il se sentait glacé.

Un début de crainte le gagna qu’il n’arrivait pas à définir, de ce train qui l’emportait, de tout avoir laissé si vite, sans s’expliquer, alors qu’il fouillait dans les préoccupations son imagination se noyait dans le bleu des flots, le flou de ses yeux lui rendait des formes improbables, mêlées de songes, il n’était plus sûr d’être tout à fait éveillé, un vague souvenir du ponton perdurait puis la nuit et dans la nuit rien, le sifflement avait cessé, il s’était réveillé tout à fait en voyant se dessiner au loin les côtes, les forêts, des premiers monts et déjà le train roulait sur la terre ferme. Un instant il avait douté, il avait cru dormir, la somnolence passée tout lui revenait, le temps que le voyage avait duré, comment il s’était assoupi, l’approche de sa destination avait dû le faire réagir.

Ce constat fait il se laissa retomber en arrière, probablement plusieurs heures encore avant que la cité ne se découvre, ce voyage lui rappela la première fois qu’il s’y était rendu, le décalage ajouté à l’impression de découvrir un monde. De rares passagers s’étiraient entre les sièges, une mère montrait au-dehors les forêts défiler au point d’en devenir trouble, il chercha à se rendormir, à l’instant où ses paupières se fermaient il les rouvrait, incapable de trouver le sommeil, soupira.

Peu à peu les habitudes de la cité lui revenaient, les différents trajets qu’il y aurait à faire, les différents visages, les horaires de l’université. Il se surprit à planifier tout ce qu’il comptait faire, tous ceux qu’il lui faudrait revoir, en même temps se demanda ce que Field avait pu découvrir, il le devinait seulement, pour que le professeur le rappelle, ce devait être important. Dans le ciel se profilaient quelques nuages, les premières traces d’un temps plus frais, dans le train la chaleur en devenait étouffante à force de piétiner.

Enfin il se rappela ce qui avait dû le déranger, tout du long, depuis son départ, d’avoir laissé ses colocataires sans nouvelles, il n’avait averti personne de son retour. Alors l’étudiant tira son portable, aussitôt il avait sélectionné le numéro de Rye, de lire le nom le fit sourire, il commença un long message avant de l’abandonner, forcé de se justifier, il avait trop à dire, il en disait trop aussi. Les habitudes revenaient, il réfléchit encore avant de miser sur la surprise, pour tout message nota seulement : « J’arrive. »
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Re : The chao's theory
« Répondre #56 le: Juin 07, 2011, 08:06:37 am »
  • Supa Rank G
  • Hors ligne Hors ligne
  • Sexe: Homme
  • Messages: 265
  • Je ne mords pas.
WWW
Voilà, fin de la troisième saison, la quatrième et dernière sera plus courte et n'arrivera qu'en septembre.

****

Dans un coin de l’écran la messagerie clignotait, deux appels passés alors qu’il dormait, aucun message. Il jeta, à tout hasard, un œil aux numéros, les découvrit vides. Alors Bufo referma son téléphone, colla la tête au dossier devant le paysage qui défilait, une première gare passait en coup de vent, il songea au temps qui lui restait avant d’atteindre la cité. Au fond de la voiture lorsque les rails lançaient quelques secousses un enfant se mettait à crier, de brefs cris qui perçaient les conversations. Il aurait pu appeler d’autres personnes, une sorte d’insouciance l’empêchait de le faire, trop content de rentrer.

La seconde gare passait sans qu’il devine ni le temps du trajet ni son nom, ni à quoi elle ressemblait, les pensées de tout ce qu’il avait vécu, de tout ce qu’il allait raconter, s’épuisait à ses lèvres avant même qu’il les prononce. Il se surprenait alors à vouloir demander, toutes les choses anecdotiques du quotidien, et celles plus lourdes qu’il ne demanderait pas, dehors les collines boisées défilaient toujours entrecoupées par des filets de lacs. Il aurait pu, s’il y avait songé, leur rapporter des plats du désert, la cuisine lui revenait en tête avec son plâtre frais et la pose des catelles, le pilier à l’écart, au bout un balcon sans fleurs.

Sa tête se releva, une expression étonnée à son visage tandis que le train ralentissait, il savait juste confusément que la cité était loin encore. Sur l’affichage la mince ligne de texte indiquait la ville sylvestre, une voix se mit à annoncer les prochains horaires. Cela l’amusa, confusément, de voir quelques passagers se lever alors que le train entraîné par son inertie gardait son vague sur les alentours, à plusieurs minutes de l’arrêt il les voyait se diriger vers les portes, fut pris de la même envie les jambes le tirant, quand la gare apparut il hésita à se lever. À la place l’étudiant regarda cette gare de branchages énormes, les feuillages entremêlés, où une petite foule se pressait parmi les panneaux des agents. Un contrôleur sifflait, la voiture de tête crachait entre les motrices.

Il vit alors, sur le quai, Ninja le regarder.

Elle portait l’uniforme sec de l’armée, le béret au bras, ce regard froid qui l’avait transpercé, la militaire se tenait à quelques mètres parmi les files en train de débarquer, qui passaient à côté sans oser la toucher, il s’attendait à la voir monter, lui fit signe, elle resta sans bouger, durcit seulement son regard jusqu’à ce qu’il cède. Il quitta sa place, alla aux portes, sur la marche il retrouva le quai, les files qui s’éloignaient, la militaire n’était plus là. Il regardait tout autour, dérouté, hésita à remonter avant d’apercevoir vers la sortie et les cabanes un groupe de militaires, deux ou trois, vêtus de casques et de gilets, assez pour le pousser à s’approcher. Ses chaussures sur les planches claquaient, une course de quelques enjambées qu’il avortait craignant d’être ridicule, puis il se retournait pour voir si le train allait partir, quand il fut assez éloigné enfin, songeant que rien ne le retenait, il se décida à prendre le prochain. À la sortie les soldats s’étaient éloignés, le train l’attendait toujours, il choisit de descendre parmi la ville la chercher.

Tandis que le soleil s’éloignait caché par les frondaisons devant lui s’ouvraient les multiples étages de maisons aux balcons et passerelles, l’activité partout au bas des troncs piétinante le long d’échoppes et sur les places parmi les fleurs les enfants qui jouaient, les cristaux le long des écorces chassaient les ombres des artères. Quelques pas l’avaient perdu, sans les multiples panneaux il n’aurait pas su retrouver son chemin, il avisait les multiples coins de tables où Ninja aurait pu être, parfois aux uniformes se retournait sans la trouver.

Quelqu’un cria son nom assez fort pour qu’il l’entende, une voix de lion répétée alors qu’il les voyait, tout un groupe le pointer puis le lion qui s’approchait, veston bas et chaîne à l’oreille, qui lui fit signe de les rejoindre. À l’opposé du comptoir un grand écran jouait le bal des informations, la commentatrice de citer les nouvelles, toujours les mêmes, ils la regardaient depuis le matin. Le lion savait qui Bufo était, il l’appelait autrement, il s’amusait de son embarras. L’étudiant accepta de rester avec eux, le temps que son train arrive, expliqua qu’il rentrait retrouver un ami. Aux questions qu’ils lui posaient, sur ses aventures, il se prit à inventer sans sentir de différences sur ce qu’il avait vécu.

Comme leur discussion allait la question vint naturellement, le groupe de nier qu’ils étaient des combattants, simplement des passionnés, puis ils parlèrent du dernier combat, en pleine nuit, à parler du vert des caméras. Il leur évoqua les éoliennes, vit qu’ils ne comprenaient pas, prêt à inventer encore son téléphone se mit à sonner.

« Excusez-moi. »

Il fit quelques pas, la sonnerie insistait, il décrocha. Ce n’était qu’un texte en absence déjà, il l’ouvrit, lut : « J’arrive. » Quelques instants l’étudiant resta à regarder son écran, le lion qui l’appelait, qui lui demandait si tout allait bien, il chercha l’expéditeur quand la sonnerie reprit plus forte. Alors d’appuyer sur la touche, la voix de Ninja l’incendier d’avoir tardé autant. Elle changeait de voix aussitôt après, lui demanda d’un ton grave où il était, ce ton tranchant de militaire où il sentit, pour une fois, une touche d’existence. Elle se moquait du bar, elle voulait savoir où, puis sa réponse obtenue :

« Tu as eu mon message ? » Il allait répondre que oui, elle enchaîna : « Ne bouge pas, j’arrive. »

Les mots assénés par volées, elle lui répéta encore de l’attendre, une insistance déraisonnable, puis il entendit en arrière-fond le grondement de moteurs. Une dernière fois la taupe lui dit de rester où il était, elle serait bientôt là, puis un sifflement aigu couvrit la communication. Il rejoignit le bar sans savoir quoi répondre aux questions, laissa entendre qu’il risquait de manquer son train, commanda une autre boisson.

Déjà leur attention changeait, ils revenaient à l’écran où l’histoire avait légèrement changé, les images montraient de nouveaux combats qu’ils ne reconnaissaient pas, sous une pluie de commentaires, ils attendaient l’apparition du hérisson bleu. L’un d’eux dit : « Sonic », il fronça les sourcils, la main à son verre songea à cette bataille qui se déroulait bien loin, qui se passait sans lui, de lui, l’excitation le gagnait pareil aux autres à mesure que les détails leur parvenaient, le lieu et l’adversaire, ils se soulevaient de leurs sièges. Des exclamations fusaient, les jeunes s’arrêtaient aux abords pour voir sur les écrans l’action se dérouler, ils se retrouvaient bientôt une dizaine, des dizaines à se presser.

Des minutes par poignées s’écoulèrent à spéculer, à féliciter chaque action, les verres passaient de main en main pris de ferveur, les plus jeunes les plus bruyants, Bufo acceptait de faire quelques commentaires. Il ne songeait qu’à l’instant de repartir, regardait à l’entrée si Ninja ne venait pas, profita d’un instant pour se glisser un peu plus vers le fond, à l’écart, terminer sa commande. Le lion l’avait suivi, son groupe peu après, oubliant les événements ils revenaient causer avec lui, de ce qu’il allait faire.

Brutalement un silence se fit, ils tournèrent la tête vers la foule puis vers l’écran, surpris par ce qui arrivait, plus personne ne commentait les images. Le téléviseur transmettait une action nouvelle, une batterie de missiles de l’Unité qui tirait, une longue traînée dans le ciel puis une deuxième et un objet brillant, ils regardaient dans le silence cette sorte d’action se dérouler, sans rien comprendre, certains murmuraient pour demander ce qui se passait, puis les images se répétaient, sous un autre angle, les mêmes traînes et le même objet dans les voiles de la haute atmosphère. Une bande au bas de l’écran apparut mais vide, là où le texte aurait dû défiler le blanc perdurait, l’image se répétait encore.

Alors une première personne dans la foule s’écarta, puis sortit et déjà dans la rue d’autres allaient comme lui, peu à peu le groupe amassé devant l’écran se détacha, se désagrégeait, le lion de le faire remarquer étonné, Bufo autant que lui, de supposer que c’était l’ennui. Il vérifia l’heure, sans véritablement la lire conclut qu’il était temps pour lui de partir, quelque chose qu’il avait oublié et qui aurait dû le retenir, il serra la main de chacun avant de se retirer. L’image qui défilait, isolée sur l’écran, le serra étrangement, il passa rapidement devant pour ne pas la voir.

Dehors la ville au calme continuait de vivre, les mêmes rires et la même activité, il remonta les branches jusqu’à la gare, suivant quelques personnes pressées, songea à la colocation qui devait l’attendre. Sur le quai le train attendait, là où l’autre avait dû partir, il n’y avait presque personne sinon quelques poignées qui se pressaient aux portes tandis que les uns descendaient, pour monter. Il approcha de même vers l’avant où la voiture de tête fumait, avisa la porte avec le moins de monde. Les derniers passagers bloqués par les bagages passaient la marche avec cette sorte d’épuisement de tous les jours qui rendait le sien plus brusque et plus vivace.

La dernière à descendre était Rye. La gazelle l’aperçut tout de suite, il la reconnut à son tour, songea à la coïncidence avant de songer à l’enchaînement. Elle lui souriait, un sourire plein de joie de le retrouver, il la rejoignit sans peine. Elle avait reçu son message, un peu amusée par le hasard, de lui demander comment son aventure s’était passée. L’étudiant trouva la question trop moqueuse, répondit par un haussement d’épaules. Il était seulement pressé de rentrer, retrouver tout le monde, puis il hocha la tête gauchement.

Elle secoua la tête, rejetant l’idée du retour elle venait à peine d’arriver, lui proposa de se promener en ville, parmi les parcs. Il s’était engagé sur la marche, en descendit, il aurait aimé rentrer avant le soir. Puis il lui demanda comment allait la cité, s’il n’avait rien loupé. Rye évoqua un moment juste avant son départ, une histoire de chao, c’était tout. Il sentit son ventre l’empoigner, préféra ignorer cette sensation, il prit son parti une dernière fois de rentrer, plus ferme qu’avant, sa fatigue aidant, il voulait retrouver les autres. Alors la gazelle couvrant le pas qui les séparait se colla à lui, et le serrant :

« S’il te plait, restons encore. »

« Qu’est-ce qui te prend ? »

« Rien ! Rien. Je t’en prie, juste cette fois… juste nous deux… »

Bufo se détacha dans un mouvement, soudain agité, il la regarda qui essayait de lui sourire, de ce sourire triste, elle serrait les bras contre son torse, elle n’arrivait plus à soutenir son regard. Dans son dos un contrôleur les abordait, signala que le train allait bientôt partir. Il voulut demander, pourquoi, elle voulait juste être avec lui, elle l’accusait le temps où leurs yeux se croisaient, un malaise qui le tenaillait, il aurait voulu que tout s’arrête. Le contrôleur s’excusa encore, les voyant sur le point de se disputer, il voulait bien leur laisser quelques minutes. Il vit qu’elle n’avait pas son habituelle chemise, se tourna pour répondre, l’idée le frappa qu’elle ne pouvait pas être là sur ce quai du sud.

Un silence s’était fait devant l’écran, la commentatrice disparue avait laissé place aux images, une traînée après l’autre dans le ciel et cette lumière brillante, il regarda la foule peu à peu se défaire, le lion qui s’étonnait, il s’excusa de devoir partir. Le lion voulut le retenir, il secoua la tête, le besoin viscéral de courir jusqu’à la gare, de s’assurer qu’elle était là-bas, qu’elle l’attendait, il jeta à peine un œil aux rues alors qu’il passait, à l’entrée du quai les quelques personnes pressées, comme lui désorientées, qui se reconnaissaient sans se voir. La gare était vide encore, sur les quais les gens s’accumulaient en fines bandes devant les rails, puis dans un sifflement le train entra en gare.

Il venait en sens inverse, pourtant l’étudiant sut que c’était son train. Alors qu’il s’approchait scrutant à toutes les fenêtres il cherchait les cornes striées, le flottement de la chemise, la courbe dansante du museau, il croyait surprendre partout le même trait gracile. Plus proche encore il vit le nombre de personnes qui descendaient, les files encore aux derniers sièges, parmi les derniers à traîner il reconnut alors le scorpion aux dos courbe, morne, dont la queue clocha sur la marche. Coal tourna la tête, reconnut l’étudiant qui l’appelait, fit quelques pas sans conviction. Il voulait lui demander ce qu’il faisait là, s’il avait des nouvelles des autres, s’il avait vu Rye. À cette dernière question le scorpion hocha la tête puis, à toutes les autres, sans cesser ce mouvement il le regarda et ce regard le renvoyait à lui-même. Il le sentit épuisé, plus qu’à l’habitude, moins par les cernes que par ce regard presque vide où étincelait seulement comme un souvenir éteint.

Soudain il tendit le bras pour taper sur l’épaule du crapaud, manière de le faire taire, il secoua la tête encore avant de se retourner. Il remontait dans le train, Bufo le regardait faire paralysé, il le vit tourner une dernière fois la tête vers lui de ce regard noir, faillit crier, il écarquilla les yeux en reconnaissant les images sur l’écran, sans commentaires, dans le silence devant le comptoir, et la foule qui peu à peu se désagrégeait. Le lion lui demanda ce qui se passait, la crainte communiquée lui hérissait la crinière, il se leva sans mot dire, chancela les pièces sonnantes sur le comptoir qu’il laissait derrière, se précipita dehors.
Les mêmes traînes dans le ciel et la lumière brillante.

Il débouchait sur la gare, les quais emplis de monde par groupes épars qui se faisaient, qui se défaisaient, hagards, les trains arrivaient et repartaient les uns après les autres dans la même direction. Le plus proche le même attendait sur le premier quai, la voiture de tête soufflait sa fumée blanche aux motrices. Il courut jusqu’à la porte, s’arrêta à mi-course alors que les derniers passagers descendaient, se tourna vers les autres portes, personne qu’il pouvait reconnaître, les gens montaient à présent, il s’approchait, pas à pas. Un uniforme émergea au bout, qu’il distingua à peine, lointain, un détail à peine saisi qui allait disparaître, le casque et le gilet, il aurait juré que la militaire l’avait regardé, il était persuadé que c’était Ninja. Déjà le sifflet retentissait, emporté par la foule il grimpait de son côté, debout dans le couloir toutes les places étaient prises, il sentit la secousse du départ.

Au fur et à mesure des accélérations les secousses devenaient moins sensibles, il n’eut plus à se tenir, regarda autour de lui les passagers aux visages défaits, les mères, les jeunes enfants, les cannes qui tapaient aux bords des sièges. Parfois il guignait au bout cherchant le moyen de passer les voitures, les couloirs jusqu’au bout semblaient emplis de monde, une foule impensable et les mêmes rumeurs chez tous, qui le lançaient. Il aurait voulu demander, ce qui se passait, par la fenêtre le paysage défilant lui était si familier, pour toutes ces personnes également, puis il remarqua les casques épars dans la prochaine voiture, au profit d’un tournant, puis les murmures moins forts alors qu’ils approchaient.

Dans les dernières minutes chacun avait attendu le coude qui annonçait l’arrivée en gare, le train s’était mis à ralentir plus tôt que prévu, il avait réussi à voir entre les têtes par la fenêtre les premières habitations. C’étaient les façades blanches, il pouvait les voir ainsi que les parcs, il devinait déjà les pentes de la cité et la gare, puis une secousse le rejeta en arrière, il revint à la fenêtre tandis que le train s’engageait les freins criant sur la courbe juste avant de s’engager au-dessus du bassin. Il s’arrêta tout à fait, sur cette courbe, les portes s’ouvrirent dans un souffle. Tout le monde ne songeait plus qu’à sortir.

Avant les pentes la voie surplombait les bâtiments de quelques mètres seulement, presque au ras des toits, il envisagea le saut qu’il fallait faire jusqu’à la terre ferme. Comme les autres, sans véritablement y songer, il sauta, sentit le choc lorsque ses jambes se plièrent, la chaleur des articulations puis il se mit à marcher parmi les rues désertes. L’eau coulait bruyante, des gargouillements sans fin, les jets des fontaines, des canaux, le ruissellement des toits, un tonnerre dans sa tête tandis qu’il passait sur la vieille route, sa chaussure se prit dans un des défauts du goudron sans qu’il n’y prête attention.

Plus loin il avançait encore, les portes et les fenêtres paisibles, il ne voyait passer que les autres passagers entre les maisons, une plage de restaurant dont les parapluies multicolores ouverts laissaient goutter sur les chaises, et il pressait le pas, il se sentait emporté, courir presque, courir tout à fait, jusqu’aux pentes.

La cité s’ouvrait, à la place de la cité une forêt dense, où le bitume laissait place à la terre, la brique et la pierre aux écorces, à la place des bâtiments les troncs millénaires, partout où il regardait, partout où lui revenaient les souvenirs des pistes, des arbres, de l’université, des arbres, du magasin, des arbres, il fit un pas avant de s’arrêter, il ne voyait plus rien, face à ce paradis de verdure, il s’aperçut soudain qu’il refusait de comprendre ce que cela signifiait, tout ce qui en un instant n’avait plus été là pour l’accueillir.

___________________________________________________________________________________________

Journal :
Les quatre premières pages écrites en trois heures… bâclées, donc. La plage n’est pas si mal réussie, la machine vaincue ne tombe pas du ciel et on finit par sentir le « pattern », surtout grâce à la rouille. J’ai échappé à l’enlisement avec Amy, et fait un clin d’œil avec le vendeur de glaces.
Cream s’est révélée difficile mais en la maintenant au stéréotype – petit enfant joyeuse – elle a tout fait pour moi. Inexistante. On ne comprendra pas ce que vient faire ce jeune enfant sorti des eaux, mais c’est une réflexion accessoire. L’appel de Hazy est relativement réussi, l’aube absolument ratée, bonne transition mais s’il y avait un effet il a échoué, c’est un mauvais patchwork sans queue ni tête – et malheureusement la seule fois où ce sera compréhensible. Le trajet en train n’a pas posé de problème.
Aux trois derniers paragraphes n’ayant plus le temps de lui faire gagner la cité des arbres j’ai choisi une autre hémistiche, où il appellerait Rye – ce qui fait partie du plan – avec la perspective pour le lecteur qu’il se soit trouvé dans le train qui arrive à la cité au moment fatidique. J’aimerais vraiment que le lecteur fasse cette hypothèse.
Et cela me permet de faire un écho au futur « j’arrive ».
Quatre pages en une heure – et quelques minutes. Il m’a fallut réduire la seconde rencontre en gare et même alors la fin est abrupte, mais c’est peut-être mieux ainsi, et cela m’a permis de peaufiner la dernière phrase. Pour une fois, j’ai voulu le paragraphe plus explicite, que les gens comprennent au moins ce qui est. Pour cette fois, je leur épargnerai cet effort.
Content au final du résultat, une hésitation sur Ninja mais tout s’est assez bien enchaîné, le lion en remplissage il faut l’admettre, sinon et surtout les rencontres à la gare sont très réussies.
Ninja n’est pas du remplissage mais bien planifiée, elle remplace un rôle qui aurait dû échoir à Tails, de celui qui se rend compte trop tard de ce qui est arrivé à Bufo et qui voulant lui éviter la peine se dépêche de le rejoindre pour lui annoncer. Quant à l’écran et les images silencieuses, c’est un souvenir du onze septembre.
« Dernière édition: Juin 07, 2011, 10:13:52 am par Feurnard »
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Re : The chao's theory
« Répondre #57 le: Octobre 09, 2011, 07:04:19 pm »
  • Supa Rank G
  • Hors ligne Hors ligne
  • Sexe: Homme
  • Messages: 265
  • Je ne mords pas.
WWW
On est à cinq chapitres de la fin... j'espère finir ce texte avant Noël. Maintenant que le vingt-et-un est passé... ce qui suit n'est plus qu'une banale histoire d'amour avec un gros combat.
Plus ou moins, c'est quand même Chao's Theory.

The Chao's
Theory

Épisode 22 :

Il s’appelait Bufo. Ou du moins, les autres l’avaient appelé Bufo. Il faisait face à sa ville, et à la place de sa ville, il y avait une jungle.

Quelqu’un d’autre fit le pas, aux abords des routes qui se démontaient parmi les hautes herbes de la jungle, quelqu’un d’autres enjamba le goudron et la boue, et partit s’enfoncer là-bas, au bas des pentes qui lui faisaient face. Lui, il n’y arrivait pas. Ses jambes ne lui obéissaient plus. S’il bougeait, il tombait. Cette pensée parmi les plus concrètes lui revenait sans cesse à force de courir après un brouillard de ses raisonnements confus, formés en boucles, qui se brisaient. Ses mains, il le sentait mieux à cause des gants, tremblaient, et la sueur allait glisser aux poignets, foncer le tissu. De la sueur, pourtant sa peau était sèche, le mucus sec, cette peau d’un blanc maladif. Le goitre le serrait, le front brûlant, et il revenait à la même conclusion, s’il bougeait, il tombait, et il regardait la jungle incapable de la voir.

Des cris, autour de lui, allaient s’enfonçant au hasard, effacés derrière les bâtiments de la ville avant les pentes, et certains bâtiments effacés au-dessus des pentes, en partie couverts par la végétation. Il ressentait ce que personne d’autre ne ressentait, à ses pieds les courants, mais à moins d’un pas, devant lui, où commençaient les pentes, plus rien. Rien devant lui sinon un vide immense, rien ne remuait le feuillage des branches, rien ne tirait la masse des troncs à terre, et rien, rien ne chantait ni ne bougeait, aucun animal parmi les buis ou même survolant les pentes jusqu’en bas. Bufo voulut lever la tête, lourde, si lourde, et il entrevoyait entre le filet de ses paupières ce qui manquait, dans le ciel, l’absence des arcs-en-ciel. Une panique s’emparait de lui, qui le poussait en arrière, chancelant face à un gouffre imaginaire, en même temps que ses yeux le brûlaient.

On le bouscula, un enfant plus jeune que lui pressé, venait de se jeter parmi les premières herbes. Les couleurs de son gilet flottèrent, pas longtemps, tandis qu’il allait par la pente, entre les branches qui formaient comme un nouveau sentier à la place des ruelles, et il s’était demandé en secret, Bufo, s’il y avait un rapport entre le placement des arbres et ceux des maisons qui auraient dû être là, mais il n’y en avait aucun. Son corps cependant, à la vue du gilet – bien plus que de l’enfant – avait retrouvé un peu de fermeté. Alors le cœur pulsant, un mélange de poix dans les artères, à son tour Bufo s’avança. Plutôt, il se détachait, il se laissait emporter par le mouvement qui tirait tous ceux autour de lui, venus comme lui, et qui hésitaient encore.

L’étudiant marchait, mais indolent, il se regardait marcher entre les plantes laissant battre sur lui les branchages, il s’en moquait, encore plongé dans ce brouillard d’idées qui le tenaient loin des événements, Bufo se regardait descendre la pente le regard fixe, plongé plus loin qu’il n’était possible de voir, dans ce fond vert sur vert sans contrainte ni logique. En même temps chaque pas éclaircissait sa pensée, et il se mettait à marcher, un peu plus vite, juste un peu plus vite, et ses yeux de braise dérivaient légèrement fouillant le peu de marge qu’il se laissait, alors que derrière les façades blanches s’effaçaient, seul à présent à se perdre sous la canopée, il accéléra.

Contre ses chaussures les racines tapaient, puis il atteignit une mince éclaircie, sur la longueur, où il crut reconnaître une ancienne rue et l’étudiant se disait, là, qu’il avait pu y avoir des balcons, et là, il n’était plus sûr, une haie peut-être, et il paniquait, incapable de s’arrêter, tournait la tête en quête de repères, se refusant d’avouer ce qu’il cherchait vraiment, battit des bras pour dégager les grandes feuilles tombantes et les lianes. Tous ses membres tremblaient, mais tremblaient, mais il s’apercevait à peine de leur tension, les dents serrées, pour ne pas céder à ce vide qui l’entourait. Et il se souvint des leçons à l’université, dont des phrases qu’il avait dites lui-même, devant tous ces visages de camarades dont il ne voyait plus que les yeux de braise plaqués sur eux. Ce vide, c’était l’impression de se débattre dans rien, sans ressentir ni aucune force ni aucun poids, mais il ne voulait pas se dire ce que c’était, il refusait encore de se le dire, et ne voulait pas se dire pourquoi.

Pour la seconde fois, il tomba, il se relevait, la douleur à ses jambes, à ses coudes, Bufo courut tant qu’il pouvait tapant les troncs qui le gênaient, en perdition, les oreilles lui bourdonnaient, tellement de pensées folles rejetées dans sa foulée, dont une, plus concrète, s’imposa. Près de lui, longeant sa course, coulait de l’eau. Ce bruit de l’eau claire, comme une source, le souvenir des fontaines, il s’y raccrocha.

De tous les côtés l’écorce se couvrait de gouttelettes, aux nervures des feuilles, sur l’herbe, les gouttes d’une rosée présente, sur lui-même, mêlée à sa sueur, à sa course, cette humidité le faisait étouffer. Cependant il s’était détourné, après son arrêt, il courut vers la source où l’eau coulait comme ces canaux au long des trottoirs, comme aux rigoles et aux jets, comme aux façades les cascades, tous ces souvenirs rassurants lui faisaient oublier la jungle. Ses pieds secouaient des flaques, entre les touffes, soulevaient des embruns. Soudain il débouchait, Bufo, devant la source d’eau, un ruisseau aux multiples lits naturels, entrecroisés, qui filaient entre les troncs pour se perdre en aval, et qui bruissaient contre des pierres lisses de galets. L’étudiant laissait l’eau s’écouler à ses pieds, soufflant de fatigue, pour retenir les souvenirs de la cité universitaire.

Il était dans la jungle, sur les pentes, et il refusait encore de comprendre.

Néanmoins le même mouvement le poussait encore, et il reprit sa marche, hésitante, le long du cours d’eau pour le suivre jusqu’en bas. Ses mains cherchaient les arbres, s’appuyèrent contre les troncs, se tinrent aux branches quand elles pouvaient. Il n’arrivait plus bien à voir, il secouait la tête, le front comme une fournaise, et il sentait sur ses joues les mêmes rus. Ce qui le faisait tenir encore était la sensation de la pente se réduisant, pas à pas, en un ultime repère qui lui permettait de se dire, qui l’obnubilait, en bas ce serait différent. L’écoulement de l’eau réduisait cette impression qu’il manquait l’existence même, en ces lieux, une peur passée depuis longtemps. Il craignait bien plus, à présent, ce qui l’attendait en bas.

En contrebas une personne guettait, la peau vive, de grands yeux globuleux tournés brutalement sur lui, et quand il se mit à parler, entre ses lèvres sifflait une langue taillée.


« Excusez-moi… »

C’était à peine si Bufo parvenait à l’entendre. Il continuait à marcher, emporté dans sa direction propre, et l’autre en bas se mit instinctivement sur son chemin. Tous deux se rencontraient, et la langue sifflant, il répéta : « excusez-moi… » Le ton se voulait tellement calme, tellement détaché. Amical. Bufo songea, et cela l’arracha à son indolence, que cette voix hurlait. Il regarda enfin le lézard qui lui parlait, qui lui disait quelque chose, et il dévisageait chaque détail, chaque ride sur son visage, sans comprendre.

« L’université… je cherche un grand bâtiment, de grands bâtiments comme un cercle… c’est l’université, c’est près des pentes… »

Pourquoi n’arrivait-il pas à répondre. Mais il écoutait, figé, cette personne plus âgée que lui demander sa direction. Répondre, c’était pire que ne pas répondre. Chaque seconde où l’étudiant se taisait, le lézard semblait plus confus, plus agité, et se rattrapant :

« Attendez… » Il fouilla pour sortir une enveloppe. « Tenez, c’est l’adresse… C’est là, c’est à cette adresse, mais… vous auriez au moins une idée de la direction ? »

Au-dessus de l’adresse, il y avait eu un nom.

Dans son goitre le goût âcre du remords, parce qu’il aurait voulu répondre, faire cesser ces hoquets, Bufo courait à présent presque au bas de la pente. Les pieds frappaient dans l’eau pour la faire gicler, pour mieux l’entendre. Rien de conscient. Il chancelait, sa bouche ouverte désormais avalant l’air vide si vide et soufflant cracha quelque chose comme une plainte, attribuée à tout et à n’importe quoi plutôt qu’à son affolement. La jungle, autour de lui, au lieu de la cité, il commençait à peine à faire le lien, que la jungle avait remplacé la cité, et la conclusion, une conclusion si simple, l’étudiant n’avait simplement pas la force d’aller jusque-là. Il y avait trop de noms, trop d’images, un monde entier pesait contre cette conclusion. Tout ce qu’il pouvait faire alors était de courir.
Une fois en bas, la pente cessée, il n’y avait rien. Seulement la jungle, et à cet endroit la jungle s’était ouverte sur une brève clairière, une vingtaine de pas dégagés où l’eau de la source allait formait des gouilles plus grandes, entourées par les buissons et les fleurs en bouquets, dans un calme que son souffle n’arrivait pas à briser.

Dans le ciel bourdonnait un appareil, les pales d’un hélicoptère. Ce souvenir, aussi, lui revint, des rues en ruines et du souffle des combats, quand tout s’effondrait, en son cœur au plus profond il souhaita, par tous les moyens, y revenir. Si seulement l’hélicoptère avait tiré, voir s’abattre des bombes, même les flammes, au lieu de quoi l’étudiant contemplait la sérénité de la jungle, sa beauté, sa paix. L’hélicoptère passa, il retrouva l’écoulement de l’eau ainsi que les battements de sa poitrine, il se sentit tomber. Une jambe vint à fléchir, se retenant à peine aux dernières branches, à une liane, le gant serra assez pour pendre. Il essayait, il se cherchait une force, quelque part, quelconque, pour continuer, et n’en trouvait aucune. Des cris perçaient, à travers la flore, très lointains, les voix épuisées d’autres comme lui, enfoncés jusque-là, qui criaient des noms, beaucoup de noms. Il se demanda, à cet instant, si lui aussi allait le faire, malgré lui, se mettre à crier alors qu’il savait, et il arrêta là sa pensée.

« Mist ! »

Au moins les gens avaient arrêté de la regarder comme une intruse. Ils ne la regardaient plus du tout. Elle jetait des regards par-dessus les épaules, elle cherchait dans les gens pressés aux rebords, sur la vieille route qui se finissait en cahots dans l’herbe, une peau blanche ou bien cet air d’ahuri. Rien à faire. Les hélicoptères volaient au-dessus d’eux en arcs, en attendant le signal pour se poser. À leur passage les gens baissaient la tête, comme s’ils s’attendaient à ce qu’il les touche. Il y en avait même sur les toits, de ces spectateurs, agglutinés à ce qui restait de la périphérie. Il y en avait même sur les rails, au-dessus d’elle.

Et puis elle revit cette militaire.

« Non de mais on jurerait ! »

L’uniforme avait disparu déjà tandis que le cordon de la sécurité, coupant devant la foule, essayait de les séparer des pentes. Un effort inégal, la populace se mettait à réagir, comme si on leur tirait dessus. Il y en avait pour reculer, d’autres pour crier, d’autres qui poussaient. Ceux-là lui donnaient envie de taper dans le tas. Plus il y aurait de militaires, et plus il y aurait de tensions. Il n’y avait juste pas assez de militaires, c’était tout. À sa radio les pilotes exaspérés reprenaient leur arc, passant légèrement au-dessus des pentes. Et à chaque fois c’était un événement pour les gens, qui ne voyaient pas la routine.

La taupe laissait cette route derrière, passant par la ruelle, à la poursuite de cette silhouette disparue, et elle fulminait. De l’autre côté, même spectacle, à peine moins nombreux, une foule de gens isolés se pressant aux abords pour voir si la jungle existait bien, et quand ils ne bousculaient pas la sécurité, ils se taisaient, ou bien criaient le nom des disparus.

Seulement cette fois elle avait de la chance, tout à l’arrière et presque à l’intersection se tenait le capitaine Morning avec son ordonnance et une deux trente-cinq. Morning l’avait vue, puis avait détourné le regard, retournant à ses tâches. Il avait espéré, peut-être, qu’elle disparaisse d’un coup. Trop contente de le décevoir.
« Capitaine ! » Et après les saluts « un de vos hommes a vu un crapaud blême avec une tête d’illuminé ? »

Il avait ses têtes des bons jours, qui pesait d’un côté puis de l’autre ennuyée d’avoir à tenir debout, et les deux tonnes de ses cernes. On aurait fait tonner l’artillerie, il aurait à peine cillé. Elle n’arrivait pas à voir le pli à la lèvre, qui indiquait au contraire qu’il était sur le point de céder.

« Et le conducteur ? Le machiniste, pour cette bête ? » Ninja désignait de la tête le train arrêté, au loin, immobile depuis le matin.

« Quelque part en bas. »

Il voulait dire, en bas des pentes, comme la plupart des passagers l’avaient fait, il s’était jeté dans la jungle sans aucune autre considération. Son train avait amené des militaires, du monde sous les ordres de Morning. Il hocha la tête, ce petit à-coup fatigué qui l’agaçait. La taupe piétinait, agacée, lui balança carrément qu’il était inapte. Elle avait dit, plus précisément, qu’il ne tenait pas ses gars.

Très vite : « À votre avis mes gars ils viennent d’où ? » Une pause, et puis : « D’accord ? Alors vous vous calmez. Et vous nous laisser travailler. »

À quelle vitesse le pli s’était fendu, et sans sa nature endormie, le capitaine ne se serait pas rattrapé. Mais il la regardait à nouveau de ses yeux torves, ruminant ce qu’il avait ravalé de paroles et qui pesait entre eux. Elle, elle se rappelait que tout le monde en voulait à tout le monde. Et puis, quelque part, elle avait peur pour Mist. Pour le moment, il fallait faire la paix, alors elle se mit dans ses bottes, rejetant sa mission à plus tard, et aussitôt lui bondit au cœur l’unité Mogul’s Tooth. Une chance sur deux qu’ils se soient trouvés dans la cité, au moment où… quelque part sur Mobius, un type devait remercier l’Egg Star que ce soit arrivé. Sa tête allait finir sur un piquet, en attendant Ninja demanda ce qu’il en était de l’unité. Un hochement de tête. Pas besoin de surjouer, sa réaction fut sincère.

« Votre mia, c’est le doc’ Mist ? » Morning continua. « Je fais passer le message, si un de nous le voit on vous appelle, six o trois. » Puis : « Vous tenez vraiment à descendre ? »

« ‘Faudra que je lui demande, quand je le retrouverai. À l’heure actuelle, c’est sans doute le dernier mobien à pouvoir nous le dire. »

Ils se séparaient, c’était une première, sans se fusiller du regard. Un continent plus tard, ils en arriveraient peut-être à se sourire. Quelques secondes, le temps d’être trop loin, et le souvenir de la militaire lui revint. « Idiote ! » Elle aurait pu lui demander. Là, tout de suite, ce n’était vraiment pas sa priorité, mais quitte à affronter Mist, elle aurait au moins voulu en être sûre. Une voix s’élevait à présent dans la rue adjacente, près du pilier de rails. L’officier public essayait de se faire entendre par tous les civils, au moins dans ce coin où ils étaient les plus nombreux, pour les rediriger vers les tentes. Et de répéter de se tenir loin de la jungle. Ce n’était que du bois et des feuilles et pourtant, tout le monde, absolument tout le monde avait un frisson à la nuque, juste de s’en approcher.

Quelque chose de pas normal, et c’était là-bas qu’elle allait. Ninja revint jusque dans la cour, toujours libre de gens. C’était fou. Les soldats en piquet soufflèrent en la voyant, et lui firent signe. Ils s’en allaient déjà, dans son dos la voix de l’officier qui continuait, qui répétait les mêmes consignes. Personne ne l’écoutait vraiment, les gens se pressaient encore aux cordons. Ils finiraient par se lasser. La militaire se hissa jusque dans l’habitacle, refermant la verrière, vérifia en priorité la propulsion, puis passa sur six o trois. Le canal crépitait d’appels, séparés quelques instants, de noms qui cherchaient des noms, et qui tournaient à vide. Une saleté de musique pour se jeter dans l’inconnu.

Le mécha’ se détacha des dalles, soufflant autour, les branchages vacillèrent à son envol. Elle rasait le sol, et comme un pressentiment, les gens au-devant s’écartaient. Elle poussa le manche en avant, la machine prenant l’élan glissa juste au-dessus de la route, lourdement, et les civils écartés, le cordon s’ouvrit à son tour, la laissa surgir au-dessus des pentes. Une crispation, un instant sur le qui-vive comme si elle allait sauter, rien ne se passa. « Ouais. Rien que de la verdure. » Les arbres s’étendaient presque à l’horizon, jusque de l’autre côté des pentes, et aussi loin qu’elle pouvait voir pas la moindre trace même d’une ruine, ou d’une fondation. Tout avait été effacé par la végétation. Déjà la propulsion, détachée du sol, faiblissait. Elle ne pouvait pas pousser plus que tant, alors laissant la gravité faire, sans lutter, la militaire se concentra sur les optiques. Les hélicoptères avaient déjà dû le faire mais, à tout hasard, elle tenta un regard à la caméra thermique, dans l’étroit sillage du canon. Juste une seconde, observer toute forme de chaleur.

Personne n’y avait pensé. Dans son optique flamboyait une cité entière de personnes.
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Re : The chao's theory
« Répondre #58 le: Octobre 16, 2011, 08:46:59 am »
  • Supa Rank G
  • Hors ligne Hors ligne
  • Sexe: Homme
  • Messages: 265
  • Je ne mords pas.
WWW
****

Ensuite la forêt l’absorbait, la jungle, l’appareil plongea dans les frondaisons avant d’en ressortir à moitié, les bouches d’air hurlant dans les feuillages. Ses optiques ne captaient plus rien, que des formes hasardeuses, et l’image surimprimée de milliers de silhouettes se dissolvait sur l’écran. De toute manière elle ne regardait plus, elle se concentrait sur le pilotage. La radio tournait, encore aucun message pour elle, sans être sûre que Morning ait déjà fait passer l’annonce. Il faisait traîner. Alors si Mist avait vraiment descendu la pente, elle savait où le chercher.

Sur le panneau latéral les alarmes sifflaient. La propulsion encaissait l’effort, après avoir voyagé, elle en demandait encore. Puis il y avait la collision, que la militaire redoutait tant les troncs d’arbres pouvaient tromper le système. Sans se l’avouer, les nerfs à vif, et sur les points de braquer, elle cherchait l’affrontement. Elle cherchait l’adversaire, à travers ces vastes foules de floraisons. Si ça n’avait pas été une cité, autrefois, alors ce lieu aurait été paradisiaque. Et cela la crispait. Ses réflexes à l’Unité l’obligeaient à chercher le danger, prévenir une surprise qu’elle sentait imminente, qui ne venait pas, dans le désert des pentes, la sensation du frisson. Puis il y avait l’alarme du bloc gauche mais celle-là, elle s’y était habituée. Les lanceurs massifs émergeaient de la flore intouchés, insensibles, capables d’ajouter leur destruction à la destruction.

« À tous de Morning, avis… » le capitaine se décidait enfin à passer le mot. Elle écoutait la description du crapaud, avec des mots qu’elle n’aurait pas employé, l’image impersonnelle du jeune talent adepte de chaotique.

« PC d’oil quatre, pour Mist, visuel, répondez. »

Ce contact-là avait été couvert par le bruit des rotors, le souffle des pales. Dans leur arc les hélicoptères fouillaient encore du regard l’immensité des pentes, et au-delà, toute la jungle. Elle répondait, sa propre voix couverte par les grondements de réacteur, demanda une position, donna la sienne. L’hélicoptère décrochait de sa trajectoire et, tournant comme s’il touchait au décrochage, alla se stabiliser à l’écart. Il jouait à l’étoile du matin. À la portière le suppléant avait une vue dégagée sur l’une des clairières, où il disait, se trouvait un crapaud blanc. Définitivement son batracien. Ce qu’il faisait, il marchait, comme tous les autres, et il aurait juré qu’il n’était pas seul.

Sa propre trajectoire corrigée le mécha’ sembla plonger dans la végétation, à travers les arbres et les branches brisées fondit en direction de la clairière, où les pentes se finissaient, et elle avait vu juste. Il allait, hésitant, se détournant constamment pour ne pas l’atteindre, au lieu où aurait dû être l’appartement. Dix secondes avant contact. À cet instant il devait entendre le fracas des moteurs, et sentir au sol les vibrations. Elle surgirait dans son dos, elle réfléchissait encore, si elle se poserait devant, ou derrière. Quatre secondes, braquant sur le manche les tuyères s’évasèrent, son inertie soudain enfuie la machine alla tomber lourdement contre le sol. Les pattes articulées se déployèrent, en un dernier effort pour ralentir, deux, une seconde, la clairière apparut devant elle.

« Mech un d’oil quatre, on décroche, terminé. »

Les pattes foulèrent le sol, rongèrent dedans de véritables tranchées. C’était le genre d’atterrissage qu’elle réservait aux fuyards, quand défonçant le béton des routes elle pulvérisait leurs chances de fuite, avant de leur balancer ses roquettes. L’envie de baffer Mist, ses émotions concentrées dans un arrêt catastrophique, où les articulations grinçantes ne se stabilisèrent qu’au dernier instant, à trois mètres du crapaud. Sa main hésita sur la commande d’ouverture, l’idée du piège, et véritablement, à cet instant, elle aurait voulu rester dans l’habitacle. Puis le besoin de baffer Mist prit le dessus, elle ouvrit, s’extirpa de son siège. Devant elle, il la regardait, les yeux éteints.

« Tu sais pas répondre quand on t’appelle ?! »

Il demanda de quoi elle parlait.

« Ton téléphone ! Je t’ai spammé de messages ! »

Il tirait le téléphone, l’ouvrit, un geste d’étudiant. Ce geste qui l’avait toujours accompagné, il ne voulait pas se l’avouer, imité sur Shell. Le petit claquement de l’écran prenant place lui serra le cœur. Il regardait cependant, incrédule, les dizaines de message en absence, et celui qu’il avait déjà vu, alors soudainement Bufo jeta le téléphone au loin. Il n’avait pas le temps pour ça, il lui répondait, il n’avait aucune obligation envers elle. Il parlait encore comme s’il y avait la cité universitaire, comme si rien n’avait changé.

Ce qu’elle disait, son ton, son émotion, ne correspondait pas à Ninja. La militaire, dans son uniforme de combat, dressé sur le nez de l’unité mécanisée mécha’, avait l’attitude d’une amie. Ce n’était pas le mot, seulement il s’en satisfaisait. Les paroles de la taupe ne portaient pas plus loin que l’herbe, se perdaient entre les troncs. Ils n’arrivaient pas à briser la tranquillité de la clairière, le vide.

« Tu vas retrouver tes amis, c’est ça ? Tu penses qu’ils sont quelque part derrière un buisson ? »

Elle ne comprenait pas.

« Et qu’est-ce que je ne comprends pas ? Qu’est-ce que je ne comprends pas ! Comment veux-tu que je comprenne si tu ne me dis rien ! »

Parmi les arbres de la jungle, certains étaient millénaires. À partir de là il se tut et elle déduisit, que ce qui était arrivé était l’exact répétition de tous les autres phénomènes, de ces machines combattues aux quatre coins de Mobius. Et elle commençait à comprendre son espoir. Les machines, neuves, et les machines vétustes, toutes avaient subsisté. Il s’attendait donc à ce que quelque part également la cité soit conservée, intacte, et s’il cherchait dans le bassin naturel, au bas des pentes, si l’expert chaotique se dirigeait là, c’était soit de l’aveuglement, soit qu’il y avait plus de chances de les y trouver.

Autrement dit, il y avait toujours un espoir.

« Alors toi aussi- » et Ninja, comme effrayée, se tut.

De son côté il comprit, ce que ces mots signifiaient. Et il ne réalisait pas bien encore, ce que la militaire avait vécu, ce qu’elle avait accumulé d’expérience, et sa vision du monde. Elle lui aurait craché à la figure tous ceux qu’elle avait perdu, et le nombre de fois où elle avait souhaité les revoir. Elle aurait pu lui faire la leçon. Elle aurait pu dire, qu’il n’y avait que pour les célébrités que ça se finissait bien. Et que s’il y avait l’Unité, c’était parce que pour les autres, les miracles, les espoirs fous, ça n’existait pas. Il n’y avait que de l’effort, de l’abnégation, de l’aveuglement parfois. Une volonté de réaliser le possible, mais l’impossible, mais elle avait cru qu’il haïssait cette idée autant qu’elle, ce modèle de l’insouciance prônant qu’il y avait toujours une solution.

Autrement dit, il n’y avait pas toujours un espoir.

« Tu te trompes » lança Bufo.

Dit par un autre, elle lui aurait vidé son arme par rafales. Elle cracha : « Tout le monde ne revient pas. »

« Moi. » Et ça lui coûtait. « J’en suis bien revenu, moi ! »

Ce qui signifiait, qu’il ne voulait pas être le seul.

Elle n’aurait pas eu de peine pour l’obliger, il pouvait partir. Elle aurait pu l’assommer, au besoin, le regardant partir, la taupe se demandait, mais ce qu’elle se demandait n’importait pas. Pas vraiment. Peut-être qu’elle s’était trop reposée sur Mist, sur ses réponses. Elle avait espéré, peut-être, une solution facile, une théorie quelconque, aussi folle soit-elle, qui non seulement explique tout, mais dise quoi faire. Peut-être que Mist ne s’était pas asse reposé sur elle. Puis, ce petit aiguillon cynique, de penser qu’au fond la jungle était vraiment belle, et elle regrettait presque d’avoir labouré la clairière. Au-devant d’elle, du côté où le crapaud était parti, l’eau formait quelques gouilles hasardées, comme un jardin naturel, et les nénuphars à leur surface lui faisaient penser…
Une sonnerie de téléphone. Celui de Mist devait être quelque part dans l’herbe, mais c’étaient les voix crépitantes à la radio. Alors, plongeant dans l’habitacle :

« Mech un mais qu’est-ce que vous fichez ?! Le Commander en personne vous cherche, vous avez enfreint plus de règles en deux heures que moi dans ma carrière, on parle d’envoyer Rouge vous chercher ! Ramenez-vous avec Mist ou c’est la dernière fois que vous voyez votre mécha’ ! À vous. »

« PC de mech un, négatif pour le doc’, je reviens. Répondez. »

« Mech un, question, comment ça négatif ? À vous. »

Il n’en démordait pas, de son « à vous ».

« PC, la jungle est sûre, et d’après Mist on a peut-être du monde en bas. Envoyez vos équipes, je remonte me faire hurler dessus. Répondez. »

« Mech un, attendez. » Puis : « Mech un de PC, bien reçu. Vous avez cinq minutes, après ça votre café sera froid. Terminé. »

Elle coupa, aussi le canal six zéro trois. Le Commander. Mais après tout c’était normal. Les derniers à pouvoir parler de chaotique, pour autant qu’elle savait, étaient le professeur Pickles, le professeur Field, et Mist. Field… elle se souvenait encore de sa tête, sa colère, et l’influence qu’il avait sur son crapaud préféré. La propulsion arrachait le métal au sol, la soulevait. Quelque chose en elle soupirait, de pouvoir quitter cette jungle même temporairement. Elle aussi, au fond, elle aurait voulu avoir ce luxe de pouvoir se promener des heures en jungle, à courir après des pensées.

Sans le vacarme des machines les appels revenaient plus nets, de loin en loin, les gens qui s’époumonaient pour leurs proches. Des appels déchirants, qui donnaient envie. Dans la direction qu’il avait prise, aucun cri, juste le bruissement vague des feuillages. Il se repérait, aux éclaircies entres les cimes, grâce à la ligne de rails, sur la périphérie, où le train comme une chaîne de cristal étincelait. Dans sa tête courait la même logique, puisqu’il n’y avait aucune correspondance, qu’il ne serait jamais persuadé d’avoir trouvé, qu’il risquait d’errer des heures sans jamais être sûr. Cette logique vaincue par avance, par l’idée qu’il restait quelque chose à trouver. Une nausée en lui le travaillait, une sorte de fiel, qui rendait ses pas difficiles, et ce n’était pas la fatigue ou des tremblements. Il se forçait lui-même, à découvrir ce qu’il ne voulait pas savoir. Si simple.

Deux pas plus loin sa chaussure tapa contre ce qu’il crut d’abord être une racine, ou une pierre. Mais la masse était sombre, et baissant les yeux il crut reconnaître une pièce de bitume, de la vieille route. Ses pensées trop troubles, dans un état second, il n’arrivait pas à s’assurer de bien voir, si c’était réellement la vieille route, et non pas son esprit qui plaquait quelque souvenir dans le décor. Il l’avait trouvé. Le repère. Et l’ayant trouvé de le voir l’affolait, car l’idée refusée jusqu’alors s’abattit comme un fait. La cité avait été détruite. Anéantie. Par l’explosion. Et ce que Ninja avait essayé de lui dire, pesa contre sa poitrine. Le ventre gargouillait de fiel, un malaise, comme de l’acide. Sur sa vue s’imprimait le voile violâtre de ses souvenirs, cette impression affolante. Ce bout de bitume signifiait, la cité était encore là, et la cité était anéantie.
Il eut peur en comprenant qu’il allait trouver quelque chose, et ne parvint plus à avancer.

Quelque chose le fit avancer qui était un esprit de logique hors de lui, ou une habitude le dépassant, et il se voyait point de gravité conscient devant lui écarter les feuilles, sur de faux sentiers entre les hautes herbes, aux abords des pentes. Dans sa tête cela allait ainsi, à présent il avait atteint l’artère, et là, et là, il y avait, et il avançait luttant pour ne pas céder. Les cris des gens derrière lui, lointains, lui vrillaient les oreilles. Il entendait son propre cri, et il faillit étouffer. « Rye ! » Et il s’obligea à hurler : « Juicy ! Coal ! » Et il s’obligeait à les appeler, chacun de leurs noms, leurs visages pleins la tête, tant que des brassées sylvestres les séparaient. Tout ce temps il avait pu marcher sûr qu’il n’y avait rien à trouver, souhaiter ce qu’il ne voulait plus, et il se rappelait.

La façade blanche du bâtiment l’accueillit, surgissant des arbres, un petit espace trop réduit pour être une clairière, juste une trouée où le mur s’élevait, pâle, avec ses fenêtres. Un monceau de façade défoncé à travers l’arbre, qui ne s’élevait pas plus haut que le premier étage. Sa conscience lui échappa. Il s’effondrait, évanoui.

Bufo gisait contre le mur laqué de blanc, ce qu’il restait du mur s’ouvrant contre l’arbre, les arbres autour, l’épaisseur des frondaisons. Le ciel s’était assombri, la nuit approchait, il voyait poindre les premières étoiles. Alors l’Unité avait accepté de le laisser tranquille. Il sentait une présence, et il la sentait familière, si familière. Son dos blotti contre la ruine, il regardait ce lieu défiguré, sans le voir, et incapable de réagir. Il attendait. Il les attendait. Revenu où il aurait dû être, une troisième explosion peut-être, pour l’emporter. Cette présence, surtout, lui était douloureuse. Il voulait y croire, qu’il y avait quelqu’un, et savait désormais le contraire. Une dernière fois, faiblement :

« Rye… »

Comme ses sens lui revenaient, la conscience de s’être relevé, d’avoir marché jusque contre le mur pour s’y laisser abattre, il regardait les lieux, redécouvrait les arbres et, autour de lui parsemés, les bouquets de fleurs. Là où s’était trouvé le jardin de l’immeuble, et jusqu’au plus près du mur, les fleurs presque comme un champ, des sept couleurs, flottaient. Il se souvint de Pearl ramenant une Émeraude. Il se souvint de Juicy lui claquant la porte. Puis dans l’escalier…

Quelqu’un s’approchait. Un petit enfant, aux oreilles, un souris, à peine quatre ou cinq ans. Il ne l’avait pas vu encore, marchant au hasard parmi les arbres, puis le souris vit le mur, puis il vit le crapaud. Une chemise trop longue, et un béret. Un petit citadin, qui le saluait. L’air content, l’air serein. Heureux de l’avoir rencontré. Bufo le regardait de loin, attisé par sa sorte de joie, l’envie de le voir s’en aller. Il se souvenait du lézard, et d’autres. L’enfant s’était rapproché, pour lui parler, lui demander comment ça allait. Pour lui dire de se consoler. Des tas de mots. Des tas d’idées. Il aurait eu envie de lui répondre, il n’en avait plus l’envie. Le jeune souris parlait, voulait l’entendre répondre. Il cherchait une réaction. Bufo comprit, il cherchait quelqu’un, à son tour, à qui parler.

Il se forçait à sourire.

« Tenez. » Le jeune souris lui tendait un instrument, qu’il avait traîné alors dans sa manche, et qui surgissait de nulle part. Une flûte toute de cuivre, ancienne. « Moi, je ne sais pas en jouer. » Supposer que tous les adultes savaient, ou seulement ceux qui avaient compté.

Il se força à sourire, n’y parvint pas.

Alors Bufo porta l’instrument à sa bouche. Et il sentit, autour de lui, les courants, les courants chaotiques. Peut-être, en manipulant ces courants, mais cette idée l’emmenait trop loin, à trop d’espoirs fous, et ravivait le mal à son ventre. Au lieu de quoi il saisit ces courants comme une portée, et se laissa porter par eux. Ses doigts, détachés de lui, allèrent haut et bas jouer sur le corps de la flûte, puis il se mit à souffler. Les notes, d’abord solitaires, se mirent à résonner, allèrent se perdre parmi les arbres.

Il joua, le petit souris près de lui assis, une dizaine de notes, une dizaine d’autres, il les écoutait éclater autour de lui, puis il y eut d’autres notes qui ne venaient pas de lui. Ailleurs, quelqu’un avait sorti un harmonica, et lui répondait. Puis il y en eut d’autres. Les notes allaient se combinant, trop bien, trop parfaitement, mais il jouait sans s’en soucier. La mélodie montait dans le bassin naturel, allait par les pentes, atteindre les gens de la périphérie. Il écoutait, et il laissait jouer, ces notes qui venaient naturelles, un chant échappé d’eux en même temps que brûlaient les étoiles dans le ciel.

Puis il s’arrêta. Le souris avait disparu. Il ne ressentait plus de présence, plus que l’absence. La seule mélodie était celle des sirènes, venant de la périphérie, qui appelaient à rentrer. La flûte entre les mains, il se blottit, et la présence qu’il ne ressentait plus, s’installa pour la nuit, une dernière fois à l’appartement.

___________________________________________________________________________________________

Journal :
Mh. Changement d’écriture pour du tellement simple que j’en ai honte, mais c’est le but. Au départ, les chapitres 22 à 25 n’avaient pas de plan. Je sais juste qu’en fin de 22 Bufo reçoit une flûte et en joue. J’ai fait un plan page à page que je ne vais pas suivre. Un projet avait consisté à ne mettre que du dialogue, entre le Commander, Pickles et d’autres personnes, reprenant ce qui s’était passé. Au final il fallait de la place à Bufo, mais Bufo seul aurait été étouffant. Alors j’ai placé Ninja qui sert un peu à résumer et ellipser son errance.
Bon, ça c’est dit.
Premier arrêt page trois, juste à la transition. Tout ce qui se trouve avant était plus ou moins planifié, et s’est très facilement écrit – on peut faire de ce genre de page à la centaine, les yeux fermés. Repris quelques heures plus tard jusqu’en fin de page quatre, avec une petite correction après « rien à faire », une hésitation à cet endroit mais ensuite même chose, écrit avec autant de réflexions que pour additionner deux et deux. Morning inventé de toutes pièces sur l’instant.
Je suis à présent persuadé – et trop content si on me détrompait – que personne ne sait qui est la militaire que Ninja aperçoit en coup de vent. Je ne suis même pas sûr que les gens ont compris que Bufo est Mist.
L’idée du thermique s’est imposée par l’habitude de la coupure en fin de page quatre. Ce n’est pas non plus hors de propos : sur le plan prévu, Bufo devait trouver un reste de la cité au fond d’une gouille, une manière de dire qu’il reste peut-être quelque chose. Le thermique, c’est plus fort, une dernière image de la cité surimprimée sur la réalité, et ça justifiera d’autant mieux quand Ninja devra céder face à Bufo.
Quatre dernières pages en moins de deux heures. Presque rien à dire. Le thermique, si j’avais pu revenir dessus, je l’aurais supprimé. Comment enchaîner dessus… je me suis contenté quasiment de l’ignorer.
Je me suis accordé un peu de dialogues, et à la page huit, j’ai manqué de place pour jouer la rencontre de Bufo et Timothée. Tout, en général, a été affaibli et « bâclé ». L’évanouissement parce qu’il fallait que la mélodie ait lieu la nuit. Si j’avais dit « il s’était attendu à voir un halo bleu » c’aurait été plus clair, mais par pitié, que quelqu’un me dise que ce n’est pas nécessaire.
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Re : The chao's theory
« Répondre #59 le: Décembre 01, 2012, 02:26:46 pm »
  • Supa Rank G
  • Hors ligne Hors ligne
  • Sexe: Homme
  • Messages: 265
  • Je ne mords pas.
WWW
Cela fait plus d'un an et je n'ai jamais pu oublier cette fic'. Il est temps de lui donner sa fin.

The Chao's
Theory

Épisode 23 :

Le local avait été aménagé avec tant d’autres, dans l’urgence, murs de grisaille sur les murs de grisaille du camp militaire flanquant ceux des réfugiés. Par la fenêtre sous la hotte de climatisation ils pouvaient voir l’ouverture des pentes, et la jungle. Une demi-douzaine de sièges autour de la grande table blanche étaient vides et comme pendants dans le bourdonnement, attendaient une réponse. Il attendait une réponse. Aux deux largeurs de la pièce les écrans géants diffusaient, l’un l’orbite planétaire avec sa trajectoire d’un trait jaune brûlant, et le point rouge où se focalisaient toutes les attentions.

Ils attendaient, pesamment, sans rien d’autre à faire qu’écouter le bruit de la climatisation, que de regarder évoluer, à la lenteur des minutes, ce minuscule point rouge quelque part au-dessus de Mobius.

Entre la porte et l’agent Rouge se trouvait comme un vaste vide que la chauve-souris regardait négligemment à chaque fois que l’ennui la rattrapait. Elle faisait mine de se lisser les ongles, au travers de son gant, faisait la moue, appuya la tête contre la cloison de métal. Elle ne pouvait pas s’empêcher une pointe de jalousie. Face à elle, décalée de deux sièges et les deux pieds sur la table Amy pouvait somnoler et, quand elle dormait, elle paraissait presque mignonne. Presque, se répéta l’agente  en relevant les yeux au plafond. La petite Cream, le professeur Pickles, les quelques uniformes de l’Unité, et surtout la dizaine de fenêtres découpées sur le second écran avec ces visages familiers.

« Il va venir » répéta la taupe, engoncée dans son uniforme.

« Merci, ma petite » la chauve-souris souffla au demi-oeil ouvert d’Amy. « Sinon quoi de neuf depuis dix minutes ? »

À part elle et le piquet de la porte un seul se tenait debout, et figé devant l’écran orbital, tenait toute la salle en suspens. Ses deux poings serrés dans le creux du dos, la tenue raide, la chevelure sèche et povire et sel le Commander jetait son regard d’acier sur la situation. Plus qu’aucun autre il prenait son mal en patience, et ils le sentaient, tous, une tension sans commune mesure dans la seule rigueur d’épaule de ce vétéran.

« Moi, je dis, il va venir » continua la taupe en grognant « parce qu’on m’a fait l’annonce. »

Et elle tapota le côté de son casque, au niveau de l’oreille, ce qui voulait dire qu’à la radio les gardes l’avaient contactées. Cette fois Amy ouvrit grand l’oeil, puis se redressa sur son siège. Le professeur Pickles s’affola un peu, la tête ailleurs, s’étonna de la soudaine activité. Il semblait que la pièce reprenait vie à cette seule mention. Les regards se tournaient, instinctivement, du côté de la porte, et ils écoutaient les bruits de bottes au-dehors, les rumeurs du camp. Soudain le piquet se raidit, s’effaça.

Il entra.

Les yeux de Mist étaient rougis par la fatigue et la poussière des machines. Il s’arrêta net à l’entrée, frappé par tous ces gens qui le regardaient, le regard un peu perdu de Fickles, joyeux d’Amy et plus joyeux encore de Cream qui s’était levée de son siège, le coup au coeur en voyant surgir son chao dans les airs. Et le regard ennuyé de la chauve-souris, dur de Ninja, plus dur encore, comme tranchant, du Commander.

« Professeur Mist. Prenez place. »

Cette voix frappa le jeune crapaud moins par les mots que par le ton, comme le grondement sourd d’un fauve. Une bête en plein combat. Il trouva le premier siège qui se présentait, s’assit là et plongea les yeux sur la table.

« Ninja. » Ordonna le Commander.

« Le professeur Pickles nous a déjà fait un topo. En bref on a une bombe à retardement chaotique sur nos têtes, capable d’annihiler une ville en une seconde sans qu’on puisse se défendre. Jette un coup d’oeil à l’écran. »

Elle voulait dire, non pas celui marquant l’orbite du Star Egg, celui où Knuckles dans les cahots du véhicule croisait les bras, le visage sombre. Celui où le vent frappant le visage du renardeau et plaquant sa mèche ne l’empêchait pas de sourire. Celui où une abeille ne cessait de jouer avec la caméra, aux grognements inaudibles du crocodile. Il en reconnut d’autres, et d’autres qu’il ne connaissait pas.

« Tout le Gardien est sur le pied de guerre, et les Combattants aussi, on a une dizaine d’opérations en cours et une onzième sur le feu. C’est pour ça que t’es là. »

Puis Ninja se tut et se tourna vers le Commander qui approuva, l’air sec.

« Je dispose de quatorze fusées comptant chacune une charge de deux cents kilos. Nous avons déjà les trajectoires d’interception contre le Star Egg. »

L’écran afficha, en traitillets blancs, cinq lignes depuis la surface de Mobius se rejoignant au-devant du point rouge. Derrière, des traits beaucoup plus effacés et mis constamment à jour révélaient la complexité de l’opération, les fenêtres de tir, les phases d’ascension, la jonction, puis au moment de l’impact les formes floues en arrière-fond ne donnaient qu’un vaste cercle noir d’inconnues. La question du Commander était simple. Si une de ces fusées touchait son but, il voulait connaître le résultat.

« Je n’en sais rien » souffla le crapaud.

« Vous voulez dire, mon jeune ami » le reprit Pickles avec son accent bien marqué « que c’était le professeur Field qui menait les recherches sur la chaotique, et que toutes les réponses à nos questions se sont évaporées avec lui. Je me fatigue à le leur expliquer mais ils ne veulent rien entendre. »

« Professeur, fermez-la. » Faucha la voix de Ninja. « Bufo, écoute, si tu dis rien ces missiles on va les tirer, viens pas pleurer si après ça la moitié de Mobius saute ! »

Le jeune crapaud les passa en revue, tous, et ses grands yeux globuleux, rougis par la fatigue, clignèrent plusieurs fois. Il avait envie de dire mille choses, et pas la force de les dire. Alors la voix de Tails surgit de l’autre écran, le renard avait remis le son de son côté. Il lui expliquait quelque chose que l’ancien étudiant n’arrivait pas à entendre, comme à travers un voile, des mots qui n’avaient pas de sens. Puis les autres écrans, un à un, parlèrent à leur tour, puis en cacophonie pour réagir au silence de Mist.

Qu’est-ce qu’il pouvait leur dire ? Qu’il n’arrivait plus à les voir, eux, leurs visages, leurs expressions. Qu’il n’arrivait plus à voir que les courants de chaos filant autour d’eux, un marasme dans lequel ils n’étaient plus que des possibilités. Il cligna encore, effrayé soudain à l’idée de ce qu’il voyait, et la salle redevint calme, retrouva le silence de la climatisation.

« Vous voulez tirer, tirez. Ca ne ramènera pas la ville. »

Tout le monde baissa la tête, silencieux, sauf le Commander : « Ce n’est pas la question que j’ai posée. »

« Alors vous ne posez pas les bonnes questions. »

« Cool, on dirait que j’arrive juste à temps ! » Lança une voix derrière eux, et le hérisson saluant tout le monde à la volée alla se saisir d’un siège encore libre qu’il fit glisser sur les roulettes pour s’y plier confortablement.

À travers la fatigue, à travers les sentiments Bufo sentit tout son corps se raidir, les poings se serrer. De la haine, de la vraie haine à la vue du hérisson couché sur son siège, répondant à Amy d’une voix distraite alors que la cacophonie des salutations s’apaisaient. Il serrait les poings, il serra les dents, voulut quitter la pièce. Rien ne le retenait, il songea que rien ne le retenait, que rien ne le retenait plus. Et sans qu’il s’en rende compte, sans qu’il n’y songe ou qu’il ne le comprenne, ses yeux s’étaient à nouveau embués. « Monsieur... » demanda Cream et il se rendit compte que la pièce entière le regardait.

« Professeur » coupa la voix ferme du Commander. « Il y a un memorial à l’écart du camp. Si vous ne vous y êtes pas encore rendu, allez-y maintenant. » Puis, comme Bufo se levait : « Que vous le vouliez ou non, désormais Mobius repose sur vous. »

« Et crois-moi mon gars ! » Hurla Vector à son microphone, les yeux en larmes, mouchoir aux narines : « C’est pas facile tous les jours ! »

Le garde s’effaça à sa sortie, le regarda s’éloigner du local de métal parmi les autres locaux métalliques que le bruit et le souffle des pales couvraient comme en permanence, des dizaines d’uniformes oeuvrant à vide. Il avait entendu, en sortant, Amy pousser Sonic, des rumeurs comiques qui lui mordaient le coeur. Son regard se forçait à ne pas regarder du côté de la jungle, et la jungle occupait toutes ses pensées. Là-bas, gigantesque, la voie ferrée suspendue formait sa courbe contre les feux du jour.

Des pas de course derrière lui, il n’eut pas la temps de se retourner, la rafale de vent fouetta son corps de verrues. Sonic s’était arrêté face à lui, l’air gêné, et les pièces du puzzle se formèrent d’elles-mêmes : Amy l’avait forcé à faire des excuses, parce qu’elle croyait que les larmes étaient venues à cause de lui. Le regard de Bufo coupa net le hérisson bleu avant même qu’il n’ait aligné un mot. Il pouvait voir sans peine qu’Amy s’était trompé.

« Eh, je voulais juste te dire, je suis désolé. »

C’était sincère, mais c’était creux. Bufo répondit : « De quoi ? » D’un ton âcre et convenu.

« Je voulais savoir » le ton du héros avait complètement changé, nonchalant « ça fait quoi de voir ton monde s’écrouler, et tout le monde qui te demande de réaliser l’impossible en permanence ? »

Tout de suite, le crapaud ne comprit pas. Ses oreilles sifflaient d’entendre le héros parler, ses pensées confuses, chaotiques, l’auraient volontiers étranglé. De la haine, rien que de la vraie haine. Parce qu’il croyait comprendre, ce que ça faisait, de voir une vie entière s’évanouir, et ce qu’on avait de plus cher... parce qu’il croyait comprendre, ce que ça faisait d’être juste soi-même. Parce que Sonic ne pouvait pas voir ce que Bufo voyait, parce qu’enfin ce hérisson n’était pas, n’était tout simplement pas Sonic. Soudain, il comprit, et l’expression du crapaud changea pour de la stupéfaction. Effrayant, un vertige face à l’air détendu, ce petit sourire en coin du hérisson.

Ce dernier se tourna du côté de la jungle. « Tails est en train de voler, là-haut, à récolter je ne sais quoi pour expliquer ce qui a pu se passer. » Et il ne dit rien de plus, il regarda le ciel quasiment vide, seulement quelques nuages, l’air rêveur.

« Tu sais ce que je vois ? » Demanda le crapaud d’une voix plus blanche que lui.

« Est-ce que ça importe ? » Répliqua le hérisson. « Demain Tails volera encore, demain tu seras toujours là, et puis qui sait ! » Il s’éloigna d’un pas, déjà les courants s’accumulaient autour de lui comme un appel d’air, comme s’il glissait au travers sans poids. « Demain peut-être qu’un hérisson bleu sauvera le monde ! »

Il était déjà parti, si vite que le souffle de Bufo fut comme happé, la traînée de poussière s’épuisait quand une seconde survint et Sonic à nouveau devant lui :

« J’oubliais, pourquoi le Star Egg n’a tiré que sur cette ville ? »

La réponse du crapaud fut mécanique, comme lointaine : « C’était une ornière. »

Chaque cité était une concentration de chaos, celle-ci plus qu’aucune autre, et lorsque le Star Egg était passé au-dessus les champs chaotiques étaient entrés en conflit. La cité influençait la trajectoire de la station, menaçant de la rejeter dans l’espace, ou de la faire brûler en basse orbite. Alors la station instable avait automatiquement réagi et paré à la menace, comme elle le referait si une nouvelle concentration la menaçait.

Par exemple, les sept Emeralds.

Mais Bufo était déjà seul, le hérisson reparti, il se demanda si ce dernier avait compris. S’il pouvait comprendre. Si lui-même, l’ancien étudiant se le demanda, si lui-même pouvait bien comprendre cette haine qui le prenait à chaque fois, cette idée obsédante. Il rejeta tout cela loin de lui. Tout cela ne le concernait pas, ne l’avait jamais concerné, ne devrait le concerner jamais. Il n’était qu’un simple étudiant d’une ville paisible, vivant sa vie, et sortant du camp militaire pour celui des réfugiés, il ne voudrait rien être d’autre jamais.
« Dernière édition: Décembre 01, 2012, 02:39:19 pm par Feurnard »
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Pages: 1 2 3 [4] 5