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Le halo s’effaçant dans l’atmosphère convergeait sur lui, il le vit à présent, le feu ardent devenir des flammes froides, un bleu glacial et en son coeur comme de la glace, sa peau elle-même réduite à cela, un être de chaos pur. Tout ce temps, durant tout ce temps le crapaud y songea et brutalement, comme une révélation, jeta ses yeux sur ses propres bras, s’attendant à les voir s’effriter à leur tour ou disparaître. Et il vit les bras peu à peu effrités, l’énergie s’en dégager avant de se rendre compte que ces bras n’étaient pas les siens. Avant de se rendre compte que pour lui le temps s’était figé, et cherchant à tourner la tête le mouvement si lent, il ne pouvait rien voir que cela, deux bras tendu à ses deux bras pour l’enlacer, deux bras aux gants de bandages jusqu’au coude. Il vit les longs cheveux noirs flotter dans le même mouvement, il sentit sa présence juste derrière lui à l’instant même où les derniers mots de Sonic s’abattaient, il la sentit contre lui.
La louve le serrait, se tête presque contre sa nuque, le crapaud n’arrivait toujours pas à tourner la tête, comme figé. Sans comprendre, sans réaliser. Il sentait la longue chevelure noire, le poil de cendre, il pouvait sentir l’odeur sauvage et tous les souvenirs. Il pleurait. Comme une mécanique déréglée, il se regardait pleurer et sentait contre sa nuque également des larmes, et il se répétait, elle va disparaître, je vais rester. Elle était là. Tout ce temps.
« Juste cette fois » murmura la louve, « laisse-moi croire » Elle le serra plus fort contre elle et lui paralysé, voulait se retourner, voulut se retourner, à l’instant où il la sentit se détacher le crapaud lui fit face, ne sentit rien. Il ne restait devant lui qu’un casque des militaires, et les bandages.
« Assez ! » Hurla Sonic. « Montre-moi de quoi tu es capable ! »
Au premier choc le coup dévié partit frapper la lune arracha à sa surface d’acier une traîne de débris comme déchiquetée que l’explosion illumina. À chaque coup, mais à chaque coup l’être de chaos se replaçait devant la planète pour recevoir les attaques et celles-ci déviées emplissaient le ciel de flammes. Il vit, au loin, la torche verte fulminer, le Blue Typhoon dériver sous la puissance. Puis il se reporta sur ces deux traits de lumière acharnés, à la rencontre l’un de l’autre, à chaque contact comme se forçant l’un l’autre sans vouloir céder, l’énergie accumulée, éclatant enfin, une nouvelle déflagration coupa en deux l’espace.
Puis le contrechoc souffla les nuages, embrasa le ciel, transforma la nuit en jour plein. Il sentit ses jambes céder, jeté à terre, se releva. Les deux êtres de chaos continuaient de lutter, tourbillonnaient, une nouvelle attaque déviée enflamma la ceinture d’astéroïdes, en arracha une pluie dans l’atmosphère. Les explosions étaient devenues assourdissantes, il pouvait voir à chaque coup l’herbe ployer, des rafales de vent battre et peser sur les branches. Puis il s’en rendit compte, soudain, par simple calcul, que même cet être de chaos pur ne serait pas assez fort pour vaincre son adversaire.
Jeté en arrière le hérisson s’essuya le front, secoua la tête avant de se recevoir les lances de chaos, trois déflagrations le laissèrent surgir en flèche, frapper en boule son ennemi et forcer flammes contre flammes, faire hurler le chaos. Chaque instant passé au contact laminait le héros, et il forçait, sentant cette silhouette noire lui échapper, força jusqu’à ce que la friction trop forte les sépare. Il était repoussé, dans un même mouvement jouant sur l’inertie le hérisson fila en arc pour plonger à nouveau, ne se mit en boule qu’au dernier instant. La douleur avant même la friction le força à relâcher.
« Je viens te chercher, que tu le veuilles ou non ! »
Ses mots firent fulminer l’adversaire, soudain l’émanation de chaos s’amplifia, s’arrêta net derrière la barrière des explosions. Les constellations déformées, leurs lumières convergèrent en un infime fil et dans l’obscurité total, ce fil distendu un instant se fixa sur le hérisson. Derrière le hérisson, la planète, il refusa de bouger, plaça ses deux bras en croix et recevant l’attaque concentrée de plein fouet, hurla de fureur. Ce cri et la pulsion, le choc de l’attaque jetèrent Bufo à terre, contre le sol où il resta écrasé. Ce n’était pas un écho, et il se dit, c’était fini. Puis la mémoire lui revint, depuis le départ, et il se força. Malgré la pression sur ses membres tremblants, malgré sa tête bourdonnante le crapaud se força à se relever. Et même si c’était vain, les dents serrées, les yeux en larmes.
« Peu importe. La puissance. » La voix, ce n’était plus la voix de Sonic, laminée. « Seul compte pour moi la personne. »
« Entends ma voix ! »
« Entends ma voix, Sonic ! »
Les deux bras s’écartèrent brisant l’attaques, et dans la fournaise se dégagèrent les flammes froides. Il n’était plus qu’une silhouette en lambeaux, anéantie, et qui faisait face encore. Face à lui seulement la fournaise, il plongea, frappa ces flammes d’un blanc spectral et sa roue creusa profondément, presque jusqu’à atteindre la silhouette. Repoussé, projeté et sur lui les lances de chaos éclatèrent en chaîne, il replongea, sans plus rien sentir, en un trait, fila déchirer les flammes de ses flammes et crever dans le chaos même, pour l’atteindre. Repoussé encore et plus violemment cette fois, il sembla dériver.
Puis, une dernière fois, l’être de chaos rouvrit les yeux. Le Typhoon s’était mis dans sa trajectoire, l’avait rattrapé. Sur le pont les mécha’ alignés ouvrirent le feu avec toutes les munitions qu’il leur restait, et les deux canons de tourelle tonnèrent. Alors le hérisson, mais l’ombre d’un hérisson, déchiré, fila une dernière fois. Une dernière fois, se mit en boule, trancha la distance et frappant de toutes ses forces l’ennemi qui l’avait frappé, la roue s’essoufflant à quelques centimètres de la silhouette, à quelques centimètres, et les flammes étouffées par la fournaise se consumaient. Le doigt ganté frôla ce visage endormi.
« Réveille-toi. »
Le bus s’arrêta, le conducteur répéta de se réveiller. C’était son arrêt, le crapaud se secoua. Une remarque, s’il avait fait un cauchemar, sur son front la sueur coulait encore, ou bien c’était juste le mucus. Il sourit, un peu endormi, répondit que ce n’étaient que des souvenirs du passé.
Même au sein de la petite ville l’air du large continuait de se faire sentir, odeur de sel et d’algues sous les feux des phares et des projecteurs. Les hautes tour de la ville, ses balcons et ses routes aériennes s’emplissaient de mille feux visibles même en plein jour. Il descendit, laissa les autres passagers monter avec leurs discussions, il regarda la rue d’herbes et de buissons à ces pas de portes arrondies. Tous les quartiers ne se ressemblaient pas, celui-ci était resté naturel. Les jeunes jouaient par groupes et il reconnut aux petites pierres blanches et noires la bataille navale, s’approcha avant de souffler à la plus jeune les trois prochains coups. « Tricheuse ! » Lui jeta son opposant avec une petite moue.
Puis il continua par les rues, un peu perdu, demanda à l’un ou l’autre où pouvait être le parc. On lui donna une instruction qui l’envoya se perdre dans une ruelle sans issue. Là, à l’ombre du muret hésitant à l’enjamber le crapaud ne put s’empêcher d’écouter la tranquillité des lieux, les rires d’enfants, les coups donnés au linge par-dessus les balcons. Mais il lui fallait toujours trouver le parc, alors revenant sur ses pas il remarqua un petit loup assis en tailleur, presque endormi, et son pantalon en lambeaux.
« Eh, gaillard ! » Le petit tourna les yeux vers lui, dérangé dans sa sieste, d’une voix détachée lui demanda ce qu’il y avait. Il le traita de vieux, ce qui fit hausser les épaules au crapaud. Ses pantalons, il les avait eus aux mines, près du volcan, du temps où les exploitations existaient encore. « Et les gants ? » Rajouta le crapaud sans se démonter au ton moqueur du louveteau. Achetés dans un magasin, puis agacé par la question ce dernier la lui retourna. Mais c’était sans importance, l’esquivant il demanda la direction du parc.
« C’t allée, saute le muret, t’y es. » Et mettant les deux mains derrière la tête le petit se remit à sa sieste.
« Et si j’ai pas envie ? »
« Tu m’lâcheras pas avant que je t’y amènes, c’est ça ? »
Il hocha obligeamment de la tête et le louveteau, se hérissant le poil de la tête d’un geste agacé, se leva d’un bon pour faire signe au crapaud de le suivre. Il s’était attendu, durant leur marche, à ce que l’étourdi continue à discuter mais le crapaud se contentait de regarder paisiblement les balcons, les façades blanchies et au-dessus le feu des projecteurs. S’il était nouveau, non, cela faisait un moment qu’il était sur l’île. Pas beaucoup de temps à côté de l’atelier. « L’atelier ? » Demanda le jeune, une pointe d’intérêt dans le regard. L’atelier, répondit simplement son interlocuteur, sans rien préciser.
Devant eux le parc s’ouvrit, une petite forêt dont chaque clairière avait sa fontaine à l’eau non saline, et des rigoles pour porter l’eau le long des sentiers de pierre. L’ambiance rendit le crapaud un peu nostalgique, mais il continua et le petit, disant qu’ils étaient arrivés, le guida encore à l’intérieur. Le sentier qu’ils empruntaient avait été réparé à moitié, le reste labouré les pierres brisées se soulevaient. Les arbres sur les côtés, leurs écorces crevées, côtoyaient de petites têches de bois près des troncs déracinés. Avant le soir, il n’en resterait rien, il était même étonnant que les stigmates soient restées aussi longtemps.
Puis ils débouchèrent sur la clairière où les soldats saluèrent le Doc’. Le petit désarçonné le regarda rendre un bref salut martial, sans grande conviction, puis s’approcher du casque tendu pour le mettre sur la tête. Il l’attachait, le petit proposa qu’il était temps pour lui de partir :
« Non. Tu vas m’aider. » Sur un ton tranquille, presque bougonnant, et de demander si le loup allait vraiment laisser un vieillard en difficulté, à quoi le petit répliqua que Doc’ était moins âgé que les soldats.
« Mist. Je m’appelle Mist. Et maintenant suis-moi. »
Le petit allait protester quand il vit près de la fontaine un long tube militaire dont l’intérieur irradiait de puissance dans un rayonnement bleuté. Finissant de fixer son gilet, une fois refermé il rajouta les gants militaires par-dessus ses gants, laissa le masque pendre sur le côté. Le crapaud s’agenouilla près de la source d’énergie, fit signe au petit qui s’approcha, curieux. Il lui demanda une clef, pointa du doigt une boîte à outils que le loup amena plus près avant d’en tirer l’outil. « On fait des miracles avec un tournevis. » Il lui fit saisir une autre clef et lui montrant les petits verrous, lui demanda de les défaire.
Derrière eux les gardes continuaient de surveiller les alentours, seul le sergent jetant un oeil sur eux, et le petit remarqua qu’ils se tenaient à distance. Du danger, cela le fit frissonner de plaisir, la structure externe détachée le Doc’ sembla fixer l’intérieur d’un air las.
« Vous savez c’que vous faites au moins ? » Lui demanda le petit.
« Pas du tout. » Et il rajouta : « Avec le chaos, personne ne sait. »
Après quoi il donna de nouvelles instructions et ils s’en prirent à la structure tubulaire. À côté des doigts assez lourds du crapaud ceux du loup jouaient sans peine, comme il avait dû le faire dans les galeries, maniaient les outils au millimètre.
« Sonic, lui, il sait. » Reprit le petit en tenant la pince.
« Il sait qu’il ne sait pas. » Répondit laconique le crapaud.
Ensuite de quoi il se mit à se plaindre pour lui-même, tout ce travail pour une vache qui lui crierait après pour avoir mis autant de temps et ne pas avoir annihilé le quartier sur une fausse manipulation, ce qui fit rire un peu le louveteau. Un peu, jaune. Mais il commençait à comprendre et se prêtant au jeu, parvint à arracher la clé de sécurité. Il n’avait jamais imaginé l’intérieur de ces piles d’énergie aussi compliqué.
Le crapaud se releva, « fini » et le petit de faire remarquer que l’engin n’était même pas refermé, il haussa les épaules, c’était le travail du louveteau qui rechigna. De toute manière c’était son travail à partir de maintenant. Le petit répéta, suspicieux, qu’est-ce qu’il voulait dire, et le Doc’ de repartir, il avait besoin d’un assistant.
« Et si j’refuse ? »
« Tu ne refuseras pas. » Comment il le savait : « Tes gants, gaillard. Tes gants. »
En même temps il retirait la tenue, tendit le gilet au sergent qui hocha la tête avant de peser du regard le petit. Puis le sergent demanda de but en blanc si le crapaud était sérieux, s’il allait jeter un louveteau dans ces histoires. Volontaire ou pas cette question força la fierté du petit qui dit qu’il allait le faire. Et puis, rajouta le crapaud, si ça lui déplaisait il pourrait toujours s’en aller ensuite. Son casque retiré, s’étirant, le Doc’ demanda où était la crèperie la plus proche, puis haussant les épaules déclara qu’il en connaissait une parfaite du côté des quais.
Ce n’étaient pas les gants. Pas vraiment. Il avait vu le petit habile et dans ses yeux de l’intérêt pour les machines. Trop d’aventure à son goût. Mais ce n’étaient pas les gants.
À la radio les nouvelles fusaient, toujours aussi agitées, toujours aussi lointaines, des accidents, de l’héroïsme et un soupçon de chance. Le petit finissait sa crèpe en répétant ses conditions auxquelles le crapaud se contentait d’acquiescer. Quand il proposa le droit de vie et de mort, le crapaud hochant encore de la tête le louveteau comprit qu’il rêvassait, regard au large et bercé par la radio. Un doux rêveur, mais dans le regard jauni du crapaud quelque chose d’autre encore que le louveteau n’arrivait pas à deviner.
Ce n’étaient pas les gants. C’était le pelage de cendre.
Fin
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Journal:Voilà. C'était Chao's Theory.
Pour le dernier chapitre, à la fin de la première page j'ai réalisé que je rushais, je suis revenu en arrière jusqu'à la première mention de l'écho et ensuite, tout d'un jet jusqu'à la fin. J'ai aussi effacé tous les indices dans la scène de Luck, pour laisser libre l'interprétation.
Au tout départ j'avais besoin d'un exercice de style pour rendre mes personnages plus vivants. Je me suis dit, "collocation komdanlémanga" et comme j'avais les deux pieds dans le JdR Sonic, j'ai voulu raconter le "quotidien" des gens dans cet univers.
Je me rappelle, à l'époque, je cherchais à savoir si les mobiens faisaient leur lessive à la main ou avec des machines.
La fic' est en grande partie adressée aux joueurs JdR, AOM et aujourd'hui M-gen. Yup, déjà à l'époque. Toute la fic' est un manifeste à propos du traitement des régions, des Émeraudes, des personnages non-joueurs et ainsi de suite. Ce n'est pas pour rien que les deux dernières pages se déroulent sur Frontier Islands. À part Basin City tous les lieux et ennemis sont récupérés du plan Terra Mater.
J'avais structuré la fanfic' en quatre saisons de sept épisodes - pour les sept CE - avec à chaque fois un événement précis auquel arriver, et les grandes lignes pour y arriver. L'événement clé de ma fic' était l'épisode vingt-et-un, et arrivé là j'en avais fini... d'où la pause d'un an après l'épisode vingt-deux. Il y a d'autres raisons, mais secondaires.
Au final c'était un texte qu'il me fallait écrire.
Récemment j'ai vu un héros pyromane à sac sans fond parents assassinés à sa naissance bref classique combattre un garde classique. Ce qu'on ne m'avait jamais fait, c'est que le garde s'enfuit, qu'on le retrouve la minute d'après traumatisé au point que le texte dit explicitement qu'il finirait par se suicider, tout ça avec la bénédiction du héros.
Y en a marre de voir ces petits personnages traînés dans la boue. Punaise. Y en a marre.
J'aurais encore voulu aborder quelques points, l'élaboration, le changement de style, le manifeste d'écriture et autres mais il ne faut pas abuser.
Je reviendrai peut-être avec les chevaliers subsoniques - aka le GUN - mais sinon le renard va retourner doucement au silence, donc j'en profite pour saluer Miko - et te remercier 'f course - râler que MeiRei n'avance pas, que Nightdreamers est dix fois trop fleuve pour m'y mettre, que Herschel se démotive un peu vite et m'excuser de ne pas m'être intégré à la communauté PSo, et pour avoir quitté celle de M-gen.
Bonne année à tous, et à vos plumes.