Au moment d'affronter Final_x, je ne savais pas du tout ce qui m'attendait. Finalement j'ai été agréablement surpris, avec même un instant de crainte quand a été annoncée l'égalité. Il faut croire que je n'étais pas encore assez bon, pas assez... peu importe, j'aurai eu un premier tour agréable et j'espère que ça aura aussi été le cas pour toi, Final_x.
J'en profite pour envoyer la conclusion de mon combat, plus long, moins travaillé, que traîne en longueur mais trois relectures ont dû rendre cette chose lisible.
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Vincere ero...
- Je suis Shiva, hurla-t-elle, et qui que tu sois, crève !
La jeune fille se jeta sur ce renard, ce pantin, cette ombre, ce moins que rien, et ses deux bras l’empoignèrent, en même temps que ce faisceau de rayons, comme des rets de ténèbres, les recouvraient entièrement. Elle hurla, la jeune fille, d’un hurlement enroué d’où s’échappait du sang. Déjà leurs deux corps mêlés frappaient le sol dans un nuage de poussière sombre et leurs regards se perdaient, ils ne se voyaient plus à si peu de distance. Il hurla aussi, le renard, parce que ses deux épaules étaient broyées, parce que ses os se fracturaient sous la pression des mains serrées.
Alors la face tourmentée de Shiva devint un masque macabre mêlé de haine et de douleur. Elle serra encore sa prise, arrachant un nouveau cri au renard, cri qui se répercuta dans toutes les ruines. Une lueur ardente suait de son bras métallique, qui arrachait ses forces à l’illusion, qui les dévoraient avec voracité, et plus la lueur se renforçait, plus le renard hurlait, plus des échos à son hurlement résonnaient autour de la petite fille. Elle se sentait revivre, pleine du pouvoir dont son corps se gorgeait, tandis que le râle de son ennemi devenait toujours plus faible. « Ne meurs pas » entendit Shiva, puis « s’il te plait ». L’enfant releva la tête de sa proie pour regarder autour d’elle.
Ils étaient des dizaines, tous des renards d’un noir charbon, tous avec des yeux jaunes dépourvus de reflets, certains perchés sur une colonne, d’autres assis ou cachés derrière une pierre. Le plus proche se recroquevillait en répétant « arrête, arrête », au milieu de toutes les autres voix qui s’entrecroisaient, reprises sans cesse par ces ombres de renard. Elle les vit disparaître, un à un, effacés par le souffle du vent, emportés comme des perles frêles qui se brisaient, avec leurs plaintes et leurs paroles, ne laissant qu’un long cri épuisé, plein de détresse. Il en restait plusieurs, qui se roulaient de douleur, enflammés par la lueur ardente et soudainement leurs contours se troublèrent avant de disparaître.
Entre ses poings serrés, Shiva ne tenait plus rien que la cendre du sol, sous la lueur crue de l’émeraude. Elle avait vaincu l’illusion en lui soutirant toute son énergie. Son regard alors était tombé sur le dernier renard, le vrai, qui s’était abrité du combat derrière un petit muret écroulé. Il serrait entre ses bras son corps couvert de poussière et de contusions, à bout de forces. La créature avait aussi souffert de la bataille et, au travers de ses illusions, il semblait que ses propres forces s’en étaient allées. « Mais alors pourquoi », se demanda Shiva, seulement elle ne pensa plus à sa question, parce que la douleur restait, elle, malgré la disparition de toutes les autres illusions : la douleur était réelle.
Elle rassembla toutes ses forces dans un cri, un cri assassin, avec ces forces qui s’évanouissaient rapidement au travers de sa gorge ensanglantée. La petite fille se leva, tremblante, des larmes plein les yeux, pour franchir au pas de course la courte distance qui les séparait. Cette fois, le renard esquiva, par un petit saut sur le côté. Shiva fondit sur lui, telle une araignée sur sa proie, pour lui asséner un coup de poing qui le toucha au ventre, l’abattant d’un coup par terre, essoufflé. Il n’était qu’une poupée fragile, comme ses illusions, semblables à elles, sauf que lui voulait vivre. Elle le regardait ramper, son pelage rougi là où elle l’avait touché.
L’enfant saisit de sa main droite le renard par la patte, pour le garder près d’elle, mais il se retourna et ses griffes marquèrent cette main de chair. Shiva n’entendit pas son cri de douleur, noyé au passage de sa gorge meurtrie. Elle se protégea d’une nouvelle attaque avec son bras, avant de riposter, mais son poing manqua de puissance. La petite fille avait désormais du mal à respirer et sa vue se troublait, se chargeait de ténèbres effilochées.
- C’est ta faute, cracha-t-elle, c’est tout de ta faute !
Shiva agrippa une dernière fois le renard, le plaquant à terre, prête à lui porter le coup de grâce avec ses dernières forces. Dans un mouvement de défense, celui-ci saisit le bras métallique qui lui serrait le cou. Elle trembla, sans encore savoir pourquoi, simplement par ce contact glacial. Il lui serrait le bras dans sa main juvénile, une main plus claire que le reste de son pelage, qui ne pouvait lui faire aucun mal. Elle l’entendit murmurer, la supplier, faiblement d’abord, plus fort ensuite, en fermant les yeux de douleur :
- Je ne veux pas mourir.
Un frisson les parcourut tous deux. Shiva voulut se dégager mais son propre corps se figeait de terreur. Il avait ouvert les yeux ; elle s’y noyait. Tout autour d’elle des voix éclatèrent, des milliers d’entre elles qui formaient un écho assourdissant. Une forêt d’yeux se forma, des légions de silhouettes, pas des renards, pas cette fois, mais des foules sans contours qui l’agressaient de leurs voix rapaces, qui l’accusaient. Terreur, parce que le Biolizard lui soufflait dans la nuque, si proche d’elle qu’il l’écrasait de son poids. Elle se retourna, il n’y avait rien, mais déjà les ruines lui semblaient lointaines : il n’en restait que l’émeraude étincelante de cruauté.
- Tu me déçois beaucoup.
Cette voix venait d’Eggman. Illusion ? Shiva le savait, et pourtant elle n’y croyait plus. « Papa ! » s’entendit-elle crier, mais le docteur partit d’un grand rire.
- Quelle perte de temps !
Elle se répétait qu’il s’agissait d’une illusion, et pourtant cette voix la traversait de part en part, plus réelle que son propre corps. « Papa », répéta-t-elle sans pouvoir rien ajouter, avec déjà cette perception d’une barrière d’ombre qui les séparait.
- Papa ? Il riait. Petite chose insignifiante ! Pour qui te prends-tu ?
- Papa, c’est moi, Shiva.
L’enfant avait dit cela comme une fille grondée. A cet instant apparut, derrière le gros ventre du docteur, une petite fille au bras gauche métallique, qui se moquait d’elle en la pointant du doigt.
- Tu as entendu, papa ? Elle t’appelle comme moi.
- Oui, Shiva, cette chose est cassée.
- Papa ! lança la fille désemparée.
- Cassée, cassée ! Cette chose est cassée !
La petite enfant, dans le dos d’Eggman, commença à danser, tourna autour de l’agonisante en la désignant du doigt, en répétant « cassée ! » Shiva se perdait dans l’illusion, le spectacle l’horrifiait, chaque cri de l’enfant lui serrait son cœur.
Elle chercha des yeux un endroit où fuir, un repère dans cette forêt de spectres ricanants. L’émeraude lui apparut, salutaire, avec sa lumière cruelle et meurtrière. « Cassée, cassée », répétait l’enfant tandis qu’elle se levait, titubant, pour marcher avec maladresse vers ce dernier espoir si lointain. « Cassé, cassé », faisait la voix dans sa tête alourdie par la douleur. Shiva se jeta sur les marches, incapable de rester debout, pour les gravir à quatre pattes. « Cassée ! » Elle gravissait avec peine le monument, les yeux levés vers cette pierre rouge sang qui lui promettait la vie. Shiva ne pensait plus à rien d’autre qu’échapper aux mots assassins de la petite fille qui lui tournait autour, au rire mortel de son père.
- S’il te plait, arrête.
Deux mains retinrent son bras, au milieu de l’escalier, et elle vit le renard tout proche d’elle, qui la regardait avec ses yeux sans reflets, des yeux de vieux verre sombre dépoli. Ils se retrouvèrent tous deux, à mi-chemin de la mort, lui blessé qui la retenait, elle qui voulait continuer en direction de l’émeraude.
- Reste avec moi, disait le renard, s’il te plait, reste avec moi.
Elle le repoussa brusquement, le faisant tomber de plusieurs marches avec violence. Puis elle reprit sa lente progression, mais les rires revenaient, plus terribles encore, et la petite fille l’attendait assise un peu plus haut, en la désignant du doigt, en se moquant d’elle. Shiva hurla, se sentit tomber, se ressaisit. Elle parvint jusqu’à l’émeraude, à moins d’un mètre, quelques centimètres, à un doigt de la toucher. Elle la toucha, déjà l’énergie affluait dans son corps, des flots intenses, dévorants, qui réveillaient tous ses sens. « Cassée ! Cassée ! Crève, crève ! » Les voix devinrent des rugissements, les rugissements des coups donnés à son cœur et son corps meurtri par l’énergie. L’énergie de l’émeraude, en la nourrissant, nourrit ses cauchemars.
Hautmont entendit un dernier hurlement, comme une toile qu'on déchirerait, puis l'émeraude cessa de briller. Il regarda le docteur et sa fille quitter le monument, rapidement, pour disparaître. Dans son dos un renard lui dit : « Il faut partir. » Hautmont se mit en route, poursuivi par la poussière, par le brouillard, par ses cauchemars.