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[Terminé] The chao's theory
Re : The chao's theory
« Répondre #60 le: Décembre 04, 2012, 02:21:59 pm »
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Passées les bornes de ciment du camp militaire tandis que dans son dos les rumeurs des véhicules se calmaient à celles-ci se substituaient d'autres clameurs de voix venant de la frange des bâtiments avant les pentes, par les vieilles routes, et des campements montés le long des piliers de la voie. Le jeune crapaud cherchait des yeux une direction à prendre, se frotta le bras. Il voyait encore les militaires œuvrer contre une façade de trois étages, élever un vaste écran à force de câbles. Le mémorial devait être plus loin, une pensée soudaine dont il ne sut pas expliquer le raisonnement, le mémorial devait être plus loin.

Comme un besoin, comme tant d'autres, il passa par les vieilles routes longeant les pentes, par ces façades familières et désormais désertes, à sentir sous ses semelles les fissures s'étendre et le béton démonté s'ouvrir sur l'herbe. D'autres passaient comme lui, muets, il leur demanda où était le mémorial. Les directions étaient contradictoires, avant que l'ancien étudiant ne comprenne qu'il y en avait plusieurs. Deux, trois, peut-être plus, et en retour on lui demandait ce que préparaient les militaires, ce qu'il fallait faire et cette dernière question le prenait au dépourvu. Il n'y avait rien à faire, alors il disait qu'il n'y avait rien à faire et le crapaud repartait, laissant ses auditeurs comme sourds. Il voyait ces gens passer par les rues, s'imaginait en bas des pentes, s'imaginait un autre temps.

Ensuite, plus loin, il y avait une cour où il était persuadé d'avoir passé du temps, avec quelques arbres sans feuillage, l'écorce sèche, et quelques bancs. Il enjamba le muret, regarda alentours à part dans son dos les pentes, cet espace libre où respirer. Il n'y avait que deux autres personnes avec lui dans cette cour, trois peut-être. Son cœur bondit, une idée folle, il commença à marcher en direction d'un arbre où l'ombre semblait plus forte, comme si, mais ce n'était qu'une impression, et soudain on l'appela tandis qu'il passait devant l'un des bancs, la personne assise venait de dire son nom.

Il se tourna, ses yeux rougis dans des yeux rougis de fatigue, il n'arrivait pas à la reconnaître. La guéparde avait son âge, les anneaux à son poignet, c'était une étudiante. La chevelure en crête autour des oreilles, elle se levait, il demeura sur place tandis que le visage de la guéparde s'éclairait, soudain joyeuse elle répéta « Bufo ! » et l’enlaça.

Sa voix lui revint, la guéparde aux marbrures froides perchée sur l’immeuble avec son mégaphone, hurlant les exigences de Mary. Puis comme un fleuve, la guéparde poursuivant Pupil après les cours, et celle qu’il avait croisé la première fois, à la bibliothèque de l’université, lorsqu’il se perdait encore. Elle pleurait à présent, la tête contre son épaule, les deux bras croisées à ses deux épaules et elle répétait, elle avait cru ne plus jamais revoir un visage familier. Ces noms qu’elle prononçait, Mary, Mud, puis elle dit Shell et les pensées du crapaud vacillèrent. Elle demandait pardon. Elle le suppliait de la pardonner. Son nom lui revint, elle s’appelait Maize, et elle frottant sa tête un peu plus contre son cou, les larmes roulant sur son visage, répétait qu’elle aurait dû être là.

« On est tout ce qui reste » elle avait voulu ajouter, de l’université, sa voix s’était étranglée. Lui demeurait insensible.

« J’étais dans le sud » dit-il simplement.

« Je voulais leur prouver… » elle sanglotait, il lui caressa la nuque pour la calmer. « J’étais dans le désert… » Aucune des filles n’avait voulu l’accompagner.

Quelque chose en lui le poussait à demander, si elle avait vu un tel, un tel autre, et il sentait qu’elle avait le même mouvement, et il sentait que comme lui elle se retenait de demander. Il se rendit compte aussi qu’il voulait pleurer, qu’il n’y arrivait pas, il resta là à la laisser s’épancher quelques minutes, à lui répondre, juste quelques mots, jusqu’à ce que les ombres des arbres déclinent. « Qu’est-ce qu’on va faire… » murmura Maize, sans que Bufo ne lui réponde, elle agrippait ses épaules et se laissait comme bercer. Puis, se rendant compte enfin, la guéparde se détacha de lui, confuse.

Elle était déjà allée au mémorial le plus proche, le temps de cueillir quelques fleurs et ils pourraient s’y rendre. Pourquoi, parce que tous s’y étaient mis expliqua-t-elle en le devançant, il la suivit sans poser plus de questions. Quelques pas hors des rues les pétales s’ouvraient par milliers, ils en saisirent chacun deux ou trois avant de se mettre en route.

Comme mémorial les gens avaient dressés cinq blocs de marbre noir côte à côte et commencé à graver, suivant les listes militaires, le nom des disparus. Sur trois pierres, ils gravaient encore. Plusieurs dizaines de gens se pressaient devant chacune les regardant les surplomber, les listes de noms serrées qui blanchissaient leurs surfaces. Aux pieds des blocs un espace de terre délimité par de la pierraille était rempli de fleurs, de bouquets, certaines datant de la veille. Parmi la foule certains s’avançaient encore pour jeter les leurs parmi cet amas. Ils s’avancèrent eux-mêmes, longèrent les blocs sous leurs ombres, à la recherche de noms familiers. Elle, elle savait déjà, elle le suivait simplement.

Il avait la même pensée que tous les autres, ce qui se passerait si les noms n’y étaient pas. Maize le retint par le bras, lui pointa en hauteur le nom de Pupil. Il fouilla alors, d’un vaste regard, toutes les autres colonnes et les noms peu à peu apparurent, familiers, comme une gigantesque toile de connaissances. Les fleurs tombèrent d’elles-mêmes d’entre ses doigts. Le goitre gonflait, s’usait, du mal à respirer.

Ce fut à peine si, le regard perdu, il entendit l’annonce, la voix sèche d’une militaire couvrant les hauteurs et la voie. Il n’écoutait pas, il continuait de lire les noms, tous ces gens qu’il ne savait même pas connaître, sur la place de sport, au magasin, puis soudain le nom de Shard. Comme étage, par étage, le bâtiment. Comme s’il remontait les escaliers, comme s’il atteignait leur porte, comme s’il l’ouvrait. Chaque nom blanchi à ses yeux.

Maize l’arracha à ses pensées. Tout le monde autour d’eux commençait à converger vers les écrans dressés par les militaires. « Allons voir » dit-elle et sans savoir pourquoi, il la suivit. Il jeta encore un regard au mur avant de la suivre.

Des centaines de têtes s’amassaient devant l’écran géant, sous le regard rapace des soldats, leurs casques, leurs masques et leurs véhicules. Il sentit l’hostilité, latente, presque rien. Toute l’attention se reportait sur les images, sur la voix du journaliste commentant les images de fusées sur les pas de lancement. Maize, serrée contre son bras, se mordait la lèvre en regardant le spectacle des fusées crachant la vapeur, les voix de compte à rebours s’égrenant. Le journaliste expliquait leur nombre, les trajectoires, sans pouvoir dire ce qu’elles allaient emporter. Elle trembla à l’idée des minutes restantes avant le lancement. Il la détrompa. Le crapaud s’était détourné de l’écran, pointa du doigt l’horizon derrière la ligne de chemin de fer, et elle ne vit rien d’abord, puis la guéparde écarquilla les yeux.

À une première traîne de fumée, faible dans le lointain, une seconde s’était ajoutée plus fine encore et presque impossible à discerner, qui s’élevaient toutes deux dans le jour. Il y en aurait d’autres, le commentateur parlait de cinq ou six fusées, il secoua la tête encore une fois. Les traînes des fusées continuaient leur avance en plein ciel, rapides, et déjà d’autres se retournaient pour les voir.

« Pourquoi n’ont-ils pas tiré plus tôt ? » Demanda la guéparde, la voix tremblante.

Il répondit sans y penser, la peur de déclencher une explosion pire encore, puis il continua, ce qu’il avait vu dans le Star Egg, cette machinerie infernale, et plus il parlait plus le crapaud sentait ce qu’il essayait de dire, implicitement, ce qu’il essayait d’expliquer à cette camarade. Qu’il y avait été. Qu’il avait essayé quelque chose d’impossible. À présent sur les écrans les fusées partaient également dans des tonnerres de flammes, se soulevaient avant de prendre de la vitesse et les caméras pointant vers le ciel montraient leurs traînes énormes. Six, sept. Une sorte d’excitation prenait la foule en les comptant. Huit désormais. Bufo sentit la guéparde se tendre, les anneaux à son poignet jouer tandis qu’elle serrait son bras, qu’elle fixait de ses yeux fauves l’écran en quête d’un instant.

À quoi bon, songea Bufo, et il détourna le regard. Les commentaires du journaliste, mêlé à d’autres commentaires mêlés aux rumeurs de la foule lui semblaient lointains. Il faudrait, de toute manière, de longues minutes d’ascension aux fusées pendant lesquelles rien ne se passerait, et tous ceux rassemblés devant l’écran, la foule qui ne cessait de grossir, ne semblait pas s’en rendre compte. Comme si les traînes s’allongeant devant leurs yeux, comme si le feu ardent des réacteurs dans des éclats du ciel les tenaient captivés.

Elle tenait son bras comme effrayée à mesure que les silhouettes des fusées disparaissaient, ne laissant que ces arcs de fumée, les images changeaient se divisant entre les foules assemblées dans les villes, sur les grandes places, entourant les schémas d’orbites et de trajectoire et les journalistes se chevauchant pour expliquer, à mesure, ce qui pourrait se passer. Personne ne savait encore ce que contenaient les fusées de l’Unité. Déjà les dernières images des engins disparaissaient laissant place à cette folle abstraction, aux discussions et soudain la foule se disloqua. Ils avaient regardé les armes prendre leur envol, le reste ne les intéressait pas. Seul le crapaud, livide, continuait bien malgré lui de regarder l’écran.

« Bufo ? » Maize s’étonnait de son silence. Il ne dit rien. Revint aux trajectoires. Comme des courants.

Minute après minute les gens s’asseyaient, s’installaient sur la longueur devant l’écran, se relayaient les nouvelles de groupe en groupe. Un jeune singe passa, leur mit deux saucisses chaudes entre les mains, lui aussi connaissait le nom de Bufo. Il demanda à Maize, elle ne savait pas, elle ne le connaissait pas non plus. Ils se mirent à manger, lui toujours fixé sur les points qui convergeaient se raidissait de plus en plus à mesure, et il fit un pas vers l’écran, entraîna Maize avec lui.

Il interpella l’étudiante, lui demanda, ce que c’étaient ces longues courbes à l’écran précédant leur point jauni. « Les fusées ? » Elle ne comprenait pas. Ce n’étaient pas les fusées. Il les avait vues décoller dans le ciel et ce n’était pas la même chose.

Les fusées n’existaient plus.

« La station est aveugle. » Sa voix était blanche, distante. « Elle ne réagit qu’aux signatures chaotiques, aux instabilités. » Il tourna la tête vers l’étudiante. « Les fusées n’ont plus aucune signature. »

Sa tête bourdonna face aux possibilités, face aux conséquences. Il se rappela les expériences, toutes les études faites, la salle de classe où Field s’agaçait face aux bancs, les instruments mis en place près de l’étang, leurs mesures. Il se rappela la nuit noire près de cette eau miroitante, puis les nuits humides et le chant. Tout, à mesure, il réduisait tout à des courants, de simples courbes, de simples spectres. Ses pieds sentaient la planche glissant au vent, ses doigts les manettes de jeu, les couverts de table au soir et quand le matin il partait en même temps qu’elles. Tout se réduisait à de simples graphiques, à rien de plus, quelques nombres. Il vacilla, se mit à avancer vers l’écran.

À cet instant toutes les différentes images laissèrent place à une caméra de bord, en noir et blanc, les nombres abstraits et les abréviations, les images envoyées depuis l’une des fusées. L’image, brouillée, ne laissait pas voir grand-chose. Au lieu de commentaires s’égrenaient les voix de soldats, énumérant les manœuvres, les phases, sans explication.

L’image se brouilla un peu plus lorsque les têtes de fusée s’ouvrirent, laissant s’échapper comme des chargeurs en tambour leur salve de missiles. La caméra montrait ces engins à présent s’éloigner des fusées inertes, alors qu’au loin soudain perçant le noir de l’espace se formait une tache blanche, ardente. Tout, alors, s’était déjà achevé depuis plusieurs minutes, tout s’était décidé depuis longtemps. Ils regardaient une action passée, et comme figés, comme si le cours des événements pouvait encore changer, tous devant l’écran se tendaient un peu plus à chaque seconde. Ils crurent que c’étaient des explosions lorsque les missiles lâchèrent leurs contre-mesures, automatiquement, alors même qu’approchait la station. Puis le blanc toujours plus vif cacha les contours des projectiles et, pendant une minute, l’image sembla ne plus changer.

« Je les vois » murmura Bufo. Les missiles, à des distances qu’il ne concevait pas, il arrivait à les deviner encore. Il les vit atteindre la station, à encore plusieurs kilomètres de sa structure, des dizaines de déflagrations. « Ils ont explosé. » À côté la guéparde l’écoutait, demanda s’ils avaient réussi. Bufo voyait les derniers missiles, les uns après les autres, voler en éclat dans la traîne du Star Egg. Chaque impact lui serrait le cœur. Quand elle vit son visage se tendre, ses dents se serrer, elle comprit que l’Unité avait échoué.

« Cible intacte » répéta la voix martiale plusieurs fois avant que les commentateurs ne reprennent.

Devant l’écran, la foule demeurait silencieuse. Ils regardaient évoluer cette tache blanche, la station, comme si rien n’était fini encore. Puis, peu à peu, ses abords se désagrégèrent, chacun repartant de son côté, de longues minutes durant des groupes entiers restaient fixés sur la caméra de l’armée, jusqu’à ce qu’elle laisse place à son tour aux images d’archives et aux visages de presse. « Qu’est-ce qu’on peut faire ? » La question avait volé à sa droite, Bufo jeta un œil croyant à une énième rumeur, s’arrêta net.

On le regardait. Des dizaines de regards posés sur lui, inquiets, furieux, tremblants, des groupes entiers tournés vers lui attendant une réponse. Le plus proche, tapant du sabot, répéta : « Qu’est-ce qu’on fait ? » Et Bufo les regardait sans comprendre la question, sans comprendre qui ils étaient, ce qu’ils voulaient, ce qui se passait. Rien que des courants.

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Journal:
Pas vraiment du journal mais quelques remarques. Après un an, difficile de se rappeler de tout, résultat tout est simplifié. Toutes les explications de la réunion disparaissent, la confrontation Sonic-Bufo est désamorcée et ainsi de suite. Dégât collatéral, l'intrigue réduite à presque rien.
Mais mon but est de finir la fic', pas de m'enliser.
Créé le personnage de Maize en moins d'une heure, pas de personnalité, juste une fonction pour les chapitres vingt-trois et vingt-quatre. Un personnage-outil. À voir si j'exploite le parallèle avec Rye.
Les quatre premières pages d'une traite, ensuite et une fois Maize créée blocage seulement à partir du début de la page sept. J'ai finalement choisi la révélation de Bufo qui contraint donc le chapitre vingt-quatre. Il n'en reste que ces deux dernières pages sont très brouillonnes.
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
Re : The chao's theory
« Répondre #61 le: Décembre 11, 2012, 10:29:24 pm »
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Et on commence à mettre en place le grand final.

The Chao's
Theory

Épisode 24 :

Il regardait l’œil morne ce plafond de blanc frais, et il songeait ne voir que les courants de chaos, d’infinies traînes où les couleurs se perdaient, qui étouffaient la réalité même. Il regardait l’œil morne et songeait, comme dans un rêve, c’était comme dans un rêve. Son hamac berçait à peine, sans bruit dans l’alcôve de pierre, parmi les autres abris du camp. Le crapaud pouvait sentir, au-dessus de lui, le poids des piliers et le poids des rails se courbant près du vide, et sous lui le second hamac où Maize dormait. Mais c’était un rêve, parce qu’il ne pouvait pas tourner la tête, et parce qu’il voyait le chaos, le chaos pur souffler devant lui, étouffer la réalité même. Et il se dit que dans un rêve tout était permis.

Alors le crapaud se dit qu’il était à ce stade du rêve où reprenait la conscience, dans cette infime frontière où parlait la volonté. S’il arrivait à penser à elle, elle viendrait. Son pelage de seigle, ses yeux tristes, le flottement de sa chemise au vent. Il voyait battre le flot du chaos et se répétait, si c’était un rêve, alors elle serait présente et peu lui importait que ce soit un mensonge, il voulait la croire près de lui, sentir sa présence, il sentit sa présence près de lui. Elle, aux côtés du hamac, venait de rentrer dans l’alcôve. Maize ne se réveillerait pas. Maize ne serait pas là. Et le crapaud songea encore, Rye se tiendrait près de lui. L’odeur vive de son parfum. Ses cornes rainées. Il pouvait presque sentir son souffle, presque deviner ses traits, voulut tourner la tête.

Il ne devait pas tourner la tête. Bufo songea, elle était là, et elle était là, il la sentait près de lui, s’il tournait la tête pour la voir elle s’évanouirait aussitôt. Il ne la ressentirait plus jamais aussi proche qu’à cet instant. Cela lui suffisait. Ils pouvaient se parler. « Je suis désolé… » dit Bufo, et elle répondit : « Moi aussi. » Ce n’était que sa propre voix mimant celle de Rye, mais cela lui suffisait. Il continua : « J’aurais dû être là. » Et songea qu’elle secouait la tête, « non. » Et il sentait sa présence, et il songea, ce n’était pas un rêve, elle était là.

« Arrête. »

Un frisson le saisit soudain et dans sa tête comme un hurlement le força à tourner la tête, il ouvrait les yeux, regarda le plafond de blanc frais, le cœur battant, chercha à tourner la tête, elle était partie déjà.

Le front en sueur, toute sa fatigue balayée par le réveil Bufo resta fixé sur cet extérieur où les rumeurs du camp lui parvenaient à présent, le sifflement du train et les grilles de chauffe pleines de graisse. Il ne se sentait pas la force de se lever, immobile, resta à chercher ce reliquat de rêve qui n’avait pas duré. Si elle avait vraiment été là, un instant, avec lui. Puis il pesa du bras et faisant grincer les cordes du hamac, jeta un œil en-dessous, la couche de Maize vide, couverture défaite, les deux petits coussins bleu clair encore marqués par sa chaleur. Comme dans le rêve.

« Votre amie est allée déposer des fleurs au mémorial. »

Cette voix, sèche et sombre, fit perdre l’équilibre au crapaud qui s’écrasa contre l’herbe au sol, le pied encore pris dans le tissu de son lit. Il jeta ses yeux globuleux sur la silhouette à demi effacée au coin de l’alcôve, bras croisés, qui lui jetait en retour un regard plein de mépris. Le hérisson se détacha de l’ombre, ses piques tranchant au soleil, patienta que Bufo se relève. Il n’était envoyé par personne, sortant un feuillet relié le héros demanda des réponses. Ce travail portait le nom de Mist, un travail d’étudiant répliqua ce dernier, le hérisson noir balaya cette objection. Il voulait comprendre la théorie du chaos.

« Ne me faites pas perdre mon temps. » Répliqua Bufo. Et remettant la couverture dans le hamac il continua, ce n’était qu’une théorie sans nom, sans intérêt, qui réduisait tout à de simples calculs.

« Vous dites qu’on peut calculer le chaos » fit peser son interlocuteur. « Alors calculez-moi. »

Il se retourna, fixa du regard ce regard fixé sur lui, le défiant. Il n’avait pas d’appareils de mesure, et quand bien même ces mesures différaient selon l’observateur. En même temps le crapaud observa ce guerrier taillé dans les lueurs du jour, une ombre grondante contenue dans quelques contours sauvages. Ces contours se brisaient, se brisaient sans cesse, il secoua la tête pour chasser la vue des courants. « Vous vous moquez de savoir qui vous êtes » et un court instant, comme s’il l’avait percé, le hérisson sembla sourire férocement. Et concéda, il s’en moquait éperdument.

« Et pour Sonic. » appuya le hérisson noir. Comme Bufo se taisait : « Je vois. Une dernière question alors, doc’. Pouvez-vous créer un appareil capable de calculer la puissance d’une hyper-forme. »

Un rire nerveux s’empara de Bufo, à cette idée, au souvenir des missiles de l’Unité perdant toute signature, balayés en un instant sans avoir pu approcher la station. Il tenta de prononcer, s’ils avaient en tête une autre attaque, si la destruction d’une ville entière n’avait pas suffi et saisissant le feuillet il le jeta au sol, cracha, s’ils avaient bien conscience de combattre le chaos lui-même, pas une théorie, le chaos à l’état pur à travers cette machine infernale. « Quelle ironie » le coupa le hérisson, sans affection, et il ramassa le feuillet. Puis de son ton sec et sombre il fit remarquer combien le crapaud avait passé son temps à vouloir nier les résultats, encore et encore, nier sa propre théorie à chaque ligne, à chaque occasion. Il se détourna, sortit de l’alcôve, tandis qu’il s’éloignait :

« Peut-être que c’est vous, l’imposteur. »

Resté derrière Bufo bouillonnait, l’envie de hurler, de répliquer, l’envie de voir le héros de Mobius partir, disparaître de sa vue. Tout ce qu’il avait voulu jamais, murmura le crapaud entre ses dents, le goitre gonflé, tout ce qu’il avait jamais demandé était de vivre une vie simple avec ceux qu’il aimait.

Puis il revint aux hamacs, à celui vide de Maize où les deux petits coussins rappelaient son absence. Mécaniquement, il porta la main pour saisir son téléphone, songea qu’il n’en avait plus. Chercha encore, après quoi il sortit faire quelques pas pour découvrir la frange des bâtiments, l’alignement des piliers de la voie ferrée et les ombres de la jungle. On l’interpella, un hyène lui demanda s’il voulait manger avec eux. La discussion allait sur les tournois de balles, sur la famille, sur le retard des trains. Assis avec eux autour du feu de camp à regarder roussir sa baguette il songea à quel point tout avait changé. Tous parlaient avec détachement, souriant ou le visage calme, riant parfois à quelque blague.

On passa sur Maize, quelques mots déplacés avant de lui demander où elle était, « au mémorial » et son voisin remarqua qu’elle y était depuis longtemps. On tira un téléphone, un rapide appel tandis que la discussion durait, ils tendaient l’oreille à la voix forte du hyène qui s’esclaffait à chaque intonation. La guéparde était repartie depuis longtemps déjà, elle aurait déjà dû être là, les gens autour du feu se regardèrent. Ceux qui ne la connaissaient pas, proposant de la chercher, ceux qui la connaissaient, plus tranquilles, cherchant à deviner ce qui avait pu la retenir. Bufo retira la baguette, toucha du doigt l’oignon puis le poivron. Il paria que dans les deux minutes on allait les appeler à ce propos.

Un peu moins de deux minutes et le téléphone sonnait, son voisin décrocha. C’était au sujet de Maize, on l’avait aperçue à l’entrée du camp militaire.

« Comment tu savais ? » Mais déjà le crapaud croisait les bras derrière la tête, se détendait en arrière et se couchant dans l’herbe, parla de routine. Puis il conseilla d’ajouter une brochette pour elle quand la guéparde les rejoindrait, car elle les rejoindrait, avant de demander si elle avait des connaissances parmi les soldats. Secousses de tête, deux ou trois lancèrent une hypothèse avant que la conversation ne retourne aux championnats et à la tricherie. Bufo les écoutait, regardait le ciel et ses nuages défiler et imaginait, infiniment loin, une flamme ou une étoile d’acier se moquer de leurs efforts.

Ils avaient changé de sujet complètement, sur un appel tous évoquaient le combat en cours dans les sables, à des milliers de kilomètres. Des noms, des lieux, des actions. Le crapaud se redressa, attiré comme les autres il contourna le groupe pour jeter un œil à l’écran de téléphone, regarder la minuscule image où, entre les colonnes de fumée, se dressaient les trois pointes éclatantes de pyramides. Puis une autre image, plus large, et la bataille qui faisait rage, saisie de loin pour eux. Il demanda qui prenait les images. « Un pote » répondit le hyène, et son ton trahit son appartenance.

« Ils ont gagné ? » Demanda encore le crapaud. « Si on veut » lui répondit le combattant.

Et du doigt il fit défiler les images jusqu’à atteindre des schémas blanc sur bleu trop vastes pour ce seul écran, une infinité de traits taillant comme au hasard sans rien former et que le regard de Bufo déchiffra tout de suite. « Le Star Egg ! » On le regardait. On lui demanda s’il arrivait à comprendre ces schémas.

Bientôt les conversations revinrent aux sujets anodins, aux courses, aux futurs projets. Ils retournaient aux rires, mordaient dans leurs brochettes, se plaignaient du retard de Maize. Le crapaud ne sentait leurs regards que par intermittence, leur curiosité à le voir faire défiler le schéma, l’agrandir, le poursuivre sans fin. Son autre voisin avait pris la peine de retirer la viande du feu pour lui, et remplacé par une baguette supplémentaire presque sans légumes. Il arrivait à peine à les entendre, comme sonné. À mesure sa propre tension les imprégnait, et plus le crapaud se tendait, la peau livide au soleil, plus les discussions allaient se perdre dans les anecdotes.

C’était le Star Egg, une infime partie du Star Egg, une partie insignifiante de sa structure externe, avant le blindage, des données qu’après toutes ces minutes le téléphone chargeait encore et qui ne servaient qu’à donner les angles de coupe pour les poutrelles, pour les plaques d’alliages, pour les rivets. Pour contrer tous les effets du champ chaotique et à travers cet infime détail de structure tout le champ chaotique de la station s’étalait sous ses yeux. C’était sa théorie, c’étaient les mêmes courbes simplifiées pour le calcul, nécessairement, et il s’y plongeait à la recherche d’une contradiction.

Quand il releva la tête toutes les discussions cessèrent, le hyène demanda : « Alors ? » Et il se rappela la question de la veille, dans tous les regards, ce qu’il fallait faire.

« Alors rien. Le Star Egg va se détruire de lui-même. »

La station reposait sur sept champs comme des batteries de chaos pur, se stabilisant les uns les autres à l’image des Émeraudes. Cette stabilité était éphémère, l’étoile de fer rongée de l’intérieur se désagrégerait d’ici moins d’un an, quelques mois peut-être. Ils n’avaient qu’à attendre pour voir ce cauchemar disparaître, et tant qu’il n’y aurait aucune concentration chaotique elle demeurerait inoffensive, une simple menace dans le ciel. Bufo détacha la viande de sa baguette, la tint entre deux doigts de son gant, fixa le morceau pour ne pas soutenir leurs regards. D’ici deux à trois mois cette masse énorme serait rattrapée par la gravité planétaire, et irait brûler dans l’atmosphère, et s’abîmer quelque part dans les océans.

« Vous voulez vraiment prendre des risques pour détruire une épave à la dérive ? »

Quelques regards, puis chacun tour à tour se mit à admettre, Mist avait peut-être raison, ce serait stupide. Leurs regards retombaient, leur ardeur, il y eut un temps de silence. Dans leurs traits, sur leurs visages, visible, cette détermination de se battre, ils s’y étaient préparés tout ce temps, et ce n’était pas de la déception mais autre chose qui pesait sur eux. Le crapaud se mordit la lèvre, jeta encore un œil au schéma. C’était logique, la meilleure chose à faire, ne rien faire qu’attendre. Sa propre main serrait le téléphone, le pouce sur l’écran, il pouvait sentir dans sa tête comme un sifflement lancinant. Alors pour se débarrasser de ces idées il rendit le téléphone se leva et expliqua qu’il allait marcher, où, du côté du camp militaire voir s’il pourrait croiser Maize, qu’il allait revenir sous peu.

Ses pas sur l’herbe puis sur le goudron de la vieille route se répercutaient dans sa tête, le forçaient à marcher et peu importait la direction. Il venait d’en avoir la preuve, tout était fini déjà, ils avaient gagné. Et alors même cette pensée le rendait furieux. On le salua, il se retourna, le singe demanda où il allait. Trouver Maize, elle était toujours au camp militaire, et comme forcé Bufo reprit son chemin de ce côté après un dernier salut en arrière, et le pas plus pressé encore.

Au loin le train siffla, repartait lentement à mesure que les motrices tiraient en avant, les voitures s’entrechoquant, il les regarda un temps se détacher du paysage et bientôt filer au loin, comme si souvent. Puis il regarda par-delà les bâtiments l’antenne dressée du camp militaire, les bâtiments d’acier et les plots de béton, le souffle des pales aux souffles des réacteurs, aux grincements d’essieux. À l’entrée les soldats ne lui jetèrent pas un regard, le laissèrent passer entre eux. Il demanda s’ils avaient vu la guéparde et leur sergent, retirant le masque, lui demanda d’attendre avant de passer l’appel à la radio. Tout avait changé, songea Bufo, à mesure des secondes, les gilets lourds ajoutés aux armes gardaient ces guerriers dans une rigidité muette, et leurs masques les défiguraient.

Maize était encore dans le camp, passé les halles près du second baraquement. Un autre appel, elle serait avertie, on la ferait venir. Il demanda pourquoi on lui rendait tous ces services. « Vous êtes le doc’ » répondit le sergent, un peu surpris.

Le vacarme des chenilles couvrit la réponse du crapaud, comme il s’aventura dans le camp les sentinelles conclurent qu’il déclinait l’offre, le laissèrent continuer seul. Il avait souri en répondant, c’était déjà ça se conforta le sergent en fixant à nouveau le masque par-dessous son casque, avant de recevoir un nouvel appel dans l’oreillette. On cherchait Mist, il le voyait toujours marchant en direction des halles, demanda s’il fallait l’arrêter. La voix frustrée de Ninja répliqua « ce gamin ? » Elle coupait et le sergent, haussant les épaules, revint à sa contemplation de la jungle dense par les pentes.
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Re : The chao's theory
« Répondre #62 le: Décembre 17, 2012, 02:51:38 pm »
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Devant lui les halles s’alignaient coulées de béton abruptes comme les pieds d’un immeuble en devenir, et leurs portions noires, coupaient avant la cour et avant les baraquements. Il sentit le véhicule à roues le frôler presque en passant, regarda le blindé s’éloigner tout en marchant, en continuant à marcher et sans plus se demander ce que Maize était venue faire là, mais la raison de sa propre présence. Son pas se faisait plus lent à mesure qu’approchait la cour, qu’approchaient les vastes hangars de béton. C’était toujours la même question qui tournait en boucle, dans sa tête, les schémas de blindage et cette conclusion.

Puis il remarqua sur son chemin le local métallique, comme un conteneur posé à même l’herbe, avec ses fenêtres, son antenne, il se rappela ce local et son aération, ses écrans, ses visages. À l’entrée la sentinelle portait le masque, derrière sa visière impossible de deviner aucun regard. Bufo s’approcha, hésita les yeux fixés sur l’entrée puis les fenêtres, à chercher une trace d’activité à l’intérieur. Quand il fut à hauteur du garde, ce dernier hocha la tête, il salua en retour d’un geste maladroit. Le garde le laissait rentrer, il songea, il n’avait aucune raison d’y retourner, il savait confusément qu’il ne s’y trouvait personne.

À l’intérieur, il n’y avait personne.

Le premier écran au plus près de la porte, plongé dans le noir, répondait à la table également vide, chaises placées sus et qui cachaient en grande partie le second écran. Ce dernier, silencieux, projetait encore ses schémas. La lueur faible, étouffée encore par celle du jour luisait sur la peau livide du crapaud. Il s’approchait, découvrit les nouvelles images d’une planète comme en flammes. Aucune légende, c’était Mobius, toutes les zones connues de Mobius schématisées et hachurées d’un rouge toujours plus sombre. C’était sa théorie, sous ses yeux, et ce que le camp militaire lui criait apparaissait ici évident.

« Qu’est-ce que tu fais là ? » Lui lança Ninja dans son dos.

Il se retourna, sans se démonter comme pris par ses propres pensées, demanda ce que signifiait l’image. Sachant pertinemment ce que signifiait l’image, mais il avait besoin de l’entendre. Elle gagna sa hauteur, le gilet lourd sur ses épaules et le casque affirmé, répondit l’évidence. Depuis la veille l’Unité s’acharnait à répertorier l’activité de Mobius, suivant la théorie du chaos, pour déterminer les prochains sites potentiels. « Où le Star Egg frappera » mordit-elle sans regarder l’ancien étudiant. Puis elle ne dit plus rien, regarda simplement à son tour l’écran d’une planète à l’activité effrénée. La théorie disait la nécessité d’une nouvelle concentration, en quelques jours, moins d’une semaine.

À ses côtés la taupe se détourna, ennuyée, lui fit signe de la suivre dehors. Elle insista encore, un peu plus dure, lui de demander comme un constat, il restait cinq fusées. « C’est bien, tu sais compter » Ninja ne put s’empêcher de ricaner, et elle s’était raidie.

Ce qu’elle voulait, continua-t-il, c’était attaquer le Star Egg. Il poursuivit, tandis qu’elle se renfrognait, il fallait une signature chaotique pour que les armes puissent traverser le champ du Star Egg. Le crapaud se tourna, les yeux clos, se tint la tête comme s’il titubait. Il pouvait fournir à l’Unité des munitions chaotiques, il pouvait faire ça, chercha son téléphone en même temps, elle le regardait fouiller en vain tout en répétant, ses yeux entrouverts et comme vides, il pouvait le faire. Puis elle lui tendit le téléphone qu’il cherchait, son téléphone récupéré dans les herbes. Il remarqua à peine, s’en saisit, commença à pianoter.

« Mais même avec ça, les Chaos Drive ne fourniront qu’une signature fixe. Le champ ne sera pas assez puissant. » Il s’arrêta, le temps d’achever d’écrire, tendit le téléphone en retour à la militaire. « L’idéal » et il parlait presque pour lui-même, l’idéal aurait été des animaux. De petits animaux, une source parfaite.

« Des animaux » et la taupe ne put s’empêcher de ricaner encore. « C’est une façon de voir. »

Elle acheva de pianoter à son tour, appuya sur la touche d’envoi et sur l’écran actif la formule commença à défiler, sous forme cryptée, les quelques lignes puis le code continua, défila comme sans fin. Ninja hocha la tête, referma le téléphone et le tendit à Bufo. Puis elle resta devant lui, sans mot dire, le regard dans le vague, quelque part en lui à chercher à le deviner. Il se rappela Maize, elle était partie, les sentinelles l’avaient vue quitter le camp. Lui aussi s’excusa, il devait y aller, elle le retint par le bras avant qu’il ne lui échappe.

« T’es allé au mémorial ? » Il hocha la tête. « Et alors ? » Et alors quoi ? Elle fut sonnée par son manque de réaction. « Tu te fous carrément de moi… »

Puis, sur le point d’ajouter quelque chose elle lança un râle d’agacement, lui lâcha le bras et le précéda à grandes foulées par la porte qu’elle claqua, le laissant bête dans le local. Sans chercher à comprendre, dehors le garde demeurait insensible, l’activité du camp lui brûla le visage. Il regarda encore les baraquements, une pointe au cœur qui lui disait de s’y rendre, comme si la guéparde s’y serait trouvé encore, ou une trace d’elle, comme si quelqu’un l’y attendait, il se détourna, repartit le pas toujours aussi lourd vers la sortie.

On lui confirma que Maize était passée, puis qu’elle était retournée sous les rails, il sut désormais où la trouver. Tout en marchant ses doigts formèrent le numéro du hyène qui confirma en deux mots qu’elle venait tout juste de les rejoindre, et le crapaud accéléra le pas. Avant de raccrocher il ajouta, pour son interlocuteur seul, que les soldats allaient tenter quelque chose, il s’entendit lancer ça sans y avoir songé seulement, presque un réflexe. Ensuite avant de ranger le téléphone il passa la liste des numéros sauvegardés, toute la liste des noms, s’arrêta un instant pour les relire un à un. L’envie, là encore, de tenter de les appeler, il savait parfaitement et pourtant, comme s’il aurait pu les appeler encore. Un pincement à cette pensée, rangeant enfin l’appareil il se remit en chemin.

Entretemps le groupe s’était renforcé, ils se pressaient à présent à presque vingt brochettes au-dessus du feu, pommes de terre rissolées, le lard sifflant. La première chose qu’il remarqua fut le regard du hyène sur lui à son arrivée, comme en confidence, la première chose qu’il remarqua fut la guéparde, ses marbrures froides au foyer, qui le saluait, la première chose qu’il remarqua fut la baguette de Maize qu’elle n’avait pas touché.

Il s’assit, s’attendit à être interrogé au lieu de quoi chacun retourna à ses récits au quotidien, ses projets. Maize lui jeta un regard pétillant, lui demanda s’il avait encore faim. Elle montra à son oreille une fleur blanche, les pétales en étoile encore luisantes de fraîcheur. Ils allaient abandonner les hauteurs, laisser les bâtiments et la vieille route et ne rebâtir que la voie ferrée. Elle avait croisé un peintre, qui lui avait demandé s’il était au bon endroit, et il avait donné un autre nom que la ville. La guéparde s’était énervée, mima pour l’assemblée son mouvement d’humeur. Elle répéta, plus doucement, que quand la jungle aurait englouti les ruines il ne resterait plus aucune trace de la cité.

« Ce sera bientôt l’heure des nouvelles » lança une petite dans le groupe.

« On y va ? » Et les gens hochant la tête, des regards à leurs montres, se préparèrent pour se rendre à l’écran géant. Bufo demanda ce qu’ils espéraient apprendre, ils dirent, rien, ils ne s’attendaient à rien. Les premiers partant en avance le groupe se clairsema, Maize fit signe qu’elle comptait attendre, encore un peu.

Elle voulait dire quelque chose, chercha de la main la main gantée de Bufo. Le feu rougeoyant, malgré le jour, faisait vivre les contours de son visage. Il aurait voulu demander ce qui se passait, ce qu’elle avait fait chez les militaires, il aurait voulu poser une foule de questions qu’il ne voulait surtout pas poser, ces questions qu’il n’avait jamais voulu poser jamais. Sans s’en rendre compte le crapaud se tendait, son sourire moins ferme, comme forcé. La guéparde lui fit remarquer qu’il ne touchait plus à ses légumes, il répliqua, elle n’avait pas touché à ses saucisses. Elle partit d’un rire qui le fit trembler.

« Tu aimais vraiment Rye à ce point ? »

La question le désarçonna. Il ne s’était jamais dit, il n’avait jamais vraiment, et soudain l’étudiant voulut savoir comment elle savait. Tout le monde savait, ce qui fit rire les quelques personnes encore présentes autour du feu. La guéparde continua, à l’époque ses amies voulaient Pupil, la chasse gardée. Elle aussi. Elle se tut, la tête dans ses souvenirs, cacha un peu d’émotion. Des jeux d’enfants, résuma-t-elle, puis elle répéta sa question à Bufo et ce dernier, comme pris de court, ne comprenait pas. « Tu l’aimais, non ? » Il hocha la tête, hésitant, cherchant le moyen de se défiler. « Tu aimeras quelqu’un d’autre ? » Il plongea ses yeux dans les yeux de la guéparde, comme dans une fontaine, et ce qui le faisait trembler, il en voyait les courants. Il en calculait les courants, visibles, prévisibles, et ce qu’elle posait comme question lui serrait le cœur.

Mais oui, songea brutalement le crapaud, oui il était prêt à oublier Rye. Pas à l’oublier, mais à laisser le passé au passé. Et dans l’instant où cette pensée le traversait il la combattit avec rage, et ce fut un bref « je ne sais pas » et sa moue qui répondirent sous les moqueries à peine voilées de leurs camarades. Maize hocha la tête, puis pour couper court lui proposa d’échanger les brochettes. On fit signe sur les montres, les derniers partaient, elle se leva, lui tendit sa main au poignet de laquelle pendaient les colliers. Il allait rester encore un peu, il les rejoindrait, la regarda partir dans un dernier regard.

Une présence dans son dos le fit frissonner, se retournant il découvrit le hérisson noir, à quelques pas, appuyé bras croisés contre la pierre nue, qui le pesait du regard.

« Des bombes chaotiques. Comme c’est futile. »

Sa voix était une chape de plomb. Il était venu reconnaître son erreur au professeur, une hyper-forme ne servirait à rien. Ils faisaient face à du chaos pur, regardant ses poings Shadow admit qu’aucune puissance ne pourrait seulement inquiéter une telle manifestation. Il se mit à sourire, un sourire moqueur. Il était venu remercier le professeur, pour lui avoir dit enfin comment venir à bout de cette machine infernale. « Comment » souffla Bufo en se levant face au brasier, le feu s’éteignant devant lui. Le hérisson ne répondit rien, se détachant de la pierre il passa à côté du crapaud et sans un regard, le laissa deviner le reste. Comme il s’éloignait Bufo remarqua alors, depuis les tentes, une très jeune renarde qui avait accouru à la vue du hérisson, et comme voulant le rejoindre, s’était figée soudain. Et ces gestes, ses pensées avec toutes leurs conséquences s’évanouirent à mesure que s’éloignait le héros de Mobius.

Sur le vaste écran défilaient les images de l’actualité, en plein jour, des nouvelles de tout Mobius. Des retours sur la station, des informations sur l’échec de l’Unité. Il cherchait dans la foule les marbrures froides, s’arrêtait de temps en temps quand quelqu’un le reconnaissant lui faisait signe, puis reprenait son chemin. Une idée, oppressante, qu’il voulait revoir Maize. Une idée, oppressante, qu’il avait besoin de la revoir.

Qu’il n’avait pas envie de la perdre, elle.

La guéparde était à l’écart, debout à côté d’un rocher, en compagnie d’un petit groupe épars. Elle le vit venir, le rencontra à mi-chemin. Durant quelques secondes la voix du commentateur couvrit leur discussion, quelques faits nouveaux après lesquels elle le tira un peu plus à l’écart, à distance de l’écran et de la foule. Il la suivait, il sentait sur eux une forme de pression, secoua la tête pour en chasser les images. Ils s’éloignaient encore, pour s’excuser, elle admit vouloir lui parler dans un lieu plus tranquille. Quand il sembla que les regards ne pouvaient plus les saisir, loin de tout ils s’arrêtèrent, observèrent les alentours au calme, au loin les images de l’écran. Plus loin encore, la frange de la jungle.

Alors, avec quelques pas de gêne Maize s’expliqua. Le jour où ils s’étaient croisés dans le parc, quand elle avait enfin revu un visage familier, il savait déjà tout ce qu’elle allait dire et tout ce qu’elle pouvait penser, il connaissait toutes ces choses trop bien. Bufo aurait voulu l’arrêter, dans un même mouvement la saisir et il s’y refusait. La guéparde fit ce pas entre eux, se colla à lui et la tête contre son épaule, murmura qu’elle aurait voulu refaire sa vie avec lui. Il se sentit le goitre sec, ajouta : « mais ? » Quelque chose de vertigineux dans sa tête, contre lequel il ne luttait pas. Elle resta attachée à lui, le tenant dans ses bras, murmura encore, elle aurait voulu être sa copine, flirter le soir, s’échanger des appels. Et puis, au mémorial… Elle se tut encore, il se détacha d’elle, la regarda.

« Tu vas partir, c’est ça ? » Son ton se voulait calme, était amer.

Elle allait prendre le prochain train, repartir loin de tout ça. Elle voulait ajouter, ces mots aux lèvres vibrantes, qu’il vienne avec elle, et elle se retenait. Il ne comprenait pas. Il ne pouvait pas comprendre. Et devant lui tout se formait comme une évidence.

Son téléphone sonna, il s’en saisit à l’instant et décrochant, entendit la voix de Ninja à l’autre bout. Son regard flotta encore sur Maize, pour lui demander une explication et il ne s’en sentait pas la force. Pour lui demander de partir avec elle et il n’arrivait plus à parler, à penser, il n’arrivait plus à rien. Au téléphone la taupe lui expliquait que l’Unité levait le camp, qu’elle lui disait simplement au revoir. Le ton de la taupe avait quelque chose de froid, comme le métal, tandis qu’il regardait les yeux de la guéparde scintiller. Elle lui dit encore quelque chose qu’il n’entendit pas, l’appel s’acheva, refermant le téléphone Bufo chercha à ajouter un mot pour reformer sa pensée.

Il regarda le dernier train s’éloigner dans la nuit claire, fourmillante d’étoiles. Les voitures filaient dans leur éclat d’argent, disparurent au lointain et leur rumeur avec. Un geste, rien qu’un geste, un mot, n’importe quoi et elle serait encore là, juste une réaction et il serait parti avec elle. Ce qui l’avait retenu, qu’est-ce qui l’avait retenu, un remord inexplicable, fondé sur rien, une pensée étrangère qu’il ne se connaissait pas, comme s’il restait encore quelque chose, un infime souvenir enfermé dans sa mémoire, presque évanoui, et pour lequel il sentait qu’il valait encore de se battre.

________________________________________________________

Journal:
Le déclic est venu avec l’idée du plafond de peinture blanche. Rêve facilement écrit, apparition de Shadow et sérieux blocage sur la dernière question, il m’a fallu réécrire entre quatre et sept fois ce passage.
Le pique-nique a été remplacé par cette invitation impromptue, aussi plus crédible, et tout s’est fait assez facilement. C’est au « alors » que j’ai hésité, et pris le risque de ressortir l’instabilité du Star Egg. Ca me permet de nouer et avec ma facilité sur Sonic et avec les premiers mots de mon histoire.
Reste jusqu’à la page quatre facilement écrit, j’ai l’habitude du remplissage.
Déclic avec le retour au local, j'ai bloqué sur la réplique du mémorial puis tout le reste relativement rapide, léger temps sur la réplique de Shadow mais presque rien. Le plus difficile à été de décider l'ordre des événements, entre Maize Shadow et Ninja. Au final, de la formalité.
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Re : The chao's theory
« Répondre #63 le: Décembre 19, 2012, 02:33:11 pm »
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Et c'est parti pour un combat de seize pages. Yup, c'est le final.

The Chao's
Theory

Épisode 25 :

Dernier étage, la cage d’ascenseur s’arrêta, derrière les grillages voilés par les nuées de vapeur elles pouvaient voir scintiller un ciel d’étoiles. Les pilotes traversèrent la passerelle, un regard au-dessus du vide pour voir s’étaler les ténèbres, puis gagnant l’autre côté au bruit de leurs semelles sur le métal et le poids de leurs armes, tous gagnèrent leurs engins. Ninja ne sentait pas le vertige, et pourtant sentait dans ses doigts comme des tremblements. L’alcôve était sombre, les plaques trop minces à son goût sous le bouclier de céramique. Elle vit son meneur la devancer, casque dans la main gantée et le fusil à l’épaule le canon tapant doucement contre l’épaule, comme toujours, son regard de meurtrière.

Les méchas se dressaient devant elles, cloisonnés dans l’alcôve sombre les engins de l’Unité dos à dos formaient un cercle et leurs habitacles ouverts, devant leurs sièges les moniteurs allumés étaient les seules lumières. La taupe s’avança avec les autres, regarder sa bête de guerre et le marchepied. Un autre pilote, casque déjà sur la tête, fit remarquer que les pattes articulées seraient un poids mort, dans l’espace. Le chef derrière eux pesta :

« Les deux derniers sont arrivés y a pas trois heures, j’ai même pas fini de les contrôler, tu me lâches et tu te poses dans ton siège. Gentiment. »

Puis le lieutenant d’escadron les arrachant à leurs discussions s’approcha, fit signe de venir sur lui. Il avait en main le carton rempli de boîtes au sigle du sanitaire. Ninja saisit la sienne, l’ouvrit. Seringue bleue, le somnifère. Seringue rouge, le stimulant. C’était ça, de toute la mission, qui lui faisait le plus peur. De ne pas se réveiller une fois là-haut. « Shut up, cannon fodder » lui lança son meneur, et la vache affirmant son casque en deux pas bondit dans le cockpit, se sangla. Elles se retrouveraient là-haut.

À son tour elle gagna la machine, derrière elle le lieutenant passait déjà en revue les systèmes. Les gueules d’air lamées soufflèrent dans l’alcôve, tour à tour à mesure que les machines, comme tirées du sommeil, grondaient. Elle s’installa, cala le fusil dans son emport au côté du siège puis, fermant les yeux, compta. Trois secondes, le temps de se calmer. À la radio, le lieutenant lui demanda si ça irait, puis la voix de tueuse de la bovine de la railler. Ninja fit se rabattre l’habitacle, regarda l’alcôve se fermer sur eux, l’étage de la fusée. Elle pouvait désormais sentir gronder les réacteurs sous eux, encore en veille, et les tuyaux déversant leurs tonnes d’hydrogène. Ses doigts avaient cessé de trembler, moins d’une heure à attendre et ce serait le départ, et dans la nuit elle serait à son tour juste une traînée dans le ciel, évanescente.

La sonnerie de téléphone tira Bufo de ses pensées.

Écoutant d’une oreille il devina le souffle des motrices, le train arrêté au-dessus de sa tête, puis dehors les rumeurs du camp le long des piliers. Il se tira du hamac, sur ses deux pieds s’étira, la peau blanchâtre au lueur du soir. Son regard fila sur le petit abri de béton, le téléphone à nouveau silencieux sur une table de fortune, à côté d’un petit tas de lettres. Sur la première, l’université de Spagonia.

Une fois dehors il salua ses voisins, remarqua qu’ils roulaient leurs sacs de couchage. Lui, ce serait pour demain, ou après-demain, bientôt dans tous les cas. « Et si tu venais ? » Il avait entendu cette proposition une bonne vingtaine de fois, haussa les épaules. Dans le soir le ciel avait ces teintes de flammes jouant avec les premières pénombres et qui jetaient sur les piliers de voie leurs silhouettes tranchantes. Pour le moment le crapaud comptait se rendre au mémorial, finir d’aider à planter toutes ces fleurs. Ensuite, une fois encore, mais les autres le savaient déjà, il irait se promener le long des hauteurs, par la vieille route.

« T’en auras peut-être pas l’occasion » jeta le hyène à grands pas, son propre téléphone en main.

Les réseaux s’affolaient, partout la nouvelle circulait comme la foudre et les premières chaînes suivaient, à la radio les nouvelles laissèrent place aux premières rumeurs. Ils se rassemblèrent, une demi-douzaine autour du téléphone laissant parler le commentateur qui répétait, le tir confirmé de plusieurs fusées et d’intenses lumières sur la position supposée du Star Egg par les observatoires. Comme si tout avait eu lieu déjà, comme si tout s’était achevé sans eux et ils continuèrent d’écouter, leurs regards en fièvre, lorsque la chaîne coupa pour annoncer un communiqué du Commander. Avant même qu’il ne parle, avant même sa voix dans le silence qui précéda tous le sentirent, le combat.

« L’écran géant » lança le singe au groupe et ils opinèrent, Bufo avec eux tandis que la voix du militaire s’égrenait, ils coururent rejoindre la foule qui se formait au crépuscule, face aux vastes images des fusées traçant dans l’atmosphère leurs larges souffles blancs.

Rien à faire, se répéta Bufo, devant eux se précisait la froide résolution des soldats. Il chercha à se rapprocher, devant le crapaud les gens s’effaçaient et quand il fut assez proche, cette voix martiale taillant dans sa tête comme à la baïonnette, l’écran laissa place aux trajectoires d’interception. Cinq traits blancs, les cinq fusées restantes avaient plongé dans la ceinture d’astéroïdes, puis une volée de traits plus fins convergeaient sur celui brûlant du Star Egg. Le plan, tout le plan, toute la stratégie déployée devant eux, expliquée point par point. Ses yeux étaient grands ouverts, et regardant autour de lui il chercha chez les autres ce même frisson, de savoir que ce n’étaient pas des missiles mais des combattants.

Tout ce qu’il vit fut la volonté de vaincre, de la tension, de l’excitation. Quelque chose en lui hurla mais déjà le commentateur avait repris, donnait des chiffres. La puissance des charges chaotiques. L’autonomie des engins dans l’espace. Une seconde personne lui donnait la réplique pour estimer les chances de réussite mais l’Unité avait déjà répondu pour eux, et les nombres revenaient comme en leitmotiv. Le crapaud ne quittait plus des yeux ces fins traits blanc convergeant, et il se sentit trembler. Une infinité de souvenirs.

Puis dans un grésillement les voix se turent. Les images s’évanouirent, laissant l’écran noir et ils crurent la liaison coupée quand certains remarquèrent, dans le coin, un décompte en cours, à la qualité trouble, qui soufflait quelques minutes. Les rumeurs de la foule se tassèrent, peu à peu, laissant place au son des enceintes. Alors ils parvinrent à entendre, au travers de la faible friture, des parasites, des respirations. Au travers de masques, des souffles lents et froids. Bufo murmura, c’étaient les pilotes, les soldats. En même temps le minuteur atteint zéro, une voix faible grésilla et dans une foule de petits bruits, frictions de sangles et de tissu, les combattants semblèrent s’éveiller. Respirations plus fortes, bientôt comme un bourdonnement des machines, ou le sifflement des écrans, puis un à un les soldats s’annoncèrent et il reconnut cette voix parmi les autres :

« Second capitaine, Kalen Ninja Natoppen, prêt. »

L’écran s’aviva, blanc sur noir la mauvaise qualité de l’image, ils découvrirent devant eux noir sur blanc l’orbite et le contour planétaire, et les astéroïdes pareils à des spectres. On demanda à Bufo s’il arrivait à lire l’image, il pointa du doigt, sur la gauche, derrière des fragments plus petits, un mécha. Les contours nets l’arrachaient à présent sur l’image où, à mesure, venaient s’afficher les mesures, la conduite de tir, la pressurisation. La caméra changea, un nouvel angle flottant où la courbe était à peine visible, les soldats passant en revue une dernière fois leurs systèmes, puis la voix impersonnelle d’un soldat, plus nette, informa l’approche du Star Egg. « Pas de visuel » mais Bufo secoua la tête, dans le noir de l’espace parmi les infimes taches des constellations il arrivait à distinguer la traîne de la station. Voulut reculer, effrayé, alors même que les bruits de machine grimpaient le silence de l’espace donnait un contraste frappant, pas un son, pas un mouvement, dans les micros le souffle des soldats continuait de trembler.

« PC de zéro un, escadron au complet et opérationnel. » Dans les grésillements la voix semblait tressauter, coupée parfois.

« Zéro un bien reçu, la proie est à vous, bonne chasse. »

Il n’y eut qu’un infime grondement tandis que sur l’écran le feu des réacteurs venait trancher dans le silence de l’espace, détachait les engins de guerre de la ceinture et la caméra bougeant à son tour, les arracha de leur couvert. Les yeux de Bufo trébuchèrent alors, dans tous les mesures, à la recherche de l’heure. Une horloge, un signe quelconque du moment où ces images étaient diffusées. Il savait, tous savaient qu’il y avait un décalage, peut-être vingt, peut-être trente minutes, que tout ce qu’ils voyaient s’était produit depuis longtemps. Et pourtant le crapaud, à cet instant, avait l’impression de l’instantané.

« Visuel » dans l’image floue se profila l’étoile d’acier, sa traîne blanchâtre dans le contraste d’obscurité, avalant tout. La caméra changea encore, le souffle des pilotes plus insistants, de rares échanges à leur radio sans quoi la foule n’arrivait à percevoir que les vibrations des engins, les mains serrant les manches, et rien.

Déjà la station couvrait de sa blancheur presque toute la caméra, les méchas devenus des ombres face à elle se détachaient ardents, semblaient lutter contre les courants. Il s’en rendit compte, la puissance du champ chaotique les frappant à cette distance, dans lequel ils se taillaient un chemin. Un message parmi d’autres, une annonce, la station tournait sur elle-même. Une rotation inexplicable, la voix nette ordonna de continuer l’approche. Bufo le vit, distinctement, alors que dans la distance elle n’était qu’une vaste surface de blanc plein frissonnant sous le cryptage, les silos de la station s’ouvrirent, des plages entières de lanceurs dressés contre les engins.

Les pilotes s’en étaient aperçu à leur tour, contact puis contact, le lieutenant ordonna de maintenir la formation. Alors par centaines les missiles fusèrent, infinité de petits points noirs saturant l’image et comme dévorés par leur propre flamboiement. « Vire à droite. Par pitié vire à droite » murmura le crapaud, et la caméra se déporta brusquement sur la droite.

Une pluie de contre-mesures s’abattit en ailes autour des méchas, les canons hurlant en dernier recours et soudain les charges éclatèrent, l’image tourna en un blanc aveuglant. Aussitôt le crapaud leva les yeux, comme s’il aurait pu voir les explosions sans être même sûr que le Star Egg soit de ce côté de la planète, et il crut en voir les éclats. Les voix saturées dans les enceintes multipliaient les appels, et c’était à peine s’ils pouvaient deviner au travers du blindage la rumeur des canons. Ils traversaient, devant eux s’ouvrit une foule d’engins, drones de défense pris dans la traîne de la station et qui se déployaient contre eux. Les derniers missiles filaient à présent au loin, éclatèrent dans de vastes sphères fulminantes, qui duraient.

« Zéro un de PC, votre cible est à l’arrière de la structure quatre » et de décrire à une heure la branche de la station qui se profilait. Le lieutenant donna l’ordre d’attaque.

Deux par deux les méchas se détachèrent, à l’instant le feu des drones satura l’espace, le crépitement des lasers dans le silence semblait une hallucination. Autour du crapaud les spectateurs serraient les dents, les bras tendus, semblaient combattre eux-mêmes. Et il ne comprenait pas, revint à l’image y chercher en vain quel mécha pouvait être celui de Ninja. Il n’y avait déjà plus que des explosions, des tirs muets dans lesquels la caméra filait déchirant les images en instants. Elle changea, une plus stable brutalement plongée dans le combat et ils virent les flammes du canon cracher comme une cisaille d’obus, déchirer dans les drones un passage. Cette fois les flammes fumant au long des blindés, ces courants tous pouvaient les voir ou les deviner mordant dans le blindage où les lasers avaient mordu des sillons.

Un cri dans les enceintes, nouvelle salve, les missiles se détachaient de la station innombrables, fondaient sur la masse de tous les côtés. Les images se déformèrent jusqu’à être illisibles, à coups brutaux de la machine tandis que les voix déchirées, coupées et se chevauchant allaient se répéter en vain, semblaient s’atténuer alors même que leurs cris se faisaient plus insistants.

Sous les yeux de la foule un mécha disparut dans l’une des gerbes de lumière, et sans un son, sans rien, quelques secondes après il n’y avait plus que le noir de l’espace.

Quand le flux se stabilisa la station les écrasait de sa présence, gigantesque, les méchas traversaient un champ d’épaves, des drones dont le métal se désagrégeait. Le feu de la traîne ardait désormais sur les blindages, les léchait, couvrait les lanceurs et les habitacles. Dans les enceintes ce qu’ils avaient pris pour un nouveau parasitage était les secousses sur les engins de guerre, la difficulté pour les pilotes de les stabiliser. Pour le crapaud, plus effrayant, les voix des soldats demeuraient froides, comme des constats, distantes. L’instant d’après, le mécha le plus loin de la caméra s’embrasa et la voix qui parlait, paisible, venait de se couper. L’image se saturait à nouveau des tirs de la station et des nouveaux drones déployés.

« Ils ne passeront pas. » C’était le hyène, aux côtés de Bufo, qui avait grogné, les dents serrées. « Ils n’ont pas la moindre chance. »

C’était vrai.

Mais le crapaud n’y prêta pas attention. Dans la foule des voix il avait saisi celle de Ninja, la taupe crachant ses réponses au mécha’ de tête, et sans savoir si c’étaient ses mouvements il parvenait à deviner les coups donnés dans les manettes, la rage de la mobienne, son regard filant sur le côté d’où les tirs hachaient dans leur formation. Il avait cru la saisir un instant, mais sans sa voix elle redevint un fantôme parmi le flou de l’image en noir et blanc. Il craignit un instant, mais sans savoir pourquoi, puis un mécha’ se figea et dépassé par la caméra, celle-ci changea, l’engin avait déployé les pattes et ouvert les lanceurs. Sa volée de missiles alla creuser dans les flammes, approchant la surface du Star Egg, il y eut trois vastes explosions dont le feu sembla ne pas vouloir s’éteindre.

La patte arrachée par un tir, un mouvement de foule mais le mécha’ se détacha à temps et tirant ses dernières contre-mesures, comme une cape de blancheur, alla se perdre sur la droite de l’écran. Quelques secondes, et quelques secondes encore, le calme se fit, ne laissant plus que les blindés hurlants dans le silence de la traîne.
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Re : The chao's theory
« Répondre #64 le: Décembre 25, 2012, 10:43:00 am »
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En bas l’horloge continuait d’égrener les instants, chiffre après chiffre creusant la distance et seule constante elle tressaillit. Il y eut comme un tic après lequel la structure s’ouvrit et dans le feu croisé de deux branches les mécha’ plongèrent. Il y eut soudain la conscience des tailles, des vitesses, dans les flammes des réacteurs les engins portés au-dessus du son filèrent parmi les salves avant de se briser. Un mot au microphone, des mines, des champs entiers et les canons se mirent à briller, et leur trajectoire se couvrit d’éclats aveuglants.

Mais ils passaient, à présent les cabines remplies des sifflements du métal et des voyants traversaient et dans le couvert même des explosions les bêtes de guerre crachaient appel sur appel pour se coordonner, forcèrent le passage. Deux salves coup sur coup allèrent plonger dans les champs adverses, gerbe sur gerbe l’espace devant eux n’était plus qu’un brasier intense engouffrant leurs adversaires. Les voix étaient froides, même au plus ferme, maintenaient une rigueur martiale et furieuse qui battait à leurs oreilles. Ce n’était plus que du bruit de fond sans réalité, des coups donnés aux impulsions du combat, pour s’approcher encore, et tout ce qui ne se disait pas.

La voix claire intervint à nouveau, du militaire informant la formation qu’ils étaient à portée. L’écran n’était plus qu’une masse sans couleurs et sans formes, se stabilisant à peine et dans les instants où elle redevenait lisible, des espaces vides ou remplis de débris, partout visible la traîne incandescante. Le militaire intervint à nouveau, répéta, ils étaient à portée. Puis il appela le lieutenant, et quelqu’un d’autre dans le feu de l’action répondit, plutôt un murmure perdu parmi les autres à mesure qu’ils s’enfonçaient. Quelques exclamations, dans la foule, pour comprendre ce qui se passait, d’autres encore que Bufo ne prenait plus la peine d’écouter, l’attention fixée sur l’horloge. Elle avait tiqué à nouveau.

Toutes les mesures étaient exactes, les appareils enregistraient fidèlement la réalité des pilotes. Le crapaud pouvait le voir, dans la traîne, dans chaque courbe comme des torches les mouvements des mécha’, et il pouvait voir les tirs faire sauter les plaques de blindage, les fusées brûlantes filer contre les ogives, il pouvait sentir la pression des déflagrations, les trajectoires.

À la radio la voix brouillée, effacée du combattant poussa à se rapprocher encore, et dans le ton une pointe soudain vivante, de rage.

Puis une nouvelle voix tonna sèche dans les enceintes, terrible, celle du Commander : « Vous êtes assez proches, tirez. » La caméra se fixa, pattes déployées pour faire apparaître la vaste structure de la station, si proche à présent, les détails se détachaient par myriades, une gigantesque surface de rouille que le champ chaotique feuilletait, arrachait par lames. La caméra changea brutalement pour celle de l’ailier, à peine visible sur le côté le mécha de tête se décomposait, tira, les missiles volant sans cible allèrent s’égailler et illuminer l’espace. Un hurlement soudain fit alors trembler la foule, récriminé brutalement et les autres méchas à leur tour se déployèrent pour tirer.

Ce fut à cet instant qu’il la retrouva, la voix de Ninja prête à l’assaut, les deux machines plongèrent hors de vue, des fantômes dans la bataille.

L’engin de tête avait profité des premières salves, filant plus loin encore alla se placer au couvert des déflagrations. Les pattes s’ouvrirent, les lanceurs blindés se dégagèrent et coup sur coup les missiles partirent, filèrent laminés par le souffle du Star Egg, s’écrasèrent sur le blindage de la station. Elle dégageait en poussée arrière tandis que Ninja à sa suite allait se positionner, puis il devina la taupe jetant un regard, le canon tournant de ce côté, un missile sur le meneur. Elle passa pour l’intercepter, le projectile revenant sur elle et dans l’oreillette le hurlement de sa cheffe qu’elle n’était plus ailière, bien trop tard. Son doigt avait pressé les contre-mesures, il n’en restait plus, pressé les nébulogènes qui crachèrent devant elle comme un champ de paillettes.

Un instant, surgissant de ce brouillard d’un temps l’ogive fila à quelques centimètres du méchéa, si proche que son copilote tourna la tête, à ce geste détacha le dos du siège malgré la sangle. Ninja n’y prêtait plus attention, reprenait déjà position et passant une nouvelle annonce, le crapaud pouvait entendre chaque mot dans le fracas des échanges quand elle se coupa. La charge chaotique détona, le mécha’ prit dans le souffle disparut pour en réchapper juste après, s’en éloigner à pleine puissance de son réacteur.

Tout avait été fini depuis longtemps.

Dans l’habitacle la taupe avait rouvert les yeux, discerné la visière fracturée puis les écrans morts, les voyants. Avec elle le copilote ne bougeait plus, gants sur la console, et son casque inerte pesait. Elle eut un réflexe, la pensée fulgurante pour saisir la poignée au-dessus de sa tête, le siège éjectable avant de se rappeler devant elle le vide de l’espace. À ses poignets les palonniers donnaient toujours de la résistance, puis entrecoupée la radio lui rendit des bribes du combat, les appel de son amie, de son supérieur.

La caméra avait viré sur elle, un mécha’ dérivant parmi les explosions, se désagréageant dans des crachats de fumée. Il sembla que le champ chaotique n’existait plus, il lui sembla que le combat avait pris fin. Les lanceurs se détachèrent, Bufo sut que c’était elle comme un dernier geste, et la machine perdant de la vitesse il vit son équipière en couverture la suivre, lui aussi pouvait entendre les appels. Tout ce à quoi le crapaud pensait était, si elle parle, s’il pouvait l’entendre, et il devina soudain qu’elle parlait. Il pouvait voir ses lèvres remuer, il pouvait voir son visage souriant malgré les plaies, et les poings serrés sur les manettes. La radio, endommagée, ne rendit rien. Un second missile frappa le mécha de plein fouet, ne laissant à l’écran qu’une vaste boule de feu persistante, puis la caméra se détourna.

Juste après un simple appel arracha Bufo à ses sentiments, une simple annonce d’ailière qu’elle n’avait plus de munitions. Et il sut, au simple ton de la voix...

La structure du Star Egg se couvrait d’explosions face auxquelles ne se trouvait plus que le noir de l’espace. Ce fut apparent, brutalement, ce noir véritable là où la traîne léchait encore voilà quelques instants. Dans les dernières salves les missiles frappant, l’assaut s’épuisait, il y en eut près du crapaud pour enrager sur cet échec, une piqûre de moustique sur le titan d’acier. Il les coupa, sèchement, leur pointa du doigt l’écran comme une évidence : la traîne avait disparu, ce champ de flammes comme évanoui sous les salves, distordu, laissait un infime espace vulnérable. Ils avaient saturé les défenses.

« À quoi bon » Lança le plus proche de lui, puis le hyène partit d’un rire sauvage. Il venait de comprendre enfin.

Une dernière fois le souffle des missiles fila au long de la caméra, l’image à nouveau stabilisée et plus nette fit apparaître leurs détails, fit apparaître la surface meurtrie de la station. Le feu des salves continuait de fulminer, s’atténua. Alors une voix ordonna enfin la retraite et les méchas se reformant tournèrent un à un, se dégagèrent. Puis l’engin de tête fit de mine et se tournant il déploya devant lui l’espace, la poignée d’engins restants sur fond d’un milliard d’étoiles. « Zero seven, prey is yours, out. » L’horloge s’arrêta, avec elle l’image figée puis l’écran revint au noir, remplacé bientôt par les schémas d’interception, des images de remplissage alors que la voix des commentateurs reprenait.

Lui avait vu ce qu’il y avait à voir, comme incrusté dans sa mémoire le champ de la caméra. Il avait pu voir le champ chaotique se refermer, à mesure la traîne reprendre et effacer l’oeuvre des pilotes. Et il avait vu que les méchas ne revenaient pas sur la planète, pas même sur la chaîne d’astéroïdes mais plongeaient droit sur l’espace, sur une étoile parmi les autres, une étoile plus brillante, plus proche. Bufo l’avait vu sans le reconnaître encore, la seule conclusion logique qui se dévoila à ses yeux. Il lança : « Le Blue Typhoon ! »

Face à la station coupant droit à sa trajectoire le vaisseau avait surgi comme du néant, profité de la saturation du combat pour approcher et soudain, dans la fenêtre d’opportunité ouverte, sa salle des machines s’était embrasée. La puissance déployée, colossale, confrontait à la traîne du Star Egg une autre traîne toute aussi féroce, mordant dans l’espace sa propre réalité. La tourelle pointa ses deux canons droit sur la faille, tira par deux fois et les deux salves filant à côté des méchas partit s’écraser sur la structure d’acier, la creva. Alors le pont s’ouvrit dégageant l’armature renforcée, des masses d’acier coulées aux circuits frigorigènes rendant méconnaissable le canon à rampe.

« Que se passe-t-il ? » Demanda encore quelqu’un près de lui.

« Ils ont déployé le Sonic Cannon » Ses mots produisirent comme une allégresse, à cette simple évocation, le héros de Mobius une fois encore. Puis, à sa surprise, une autre demanda si ce serait suffisant. Il la regarda, il devina qu’elle connaissait la théorie. Et il secoua la tête. Non, bien sûr que non, « il y a deux hyper-formes. »

Sonic à son tour était passé sur le monte-charge qui se déclencha, aux feux des lampes les emmena dans le canon. Tout ce temps Shadow ne l’avait pas quitté du regard, bras croisés, jusqu’à ce qu’ils s’immobilisent au coeur du canon et que le vide spatial s’ouvre devant eux à la gueule, avec au loin la plus étincelante des étoiles. Il dut dire quelque chose, puis le hérisson bleu le prenant au mot déploya les Émeraudes, dans leur nouvelle forme, les laissa s’enflammer et s’échapper de ses mains. La structure autour d’eux commença de vibrer, la pression artificielle tombant en même temps que la température, le sourire de Sonic eut quelque chose d’absurdement optimiste qui lui fit décroiser les bras.

À l’instant les générateurs un à un s’activaient, déferlèrent leur puissance à la puissance des Emeralds. Au loin la station dans son feu intense défiait le feu renouvellé du Typhoon, la faille presque refermée, comme une poignée de secondes. Toutes les mesures étaient exactes, le jeune renard reporta son regard sur la commande de tir. Il appela pour savoir si les méchas s’étaient écartés de la trajectoire, « fire already! » Lui répondit une voix sauvage. Et Bufo devina dans la main tremblante du renard, cette arrière-pensée, qu’il savait, et quelque chose au coeur qui paralysait ses gestes. Puis Amy, à ses côtés, lui posa la main sur l’épaule, lui sourit. Et les mots de Tails se détachèrent à la radio, un à un, si difficiles, s’égrenèrent comme un décompte.

Il tira.

Le canon déchiqueté après le tir, un météore traversa la distance et dans la seconde où la faille allait se refermer, hurlant contre la puissance du Star Egg la roue déchirante à quelques mètres du blindage béant sembla arrêtée, sur le point de se rompre et l’ensemble de la station gronda, dans un éclat la résistance brisée les deux héros de Mobius disparurent à l’intérieur.

Bufo gardait les yeux au ciel comme s’il avait pu voir tout cela, comme si tout cela s’était produit à l’instant et non longtemps en arrière. Le soir tombé tout à fait, les dernières flammes dans l’air laissèrent place aux nuages et au-dessus des nuages à la nuit d’étoiles. Il pouvait voir une étoile filante qui refusait de tomber, à a longue traîne qu’il pouvait s’imaginer être n’importe quoi. Puis, comme un détail, comme l’horloge, comme tout le reste, il frissonna. Et il murmura : « C’est un écho. » Cette fois personne ne comprit que tout ce qu’ils avaient vu... ses yeux s’écarquillèrent, la station intacte, les appels des militaires et à bord du vaisseau les regards braqués au lieu du combat, à attendre. Dans la salle des machines le gardien épuisé, se préparant encore.

Alors le jeune crapaud se détacha de la foule, commença à marcher le regard toujours en l’air. Les gens le laissaient passer comme un somnambule, ou ne le voyant pas, se laissaient bousculer. Il songeait, comme un affolement, à chaque pas que ces images avaient été diffusées en direct, et il se demandait sans cesse ce que cela pouvait bien changer alors même que le souvenir lui consumait toutes ses pensées.

Sa direction était celle du combat, sans vraiment s’en rendre compte, il venait de surgir de la foule quand quelque chose l’arrêta. Cette étoile filante, durable, il n’aurait su dire ce que c’était, s’était effacée. Le ciel perdait peu à peu ses couleurs, encore enflammé, le soir tardait à perdre ses dernières lueurs. Alors, et comme un trait, cette fois ce ne pouvait plus être un écho, et comme un trait, peut-être que cette fois quelque chose avait changé.

Mais qu’est-ce qu’il aurait voulu voir changer.

Une première explosion creva la surface de la station, puis une autre puis une autre encore et le champ chaotique comme impuissant, une courbe de lumière brutale surgit comme les éruptions des soleils, un fin trait de comète dont la tête en boule plongea à nouveau pour percer la structure de part en part. Puis une seconde comète furieuse tailla dans la masse de métal, pulvérisant des sections entières, les deux hyper formes plongeaient et ressortaient au sein des déflagrations. Les cris de joie à bord du Typhoon, aux écrans et dans la foule, quand les commentateurs confirmèrent, ces images diffusées en clair depuis les observatoires, le crapaud les entendait en écho derrière lui alors qu’il reprenait sa marche.

Le Star Egg avait quitté sa trajectoire, devenu une masse inerte il plongeait à présent et déjà les premiers frottements faisaient rejaillir des étincelles. Dans quelques minutes à nouveau en flammes, il traverserait l’atmosphère, puis la masse irait se désagréger dans l’océan. C’était fini, une dernière fois les deux héros surgirent de la structure pour la tailler et y replonger définitivement.

Rien n’avait changé.

Mais tout était fini, le crapaud se répéta, et il valait mieux que cela s’achève comme ça. Sans fin, sans fard, et il sentit ses larmes couler. Comme un contrecoup, le souvenir du mécha’ endommagé, le souvenir de la ville, tous ces instants et Bufo, et Mist se répéta qu’il fallait que rien ne change, continuer à vivre, et rien d’autre.

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Journal:
À ce stade appeler ça un journal n'a plus vraiment de sens.
Chaque quatre pages écrites d'un seul jet, la seule hésitation a été jusqu'où pousser l'assaut. L'idée de l'escadron voulant se rapprocher encore est nouvelle, tout le reste est là depuis un an. Forcément, quand on l'écrit, c'est moins intense...
Au fond, c'est une première fin et les gens peuvent s'arrêter là. Moi, je vais jusqu'au bout, justifier les mots par lesquels cette fanfic' commence.
Au passage, j'adore les "il tira" et autres "rien n'avait changé" où on sent bien l'amateurisme, ou à défaut, que je rush.
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Re : The chao's theory
« Répondre #65 le: Décembre 28, 2012, 09:02:58 pm »
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The last chapter... qu'est-ce que je fais. Le dernier chapitre est écrit, la seconde partie pour le lundi 31. À l'époque je voulais finir pour Noël mais bon, j'ai bien raté à un an, je n'en suis plus à quelques jours.

The Chao's
Theory

Épisode 26 :

Elle regarda l’ancien étudiant s’immobiliser dans les dernières lueurs du soir, parmi les cris de joie et les ovations et cette foule de bras en train d’applaudir son regard cherchait à percer jusqu’à lui, saisir ses traits livides que la pénombre rendait saisissants. Le train, de l’autre côté sur la voie ferrée la locomotive sifflait, chassait des deux côtés sa vapeur d’eau comme une haleine exténuée. Il y avait les bruits de l’écran, des enceintes, la foule pressante et lui isolé, qui ne voyait que cette étoile filante, cette seule flamme parmi les milliards d’étoiles. Face à elle la nuit embuée, les constellations pareilles au marbre, jetait son voile entre elle et Bufo.

Dans sa lente descente la station arrachait une langue ardente de plusieurs kilomètres, infernale, mais les caméras des observatoires montraient à mesure les branches se brisant, cédant, les plaques de métal arrachées par sections entières. Ailleurs les lumières étaient celles crues des lampes sur pied, les globes arrachant les spectateurs à l’obscurité. Puis, plus loin, était la pénombre sélène, et la nuit cette nuit ne semblait pas pouvoir s’imposer. Il flottait dans l’air la fraîcheur et l’humidité, le pollen, une sorte de tranquillité. Se détachant de la structure les débris les plus gros formaient autant de nouveaux filaments, une pluie de flammes lointaine sous les éclats de la voûte céleste.

Une rumeur lui fit tourner la tête, près de l’épaule, une petite créature passa en flottant, lui jeta un petit regard amusé. Son corps bleuté se fondait aux lueurs alentours, semblait l’y confondre. La créature repartit dans de petits appels captivés auxquels répondirent d’autres appels surgis de la nuit.

Il en sortait par dizaines.

Peu à peu à mesure qu’ils se montraient leurs appels se faisant écho se renforcèrent, se mêlèrent les uns aux autres jusqu’à s’harmoniser. Une note fit frissonner le crapaud, un écho. C’était un écho. Il vit ce qui allait se passer avant que ça ne se passe, la station percée en son centre s’ouvrit en deux, se disloqua. Un trait de lumière fusa dans l’espace pour y disparaître suivit par un second et un instant, juste un instant, il songea encore aux distances alors même que les restes de la station s’émiettant allaient s’effondrer pour de bon et se consumer. Il voyait les deux êtres de chaos se faire face seuls dans l’immensité.

Leurs deux halos de chaos se répondaient, deux infimes torches au coeur de l’espace. Shadow devinait derrière lui la courbe de la planète, droit et calme, faisait face au chaos pur. Sa propre puissance dans des teintes de rouge sombre hurlait contre la blancheur aveuglante. Ses yeux froncés cherchaient à percer cette masse, jusqu’à saisir en son coeur un infime point noir, qui le fit esquisser un sourire.

« Le chaos pur n’existe pas. Il y a toujours quelqu’un derrière. »

Ses mots détachés un à un ne rendirent que le silence. L’émanation de chaos continuait de fulminer, contenue toute entière et il le sentit soudain, se libérant, le rayonnement l’écraser, le repousser violemment. Son adversaire, à quelques kilomètres, était devenu une étoile incandescente. Le hérisson rabaissa sa garde, ferma les yeux un instant. Il le savait parfaitement, totalement dominé en force, quand il regarda à nouveau son adversaire le feu qui l’entourait hurla, les deux formes chaotiques chargèrent l’une contre l’autre et au choc, l’espace s’illumina d’une explosion.

Il chargea encore, une seconde détonation ébranla à la vue les constellations, puis chargé Shadow para le coup de ses deux poings, résista jusqu’à briser l’assaut. L’instant d’après il filait à nouveau, à ces vitesses insaisissables, coup sur coup les chocs incendiaient le ciel, ponctuaient ces deux traits de lumière de brasiers informes. Un nouveau choc, les caméras, les téléphones, les lampes elles-mêmes vacillèrent avant de s’éteindre, dans la semi-obscurité ils observèrent ce combat dont seuls quelques instants leur étaient visibles, et sans même savoir quels en étaient les acteurs, ni les enjeux.

Repoussé encore Shadow reçut l’attaque de plein fouet, résista jusqu’à ce que le déchaînement se calme. Ils n’étaient alors qu’à quelques mètres, ou moins, et cette forme noire lui était presque visible. Un instant, séparés à nouveau jusqu’à ne se voir qu’à peine tous deux fusèrent à la rencontre de l’autre, le hérisson rejeté sentit dans son corps une douleur sauvage. Il cracha, se redressa pour voir filer sur lui trois traînes pareilles à des lances d’énergie qu’un geste de son bras effacèrent.

« Alors toi aussi, tu as tes limites. » Murmura-t-il en reprenant courage.

Mais c’était un écho. C’était un écho se répéta Bufo et il tremblait, il sentait ses jambes sur le point de céder. Quelque chose qui lui disait, mais cela n’importait plus, il avait envie de crier. Le plan de Shadow, il le connaissait à présent, il l’avait deviné, il aurait dû le deviner, il avait juste manqué un seul détail pour le comprendre. Il aurait dû, ce jour-là, voir le geste insignifiant du hérisson touchant son bracelet.

Un son perça jusqu’à eux, un grondement sourd, la répercussion des coups donnés dans l’espace à mesure que les vagues de chaos volaient, le ciel n’était plus qu’une fournaise gigantesque où les deux traits de lumière allaient semblant tressauter s’entrechoquer, voler parallèle puis tournoyant, frapper encore, le hérisson en boule tenta une dernière attaque pour la sentir brisée, se dégagea. Son gant devant la bouche était taché, haletant, il refit face. Quelque chose alors attira son attention, sur le côté, comme un appel strident. Il le vit, le vaisseau du renardeau, à la dérive, une épave. Le feu de la Master y brillait encore, persistante, attisée par leur combat, et le vaisseau était tombé dans le silence.

Il se reporta sur l’être de chaos : « Tu te crois puissant... tu crois pouvoir gagner. Pas de chance pour toi. » Son ton comme grondant.  « J’ai fait une promesse, et je vais la tenir cette fois encore. Je vais te montrer ce qu’est la vraie puissance ! »

En une fraction d’instant sur son adversaire les flammes d’un rouge sombre se déchirèrent sur les flammes blanches, les deux gants du hérisson allèrent se plaquer contre et dans un cri les bracelets se détachèrent. Sa puissance face à la puissance déchaînée se déchaîna, le choc, déferlant, frappa jusqu’à la lune, fit éclater sa surface. La puissance fit vaciller le ciel de Mobius, au travers des nuages réinstaura le crépuscule. Shadow les prononça ces mots qui prenaient sens, le contrôle du chaos, et dans le même temps la concentration de chaos étouffait ses paroles, étouffait tout et jusqu’à la réalité même. Il vit sous ses yeux les défenses de son adversaires s’effondrer, ses gants s’enfoncer brûlants, sur le point d’en finir quand la silhouette noire lui apparut entièrement.

« Qu’est-ce qu- »

L’ennemi reprit le dessus, en une attaque repoussa le héros jusque dans le champ d’astéroïdes. Ce n’était pas fini, le hérisson revenant à la charge, sa puissance déferlante alla pour un temps effacer celle écrasante de l’entité. Ensuite, comme un cri, l’être de chaos riposta. La silhouette de Shadow s’effaça entièrement et la vague chaotique continuant alla plonger sur la planète. Bufo la vit venir, sans que personne ne le sache encore, et il se répétait, c’était un écho, c’était un écho, lorsque la lame enflamma l’atmosphère sentant sa propre respiration faiblir, c’était un écho, il rouvrit des yeux écarquillés.

La station plongeait dans l’atmosphère, filait paisible parmi ses débris arrachés. Il se tourna, vit la foule enjouée et la nuit au calme, vit les petites créatures de chaos planer au-dessus des herbes et dans l’humidité, dresser leurs pattes minuscules vers le ciel. Ces notes qu’il entendait, faibles encore, le faisaient trembler.

Et il la vit, soudainement, dans la foule, Maize.

Elle n’aurait pas dû être là, elle n’aurait jamais dû être là et il lui faisait face et elle, immobile, le regardait avec ce sourire triste. Il eut un geste, puis réalisant, c’était un écho, encore un écho, et il sut exactement ce qui allait arriver. Déjà les formes de la guéparde commençaient à s’effriter, ses marbrures froides à se confondre dans la nuit, au chant des créatures, et elle sembla prendre peur soudain, réaliser, elle le supplia du regard. Il voulut hurler pour la retenir, la gorge sèche, elle tendit son bras aussitôt évanoui, il saisit une dernière fois son regard avant qu’il ne disparaisse, un regard plein de larmes. Un écho. Sa tête sifflait, dans la foule d’autres figures arrachées, se disloquant à mesure et la surprise, les cris, il se retourna. Dans le ciel la station avait été fendue en deux et deux traits de lumière filaient dans l’espace.

Les deux êtres de chaos se faisaient face seul à seul dans l’immensité. Leurs deux halos de chaos se répondaient, deux infimes torches au coeur de l’espace. Sonic devinait derrière lui la courbe de la planète, jambes écartées, à pleins poings il défia le chaos pur.

« Peu m’importe qui tu es, ce que tu veux ou ce que tu crois faire ! » Moins de défi que de colère. « Je suis Sonic ! Sonic le hérisson ! Et si tu t'en prends à Mobius tu t'en prends à moi. »

Quelques secondes, puis encore quelques secondes l’être de chaos ne réagit pas, laissant le hérisson nerveux. C’était un écho. Puis la forme se libéra, écrasant le héros planétaire sans parvenir à le faire reculer, le déferlement passé ce dernier se tenait au coeur même de la puissance et toujours défiant, lui fit signe d’approcher.

Un instant, et la nuit se couvrit d’un bout à l’autres d’explosions. Les deux traits tournoyants ne cessaient de s’entrechoquer frappant encore et encore sans relâche et enragés, la sphère hurlante du hérisson taillait au coeur du chaos, repoussé chaque fois repoussait son adversaire. Leurs déflagrations secouaient l’immensité, effacèrent un instant la silhouette lunaire. Chaque coup tonnait dans son coeur, comme un contrecoup, et il pouvait voir chacun de leurs mouvements, les flammes courir sur leurs corps, cette silhouette à la silhouette de Sonic qui se rencontraient encore, la roue contre cette masse de chaos, vociféra pendant plusieurs secondes avant de s’arracher engloutis par les flammes.

D’un bref regard Sonic retrouva le Blue Typhoon, les décharges d’énergie battant dessus pour être dérivées par la puissance de l’Émeraude Mère, et au-devant au-dessus du pont celle de Shadow. Il leur sourit puis confiant repartit à l’assaut, chaque coup encore plus puissant, ils plongeaient au coeur des explosions et les étouffaient par des nouvelles plus intenses encore. C’était là toute la puissance de l’hyper forme, tout ce qu’elle pourrait jamais faire songea Bufo, et à chaque attaque recevant chaque impact il le savait, cette forme s’épuisait. Et pourtant, même en sachant cela, et même en sachant le reste, il songea que Sonic pouvait le faire.

Il songea, Sonic pouvait le faire, et ce fut comme une question. Mais ce n’était pas Sonic.

« Alors ce n’est que ça ! » Hurla le hérisson et Bufo cru qu’il s’adressait à lui, mais le héros luttait encore filant à quelques instants de son adversaire. « Vaincre, à tout prix ! C’est tout ce qu’il reste de toi ? » Leurs deux formes plongèrent l’une contre l’autre dans un nouvel éclat, les feux arrachés l’un à l’autre ils tournoyaient, crevaient l’espace avant de se détacher, à peine retiré Sonic chargea de nouveau, prit son adversaire à l’arrêt, le projeta au loin et le poursuivit, le frappa encore. « C’est tout ce que tu es ! » La puissance accumulée se retourna contre lui, il aurait pu l’éviter, la reçut et à son tour projeté, se redressa les épaules à hauteur de la courbe planétaire.

Dans l’instant Bufo le sentit, comme un halètement, et le sourire du héros. Il esquissa un mouvement, n’importe lequel, l’ennemi était déjà sur le héros, toute sa puissance contre la puissance vacillante de Sonic. Un geste, et il vit la silhouette du hérisson s’évanouir. L’instant d’avant, et l’instant d’après, puis il se rendit compte que les petites créatures continuaient leur ascension au ciel, et avec elles la nuit détachait des lueurs bleutées. La mélodie lui emplissait la tête, et il songea, c’était un écho. Juste un écho. Rien qu’un écho. Les canons du Typhoon tonnèrent, deux salves vaines, puis tout s’évanouit.

La hyène lui tapa sur l’épaule, l’air satisfait, fut déconfit par l’air ahuri du crapaud. Il le félicita encore, lui dit qu’ils avaient réussi avant de le laisser. Il ne voulait pas se retourner, les dernières lueurs du soir évanouies, il ne voulait plus regarder l’étoile filante qui dardait au-dessus de toutes les têtes. Ce n’était plus un écho. Cette pensée l’obsédait, ce n’était plus un écho, comment il pouvait le savoir, ses jambes flageolaient. Il gonflait le goitre, le laissait expirer, sa respiration difficile lui meurtrissait la tête. Et il calculait, à toute vitesse, toutes les autres possibilités. Ce n’était plus un écho, dans le sentiment d’urgence le crapaud sentit les larmes lui monter aux yeux.

Il y eut des cris, et il sut exactement ce qui se passait. Sur les écrans, et dans le ciel, la station se disloquant, et quelqu’un cria « regardez ! » Les deux traits de lumière venaient de filer. Mais Bufo ne voulait plus regarder, ne voulait plus voir, les deux mains sur la tête, à des pensées triviales. Maize allait disparaître. D’autres allaient disparaître. Tous ceux de l’ancienne cité. Lui-même... le chant des chao le rendit à la réalité. Rouvrant les yeux Bufo regarda l’horizon bleuté, le halo familier parmi ces milliers de petits êtres emportés avec, et qui chantaient leur petite contine d’enfants.

« C’est vrai. » Cette voix, il la connaissait, c’était celle du héros de Mobius. Le feu ardent, étincelant, détachait la silhouette du hérisson dans l’immensité. « Je ne suis pas Sonic. » Et le sourire du hérisson était forcé, presque gêné, et presque triste.

« Mais tu sais quoi ? Ce n’est pas grave. Je serai juste un hérisson qui aime courir. Avec des amis. Et pour ce soir je serai l’âme de Mobius. »
« Dernière édition: Décembre 28, 2012, 11:08:57 pm par Feurnard »
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Re : The chao's theory
« Répondre #66 le: Décembre 31, 2012, 10:00:05 am »
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Le halo s’effaçant dans l’atmosphère convergeait sur lui, il le vit à présent, le feu ardent devenir des flammes froides, un bleu glacial et en son coeur comme de la glace, sa peau elle-même réduite à cela, un être de chaos pur. Tout ce temps, durant tout ce temps le crapaud y songea et brutalement, comme une révélation, jeta ses yeux sur ses propres bras, s’attendant à les voir s’effriter à leur tour ou disparaître. Et il vit les bras peu à peu effrités, l’énergie s’en dégager avant de se rendre compte que ces bras n’étaient pas les siens. Avant de se rendre compte que pour lui le temps s’était figé, et cherchant à tourner la tête le mouvement si lent, il ne pouvait rien voir que cela, deux bras tendu à ses deux bras pour l’enlacer, deux bras aux gants de bandages jusqu’au coude. Il vit les longs cheveux noirs flotter dans le même mouvement, il sentit sa présence juste derrière lui à l’instant même où les derniers mots de Sonic s’abattaient, il la sentit contre lui.

La louve le serrait, se tête presque contre sa nuque, le crapaud n’arrivait toujours pas à tourner la tête, comme figé. Sans comprendre, sans réaliser. Il sentait la longue chevelure noire, le poil de cendre, il pouvait sentir l’odeur sauvage et tous les souvenirs. Il pleurait. Comme une mécanique déréglée, il se regardait pleurer et sentait contre sa nuque également des larmes, et il se répétait, elle va disparaître, je vais rester. Elle était là. Tout ce temps.

« Juste cette fois » murmura la louve, « laisse-moi croire » Elle le serra plus fort contre elle et lui paralysé, voulait se retourner, voulut se retourner, à l’instant où il la sentit se détacher le crapaud lui fit face, ne sentit rien. Il ne restait devant lui qu’un casque des militaires, et les bandages.

« Assez ! » Hurla Sonic. « Montre-moi de quoi tu es capable ! »

Au premier choc le coup dévié partit frapper la lune arracha à sa surface d’acier une traîne de débris comme déchiquetée que l’explosion illumina. À chaque coup, mais à chaque coup l’être de chaos se replaçait devant la planète pour recevoir les attaques et celles-ci déviées emplissaient le ciel de flammes. Il vit, au loin, la torche verte fulminer, le Blue Typhoon dériver sous la puissance. Puis il se reporta sur ces deux traits de lumière acharnés, à la rencontre l’un de l’autre, à chaque contact comme se forçant l’un l’autre sans vouloir céder, l’énergie accumulée, éclatant enfin, une nouvelle déflagration coupa en deux l’espace.

Puis le contrechoc souffla les nuages, embrasa le ciel, transforma la nuit en jour plein. Il sentit ses jambes céder, jeté à terre, se releva. Les deux êtres de chaos continuaient de lutter, tourbillonnaient, une nouvelle attaque déviée enflamma la ceinture d’astéroïdes, en arracha une pluie dans l’atmosphère. Les explosions étaient devenues assourdissantes, il pouvait voir à chaque coup l’herbe ployer, des rafales de vent battre et peser sur les branches. Puis il s’en rendit compte, soudain, par simple calcul, que même cet être de chaos pur ne serait pas assez fort pour vaincre son adversaire.

Jeté en arrière le hérisson s’essuya le front, secoua la tête avant de se recevoir les lances de chaos, trois déflagrations le laissèrent surgir en flèche, frapper en boule son ennemi et forcer flammes contre flammes, faire hurler le chaos. Chaque instant passé au contact laminait le héros, et il forçait, sentant cette silhouette noire lui échapper, força jusqu’à ce que la friction trop forte les sépare. Il était repoussé, dans un même mouvement jouant sur l’inertie le hérisson fila en arc pour plonger à nouveau, ne se mit en boule qu’au dernier instant. La douleur avant même la friction le força à relâcher.

« Je viens te chercher, que tu le veuilles ou non ! »

Ses mots firent fulminer l’adversaire, soudain l’émanation de chaos s’amplifia, s’arrêta net derrière la barrière des explosions. Les constellations déformées, leurs lumières convergèrent en un infime fil et dans l’obscurité total, ce fil distendu un instant se fixa sur le hérisson. Derrière le hérisson, la planète, il refusa de bouger, plaça ses deux bras en croix et recevant l’attaque concentrée de plein fouet, hurla de fureur. Ce cri et la pulsion, le choc de l’attaque jetèrent Bufo à terre, contre le sol où il resta écrasé. Ce n’était pas un écho, et il se dit, c’était fini. Puis la mémoire lui revint, depuis le départ, et il se força. Malgré la pression sur ses membres tremblants, malgré sa tête bourdonnante le crapaud se força à se relever. Et même si c’était vain, les dents serrées, les yeux en larmes.

« Peu importe. La puissance. » La voix, ce n’était plus la voix de Sonic, laminée. « Seul compte pour moi la personne. »

« Entends ma voix ! »

« Entends ma voix, Sonic ! »

Les deux bras s’écartèrent brisant l’attaques, et dans la fournaise se dégagèrent les flammes froides. Il n’était plus qu’une silhouette en lambeaux, anéantie, et qui faisait face encore. Face à lui seulement la fournaise, il plongea, frappa ces flammes d’un blanc spectral et sa roue creusa profondément, presque jusqu’à atteindre la silhouette. Repoussé, projeté et sur lui les lances de chaos éclatèrent en chaîne, il replongea, sans plus rien sentir, en un trait, fila déchirer les flammes de ses flammes et crever dans le chaos même, pour l’atteindre. Repoussé encore et plus violemment cette fois, il sembla dériver.

Puis, une dernière fois, l’être de chaos rouvrit les yeux. Le Typhoon s’était mis dans sa trajectoire, l’avait rattrapé. Sur le pont les mécha’ alignés ouvrirent le feu avec toutes les munitions qu’il leur restait, et les deux canons de tourelle tonnèrent. Alors le hérisson, mais l’ombre d’un hérisson, déchiré, fila une dernière fois. Une dernière fois, se mit en boule, trancha la distance et frappant de toutes ses forces l’ennemi qui l’avait frappé, la roue s’essoufflant à quelques centimètres de la silhouette, à quelques centimètres, et les flammes étouffées par la fournaise se consumaient. Le doigt ganté frôla ce visage endormi.

« Réveille-toi. »

Le bus s’arrêta, le conducteur répéta de se réveiller. C’était son arrêt, le crapaud se secoua. Une remarque, s’il avait fait un cauchemar, sur son front la sueur coulait encore, ou bien c’était juste le mucus. Il sourit, un peu endormi, répondit que ce n’étaient que des souvenirs du passé.

Même au sein de la petite ville l’air du large continuait de se faire sentir, odeur de sel et d’algues sous les feux des phares et des projecteurs. Les hautes tour de la ville, ses balcons et ses routes aériennes s’emplissaient de mille feux visibles même en plein jour. Il descendit, laissa les autres passagers monter avec leurs discussions, il regarda la rue d’herbes et de buissons à ces pas de portes arrondies. Tous les quartiers ne se ressemblaient pas, celui-ci était resté naturel. Les jeunes jouaient par groupes et il reconnut aux petites pierres blanches et noires la bataille navale, s’approcha avant de souffler à la plus jeune les trois prochains coups. « Tricheuse ! » Lui jeta son opposant avec une petite moue.

Puis il continua par les rues, un peu perdu, demanda à l’un ou l’autre où pouvait être le parc. On lui donna une instruction qui l’envoya se perdre dans une ruelle sans issue. Là, à l’ombre du muret hésitant à l’enjamber le crapaud ne put s’empêcher d’écouter la tranquillité des lieux, les rires d’enfants, les coups donnés au linge par-dessus les balcons. Mais il lui fallait toujours trouver le parc, alors revenant sur ses pas il remarqua un petit loup assis en tailleur, presque endormi, et son pantalon en lambeaux.

« Eh, gaillard ! » Le petit tourna les yeux vers lui, dérangé dans sa sieste, d’une voix détachée lui demanda ce qu’il y avait. Il le traita de vieux, ce qui fit hausser les épaules au crapaud. Ses pantalons, il les avait eus aux mines, près du volcan, du temps où les exploitations existaient encore. « Et les gants ? » Rajouta le crapaud sans se démonter au ton moqueur du louveteau. Achetés dans un magasin, puis agacé par la question ce dernier la lui retourna. Mais c’était sans importance, l’esquivant il demanda la direction du parc.

« C’t allée, saute le muret, t’y es. » Et mettant les deux mains derrière la tête le petit se remit à sa sieste.

« Et si j’ai pas envie ? »

« Tu m’lâcheras pas avant que je t’y amènes, c’est ça ? »

Il hocha obligeamment de la tête et le louveteau, se hérissant le poil de la tête d’un geste agacé, se leva d’un bon pour faire signe au crapaud de le suivre. Il s’était attendu, durant leur marche, à ce que l’étourdi continue à discuter mais le crapaud se contentait de regarder paisiblement les balcons, les façades blanchies et au-dessus le feu des projecteurs. S’il était nouveau, non, cela faisait un moment qu’il était sur l’île. Pas beaucoup de temps à côté de l’atelier. « L’atelier ? » Demanda le jeune, une pointe d’intérêt dans le regard. L’atelier, répondit simplement son interlocuteur, sans rien préciser.

Devant eux le parc s’ouvrit, une petite forêt dont chaque clairière avait sa fontaine à l’eau non saline, et des rigoles pour porter l’eau le long des sentiers de pierre. L’ambiance rendit le crapaud un peu nostalgique, mais il continua et le petit, disant qu’ils étaient arrivés, le guida encore à l’intérieur. Le sentier qu’ils empruntaient avait été réparé à moitié, le reste labouré les pierres brisées se soulevaient. Les arbres sur les côtés, leurs écorces crevées, côtoyaient de petites têches de bois près des troncs déracinés. Avant le soir, il n’en resterait rien, il était même étonnant que les stigmates soient restées aussi longtemps.

Puis ils débouchèrent sur la clairière où les soldats saluèrent le Doc’. Le petit désarçonné le regarda rendre un bref salut martial, sans grande conviction, puis s’approcher du casque tendu pour le mettre sur la tête. Il l’attachait, le petit proposa qu’il était temps pour lui de partir :

« Non. Tu vas m’aider. » Sur un ton tranquille, presque bougonnant, et de demander si le loup allait vraiment laisser un vieillard en difficulté, à quoi le petit répliqua que Doc’ était moins âgé que les soldats.

« Mist. Je m’appelle Mist. Et maintenant suis-moi. »

Le petit allait protester quand il vit près de la fontaine un long tube militaire dont l’intérieur irradiait de puissance dans un rayonnement bleuté. Finissant de fixer son gilet, une fois refermé il rajouta les gants militaires par-dessus ses gants, laissa le masque pendre sur le côté. Le crapaud s’agenouilla près de la source d’énergie, fit signe au petit qui s’approcha, curieux. Il lui demanda une clef, pointa du doigt une boîte à outils que le loup amena plus près avant d’en tirer l’outil. « On fait des miracles avec un tournevis. » Il lui fit saisir une autre clef et lui montrant les petits verrous, lui demanda de les défaire.

Derrière eux les gardes continuaient de surveiller les alentours, seul le sergent jetant un oeil sur eux, et le petit remarqua qu’ils se tenaient à distance. Du danger, cela le fit frissonner de plaisir, la structure externe détachée le Doc’ sembla fixer l’intérieur d’un air las.

« Vous savez c’que vous faites au moins ? » Lui demanda le petit.

« Pas du tout. » Et il rajouta : « Avec le chaos, personne ne sait. »

Après quoi il donna de nouvelles instructions et ils s’en prirent à la structure tubulaire. À côté des doigts assez lourds du crapaud ceux du loup jouaient sans peine, comme il avait dû le faire dans les galeries, maniaient les outils au millimètre.

« Sonic, lui, il sait. » Reprit le petit en tenant la pince.

« Il sait qu’il ne sait pas. » Répondit laconique le crapaud.

Ensuite de quoi il se mit à se plaindre pour lui-même, tout ce travail pour une vache qui lui crierait après pour avoir mis autant de temps et ne pas avoir annihilé le quartier sur une fausse manipulation, ce qui fit rire un peu le louveteau. Un peu, jaune. Mais il commençait à comprendre et se prêtant au jeu, parvint à arracher la clé de sécurité. Il n’avait jamais imaginé l’intérieur de ces piles d’énergie aussi compliqué.

Le crapaud se releva, « fini » et le petit de faire remarquer que l’engin n’était même pas refermé, il haussa les épaules, c’était le travail du louveteau qui rechigna. De toute manière c’était son travail à partir de maintenant. Le petit répéta, suspicieux, qu’est-ce qu’il voulait dire, et le Doc’ de repartir, il avait besoin d’un assistant.

« Et si j’refuse ? »

« Tu ne refuseras pas. » Comment il le savait : « Tes gants, gaillard. Tes gants. »

En même temps il retirait la tenue, tendit le gilet au sergent qui hocha la tête avant de peser du regard le petit. Puis le sergent demanda de but en blanc si le crapaud était sérieux, s’il allait jeter un louveteau dans ces histoires. Volontaire ou pas cette question força la fierté du petit qui dit qu’il allait le faire. Et puis, rajouta le crapaud, si ça lui déplaisait il pourrait toujours s’en aller ensuite. Son casque retiré, s’étirant, le Doc’ demanda où était la crèperie la plus proche, puis haussant les épaules déclara qu’il en connaissait une parfaite du côté des quais.

Ce n’étaient pas les gants. Pas vraiment. Il avait vu le petit habile et dans ses yeux de l’intérêt pour les machines. Trop d’aventure à son goût. Mais ce n’étaient pas les gants.

À la radio les nouvelles fusaient, toujours aussi agitées, toujours aussi lointaines, des accidents, de l’héroïsme et un soupçon de chance. Le petit finissait sa crèpe en répétant ses conditions auxquelles le crapaud se contentait d’acquiescer. Quand il proposa le droit de vie et de mort, le crapaud hochant encore de la tête le louveteau comprit qu’il rêvassait, regard au large et bercé par la radio. Un doux rêveur, mais dans le regard jauni du crapaud quelque chose d’autre encore que le louveteau n’arrivait pas à deviner.

Ce n’étaient pas les gants. C’était le pelage de cendre.

Fin

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Journal:
Voilà. C'était Chao's Theory.
Pour le dernier chapitre, à la fin de la première page j'ai réalisé que je rushais, je suis revenu en arrière jusqu'à la première mention de l'écho et ensuite, tout d'un jet jusqu'à la fin. J'ai aussi effacé tous les indices dans la scène de Luck, pour laisser libre l'interprétation.

Au tout départ j'avais besoin d'un exercice de style pour rendre mes personnages plus vivants. Je me suis dit, "collocation komdanlémanga" et comme j'avais les deux pieds dans le JdR Sonic, j'ai voulu raconter le "quotidien" des gens dans cet univers.
Je me rappelle, à l'époque, je cherchais à savoir si les mobiens faisaient leur lessive à la main ou avec des machines.
La fic' est en grande partie adressée aux joueurs JdR, AOM et aujourd'hui M-gen. Yup, déjà à l'époque. Toute la fic' est un manifeste à propos du traitement des régions, des Émeraudes, des personnages non-joueurs et ainsi de suite. Ce n'est pas pour rien que les deux dernières pages se déroulent sur Frontier Islands. À part Basin City tous les lieux et ennemis sont récupérés du plan Terra Mater.
J'avais structuré la fanfic' en quatre saisons de sept épisodes - pour les sept CE - avec à chaque fois un événement précis auquel arriver, et les grandes lignes pour y arriver. L'événement clé de ma fic' était l'épisode vingt-et-un, et arrivé là j'en avais fini... d'où la pause d'un an après l'épisode vingt-deux. Il y a d'autres raisons, mais secondaires.

Au final c'était un texte qu'il me fallait écrire.
Récemment j'ai vu un héros pyromane à sac sans fond parents assassinés à sa naissance bref classique combattre un garde classique. Ce qu'on ne m'avait jamais fait, c'est que le garde s'enfuit, qu'on le retrouve la minute d'après traumatisé au point que le texte dit explicitement qu'il finirait par se suicider, tout ça avec la bénédiction du héros.
Y en a marre de voir ces petits personnages traînés dans la boue. Punaise. Y en a marre.

J'aurais encore voulu aborder quelques points, l'élaboration, le changement de style, le manifeste d'écriture et autres mais il ne faut pas abuser.
Je reviendrai peut-être avec les chevaliers subsoniques - aka le GUN - mais sinon le renard va retourner doucement au silence, donc j'en profite pour saluer Miko - et te remercier 'f course - râler que MeiRei n'avance pas, que Nightdreamers est dix fois trop fleuve pour m'y mettre, que Herschel se démotive un peu vite et m'excuser de ne pas m'être intégré à la communauté PSo, et pour avoir quitté celle de M-gen.
Bonne année à tous, et à vos plumes.
Journalisée
La force est une faiblesse, la faiblesse est une force.
 
 
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